Le roi et la reine du Nord

Chapitre 1 : Aliénor Marlon

Le soleil avait fait place à la lune, la pleine lune comme le voulaient les anciennes traditions. Aliénor se tenait debout face aux miroirs qui l’encerclaient mais n’arrivait pas à voir son reflet. Pourtant il y en avait beaucoup, la vieille bonne en avait fait installer cinq, tous aussi grands qu’elle, afin qu’aucune partit de sa robe ne puisse lui être inconnue mais. Mais elle n’arrivait pas à se voir. Elle sentait la douceur du lin sur sa peau, son corset qui lui emprisonnait le tronc et les dizaines de bracelets, de colliers et de bagues qui ornaient sa tenue. Elle arrivait à déterminer lesquelles étaient fait de perles, d’or ou d’ivoire, de bois ou même de lapis. Leurs couleurs, la future mariée pouvait les deviner : une robe blanche, des joyaux or, brun, vert, bleue, quand à les voir…

−Vous êtes resplendissante Madame ! » Malia s’était rapproché des miroirs pour admirer son œuvre. « Votre père et votre mère serait tellement fiers de vous ! Vous allez devenir reine…

La vieille femme continuait de jacasser mais Aliénor n’entendait plus. Père, mère ? Seraient-ils réellement fière de moi ? Père m’a élevée afin de me voir hériter de Dune-au-miel et me voici prête à devenir reine. Moi, reine ? Je n’ai jamais été préparé à ça. Depuis la guerre des trois rois et la mort prématurée de son père, la jeune femme était devenue le seigneur du territoire de ses ancêtres mais face aux attaques sans précédent de Lord Bolton sur ses terres et aux demandes de mariages plus qu’intempestives de son batard elle s’était vite retrouvé obligé de repartir en guerre. Et face à l’ignorance du roi du Sud à ses appels, la jeune femme avait dû envoyer son frère quérir le roi du Nord qui avait conclu un pacte dans la rapidité de son kidnapping.

−Il accepte de t’épouser, ainsi toutes tes terres entreront dans son domaine et les Bolton devront redevenir félons s’ils décidaient d’attaquer à nouveau Dune au Miel. Ils vont abandonner leur idée de prendre ton territoire. » Lui avait annoncé d’une voix monocorde son demi-frère

−On pourrait continuer à se battre… » Répondait-elle à l’époque, sa voix tremblante de colère d’avoir échoué dans son rôle.

−Tu sais bien que non, tu savais qu’être le territoire à la frontière entre le Nord et le Sud allait être dangereux. Le vieux sage nous répétait toujours que t’as famille formaient de fortes alliances pour protéger son territoire, et désormais que notre monde est coupé en deux, une alliance est plus que conseillée.» Sa voie se fit plus douce « Tu n’a pas d’autre choix, c’est soit le roi du Nord, soit le bâtard de Bolton. »

−Je n’ai pas d’autre choix… Et mieux vaut être reine que femme d’un bâtard, n’est-ce pas ? » Elle s’était tournée vers son petit frère en lui lançant un regard glacial. Il avait beau n’être que son demi-frère, fils d’une paysanne sans nom, il ressemblait beaucoup à leur père. De petite taille, il avait des yeux noirs qui n’étaient pas sans rappeler ceux des corbeaux, et les cheveux de père : touffus et impossibles à coiffer…« Père avait réussi à m’offrir une vie sans mari, où je pourrais montrer ce que je vaux… Pourquoi faut-il que ce soit toi –toi qui lui ressembles tant- qui m’impose de reprendre ma condition de femme ?

Cette dernière phrase elle l’avait à peine prononcée, la voie étranglée par l’émotion. Lucas était parti. De nature timide il n’était pas à l’aise en société et encore moins pour remonter le moral. Aliénor sourit à ce souvenir, il s’était écoulé un mois depuis l’annonce de leurs épousailles et aujourd’hui elle allait devoir épouser ce Robb Stark, cet inconnu.

−Oh oui ! Personne n’est aussi belle que toi quand tu souris ! » Aliénor sortit vivement de sa torpeur et découvrit sa meilleure amie debout face à elle, tout sourire.

−Jamais je ne pourrais te dépasser. » Elle le pensait réellement, Luna portait une robe bleu mer qui mettait en avant sa chevelure rousse, relevée pour l’occasion en un chignon des plus complexes parsemé d’émeraudes et de fleurs. « Si mon futur époux te voit avant moi, je crains qu’il ne choisisse de t’épouser toi plutôt que moi ! »

Luna vissa alors ses prunelles vert feuilles sur la future mariée. Fille du plus riche commerçant de Dune-au-Miel, les deux jeunes femmes avaient grandi ensemble, bu au même sein de la même nourrice, écouté les même leçons du guérisseur, du mestre, ce qui les avaient conduit à s’aimer et se connaitre comme deux sœurs. Aussi Luna savait pertinemment que sa jeune amie voulait devenir une guerrière et non mère, devenir seigneur et non reine.

−J’ai échoué Luna. » La future mariée lâcha cette phrase aussi vite que ses épaules s’abaissèrent, comme si une masse de plusieurs dizaine de kilos venaient de s’abattre sur elle. « Père a fait venir les meilleurs professeurs, maitres d’armes et fauconniers existant sur terre afin que je lui succède et je n’ai réussi à tenir que quelques mois. J’ai échoué, j’ai échoué ! Je voulais tellement réussir parce que la vie pour laquelle on me prépare depuis que j’ai cinq ans est une vie qui me plaisait ! J’ai toujours détesté tous ces trucs de dames et aujourd’hui je vais devoir m’y plier, pour le restant de mes jours… Tout ça, tout ça c’est de ma faute parce que j’ai failli ! »

Là dessus la jeune femme se dirigea vers une des fenêtres de sa chambre d’où elle pouvait voir les champs et plus loin la forêt enchantée. Comme tu vas me manquer ! Pensa-t-elle, absorbé par la vue qui s’offrait à elle, elle ne remarqua pas Luna qui s’était approchée d’elle.

−Tu n’as pas échoué, non, tu vas sauver ton peuple, le peuple de ton père et le peuple de tes ancêtres. Tu aurais fait la plus merveilleuse des seigneurs ! Mais tu étais acculée et tu as pris la seule décision qui était possible de prendre à ce moment, tu as décidé de te marier et de prendre avec toi les forces de ton époux. » Pendant qu’elle débitait ces paroles, la fille de commerçant l’avait ramenée au centre des miroirs. « Regarde-toi, tu es la personne la plus forte que je connaisse : tu as survécu à la guerre des trois rois, réussi à repoussé les attaques de Roose Bolton, réchappé d’une chasse à l’homme ! Mon père parle de toi à tous les repas, il te voit comme la sauveuse et le petit peuple aussi. Tu n’as pas échoué, tu as survécu tout en sauvant ton peuple. Ton père serait fier de toi. »

Debout face aux miroirs qui l’entouraient, pour la première fois de la journée, Aliénor se vit. Elle était habillée d’une robe blanche qui serrait sa taille, mettant ainsi en valeur sa poitrine, et tombait au niveau des hanches de façons fluide. Elle semblait tellement légère, presque faite de nuage. Son regard se porta ensuite sur les lourds bracelets ornant ses bras, puis sur sa coiffure qui était à l’inverse de celle de Luna : simple, ses cheveux noirs tombaient en cascade le long de son dos, pour agrémenter sa coiffure on avait placé sur son crâne un bijou de tête entièrement fait de perles fines de couleur bleu, rouge et blanc.

Elle ne ressemblait pas à la fille du commerçant, elle n’avait pas besoin de diamant sur ses vêtements, ni de coiffure extravagante, tout en elle respirait la beauté, de ses cheveux longs et noirs, à ses yeux bleu comme le ciel un matin d’été et même son corps rendu ferme par des années de combat à l’épée. Seulement, elle n’avait pas un port droit, il lui arrivait parfois de souffler et surtout, elle était incapable de garder sa langue dans sa poche, une attitude qui semblé insensée pour une reine.

−J’ai peur. » Dit-elle dans un murmure mais déjà Luna placé sur elle un voile épais.