TOME 1 - Un bout de chemin ensemble

Chapitre 7

8130 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/08/2020 22:10

Dans cette fanfiction, j’ai fait Arya un peu plus sensible. Je pense pouvoir me le permettre, grâce à Emerys et à son soutien.

Chapitre 7

«Clegane ! C’est un traquenard !»

Le temps semblait ralentir durant un court instant.

Des soldats Frey avaient commencé à inspecter la cargaison sans que le Chien ne s’en aperçoive alors que ce dernier était occupé à négocier son entrée avec le garde pénible. Il n’y avait pas plus grande tension dans l’air. Mais ce qui avait incité Emerys à hurler et à sortir de sa cachette fût la fuite imprévue d’Arya dans la foule de plus en plus dense autour de ladite charrette. Son cri à glacer le sang résonnait encore à l’intérieur de son torse blindé …

Sortant enfin de sa stupeur, Sandor se rappela que la femme était toute seule à l’arrière, et que les gardes qui avaient préalablement fouillés étaient encore sous le choc d’avoir trouvé quelqu’un là-dessous. Il fallait réagir vite, où sinon ils étaient tous foutus. Alors avant qu’ils ne reprennent totalement leurs esprits, le Limier bondit de son siège, dégaina sa longue épée cachée sous sa cape et les attaquèrent les uns après les autres. D’un cri de rage propre au mercenaire furieux, la lame tranchante sectionna la torche que détenait le garde avant qu’elle n’aille se loger dans sa tête pour la couper en deux. Du sang chaud gicla sur les visages des soldats qui s’agglutinaient autour de la charrette dans la ferme intention d’en venir à bout du Chien.

Emerys ne perdit pas une seule seconde de plus à sortir de la charrette pour courir dans la direction où Arya avait disparue derrière des tentes. Mais la jeune fille imprévisible n’était nulle part en vue … Il y avait beaucoup trop de monde qui circulait, de plus que la nuit sombre n’aidait en rien ses recherches acharnées dans cette panique monumentale. Suivant les cris dans la cour principale du château, elle fût confrontée à un spectacle particulièrement macabre où les soldats de la maison Frey massacraient les Stark d’une rare violence. Le sang frais recouvrait bientôt entièrement le sol des Jumeaux alors qu’ils se faisaient tous égorger, découper, décapiter …

Ils se faisaient tous décimer, un à un, sans la moindre pitié.

Sa main tremblante recouvrit sa bouche ouverte d’effroi, tétanisée par la peur. Comment était-ce possible ? Tout cela n’était qu’un horrible cauchemar, un malentendu ! Rien n’avait de sens, c’était incompréhensible. Emerys se baissa de justesse lorsqu’une hache passa un peu trop près de sa tête et manqua de peu de lui trancher la nuque. Revenant de son choc, elle se plaqua rapidement contre des tonneaux de vin tandis que plus de soldats gloussant comme des bêtes coururent en direction d’un enclos fermé où un loup géant grattait furieusement le dessous de la porte pour sortir de sa prison.

Où était Arya ?! Emerys cherchait tous signes de la petite fille insensée et faillit laisser sortir un cri de soulagement quand elle posa enfin les yeux sur cette dernière. La louve était à l’autre bout de la cour, cachée derrière une table renversée lui servant de protection aux projectiles mortels. Son sourire trahissait sa terreur alors qu’elle se redressait lentement contre les tonneaux pour tendre une main vers elle, l’espoir de la sortir de cet enfer bientôt anéanti par les cris du loup géant plus loin. Les soldats avaient tiré des flèches d’arbalète dans l’animal pour l’abattre froidement, le laissant à une lente agonie dans son enclos sous les yeux dévastés d’Arya Stark.

Le noble loup géant, le symbole de sa maison …

Des larmes montèrent aux yeux d’Emerys qui était dans l’incapacité de les retenir plus longtemps. Malgré la distance, elle pouvait tout de même voir celles de la petite louve à la lumière des torches ruisseler sur ses joues pendant qu’elle se laissait lourdement tomber sur ses genoux dans la crasse, abandonnant un petit cri de douleur en voyant les yeux dorés ternis de l’animal à la fissure de la porte. Mais aux bruits de pas, elle se ressaisit. Elle se dépêcha de se cacher derrière des cagettes lorsque les soldats assassins du loup de son frère passèrent devant elle pour rejoindre le campement en feu, se louant pour le bon travail accompli.

«Arya !» S’étrangla Emerys en travers ses larmes, cependant la jeune fille était déjà reparti à la recherche de sa famille.

Soudainement, une main ferme agrippa son bras puis la balança contre quelque chose de très dur et gluant. Un plastron recouvert de sang. L’homme qui l’avait violemment happé portait fièrement le sceau de la maison Frey, tandis que l’autre venait de la maison des Bolton. D’autres lâches ... La terreur que ressentait Emerys se transforma alors en une rage aveuglante aux rires des soldats qui se moquaient d’elle. Ne pouvant plus contenir sa haine plus longtemps, elle se mit à hurler encore et encore tout en frappant furieusement le plastron du soldat portant l’insigne des Bolton avec ses poings. Courage ou désespoir, à ce stade-là elle ne le savait plus.

«Mutinerie ! Mutinerie !» S’égosilla-t-elle, la vision brouillée par les larmes. Frapper aussi férocement du métal ouvrait la peau de ses mains pourtant elle s’en fichait, elle voulait leur faire payer pour leurs actes monstrueux.

«Tais-toi, petite salope ! Regarde tes précieux Maîtres mourir !» Ricana le second d’une voix grave en voulant attraper la femme hystérique après avoir jeté son poing à sa joue pour la faire taire.

Quelque peu sonnée par le coup, Emerys n’était toutefois pas enclin à se laisser faire aussi facilement. Dès qu’il s’approcha d’elle pour l’immobiliser contre lui, elle sorti de son emprise, attrapa une épée qu’elle avait repérée au sol puis la planta d’un hurlement inhumain dans le ventre non protéger de ce dernier démuni. Son air lui fût brutalement coupé alors qu’il tombait à genoux, du sang s’écoulant en abondance hors de ses lèvres et le long de son menton jusque sur le sol. Croassant, ses yeux étaient élargis d’horreur pendant que la vie s’éteignait dans son regard glacial, sortant ainsi l’autre soldat de son hilarité quand il comprit enfin ce qui venait de se produire.

«Je vais te tuer !» Rugit-il en brandissant son épée au-dessus de sa tête.

Dans un réflexe purement instinctif, Emerys leva son bras pour protéger son visage, mais le coup ne vint jamais car l’homme menaçant venait d’être transpercé par derrière à l’aide d’une autre épée. Le bout de la lame ressortait à sa poitrine, de grandes quantités de sang se déversant de l’affreuse blessure infligée par un Stark qui par chance, passait par là. Il tomba presque sur elle, néanmoins elle sorti rapidement de sa trajectoire pour le laisser croupir dans son propre sang à côté de l’autre soldat mort. Le Stark couvert de la tête aux pieds de fluide cramoisie donna un bref signe de tête à la jeune femme essoufflée avant de courir dans la direction opposée pour combattre l’ennemi.

Après avoir jeté son épée ensanglantée près des deux cadavres gisant, Emerys prit immédiatement ses jambes à son cou pour essayer de trouver une sortie parmi les multiples corps jonchant le sol. Arya était sa seule préoccupation pour l’instant. Elle devait absolument la trouver avant qu’elle ne se fasse tuer à son tour ! C’était son devoir, son seul réconfort dans toute cette abomination. Si c’était la toute dernière chose qu’elle pouvait faire de bien avant de mourir alors elle le fera avec toute sa force et sa volonté.

Elle réussit à passer discrètement entre les gardes qui étaient occupés à repousser des soldats Stark puis s’accroupit à côté d’un mur où elle avait un bon aperçût du campement, mais également de l’entrée du château assaillit de toute part. Entre les bruits d’étouffements, les cris et les tintements des armes blanches, elle avait beaucoup de mal à se concentrer. Le rythme effréné des battements de son cœur résonnait douloureusement dans ses oreilles. La respiration erratique, ses doigts s’accrochèrent aux crevasses du mur tandis que le sang qui ne lui appartenait pas collait à sa peau après s’être imprégné dans ses vêtements.

Des hommes blessés criaient à l’agonie sur le sol boueux, d’autres se vidaient silencieusement de leur sang en attendant la mort. Un chaos sonore et visuel des plus lugubres. Il y avait tellement de mouvements autour d’elle qu’Emerys ne savait même plus où regarder … Jusqu’à ce qu’elle ne trouve enfin ce qu’elle recherchait activement dans la foule de soldats se battant pour leur maison. Là, allongée sur le sol face contre terre, Arya gisait inconsciente aux pieds du Limier toujours encapuchonné qui avait réussi à la retrouver dans cette émeute. Le soulagement la submergea, forçant un sourire vacillant sur ses lèvres pendant qu’elle regardait Sandor récupérer l’enfant dans ses bras et l’emmener avec lui vers le cheval blanc de la charrette.

Emerys ferma les yeux puis laissa sortir un long souffle par le nez, enfin rassurée pour le sort de la plus jeune Stark témoin malgré elle d’une rébellion sans merci. Tout doucement, elle se laissa glisser le long du mur humide jusqu’à ce qu’elle ne touche le sol, son expression figée dans la désolation. De chaudes larmes coulaient sur ses joues sales, toutefois elle ne prit pas la peine de les essuyer car il ne s’agissait plus qu’une question de temps avant sa mort brutale.

Arya était sauvée et elle sera en sécurité avec Sandor Clegane.

Elle les avaient vus partir par la porte principale après avoir évités une autre vague de soldats trop occupés à débarrasser leur territoire de leurs ennemis les Stark. Grâce à cela, elle était dorénavant persuadée qu’ils arriveraient à fuir loin de ce cauchemar atroce avant même que quelqu’un ne remarque leur présence. A cette simple pensée, une chaleur réconfortante enveloppa son cœur malmené par l’angoisse et la terreur. Tout devenait brumeux autour d’elle. Le feu, les hurlements, tous ces corps mutilés … Les soldats Frey venaient de prendre la tête du loup géant pour la coudre à la place de la tête de Robb Stark. Enfin du moins, elle imaginait que c’était lui.

Sanglotant silencieusement contre le mur à l’abri des regards, l’une de ses larmes salées roula sur sa joue blessée, là où le soldat Bolton l’avait frappée tout à l’heure avec son poing. C’était douloureux, certes, mais rien comparé à ce qu’elle ressentait au fond d’elle. Face à toute cette anarchie, toute cette traîtrise et cette corruption ... Plaçant ses deux mains contre ses oreilles pour faire taire les bruits devenus insupportables, Emerys ferma hermétiquement les yeux puis laissa sortir un terrible cri étranglé. Elle se souvint alors de quelques paroles de Lord Varys lorsqu’elle était encore auprès de lui en tant que petit oiseau chanteur.

«Ne vous laissez pas faire, car le monde, lui, ne se laissera jamais apprivoiser. Les hommes ne savent pas de quoi vous êtes capable et la force intérieure que vous possédez ne demande qu’à être libérée. Ne vous cachez plus.»

«Il sera bientôt l’heure pour vous de sortir définitivement de l’ombre. Un jour viendra, Emerys, un jour, vous n’aurez plus peur. Faites-moi confiance mon enfant.»

Le monde tout entier tournait au ralenti autour d’elle.

Elle rouvrit lentement les yeux pour regarder les hommes couverts de sang se hâter dans des directions différentes, arme à la main. La plupart criait des choses qu’elle n’entendait même plus, ou ne comprenait plus. Elle se concentrait uniquement sur le rythme de sa respiration profonde ainsi que les battements ralentis de son cœur au fond de sa poitrine compressée par un étrange sentiment avoisinant la béatitude. Elle devait se contrôler, il le fallait … La colère ne devait pas faire partie de ses émotions, même s’il était devenu très difficile d’éloigner cette rage incontrôlable après tant d’injustice, laissant une chaleur ardente sur sa peau humide de sueur et de sang.

Les hommes dans la cour soulevèrent le corps de Robb avec la tête de loup en guise de tête sur une espèce de Trône en bois qu’ils avaient rapidement construit pour d’avantage d’humiliation. «Le Roi du Nord est tombé !» Criaient-ils tous en chœur, applaudissant et brandissant fièrement leurs épées au-dessus de leurs têtes. Vaincue, la tête d’Emerys tomba sur le côté tandis qu’elle s’affalait de tout son poids contre le mur derrière elle, le regard vide perdu sur toute cette agitation malsaine. Ses muscles se relâchaient un à un, une douleur sourde à la joue et aux côtes. Un goût cuivré résidait sur sa langue, se glissait dans sa gorge serrée. Puis le bourdonnement continuel dans ses oreilles s’estompa tout à coup.

«Hé, hé ! Faut pas rester là ! Allez, debout !»

Quelqu’un posa une main sur son épaule et la secoua vigoureusement pour la sortir de son état léthargique. Déboussolée par cette secousse soudaine, Emerys leva les yeux de perplexité pour voir qu’il s’agissait de Sandor Clegane, la fille Stark assommée en bandoulière sur son épaule. Il était légèrement courbé vers elle et portait une expression des plus meurtrières avec un soupçon d’inquiétude sur ses traits ordinairement renfrognés. Il lui donna une autre violente secousse pour qu’elle revienne enfin à la réalité, son autre main tenant les jambes d’Arya afin qu’elle ne bascule pas.

«Que faites-vous encore là … Vous devriez déjà être parti loin d’ici. Emmenez-là, partez, ou vous mourrez.» Murmura Emerys en posant sa tête en arrière contre le mur de pierre, une grimace douloureuse aux lèvres.

«C’est pas le moment, femme ! Faut qu’on se tire d’ici et en vitesse.» S’exclama-t-il en retour en la tirant rapidement contre lui. Usant de sa force, il la mit à ses pieds tout en gardant une prise ferme sur son épaule pour la stabiliser le temps qu’il balaye du regard un moyen de s’éclipser en douce de ce soulèvement.

«Par-là !» Dicta le Limier en entraînant Emerys avec lui dans un petit passage sur le côté droit des grandes portes.

Mais une épée sortie de nulle part faillit lui taillader la joue s’il n’avait pas reculé le haut de son corps à temps pour éviter cette attaque surprise. D’un grognement contrarié, il lâcha la jeune femme apathique pour la pousser derrière lui et ainsi récupérer son poignard à sa ceinture qu’il logea directement dans l’œil du soldat pas assez réactif pour contre-attaquer. Son hurlement d’agonie résonna dans ses oreilles alors qu’il retira brutalement la lame de son orbite pour le laisser tomber à genoux dans la poussière, les deux mains tenant son visage désormais ensanglanté.

Sandor récupéra ensuite l’épée de l’homme abandonnée au sol pour le trancher en deux de la clavicule jusqu’aux côtes droites, achevant ce dernier dans une douleur inimaginable. Il sentit Emerys se raidir dans son dos, hors il n’avait pas le temps de regarder ce qui l’avait mise dans cet état parce qu’il était trop occupé à trouver une monture pour fuir le plus vite possible avant de devoir se battre à nouveau avec un soldat Frey ou Bolton. Il n’était pas à l’abri de recevoir une blessure mortelle dans toute cette fichue mascarade …

Attrapant les rênes d’un cheval paniqué après avoir perdu son cavalier sans doute décédé, le Chien se hissa sur le dos de l’animal puis installa aussitôt Arya devant lui tout en gardant un bras protecteur autour d’elle. Car elle était toujours étourdie par son coup de poing, cependant pleinement consciente. Il prit la main d’Emerys dans la sienne pour l’aider à grimper derrière lui sur la croupe du cheval brun nerveux qu’il tenta d’apaiser avec des chuchotements doux. Mais ses réactions étant amoindries à cause du choc, la jeune femme avait du mal à rester lucide toutefois elle s’agrippa à Sandor comme si sa vie en dépendait.

Ce qui était le cas.

«Roi du Nord !»

Pendant un court instant, le regard du Limier tomba sur le Roi du Nord décapité au milieu des soldats de Walder Frey qui célébraient sa cuisante défaite avec une immense joie. Ce spectacle morbide était affreux et épouvantable, même pour quelqu’un comme Sandor Clegane qui pensait véritablement avoir tout vu de ce monde de barbare. Ce qui était d’abord un mariage était devenu une hécatombe. Il remarqua avec malheur qu’Arya regardait elle aussi la scène écœurante, ne retenant pas les larmes de couler de ses yeux gris affligés après avoir perdu sa mère et son frère aîné aussi violemment. Cette dernière hoqueta, affalée contre le torse du Chien, ne pouvant décrocher son regard de ce qu’était autrefois son frère aimant.

Le masque de marbre du Limier céda pour laisser émerger de la peine sur son visage, chose très rare après s’être endurci pendant des années. Soigneusement, il encercla son bras gauche autour du corps frissonnant de la petite Stark en deuil, la berçant dans sa poitrine pour une infime source de réconfort durant cette épreuve traumatisante. Il avait mal au cœur pour elle. A l’aide de son autre main, il récupéra une bannière Frey plantée dans le corps d’un homme mort pour tenter de passer inaperçu dans la foule de plus en plus grande et acclamant leur victoire.

Emerys glissa instinctivement ses bras autour de la taille du mercenaire pour ne pas tomber alors qu’il lançait l’animal au galop le plus loin possible de cet enfer. Elle posa sa joue contre son dos puis ferma les yeux, les terribles images de cette mutinerie à jamais gravées dans son esprit. Un jour, ils le regretteront tous amèrement, elle s’en faisait le serment. Et une fois à l’extérieur des remparts des Jumeaux, le Chien récupéra son cheval Stranger qu’il avait caché en attendant son retour. Il offrit la jument brune à Emerys pour qu’elle puisse s’enfuir avec lui sur son propre cheval, le cheval blanc ayant sans doute péri dans la bataille.

Ils galopèrent ainsi un long moment dans la forêt et les prairies du Conflans, en fuite, la nuit sombre laissant peu à peu place aux accueillantes lueurs du jour. La jeune femme qui suivait de près Arya et Sandor faisait de son mieux pour ne pas tomber de sommeil en gardant une prise désespérée sur la crinière de sa jument. Sauf que l’animal en question était malheureusement blessé à la cuisse droite et boitait de plus en plus au fil des kilomètres qui défilaient à cette vitesse. Mais le moment était très mal choisi pour s’arrêter.

Sandor voulait s’éloigner loin de l’endroit maudit par crainte que les soldats, au petit jour, ne patrouillent dans les forêts voisines à la recherche des déserteurs de la maison Stark. C’était prendre trop de risques s’ils s’arrêtaient maintenant, à seulement quelques lieux des Jumeaux …

Il fallait donc tenir le plus longtemps possible.

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Une douleur sourde à l’arrière de sa tête la réveilla.

Doucement, ses yeux gris rougis par les larmes s’ouvrirent pour se fixer sur les arbres au-dessus d’elle. Les feuilles vertes frémissaient au vent, libérant avec lui quelques petites gouttes de pluie fine sur le décor verdoyant qui l’entourait. L’une d’elle tomba sur sa joue puis glissa tout le long de sa peau jusqu’à disparaître derrière son oreille, laissant une froideur humide sur son passage. Sa vision était floue, ses oreilles sifflaient inconfortablement. Son corps refusait de bouger mais elle n’en avait aucunement envie alors que les souvenirs de cet horrible drame envahissaient peu à peu sa tête, flashaient devant ses yeux.

Son cœur était inconsolable. La douleur était similaire à celle qu’elle avait ressentie lorsqu’Ilyn Payne avait coupé la tête de son père sur la place public de Port-Réal. Ça faisait mal, si mal … Elle avait eu espoir que ce n’était qu’un affreux cauchemar, mais la blessure à l’arrière de sa tête était bien réelle tout comme ses souvenirs encore trop frais dans son esprit pour être oubliés de sitôt. Arya gémit doucement puis se mordit la langue jusqu’à recueillir une goutte de sang, voulant empêcher les nouvelles larmes de tomber. Oui, elle se devait d’être forte en toutes circonstances.

Sa mère et son frère … Froidement assassinés.

Le goût cuivré en bouche, la fille en émoi referma les yeux pour se concentrer sur les bruits environnants ainsi que les battements irréguliers de son cœur. Elle pouvait entendre des oiseaux chanteurs et des craquements de branches dans les profondeurs de la forêt. Sa tête nageait dans le néant, elle avait l’impression d’avoir le poids d’un cheval sur sa poitrine, que ses membres ne faisaient qu’un avec la terre sous son corps. Elle était remplie de haine et de tristesse. Un petit bruit étranglé s’échappa de sa bouche tandis qu’elle leva lentement sa main gauche pour regarder ses doigts engourdis par le froid, les contractants devant son visage avant de reposer son bras de retour sur le sol herbeux.

Malgré tous ses efforts, toute sa volonté d’être aguerrie durant cette épreuve, l’humidité finit par revenir à ses yeux. Le menton tremblant par cette ascension émotionnelle incontrôlable, Arya observa comme la petite pluie descendait parmi les arbres feuillus au-dessus d’elle. Elle aimait le bruit de la pluie qui tombe sur les surfaces dures car c’était un son consolant, en quelque sorte. Au pied de l’arbre où elle avait été déposée, l’eau ne la touchait presque pas. La plupart de son corps était à l’abri de la pluie grâce aux feuilles du chêne qui dégageait une odeur de mousse fraîche et terreuse. Elle inspira bruyamment.

«Arya.» Une douce voix appela sur sa gauche, entraînant un pincement douloureux à son cœur.

Prenant une profonde inspiration d’air qu’elle retint dans ses poumons, Arya tourna la tête vers le son de la voix pour ensuite poser les yeux sur Emerys assise sur un rocher et emmitouflée dans son vieux manteau à capuche. Elle avait quelques égratignures, notamment sur sa joue gauche où une marque sombre apparaissait. Son regard était épuisé, de grands cercles noirs se dessinaient sous ses yeux mais mise à part ces petits détails, elle avait l’air bien dans l’ensemble.

S’en était trop pour elle. D’un petit reniflement malheureux, les larmes de la louve finirent par déborder de ses yeux vitreux, un sanglot qu’elle ne pouvait plus retenir indéfiniment. C’était une petite consolation de voir qu’Emerys avait réussi à s’en sortir de ce massacre et qu’aujourd’hui elle se tenait à côté d’elle ... Bien vivante. Arya se leva calmement puis déambula jusqu’à elle pour s’effondrer dans ses bras grands ouverts, plongeant ainsi dans leur chaleur et leur réconfort naturel. Elle avait tant besoin de cela … Car après tout, elle n’était qu’une enfant dans un monde exclusivement réservé aux adultes. Une gamine sans famille et sans identité.

«Ils sont tous morts …» Se lamenta-t-elle entre deux hoquets, le visage pressé dans la cape brune d’Emerys. La femme émue jusqu’aux larmes plaça sa main à l’arrière de la tête d’Arya puis déposa son menton dans ses cheveux noirs humides en bataille.

«Non, tu te trompes. Tu as encore ta sœur et deux jeunes frères qui t’attendent. Tu n’es pas seule, mon enfant. Tu ne seras jamais seule, je te le promets.» Chuchota-t-elle avec assurance. Elle resserra affectueusement ses bras autour de la louve tout en écoutant les sanglots déchirant de cette dernière endeuillée.

Arya agrippa plus fermement le manteau dans ses mains, jusqu’à ce que ses jointures ne deviennent blanches de fureur. Tous ces monstres … Ils méritaient tous de souffrir et de mourir dans d’atroces souffrances pour avoir décimer une partie de sa famille ! Sauvagement, lâchement … Elle avait été si proche du but, si près de rejoindre les seules personnes qui comptaient vraiment pour elle, mais elle était arrivée trop tard pour les sauver. Cependant Emerys avait raison sur une chose. Il lui restait encore ses frères et sa sœur ainsi que Jon Snow, donc elle n’était pas encore complètement seule dans ce monde rempli de pourriture.

Emerys déglutit doucement tout en écoutant le chant des oiseaux qui résonnait dans la forêt dense et qui accompagnaient le bruit apaisant de la pluie qui tombe. Des geais des chênes. Elle se balança tranquillement d’avant en arrière avec Arya maintenue contre elle à l’abri dans ses bras pour lui apporter tout le soutien nécessaire dont elle avait besoin pour traverser cette misère émotionnelle. Un enfant ne devrait jamais vivre une expérience dévastatrice comme celle-ci. Désolée, une idée lui vint soudainement à l’esprit tandis que ses yeux noirs fatigués parcouraient pensivement la magnifique nature. Alors tout en poursuivant ses balancements réconfortants, elle avala sa salive puis ouvrit la bouche pour commencer un ancien chant sur l’espoir.

*Veux-tu, veux-tu,

Au grand arbre me trouver,

Là où ils ont lynché leur fameux meurtrier.

Des choses étranges s'y sont vues, moi j'aurais aimé,

À minuit te voir à l'arbre du pendu.

Veux-tu, veux-tu,

Au grand arbre me trouver,

Là où le mort a hurlé à sa belle de filer.

Des choses étranges s'y sont vues, moi j'aurais aimé,

À minuit te voir à l'arbre du pendu.

Arya écoutait attentivement les belles paroles de la chanson d’Emerys. Ses pleurs finirent par s’arrêter pour n’être plus que des reniflements au fur et à mesure que la voix de la jeune femme s’élevait avec ce chant très particulier.

Veux-tu, veux-tu,

Au grand arbre me trouver,

Pour qu'on puisse partir libre comme je te l'ai demandé.

Des choses étranges s'y sont vues, moi j'aurais aimé,

À minuit te voir à l'arbre du pendu.

Veux-tu, veux-tu,

Au grand arbre me trouver,

Le collier de l'espoir tu portes à mes côtés.

Des choses étranges s'y sont vues, moi j'aurais aimé,

À minuit te voir à l'arbre du pendu.

Le Limier patrouillait dans le secteur lorsqu’il entendit la douce mélodie de la voix féminine s’élever au travers des arbres. Il s’arrêta de marcher un instant pour tendre l’oreille à cette chanson étrange qu’il n’avait jamais entendu de sa vie. Elle était surprenante, mais reposante. La voix d’Emerys était belle et se mélangeait avec la brise du vent qui soufflait sur les feuilles mortes à ses pieds, celui qui secouait les arbres au-dessus de sa tête. A la fin du chant, il reprit sa patrouille pour s’assurer qu’ils n’étaient pas suivit par l’un des soldats Bolton ou Frey, l’épée à la main juste au cas où il se retrouverait confronter à l’un d’eux.

Il revint au bout d’une demi-heure environ, mais fût quelque peu surpris d’y trouver les deux filles enchevêtrées dans les bras de l’autre sur l’herbe. Aucune ne parlait, elles profitaient juste de cette étreinte affectueuse indispensable après avoir vécu l’horreur hier soir. Le visage d’Arya était caché dans l’épaule d’Emerys néanmoins il pouvait entendre ses reniflements malheureux. La femme en question leva les yeux à son arrivée, son expression mélancolique lui donnant un petit pincement indescriptible au cœur. Il ne commenta pas.

«Nous devons partir, ce n’est pas très sûr dans les parages.» Dit-il en essayant de garder le timbre de sa voix modéré.

Emerys acquiesça d’un bref signe de tête puis se releva avec Arya toujours dans ses bras, refusant de la lâcher tant qu’elle n’en prenne pas la décision par elle-même. Finalement après quelques petits reniflements, la louve s’éloigna d’elle en gardant la tête baissée au sol avec les poings serrés à ses côtés, ses cheveux noirs couvrant une grande partie de son visage. Sans un mot, elle s’approcha du Limier pour qu’il puisse la prendre et la mettre sur Stranger à califourchon entre l’encolure et la selle. Pendant qu’Emerys grimpait sur sa jument brune déjà seller. La jeune femme était d’ailleurs agréablement surprise que le Chien ne soit cette fois-ci pas brutal dans ses gestes avec l’enfant dépitée.

Car il compatissait pour son sort.

Le trio reprit la route dans la forêt brumeuse tout en priant pour ne pas faire de mauvaises rencontres sur le chemin jusqu’à un endroit un peu plus sûr pour eux. Où, était la question dorénavant ... Sandor récupéra sa gourde d’eau autour de sa ceinture puis déboucha le capuchon avec ses dents avant de la tendre à Arya. Mais celle-ci détourna brusquement la tête dans le sens inverse, refusant de boire ne serait-ce qu’une petite gorgée. Le Limier n’insista pas, toutefois, il la regarda quelques instants pour voir si son état permettait ce refus. Ses lèvres étaient légèrement gercées mais à priori, elle n’était pas encore déshydratée. Alors il rangea la précieuse gourde en attendant leur prochain campement.

A l’arrière, Emerys s’interrogeait ce qui allait advenir d’elle et d’Arya dans le futur. Elle commençait réellement à se soucier de cette petite fille qui se retrouvera bientôt sans aucune famille si le destin continuait à s’acharner ainsi sur les Stark. La solitude était la pire des punitions, surtout pour une enfant de son âge qui pourrait avoir des répercussions dramatiques sur son mental avec le temps. D’un sourire peiné, elle leva ensuite les yeux vers Sandor Clegane. Elle l’avait peut-être un peu trop sous-estimé tout compte fait. Lui qui se vantait de ne pas avoir de cœur, sans état d’âme, l’avait tout de même sorti de ce cauchemar alors qu’il aurait très bien pu la laisser mourir aux Jumeaux et sauver sa propre peau.

Mais il ne l’avait pas fait pour une raison qui lui échappait.

Et maintenant ? Qu’était-elle à ses yeux alors qu’elle n’avait plus aucune valeur en tant que monnaie d’échange ? Qui voudrait d’elle ? Emerys renifla tristement, la tête pendant mollement avec les mouvements répétitifs de son cheval tandis qu’elle luttait contre l’épuisement. La brume s’épaississait de plus en plus autour d’eux et les empêchaient de voir correctement le chemin de terre qui s’étendait dans la forêt. La pluie ayant cessé de tomber, il faisait désormais très froid. Il n’y avait plus de vent ni de bruit, juste la brume blanchâtre ainsi que cette atmosphère sinistre stagnant dans l’air glacial. Les Dieux pleuraient, Emerys en était certaine.

Puis ils entendirent des rires. Des rires qui résonnaient au loin entre les arbres, des gloussements et des imitations grotesques d’animaux. A environ une dizaine de mètres de leur position se trouvaient quatre soldats de la maison Frey qui prenaient une pause après avoir ratissé de fond en comble la forêt à la recherche de déserteurs Stark. L’un d’eux, debout face aux autres, faisait semblant d’être égorgé en mettant ses deux mains à son cou pour imiter les bruitages écœurant liés à cette blessure mortelle. La langue pendante et riant comme un imbécile, il expliqua que c’était de cette façon tragique que Catelyn Stark avait succombé à la mort.

La mâchoire d’Emerys se serra violemment. Cet irrespect la mettait hors d’elle ! Tout en plissant méchamment les yeux aux hommes assis en rond sur des troncs, elle suivit Sandor qui ne réagissait pas aux soldats et à leurs imitations dérisoires. Pourtant, elle pouvait voir qu’il était devenu tendu sur Stranger, gardant sa capuche sur sa tête pour ne pas être reconnu par ces derniers. Emerys en fit de même alors qu’ils avançaient dans le silence en espérant pouvoir passer inaperçu devant ces hommes apparemment encore trop ivres de la fête mouvementée d’hier soir pour s’intéresser aux inconnus.

«Les Stark, ils ne causaient plus tellement à la fin de ce repas. Je vais vous dire, les gars, le plus dur ça a été de faire tenir la tête du loup sur le cadavre.» Expliqua l’un d’eux en mimant ses paroles avec ses mains.

A cette déclaration immonde, Arya descendit sans prévenir du cheval au plus grand damne de Sandor qui grommela dans sa barbe tout en arrêtant brusquement l’animal. Derrière lui, Emerys tira sur les rênes puis suivit du regard la louve déterminée se diriger vers les soldats Frey n’ayant toujours pas fait attention à leur présence. La peur s’attaqua à son cœur pendant que l’enfant se rapprochait de plus en plus d’eux, les mains en poings à ses côtés et une lueur des plus effrayantes sur son visage pâle.

«Elle était cousue. La tête était tellement lourde que la première fois, elle est tombée. La peau est partie avec !» Poursuivit l’homme sans se rendre compte que ses camarades avaient été alertés par l’approche de la gamine. Finalement, incrédule, il s’arrêta dans son récit pour se tourner vers l’étrangère derrière lui.

«Qu’est-ce que tu veux ?» Lui réclama-t-il d’une pointe d’agacement.

«Me réchauffer un peu ?» Arya leva un sourcil d’un sourire timide, indiquant le feu avec son menton.

«Va te faire foutre !» Cracha un soldat en prenant une grande gorgée de son rhum, ce qui provoqua un rire chez ses compères à la mine tombante de l’enfant. Cependant, ils s’arrêtèrent inopinément lorsqu’ils virent une silhouette féminine encapuchonnée se rapprocher.

«Vient donc manger un morceau, ma jolie ! Il y a assez de place pour un peu de compagnie.» S’enchanta un autre d’un sifflement séducteur à l’apparence ravissante de l’inconnue. Mais son sourire enjôleur disparu subitement de ses lèvres quand elle retira sa capuche de ses longs cheveux argents inhabituels, ce qui arracha un soupir hébété des hommes.

«Putain les mecs, c’est quoi ça.» Souffla celui devant Arya avec de grands yeux, mais son attention fût reportée sur la gamine lorsqu’elle sortit une grosse pièce de sa ceinture.

«J’ai de l’argent.» Dévoila-t-elle doucement en esquissant un petit sourire.

Du coin de l’œil, elle vit Emerys s’approcher du Limier qui était lui aussi descendu de son cheval pour la rejoindre. Sans doute dans l’intention de lui faire regretter de lui avoir désobéit, encore une fois ... Alors, au moment où le soldat Frey tendit les doigts pour lui prendre la grande pièce en argent de ses doigts, elle la fit tomber à ses pieds puis souffla ensuite une rapide excuse pour sa maladresse. L’homme rouspéta sous son souffle comme quoi ce n’était rien d’autre qu’une petite merdeuse tout en se penchant vers le sol pour s’emparer de la pièce à la valeur inestimable. Une grossière erreur.

«Valar Morghulis.»

Le poignard qu’Arya avait dérobé au Limier se planta violemment dans la nuque de ce dernier, à plusieurs reprises, jusqu’à ce qu’il ne s’écroule sous son poids. A chaque nouveau coup, elle laissa sortir un cri de rage à cette immense satisfaction de voir l’un des assassins de sa mère et de son frère agonir par sa main, le sang chaud collant bientôt à ses doigts. Quelques petites gouttes giclèrent sur son visage blanc tandis que les autres soldats s’écrièrent d’indignation à ce revirement de situation improbable. Mais malheureusement ils n’eurent pas le temps de réagir car l’instant d’après, le mercenaire à la brûlure effrayante s’occupa de chacun d’eux.

Le Chien en colère jeta violemment son poing dans la mâchoire de l’homme le plus proche de lui, serrant les dents au bruit du craquement de l’os se fissurant au contact de son gant. Il attrapa la hache d’un autre puis la planta dans son dos avant de la retirer brusquement pour frapper le second qui voulait l’atteindre avec son arme. Tout cela se réalisait sous le regard impuissant d’Arya toujours accroupit à côté de son meurtre spontané. Elle sursauta quand elle sentit deux mains se poser sur ses épaules, mais avant qu’elle n’use de son poignard pour se défendre, elle jeta un rapide coup d’œil par-dessus son épaule pour voir qu’il ne s’agissait que d’Emerys.

La jeune femme portait une expression remplie de terreur, une terreur qui était directement dirigée sur elle et non pas sur le Limier se battant férocement. Dubitative par ce constat, Arya se retourna vers le combat qui se déroulait entre le mercenaire sanguinaire et le dernier homme qu’il acheva d’un coup d’épée dans sa tête. Le silence envahi bientôt la forêt. Emerys relâcha la louve pour lui permettre de se relever du sol et de se tenir devant le cadavre de celui qu’elle avait tué de sang-froid, le poignard sanglant luisant dans sa main tremblante.

Elle avait réagi sous le coup de la colère … Elle ne savait même pas ce qu’elle faisait, ni à quoi elle pensait en réalité. Mais cette sensation était tellement libératrice qu’elle recommencerait sans aucune hésitation si l’occasion se représentait encore. Sa respiration laborieuse refusait de se stabiliser après cette éprouvante euphorie néanmoins, elle se calma quand elle sentit la présence envahissante du Chien dans son dos. Puis elle croisa le regard inquiet d’Emerys face à elle. La femme en question se tenait derrière le corps convulsant du soldat toutefois ses yeux sombres étaient rivés sur elle, la bouche en une ligne mince dans une silencieuse réprobation.

«Tu l’as trouvé où, ce poignard ?» Essoufflé, le Chien dévisagea la gamine qui lui tournait le dos.

«C’est le vôtre.» Arya leva son poignet pour permettre au Limier de récupérer son arme dégoulinante de sang frais. Perplexe par l’absence de son poignard à sa ceinture, il lui arracha de la main d’un grognement exaspéré.

«Tu n’avais jamais tué un homme ? C’est le premier ?» Questionna-t-il ensuite en rangeant sa lame après l’avoir essuyé sur le vêtement du mort, curieux de connaître la réponse.

«Le premier homme.» Affirma-t-elle sombrement, le regard perdu sur l’horrible plaie au cou du soldat gisant à ses pieds. Du sang continuait de s’en échapper et de se déverser sur le sol autour de sa tête, créant une flaque macabre écarlate devant ses bottes.

«Donc, ce n’est pas la première fois.» Regretta amèrement Emerys d’une secousse de sa tête avant de se redresser et de dépoussiérer son manteau avec ses deux mains. Toujours avec cette mine désapprobatrice, elle contourna le cadavre pour rejoindre le petit feu entouré par deux souches d’arbre en guise d’assise pour s’y asseoir et se réchauffer les doigts. Une chance pour eux, il y avait encore de la nourriture à disposition.

«La prochaine fois que tu comptes faire quelque chose comme ça, prévient-moi d’abord !» Reprit furieusement Sandor en pointant son doigt accusateur dans la direction d’Arya demeurante immobile devant son premier meurtre d’adulte.

Elle attendit que le Chien ne s’éloigne à son tour pour récupérer sa précieuse pièce argent dans ses mains et l’admirer une fois de plus. Elle était sale, de la terre ainsi qu’un peu de sang recouvrait sa surface brillante mais malgré cela, elle restait magnifique. C’était tout son avenir qui se reflétait dans cette pièce, sa seule chance de devenir quelqu'un d’autre. Ou peut-être même personne si elle travaillait bien ... Le rêve d’une nouvelle vie si un jour elle réussissait à traverser le Détroit pour rejoindre la grande cité de Braavos et retrouver Jaqen H’ghar. Sa détermination finira par la porter jusque là-bas, elle en était persuadée.

«Valar Morghulis.» Répéta-t-elle doucement, appréciant le son de cette petite phrase sur sa langue. Il y avait tout un sens derrière elle.

Emerys leva les yeux de sa brochette de nourriture lorsque Sandor vint s’asseoir sur la souche face à elle, celle qui était bien évidemment la plus éloignée du petit feu de camp. Elle attrapa une autre brochette de viande puis la lui offrit pour qu’il puisse aussi récupérer des forces après des heures de cavales sans manger quoi que ce soit. Il ne la remercia pas, mais s’empressa de manger tandis qu’Arya se décida enfin à les rejoindre après quelques minutes à ruminer toute seule dans son coin. Elle prit timidement place à côté d’Emerys.

«Est-ce que ça va ?» Demanda gentiment la femme adulte, le front sillonné par le tourment.

«Oui. Beaucoup mieux.» Arya déglutit. Après réflexion, elle hocha faiblement la tête en laissant un léger sourire évasif apparaître sur ses lèvres. Même si elle avait vu une forme de déception dans son regard, elle aimait la façon qu’avait Emerys de se soucier d’elle. Un peu comme son père autrefois.

«Tient, mange. Tu as besoin de forces avant de repartir je ne sais où !» Répliqua cette dernière d’une touche d’ironie en donnant la dernière brochette à la louve sûrement affamée. Aux remerciements d’Arya, elle répondit d’un sourire qu’elle espérait sympathique et non nerveux en miroir avec ce qu’elle ressentait vraiment au fond d’elle.

Enormément d’incertitudes au sujet d’Arya Stark et de sa personnalité qui se dévoilait peu à peu.

«Pas assez bonne pour toi ?» Ajouta sarcastiquement Sandor en se référant à la brochette à moitié entamée dans les mains d’Emerys. D’abord confuse, elle ouvrit la bouche pour se défendre mais elle la referma aussitôt d’un claquement avant de sourire avec humilité.

«Jamais je ne me plaindrais d’une aussi bonne nourriture. Quoi qu’il en soit, je n’ai plus faim.» Elle haussa les épaules puis offrit sa nourriture au Limier qui l’accepta volontiers.

Arya se demanda brièvement où il pouvait bien mettre toute cette viande car même elle avait du mal à finir sa propre brochette ! Bientôt repu, elle laissa sortir un petit rot signalant que son estomac était plein avant de jeter son bout de bois dans les flammes et de croiser les mains sur ses genoux, cherchant la chaleur réconfortante du feu. Emerys avait raison, il n’y avait rien de mieux qu’un bon feu pour se sentir mieux et en sécurité.

«C’était un combat remarquable, tout à l’heure. Votre réputation est à la hauteur des dires vous concernant. Vous êtes un redoutable guerrier.» Hésita la jeune femme assise à sa droite qui plaça ses mains sur ses cuisses pour cacher son malaise grandissant. Les yeux de la Stark s’élargirent légèrement d’appréhension à la réaction du Chien qui ne tarda pas.

«Qu’est-ce que tu me chantes ! Ça t’emmerde que je les ai buttés, c’est ça ? Des morts et des guerres, il y en a tous les jours et ce n’est pas vous les foutus partisans de la paix qui y changeront quelque chose. Alors arrête de t’apitoyer sur chaque pauvre type que tu croises ! Des fils de putes, c’est tout ce qu’ils étaient. Le châtiment était mérité.» Pesta-t-il en crachant dans le feu, les yeux plissés à Emerys qui ne savait pas du tout où elle mettait les pieds.

Arya était entièrement d’accord avec lui sur ce dernier point. Ils ne méritaient rien d’autre que la mort pour avoir osé participer au massacre de sa famille, plus particulièrement celui qui avait eu la maudite idée de coudre la tête du loup sur son propriétaire, Robb. Ceci dit, Emerys disait aussi vrai parce qu’il était un combattant remarquable ! Elle n’aimerait pas devoir se battre un jour contre lui, car la victoire ne pouvait être emportée face à un géant comme Sandor Clegane, un homme sauvagement mutilé aux rancœurs innombrables.

Quelque part, ils étaient pareils.

«Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire ...» Grogna Emerys entre ses dents en baissant les yeux sur les flammes, l’air embarrassée.

Arya fronça les sourcils alors que la femme à côté d’elle marmonna quelque chose sous son souffle avant de faire vœu de silence le restant de leur repas improvisé. Elle semblait perdue dans ses pensées, ses yeux noirs s’égarant entre les nombreux arbres de la forêt. Elle frottait nerveusement ses mains sur le tissu de son pantalon. Arya se demandait à quoi elle pouvait bien penser pour avoir cette expression anxieuse qui tirait sur ses traits de visage. Etait-elle le centre de ses inquiétudes ? Son meurtre, peut-être ? Eventuellement le Limier et son violent combat ? Des questions qui demeureront sans réponse, malheureusement.

Mais les pensées d’Emerys tournaient effectivement autour de la Stark et de son avenir qui s’obscurcissait.

Car les Frey venaient de faire naître un assassin.

A suivre …

*La chanson vient de Hunger Games et s’intitule L’arbre du pendu. Je la trouve magnifique cette chanson, elle allait bien avec la scène Emerys/Arya.

Merci beaucoup pour la lecture, VP

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