TOME 1 - Un bout de chemin ensemble

Chapitre 8

8602 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/08/2020 22:11


Chapitre 8

La pluie se mit à retomber sur cette partie de Westeros, attristant le paysage déjà bien grisonnant en ce début de matinée. Sandor, Arya ainsi qu’Emerys avaient dorénavant une toute nouvelle destination en tête qui semblait être la meilleure option pour le Limier qui désirait toujours ardemment obtenir une rançon. Ils se dirigeaient à présent vers les Eyrié à la recherche de la tante d’Arya Stark, la Lady Régente du Val Lysa Arryn.

Actuellement, il s’agissait du tout dernier endroit sûr pour la petite louve téméraire. Maintenant que sa mère et son grand frère avaient rejoint son père aux côtés de son oncle, il lui restait encore cette veuve excentrique comme plus proche parent. Après cela, il ne lui restait plus de solution miracle car si Lysa Arryn n’acceptait pas son offre ou si elle ne voulait tout simplement pas s’occuper d’Arya aux côtés de son fils unique Robin, alors il ne saura plus quoi faire de son sort. Il pourrait éventuellement la conduire à son bâtard de frère Jon Snow, mais une enfant de son âge n’avait aucunement sa place à Château Noir à cause du danger constant qui rôdait autour du grand Mur de glace.

Le Limier n’avait cependant toujours pas fait part de ses nouveaux plans à Emerys, ni même à la principale concernée, Arya. Néanmoins, il fallait qu’elles le sachent. Surtout la jeune femme qui continuait de les suivre sagement sans savoir où ils allaient exactement. N’avait-elle aucune famille ? Un mari à sa recherche ? N’ayant plus aucune barrière entre elle et la liberté, elle pourrait tout simplement partir sur sa propre route pour aller où bon lui semblait ... Fuir très loin du danger et de la précarité. Elle n’avait plus de valeur commerciale à ses yeux de toute façon. Mais en dépit de cette réalité, le Chien ne pouvait se résoudre à se débarrasser d’elle d’une façon ou d’une autre, il en était désormais incapable pour une raison qui lui échappait encore.

Et la frustration de ne pas savoir se faisait de plus en plus ressentir.

Lorsque la nuit tomba sur les grandes plaines et que la pluie arrêta de tomber en trombe, les trois voyageurs clandestins s’arrêtèrent proche d’un petit bois pour pouvoir prendre un peu de repos avant de s’enfoncer d’avantage dans les profondeurs du Conflans vers le Val. Les nuages pluvieux s’étant dissipés au fil des heures, les étoiles étincelaient dans le ciel nocturne pour accompagner la grande lune ronde au-dessus d’une petite colline. Arya admirait ce spectacle de toute beauté en silence au coin du petit feu, allongée sur le dos afin de mieux voir les points brillants de mille éclats au-dessus de sa tête.

Emerys et Sandor se tenaient à son opposé, à une distance de sécurité de l’un et de l’autre. L’un s’amusait avec le contenu de sa gourde et l’autre, avec les braises du feu à l’aide d’un bâton qu’elle avait déniché quelque part sur l’herbe. Arya refusait systématiquement de parler suite à l’incident avec les Frey dans la forêt, préférant le silence plutôt que les discussions inutiles autour de ce sujet. Le trio demeurait ainsi depuis plusieurs heures dans ce silence confortable agrémenté par les bruits des chevaux et des animaux sauvages nocturnes. Ils pensaient à leur avenir incertain et aux futures péripéties qui les attendaient dans ce monde, au lendemain et au surlendemain …

En réalité, pendant tout ce temps, Emerys se remémorait certaines bribes marquantes de son passé qui l’avaient conduite jusqu’ici aujourd’hui. Mauvaises pour la plupart, bonnes pour d’autres. Ce fût  surtout le meurtre récent d’Arya qui la rendait aussi lointaine ces dernières heures, vraisemblablement inquiète pour la destinée de la jeune louve au potentiel extraordinaire. Elle l’avait vu dans son regard de glace qu’un grand destin l’attendait, outre de ses pensées meurtrières et de ses lourdes rancunes à l’égard de quelques personnes. La cruauté sans fin des hommes était en train de la façonner à l’image de ce monde détestable ou régnait la terreur et le désespoir.

Elle adressa un sourire rassurant à Arya lorsque leurs yeux se rencontrèrent involontairement entre les flammes orangées, ressentant aussitôt sa réticence à lui rendre son geste pourtant banal. Son changement de comportement était des plus radicaux et lui donnait de petits frissons le long de la colonne vertébrale. Surtout quand elle plongeait son regard dans ses yeux gris dépourvus de vigueur et de chaleur. Mais qui pouvait véritablement lui en vouloir après avoir traversé un épisode aussi traumatisant dans sa vie ? A un si jeune âge, qui plus est ?

Après plusieurs longues minutes à contempler le ciel nocturne, la Stark se décala sur son flanc droit pour profiter de la chaleur du feu sur les parties froides de son corps. Elle plaça ses mains sous sa tête pour faire un oreiller, la joue pressée contre le dos de sa main gauche, son regard rivé sur les flammes dansantes joyeusement au centre d’un nid de pierres. Du coin de l’œil, elle pouvait voir que le Limier venait de sortir son épée de son fourreau pour aiguiser la lame avec une pierre qu’il venait tout juste de ramasser dans l’herbe à côté de sa jambe étendue. Son attention fût rapidement reportée sur le feu quand quelque chose bougea dans le coin de sa vision, le bâton qu’Emerys venait de jeter dans les braises rougeoyantes. Bientôt bercée par les sons stridents de la pierre glissant contre la lame, Arya ouvrit la bouche pour prendre la parole.

«Racontez-moi une histoire.» Demanda-t-elle, à la surprise générale. Sans même devoir lever les yeux vers les deux adultes assis elle pouvait sentir leur confusion, surpris par cette requête saugrenue. Toutefois la femme ne posa pas de question puis après une courte réflexion, elle s’exprima.

«Il était une fois-» Commença-t-elle avant d’être brusquement coupée dans son début de récit.

«Non. Je ne veux pas d’une histoire de conte de fée où tout se termine bien.» Refusa doucement Arya d’un bref signe négatif de sa tête, les yeux toujours rivés vers les flammes. Un sentiment d’apaisement la recouvrait grâce à cette source de chaleur indomptable qui l’aidait grandement à se détendre.

«Il n’a jamais été question d’une histoire heureuse.» Emerys sourit quand la louve leva curieusement les yeux vers elle à cette déclaration inattendue.

Pourtant certaine qu’elle allait faire comme sa sœur Sansa avec ses histoires ennuyeuses de princes, Arya concentra toute son attention sur son interlocuteur, désormais impatiente de savoir ce qu’elle allait lui conter en cette soirée très tranquille. Sa respiration s’aplanit tandis qu’Emerys lui haussa un sourcil d’un reniflement amusé par son expression incrédule avant de jeter un œil au Chien assis toujours prit dans son travail minutieux. Confiante, elle se racla délicatement la gorge, se lécha les lèvres puis remonta ses genoux contre sa poitrine. Et après avoir plongé à son tour ses yeux noirs dans le feu ensorceleur, elle reprit son histoire.

«Il était une fois, un petit village derrière la grande montagne du géant de glace. Caché entre des collines, à l’abri des envahisseurs, la vie prospérait et les habitants écrouaient des jours heureux. Au centre de ce joli village, sur la place centrale se trouvait un puits. Il était si profond qu’il était impossible d’en voir le fond ! Les anciens racontaient que ce puits existait depuis la nuit des temps et que personne ne savait ce qu’il y avait vraiment à l’intérieur. Un jour de pluie, un voyageur pensa que ce serait une idée judicieuse de jeter une pièce au fond de ce puits pour connaître sa profondeur. Alors, il en attrapa une dans sa poche,» Emerys rentra sa main dans la poche de son pantalon trop large puis fit mine d’en ressortir une pièce ; «et la laissa tomber dans le puits jusqu’à ce qu’il entende le tintement du fond.»

«Et après ?» Chuchota Arya, fascinée.

«Mais rien. Pas un son ! Sa pièce disparue à jamais dans les ténèbres sans fin. Surpris par cette immensité, il ne s’attendait pas à entendre des rires d’enfants venant des profondeurs.» Emerys fit un mouvement lent de balayage avec ses mains pour rendre son histoire plus passionnante. A côté d’elle, le Limier leva la tête de son épée pour écouter la suite.

«Le lendemain, l’homme raconta à tous les habitants que ce puits était un moyen de communication avec les Dieux, et que si l’on voulait entrer en contact avec eux, il fallait jeter une offrande à l’intérieur. Mais l’ancien du village, le plus sage d’entre eux, défendit expressément de faire ce geste au risque de les offenser. Qu’à l’intérieur, se trouvait une créature maléfique aussi vieille que le monde lui-même. Mais personne ne l’écouta.» Raconta la jeune femme assise en tailleur, les lueurs rouges du feu virevoltant sur son visage lugubre. La bouche d’Arya était légèrement ouverte de saisissement, ses yeux écarquillés. Alors elle poursuivit d’un ton plus sombre.

«Persuadés que ce voyageur avait raison, ils offrirent un sacrifice aux Dieux. Un innocent enfant, le plus jeune du village. Et ils festoyèrent, burent et rirent autour de ce puits où le jeune garçon avait disparu dans la noirceur infinie. Et au petit matin, tout le monde avait disparu …» Révéla-t-elle en levant les sourcils face à une Arya toute ouïe, heureuse d’avoir toute son attention loin de ses pensées moroses.

«Que s’est-il passé ? Où sont-ils tous allés ?» Questionna cette dernière très intriguée en adoptant la même position qu’Emerys. En tailleur devant le feu.

«Ils ont fuis comme des lâches une fois qu’ils ont décuvés.» Ricana crûment Sandor. Il s’arrêta cependant de rire lorsque la femme secoua son index de gauche à droite.

«Nul ne le sait. Les seules choses qui ont été retrouvées sont des vêtements en lambeaux ainsi que des traces de sang menant à ce puits. Depuis lors, plus personne ne vit dans ce village fantôme. Mais la légende raconte que les villageois n’avaient pas eu à faire à un Dieu que nous idolâtrons.» Admit-elle ensuite d’une voix particulièrement sinistre. Elle offrit un sourire vicieux à la fille qui semblait avoir littéralement perdu ses mots après ces révélations choquantes.

«Balivernes ! Des histoires à la con pour faire peur aux morveux pas sages.» Grogna le Limier dans son coin en reprenant immédiatement l’affûtage de son épée d’une secousse de sa tête. De stupides histoires, rien de plus !

«Je suis sûre que non. Il existe des tas de légendes qui sont vraies. Les marcheurs blancs existent, les géants et les dragons aussi, alors pourquoi pas les monstres des puits.» Arya haussa les épaules, certaine que sa théorie tenait la route. Lorsqu’elle était plus jeune, sa mère lui racontait souvent une histoire sur des créatures des ténèbres qui apparaissaient uniquement en hiver. Une légende qui était vraie pour elle, tout comme celle des enfants de la forêt et des géants car sa mère avait toujours eu un don pour rendre les histoires plus vraies que nature.

Loin des histoires ennuyeuses sur les princes charmants et les princesses en danger de sa grande sœur …

«Peut-être.» Emerys imita le haussement d’épaules de la Stark, la lèvre inférieure ressortie pour montrer son incertitude sur la question. L’univers était fait de bien des mystères, après tout.

Plus tard dans la soirée et après un long silence où l’esprit d’Arya était entièrement focalisé sur cette histoire terrifiante, elle finit par s’endormir au coin du feu. Les mains sur le torse et le visage tourné vers le ciel, elle paraissait beaucoup plus sereine, loin de ses tracas et loin de ses colères. Emerys pouvait voir à quel point les traits de son jeune visage étaient malmenés par le tourment, même lorsqu’elle dormait à point fermer. Cette fille n’avait décidément pas de chance dans sa vie. Elle perdait tragiquement un à un chaque membre de sa famille depuis que son père Eddard Stark avait décidé de rejoindre le Roi Robert Barathéon à Port-Réal en tant que main du Roi, la privant ainsi de tout bonheur et d’un foyer sécuritaire. Un peu comme une malédiction.

Emerys glissa lentement sa main gauche le long de ses côtes abîmées sous la tunique verte olive qui pendait négligemment contre son corps frissonnant par les basses températures de la nuit, du sang et de la boue parsemant le tissu. Au simple contact de ses doigts contre sa vilaine brûlure, un sifflement de douleur s’échappa de ses lèvres tandis qu’elle serrait furieusement les dents en attendant que la vague de souffrance ne cesse. Elle allait devoir remédier à ça au plus vite si elle voulait arrêter de souffrir le martyr à chaque mouvement …

Sandor s’arrêta un instant de frotter la pierre contre la lame de son épée pour regarder la jeune femme de l’autre côté du feu d’une touche de compassion. Pitié qui se retira prestement de son visage lorsqu’il établit un contact visuel avec Emerys. Ils se toisèrent ainsi pendant de longues secondes interminables, jusqu’à ce que son regard hostile ne gagne la partie sur le sien sceptique. Il reprit aussitôt son affûtage quand elle se recoucha sur l’herbe et lui tourna délibérément le dos. D’un petit gloussement de dédain, le Limier rangea son épée dans son fourreau une fois entièrement polie puis s’installa à son tour contre la selle de son cheval pour prendre quelques heures de repos bien méritées après toutes ces mésaventures.

Un sommeil hélas de courte durée.

Sandor rouvrit subitement les yeux au moment où il entendit des bruits de pas dans la forêt, en contre-bas de leur petit campement provisoire baigné dans la lumière des flammes. Il bondit sur ses pieds d’une vitesse et d’une légèreté insoupçonnées puis récupéra son épée ainsi que son plastron au cas où il allait devoir engager un combat, zyeutant les arbres au loin d’où provenait les bruits. Ce n’était certes pas le moment le plus favorable pour se battre cependant, il fallait toujours être prêt à tout instant car ces abrutis de Frey traînaient toujours dans les parages … Il ne pouvait pas se permettre de les laisser se rapprocher.

Indépendamment de ce qu’il croyait aux premiers abords, il n’y avait absolument personne susceptible d’avoir causé tout ce raffut. Pas de chevaux, ni de cavaliers. Un animal sauvage, peut-être ? Hypothèse qu’il écarta définitivement quand il remarqua l’absence d’Emerys au coin du feu. Quelque peu amorphe après être aussi violemment sorti de son sommeil réparateur, le Chien se frotta les yeux avec son pouce et son index pour chasser les restes de sa somnolence pendant qu’il contournait Arya endormie à la recherche d’empreintes fraîches sur le sol qui pourraient potentiellement conduire à la femme manquante.

Avait-elle enfin décidé de partir de son côté ? C’était une possibilité ... Mais d’un rapide coup d’œil aux deux chevaux attachés à un tronc d’arbre il en déduisit que non, qu’elle devait être la source du bruit dans la forêt. Ce qui l’amena donc à la question suivante. Que fichait-elle toute seule dans la forêt à cette heure tardive de la nuit ?! Sandor poussa un soupir contrarié alors qu’il s’approchait des arbres à la recherche de toutes traces qui mèneraient droit à Emerys, l’étrange pression dans sa poitrine l’orientant malgré lui dans les profondeurs peu accueillantes de la forêt.

A vrai dire il ignorait pourquoi il partait à sa recherche. Elle n’avait pourtant plus aucun intérêt à ses yeux, non ? Néanmoins, la curiosité avait eu raison de lui pour une fois tandis qu’il s’enfonçait toujours plus loin dans la pénombre. Heureusement que les rayons lumineux de la lune étaient là pour le guider dans ses pas, sinon il n’aurait jamais réussi à rester discret avec toutes ces branches au sol. Le Limier rengaina son épée à sa hanche mais garda sa main sur le pommeau par précaution pendant qu’il s’aventurait dans les hautes fougères le plus silencieusement possible. Le feu du camp de plus en plus loin derrière lui. A l’affût et tous ses sens en éveil, il s’arrêta lorsqu’il entendit des bruissements suspects sur sa droite.

L’auteur de ces bruits n’était autre qu’un chevreuil qui bondit d’un bosquet à l’approche de l’homme menaçant, manquant de peu d’effrayer le mercenaire pourtant aux aguets. Ce dernier réprima un grognement d’agacement. Finalement, il voulait récupérer Emerys car il pourrait encore essayer de la vendre en tant que servante chez la tante de la gamine Stark, un moyen pour elle d’être en sûreté au lieu de vagabonder sur les routes dangereuses de Westeros et un moyen fiable pour lui de gagner facilement de l’argent. Tout le monde pourrait y trouver son compte dans cette affaire.

Toutefois Sandor savait qu’il n’y avait pas que l’excuse de l’argent cette fois-ci.

Certaines émotions totalement inconnues pour lui commençaient à émerger des abysses de son cœur. Quelque chose qu’il ne comprenait pas, ou qu’il ne voulait tout simplement pas comprendre par peur d’apprendre la douloureuse vérité. Il n’était que froideur et cruauté, un homme hargneux et impitoyable qui ne se privait pas de dire ce qu’il pensait des autres ! Reprenant ses esprits temporairement égarés, il continua de s’enfoncer entre les arbres où la faune nocturne prenait peu à peu vie au fil des heures de la nuit. Il se rapprocha ensuite d’un espace aéré où les rayons de la pleine lune s’infiltraient au travers des feuilles des grands arbres pour éclairer ce petit espace caché au milieu de cette épaisse nature.

Sandor s’arrêta net dans ses pas au moment où ses yeux tombèrent sur un spectacle troublant. Là, assise sur ses genoux au centre du terrain se trouvait la femme qu’il recherchait activement depuis sa disparition du camp. Elle était dos à lui et complètement nue. Ses longs cheveux ondulés argents coulaient en cascade dans son dos où la lumière blafarde de la lune se reflétait sur sa peau pâle. De petites pierres ovales et noires formaient un cercle tout autour de ses jambes, la gardant jalousement de tout intrus qui oserait pénétrer dans ce sanctuaire éphémère. Ces pierres obsidiennes scintillaient légèrement à la faible luminosité que la nuit pouvait apporter.

Etait-ce une espèce de rituel de merde ? S’interrogea mentalement le Limier tapis dans l’ombre d’un arbre, se sentant de plus en plus bizarre en observant Emerys immobile. Elle ne s’était pas encore rendu compte qu’elle était observée en cachette et à dire vrai, il n’était pas très adepte du voyeurisme. Néanmoins il se sentait réellement intrigué par cet étrange rite mais il était encore plus charmé par la beauté naturelle de cette femme à la peau porcelaine qui devait être d’une douceur incomparable. Il avait subitement envie de s’avancer à la lumière pour la toucher avec ses mains nues, sentir sa peau soyeuse sur la sienne rugueuse et souillée par la mort. Une envie qui lui passa rapidement.

Appuyé contre l’arbre, les sourcils du Limier se froncèrent à l’instant où Emerys leva l’une de ses mains délicates à ses côtes brûlées puis qu’elle commença à murmurer des mots incompréhensibles sous son souffle. Elle passait doucement le dos de ses doigts sur la peau noirâtre violacée irritée, ne bronchant pas un seul instant alors qu’auparavant le moindre contact la faisait frémir et gémir de douleur. C’était ensorcelant. Sandor ne pouvait décrocher son regard d’elle et de son étrange rituel avec ces pierres … Il y avait une très étrange atmosphère dans l’air où les bruits semblaient tout à coup très lointains. Que faisait-elle ici, en pleine nuit, et entièrement dévêtue ? Sans peur ni pudeur, elle prenait un sacré grand risque en faisant cela.

Puis les yeux du mercenaire s’écarquillèrent lorsqu’il vit quelque chose d’extraordinaire se produire.

Là où les doigts de la jeune femme effleuraient la peau meurtrie, les cicatrices hideuses commises par le feu se résorbaient lentement pour laisser place à un tissu cicatrisé semblable à ce qu’il avait sur son propre visage après des années entières de guérison. C’était incontestablement de la magie, un miracle ! Sandor avait beaucoup de mal à y croire et pourtant toutes les preuves étaient bien réelles, juste sous ses yeux. Il s’agrippa plus fermement à l’écorce de l’arbre tandis qu’il se penchait d’avantage pour regarder la scène captivante, encore sous l’effet de la surprise par ce qu’il venait de voir à l’instant. Un phénomène extraordinaire accompagné de chuchotements étranges …

Tout au long de sa vie, il n’avait jamais cru en ce genre de connerie, car la magie n’existait pas et n’avait jamais existée ! C’était impossible. Ce n’était que des contes de bonnes femmes pour endormir les enfants en bas âge, rien de plus ni moins. Alors, au court d’une seule petite minute qui lui parut comme des heures, il tenta de rationaliser cette guérison spectaculaire. Toutefois il échoua lamentablement parce qu’il savait au fond de lui, il le savait qu’il venait d’être témoin d’un sort ou plutôt d’une incantation divine. Et cette révélation lui donna froid dans le dos, pensant avoir déjà tout vu. Serait-ce une sorcière ? Sa théorie de la Prêtresse devenait de plus en plus plausible avec cette démonstration de pouvoir spirituel. Puis il se souvint des dernières paroles de la louve tout à l’heure.

«Il existe des tas de légendes qui sont vraies. Les marcheurs blancs existent, les géants et les dragons aussi, alors pourquoi pas les monstres des puits.»

Pourquoi pas les mages ?

Le mercenaire étonné et en pleine introspection se raidit subitement dès l’instant où Emerys se leva pour récupérer les vêtements qu’elle avait préalablement abandonnés sur un lit de mousse à sa droite, à l’abri de son cercle de rituel suspect. La fraîcheur de la nuit glissait sur sa peau telle un serpent. Le fantôme d’une grimace apparut sur ses lèvres quand elle rabaissa ses bras le long de son corps et que le tissu de la chemise verte olive frotta malencontreusement sur sa blessure désormais au stade avancé de guérison. Elle dispersa ensuite hâtivement toutes les petites pierres noires dans la végétation puis se dirigea sur le chemin du retour menant au campement où ses compagnons de route dormaient.

Emerys frotta énergiquement ses mains froides entre elles alors qu’elle pressentait que quelque chose n’allait pas, sentant un regard pesant sur elle parmi les arbres. Inquiète, ses pas s’accélérèrent, la boule au ventre et l’horrible sensation d’être suivit même si elle ne voyait rien d‘anormal autour d’elle. Une simple mauvaise impression ? Trop de paranoïa ? Cependant, lorsqu’elle bifurqua au coin d’un arbre et qu’elle retrouva le petit sentier de terre familier, une grande main sortit de l’ombre. Et avant même qu’elle ne puisse émettre le moindre son, elle fût plaquée entre le tronc d’un chêne et le torse d’un homme imposant.

Le Limier.

Elle ravala un cri de surprise à la vue de son visage colérique si proche du sien qu’elle pouvait sentir son souffle inégal sur la froideur de ses joues. La jeune femme grinça des dents puis cligna des yeux de perplexité, surprise par cette rencontre fortuite mais également anxieuse car la prise sur son bras ainsi qu’autour de son cou se resserraient de plus en plus comme un étau. Allant jusqu’à l’étrangler. Ses mains montèrent automatiquement au bras du Chien maintenu contre sa gorge en plaidant silencieusement pour de l’air avec son regard effrayé. L’homme livide prit quelques petites inspirations tremblantes, avant de finalement relâcher la pression sur la gorge de la femme pour ainsi lui permettre de s’exprimer.

«Qu’est-ce que tu fabriquais, là ?!» Somma-t-il d’une voix mortellement basse et rauque. Il finit par retirer entièrement son avant-bras du cou de la femme, mais l’autre main restait fermement agrippée au bras d’Emerys.

«Je priais les Sept Dieux, anciens et nouveaux.» Répondit calmement cette dernière essoufflée en avalant la salive accumulée dans sa bouche après avoir subi une strangulation. Elle grimaça et lui lança un regard obtus aux prochains mots.

«Je t’ai vu faire ta putain de magie tout à l’heure ! Tu es une saloperie de Prêtresse adoratrice du feu ou une connerie dans le genre ? Ne t’avise surtout pas de me mentir, femme ! Je ne supporte pas les mensonges.» Gueula le Limier instable en déplaçant ses deux mains à ses épaules pour lui donner une secousse vigoureuse. En réponse, Emerys ferma brièvement les yeux puis décala sa tête sur la gauche, intimidée par la voix forte et enragée du mercenaire. Elle garda toutefois son calme et répondit sur le même ton qu’auparavant.

«Je vous l’ai dit, je priais ! Pourquoi avez-vous autant de mal à me croire ? Que gagnerai-je à vous mentir, Sandor Clegane ?» Elle plissa les yeux, les sourcils levés. Son cœur manqua un battement lorsqu’il déplaça rapidement ses mains à ses bras couverts.

La pression sur ses membres devint plus forte tandis que le Chien en colère colla subitement son corps plus fermement contre le sien, l’emprisonnant définitivement entre lui et l’arbre sans espoir de lui échapper. Leurs nez se touchant presque, Emerys tourna la tête mais il lui attrapa le menton entre deux doigts pour l’obliger à le regarder droit dans les yeux. Dans ses yeux bruns brillaient de la frustration, le doute, mais aussi de la luxure … Déglutissant nerveusement face à ce regard intense, Emerys passa un bref coup d’œil sur sa grande cicatrice, ce qui lui valut un grognement de désapprobation en retour.

Sans réellement y réfléchir à deux fois, la jeune femme leva doucement sa main gauche puis dirigea ses doigts vers le visage de l’homme plus grand, voulant toucher la partie de son visage endommagé par le feu. Il n’y avait aucune explication derrière ce geste. Elle voulait juste effleurer la peau abîmée et parcourir les cicatrices qui hantaient son esprit depuis leur rencontre. Sauf que les réactions de Sandor étant des plus rapides, il lui attrapa le poignet avec sa main droite avant même qu’elle ne le frôle ne serait-ce qu’avec son pouce, le tenant ainsi en l’air juste à côté de son visage renfrogné.

«Pourquoi voudrais-tu toucher le Chien ? C’est une très mauvaise idée. Je pourrais facilement briser ton petit poignet si j’en avais envie, alors réfléchis à deux fois avant de vouloir faire quoi que ce soit de stupide.» Grogna-t-il méchamment en donnant une légère pression au poignet d’Emerys. Suffisante pour la faire glapir de douleur.

Elle voulait sortir de son emprise, lui hurler au visage de la relâcher et lui dire qu’il n’était qu’un monstre sans vergogne cacher derrière des actes de bonté pour se faire de l’argent. Lui faire du mal autant qu’il lui en faisait, l’humilier comme il l’humiliait … Elle n’aimait guère le pouvoir d’intimidation qu’il avait constamment sur elle. Alors d’un coup sec, Emerys retira son poignet de la main du Limier trop proche pour le confort puis ramena aussitôt sa main en poing contre sa poitrine, le regardant avec furie d’une respiration haletante. La peur et l’appréhension se mélangeaient à l’incompréhension ainsi qu’à la haine, tandis que l’homme menaçant repris à voix basse. Hors, ses prochaines paroles entraînèrent un vent d’effroi sur elle.

«Je pourrais te prendre ici-même contre cette arbre, te faire hurler jusqu’à ce que tu perdes ta jolie petite voix enchanteresse. M’amuser un peu … Oh oui, je pourrais faire des tas de choses et personne ne viendrait pour toi. Personne ne s’en soucierait que la grande brute prenne son pieds avec une vulgaire vagabonde. Ensuite, je me débarrasserais de toi et je balancerais ton putain de cadavre aux loups ! Alors donne-moi une seule bonne raison pour que je ne te laisse pas pourrir dans cette forêt !» S’énerva-t-il, épinglant la femme contre son torse.

Emerys leva timidement les yeux vers son visage pour l’étudier, le cœur battant la chamade dans ses oreilles. Elle déglutit à cette proximité et à la colère rayonnante de son corps massif qui la recouvrait totalement. Elle savait qu’il voulait l’intimider, mais il y avait aussi une part de vérité derrière ses mots agressifs. Néanmoins la crainte ne résidait plus dans son cœur, au contraire, elle se sentait plutôt déconcertée par ce besoin d’être brutal pour exprimer son mal-être et ses besoins primitifs. Et à son manque de réaction devant de tels propos dangereux, le Limier grogna d’exaspération avant de descendre sa main libre à la hanche de sa prisonnière pour enfoncer ses doigts dans l’os. Ce qui suscita d’elle un petit cri suivit d’une réplique inattendue.

«Alors vas-y, qu’est-ce que tu attends ? Fait-le ! Libère ta frustration. Et nous serons quitte, pas vrai ? Montre-moi ton vrai visage. Celui d’un assassin et d’un violeur !» S’insurgea Emerys en travers ses dents, la peur ayant disparue de son visage pour laisser place à l’aversion.

Elle en avait assez d’être rabaissée au statut de femme insignifiante par ce mercenaire bourru ! Assez d’être insultée et blâmée pour ce qu’elle n’était pas, sans défense et joueuse. La respiration erratique, elle prit appui contre l’arbre pour paraître plus imposante et moins intimidée malgré la terreur qui nageait dans son bas-ventre à ce qui pourrait se passer ensuite après l’avoir volontairement tutoyé pour plus d’impact. Regardant droit dans les yeux désireux du Chien devenu très attentif, elle passa sa langue sur ses lèvres pour les humidifier lorsqu’il rouvrit la bouche.

«Ne me tente pas, femme …» Marmonna Sandor d’une pointe d’hésitation, prit de court par cette réplique.

Il ne s’y était pas attendu à ce qu’elle le défie ouvertement de la sorte après cette menace explicite sur un possible viol qui bien-sûr, n’aboutira jamais. Ce n’était qu’une menace pour révéler sa vraie nature, celle qu’elle était en réalité. Et il fallait dire qu’il était partagé entre l’admiration et l’indignation. Elle commençait véritablement à lui plaire en se comportant de cette manière avec courage, sans peur ni dégoût pour ses horribles marques témoignant de son passé de lente agonie. En revanche, c’était déjà plus douloureux de l’entendre cracher la vérité à son visage. Sauf pour la partie du viol, car il n’avait jamais violé personne de toute sa vie et il n’était pas prêt de le faire.

Il n’était pas comme son fils de pute de frère.

«Tu crois que je ne le sais pas ? Ce que ça fait que d’être prise violemment ? D’avoir le poids de trois hommes sur ton corps, que tu finisses par te laisser faire pour ne plus recevoir de coups. Je ne crierais pas, les cris ne servent à rien. Tu ne seras ni le premier ni le dernier !» Vociféra Emerys en frappant violemment ses poings contre le torse blindé devant elle, son visage très proche du sien dans le but de le provoquer.

Révolté, Sandor détourna les yeux d’elle pour regarder le sol, l’euphorie du moment retombant suffisamment pour lui permettre de réfléchir avant d’agir. Il ne le dira jamais par orgueil, mais il avait honte de lui. Honte de son comportement exécrable et honte d’avoir brusqué une femme non armée. Il n’aimait pas cette image de lui, l’image d’un lâche s’en prenant aux plus faibles comme tous ces abrutis irrespectueux qui peuplaient la terre. Cette bête n’était pas lui.

Prenant de rapides respirations d’adrénaline, le Limier aventura une nouvelle fois son regard dans celui malheureux de la femme qu’il maintenait contre l’arbre, les deux mains à ses épaules. La chemise étant trop ample pour tenir sur son corps maigre, il touchait involontairement la peau de son épaule nue avec ses doigts. Elle était douce, comme il se l’imaginait … Il pouvait presque sentir les palpitations de son cœur sous sa paume, sentir le souffle chaud sur son menton. Il frissonna à ce simple contact, voulant explorer plus loin et parcourir la clavicule pâle qui s’offrait à lui à la lumière de la lune.

Mais quand il releva son regard fiévreux pour rencontrer à nouveau le sien, il fût surpris d’y trouver des larmes naissantes dans ses beaux yeux noirs ternis par l’épuisement et la peur. Alors la réalisation le frappa comme une tonne de briques. Il était la cause de ses larmes, celui qui l’effrayait et la brutalisait pour instaurer cette crainte des hommes en elle. Il la désirait oui, mais pas de cette façon, pas comme ça ... Un sentiment nouveau se glissa dans son cœur de pierre. L’envie soudaine de lever sa main pour essuyer les larmes de ses joues refroidies par la nuit, hors il se ravisa tout aussi rapidement que cette émotion indéchiffrable se volatilisa lorsqu’elle reprit doucement la parole. Son regard était vague.

«Ce que ça fait … Vous ne pensez qu’à vos désirs égoïstes en dépit de la souffrance infligée. C’est devenu une banalité pour vous, les hommes, et un passage obligatoire pour une femme. Mais vous ignorez à quel point vous nous brisez physiquement et mentalement. Vous n’avez aucune idée.» Emerys chuchota la dernière partie de sa phrase comme s’il s’agissait d’une malédiction. Ce qui en était une finalement. Ses yeux fixèrent un point dans le vide tandis que des souvenirs abjects l’accablaient de toute part.

Sandor retira lentement ses mains de la femme en détresse émotionnelle, sentant un poids immense dans son estomac à ses mots débordant de sinistres expériences. D’habitude, il n’y prêtait pas une grande attention sur les antécédents des personnes qu’il rencontrait sur son chemin. Il s’en fichait de ce qui était arrivé à tel ou à tel à vrai dire. Toutefois là, avec cette mystérieuse femme, tout était tellement différent … Depuis ce premier jour dans le village dévasté d’Erebor, il avait ressenti quelque chose qu’il n’arrivait pas encore à comprendre. Mais c’était quelque chose de mystique, il en était sûr.

Le Chien ne dit rien de plus alors qu’il s’écartait calmement d’Emerys comme par peur de l’effrayer plus qu’elle ne l’était déjà, lui laissant un peu d’espace pour qu’elle s’en remette et surtout pour qu’elle puisse enfin respirer. La pauvre chose tremblait comme une feuille. Quel genre de monstre était-il pour s’en prendre aux femmes quand il était frustré ? Etait-il aussi ignoble que la Montagne, tout compte fait ? Les regrets le submergeant peu à peu, le Limier serra les poings à ses côtés pendant qu’il regardait Emerys repositionner correctement sa chemise trempée de sueur sur ses épaules. Par peur ou par embarras, peut-être les deux.

Il examina un instant son doux visage attristé et ravagé par les larmes silencieuses, la honte inscrite sur chaque trait le composant. Emerys lâcha un petit reniflement alors qu’elle se redressait pour dépoussiérer ses vêtements en piteux état avec des mains qui refusaient de coopérer à cause des tremblements qui les secouaient. Il l’admirait enfin à sa juste valeur. Une femme qui cherchait juste à survivre dans ce monde de brutes cruelles et sans pitié, un monde violent rempli de salauds dans lequel Sandor Clegane évoluait constamment.

Un monde qui ne lui convenait plus du tout.

Emerys refusait toujours de le regarder dans les yeux. Elle ne pouvait pas, sinon, elle risquerait de s’effondrer par la force de ses larmes et le poids de ses émotions. Bouleversée, elle voulait rester digne malgré son apparence épouvantable de femme fragile et brisée par la nature des hommes. Elle se haïssait pour cette image dérisoire ... Cependant, elle pouvait voir du coin de l’œil que le Chien la dévisageait longuement ou l’épiais, elle n’en savait rien et n’avait pas vraiment envie de le savoir. Tout ce qu’elle désirait à l’instant présent était de pouvoir fuir loin de cet endroit maudit mais surtout, loin de ce mercenaire qui la tourmentait quotidiennement.

«Tu peux venir avec nous jusqu’aux Eyrié, chez la tante de la gamine. Je te garderais en sécurité jusque-là.» Déclara Sandor d’un ton très sérieux. D’un raclement de gorge, il se redressa puis adouci son regard.

Devant lui, la jeune femme tressaillit légèrement au son de sa voix pondérée qu’elle ne pensait sans doute pas entendre après cette altercation échauffée qui aurait pu très mal se terminer. Mais il se sentit tout à coup mal à l’aise lorsqu’elle leva enfin ses yeux accusateurs vers lui à la recherche de toutes traces de mensonges ou de supercheries, le toisant avec une telle intensité jusqu’à ce qu’il prenne un pas en arrière de stupeur. Ses changements d’humeurs étaient impressionnants !

Emerys plissa les yeux tandis qu’elle l’étudiait minutieusement de la tête aux pieds à la recherche de signes qu’il se jouait d’elle pour pouvoir l’humilier à nouveau. Mais curieusement, elle ne trouva pas de fourberie dans son regard de chien battu. Rien. Mise à part une pointe de douleur, de l’embarras et de la sincérité qu’elle ne s’attendait aucunement à trouver chez lui suite à un épisode comme celui-ci. Quelque peu désorientée par toutes ces émotions qui faisaient surface sur le visage de l’homme barbu, elle s’appuya contre l’arbre derrière elle quand le Limier lui tourna le dos pour retourner au campement où Arya se reposait encore.

Elle était tiraillée entre lui crier d’aller en Enfer, et le suivre. Pouvait-elle réellement lui faire confiance ? Naïvement ? Mâchant sur sa lèvre inférieure, Emerys prit enfin sa décision après quelques longues minutes de réflexion.

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Arya bondit à ses pieds au moment où elle repéra Sandor Clegane à travers les arbres. Toutefois son sourire faiblit progressivement quand elle ne vit aucun signe familier de la femme aux cheveux argents supposée être avec l’homme.

Angoissée à l’idée d’avoir perdue sa prisonnière, la jeune louve marcha tranquillement en direction du mercenaire qui refusait d’établir tout contact visuel avec elle, l’air énervé. Il lui faisait presque peur avec cette allure-ci, l’épée tenue fermement dans sa main droite et avançant d’un pas décidé vers elle. Son expression était sombre et austère tandis qu’il passa à côté d’elle pour venir se mettre aux côtés de son cheval Stranger toujours attaché à l’arbre. Il semblait satisfait de voir que les deux animaux étaient toujours là. Arya, incrédule par ce comportement, voulut lui poser des questions sur la situation et pourquoi Emerys n’était plus là, mais elle avait peur d’entendre la réponse.

L’avait-il finalement massacrée pendant qu’elle dormait ?

Ses souffles devinrent plus rapides et inégaux pendant que des larmes commençaient à se former dans ses yeux, dévastée par cette horrible idée. Elle s’était réveillée juste après que le Chien ait disparu dans la forêt puis avait été très confuse de voir qu’Emerys n’était plus présente autour du feu. Elle pensait qu’il était juste parti à sa recherche mais après une heure à attendre ainsi à regarder les premières lueurs du soleil passer les montagnes à l’horizon, elle était devenue désespérée. Car désormais habituée à la présence de l’homme menaçant, elle n’avait pas vraiment envie de partir seule sans savoir où aller exactement.

Néanmoins, sa détresse fût de courte durée lorsque son regard émotif tomba sur la silhouette d’une femme qui venait de surgir de la forêt. Enfin rassurée, Arya prit quelques pas en avant puis offrit un sourire soulagé à Emerys qui ne le lui rendit pas, à sa grande consternation. Cette dernière muette se contenta de garder les bras croisés sur sa poitrine et d’avancer jusqu’au feu, la mine abattue. Maintenant inquiète sur son état et intriguée par son comportement distant, la Stark fronça les sourcils tout en suivant du regard la femme demeurante silencieuse.

«Qu’est-ce qui s’est passé ?» Requit Arya d’une touche d’impatience dans sa voix. Au manque de réponse, elle se tourna brusquement vers le Limier qui fouillait dans la sacoche de son cheval.

«Qu’avez-vous encore fait ?!» S’agaça-t-elle. N’obtenant toujours aucune réponse, elle s’avança vers Sandor afin de lui prendre l’avant-bras pour qu’il la regarde. Elle reçut un soupir d’exaspération de la part de Sandor.

«Fais attention petite, ne teste pas ma patience. Je te l’ai déjà dit deux fois et il n’y aura pas une de plus.» Gronda sèchement le mercenaire. D’un ricanement sans humour, il se dégagea de la  poigne de la louve pour poursuivre l’attelage de son cheval tout en ignorant le regard noir que lui lançait d’Arya.

«Et ne testez pas la mienne ! J’exige que vous me répondiez ! J’ai dit, qu’avez-vous fait !» Rétorqua la fille arrogante en abaissant sa voix d’une octave lorsque l’homme imposant se tourna pleinement vers elle d’une grimace importunée.

«Ce que ferait un homme avec une femme seule dans les bois.» Affirma-t-il en souriant mesquinement, content de voir le visage de la gamine se décomposer dans l’horreur. Un mensonge qui devrait lui clouer le bec un bon moment.

Arya sentit sa respiration prendre de l’ampleur tout en reculant précipitamment du Limier amusé par sa réaction, le visage figé par l’effroi à ses révélations glaçantes. Horrifiée, Elle faillit trébucher dans l’herbe mais elle récupéra son équilibre à temps pendant qu’elle cherchait Emerys du regard pour voir que la jeune femme en question attelait sa jument avec des mains tremblantes. De quoi prouver la véracité de ses paroles écœurantes. En colère et scandalisée, elle se précipita sur le Chien pour le ruer de coups à l’aide de ses poings tout en lui hurlant son indignation du haut de ses poumons.

«Vous êtes ignoble ! Pire que tous ceux que j’ai rencontrés. Vous êtes encore pire que Joffrey ! Je vais-» Mais une grande main vola contre sa joue droite pour la faire taire avant qu’elle ne puisse finir sa phrase. Choquée par la piqûre de la gifle, Arya écarquilla les yeux puis leva une main contre sa joue bouillante tandis que l’homme s’abaissa devant elle pour lui prendre les bras et la secouer.

«Tu vas faire quoi ?! Me tuer ? Je t’ai dit de ne pas tester ma patience, fillette, alors maintenant tu la ferme et tu prends sur toi.» Réprimanda sévèrement ce dernier.

Cependant Arya n’arrivait pas à se calmer. Elle voulait lui tordre le cou et le découper morceau par morceau pour ce qu’il avait osé faire subir à son amie. Puis tout à coup, une horrible pensée lui vint à l’esprit … S’il était capable de faire cela à Emerys, qu’en était-il de sa sœur Sansa ? L’aurait-il aussi violée si elle l’avait choisi lui plutôt que Joffrey ? Son visage devint soudainement blême de terreur à l’idée que cet homme fasse du mal à sa grande sœur incapable de se défendre. Même si elle ne la portait pas particulièrement dans son cœur, elle ne voulait certainement pas qu’il lui arrive malheur. Et encore moins dans les griffes de Sandor Clegane.

«Je veux aller avec Emerys.» Déclara-t-elle avec monotonie en osant regarder le Chien droit dans les yeux, la mâchoire serrée de haine. A ce moment-là, Emerys redressa la tête de son travail.

«Tu veux aller avec elle ? Non, tu veux t’enfuir, et aucune de vous deux ne survivra un jour sans moi. Alors pas question ! Tu n’iras nulle part. Maintenant trêve de bavardage et en selle. Ta tante t’attends.» Objecta Sandor tout en regardant Arya puis Emerys, et vice-versa. Il posa ses mains sur ses hanches lorsque la gamine impétueuse hésita avant de lui crier à la figure.

«Du moment que je suis quelque part loin de vous, je serais toujours en sécurité !» La Stark jeta furieusement ses bras en arrière, à deux doigts d’exploser et de se battre avec lui. Elle voulait que ce sale type meure dans d’atroces souffrances pour tout ce qu’il avait fait jusqu’ici !

«Il a raison. Nous devons rester avec lui.» S’exclama soudainement Emerys qui venait de s’installer sur son cheval, les mains sur les rênes et prête à partir. Elle ferma les yeux au regard ahuri que lui donna l’enfant en réponse.

C’était plutôt difficile de prendre le parti du Limier, mais il avait entièrement raison, elles ne survivraient pas sans son aide. Grimaçante, elle resserra le grand manteau autour de ses épaules pour mieux supporter le froid mordant du matin alors que la louve la fixait avec trahison peinte sur son visage, clairement écœurée qu’elle ait prit la défense du Chien. Elle n’aimait pas ce regard qu’elle lui donnait, elle avait l’impression d’être une faible à ses yeux. Arya quant à elle déglutit difficilement tout en se questionnant encore et encore comment elle pouvait dire cela après ce qu’il lui avait fait subir. Il ne méritait certainement pas sa clémence ! Alors, pourquoi ?

«Pour te protéger», murmura une petite voix à l’arrière de son esprit.

«En route, nous avons perdu assez de temps ici.» Sandor brisa le silence muni d’un petit sourire triomphant.

Il prit la petite terreur sous les aisselles, lui lança un regard espiègle puis la déposa sur le dos de Stranger. La tête qu’elle tirait était suffisante pour lui refaire sa journée ! Il monta rapidement derrière Arya tout en plaçant un bras protecteur autour de son estomac, veillant à bien la tenir contre son armure pour ne pas qu’elle tente quelque chose d’idiot comme par exemple, sauter hors du cheval lorsqu’il s’y attend le moins ... D’un gémissement contrarié, la fille bougea pour se défaire de sa poigne mais plus elle le faisait et plus il resserrait sa prise. En plus d’être un salopard il était vicieux !

«Ne me touchez pas !» Grinça Arya en haussant ses épaules et en s’avançant sur le garrot du cheval pour tenter de mettre le plus de distance possible avec l’homme méprisable.

Toutefois Sandor ne répondit que d’un petit gloussement amusé à ses piètres tentatives de s’éloigner de lui. Comme s’il allait écouter une stupide gamine … Déjà qu’il n’écoutait personne, il n’allait évidemment pas se plier aux ordres d’une petite Stark têtue un peu trop courageuse et inconsciente du danger. Il rit doucement contre le dos d’Arya tout en dirigeant Stranger loin de leur dernier campement provisoire sur le chemin de leur toute nouvelle destination, le Val d’Arryn.

Emerys les suivit de près avec sa jument qui boitait de plus en plus.

A suivre …

Pour info, l’histoire que raconte Emerys à Arya est un petit Easter Egg. A vous de le trouver ;)

A bientôt, VP

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