Le Boucher

Chapitre 7 : Port Real

2101 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2016 22:52

À la fourche, à l’endroit même où la forêt prenait fin, neuf poteaux étaient plantés en terre. Au sommet de chaque poteau, une roue de charrette était posée à plat. Des corneilles et des corbeaux tournoyaient au-dessus des roues en becquetant et déchiquetant les cadavres attachés aux jantes et aux moyeux. En réalité, la hauteur des poteaux et la kyrielle d’oiseaux qui voltigeaient autour permettaient simplement d’émettre quelques suppositions quant aux restes, méconnaissables, qui gisaient  sur les roues. C’étaient pourtant bien des cadavres. Ce ne pouvait être rien d’autre.

 

Will détourna la tête et fronça le nez avec dégoût. La puanteur des corps en décomposition était ramenée par le vent et filait au-dessus du carrefour ; elle donnait la nausée. Lorsqu’il distingua la ville à l’horizon, noires tours de guet dressées contre la crue du crépuscule, Will l’écarlate se porta au petit galop à la hauteur de Mors Westford.

 

- C’est quoi cette odeur infecte ? Demande Will.

 

- Du sang ! réplique froidement Mors, de la sueur, de la pisse, de la merde. Bienvenu a Port Réal.

 

Will garda le silence, voilà quelques semaines qu’elle accompagnait Mors, le bougre n’a pas bavardé depuis qu’il a quitté le vieillard et sa fille. Will approuva ce silence au début mais se sentit gênée par la suite.

 

- Tu comptes directement aller voir Tywin Lannister ?

 

- Non ! Il faut que je me renseigne avant de charger dans la mêlée. Tu es libre de me quitter si tu veux, d’ailleurs je crois qu’il faudrait mieux que tu le fasses l’écarlate. Port Réal ne se laissera pas duper par ton déguisement, c’est un nid bien trop dangereux pour une…

 

- Pour une femme, c’est ça ? lança-t-elle en secouant la tête. (Elle éclata d’un rire cruel.) C’est bien ce que tu voulais dire ? Ma parole, je suis tombée sur un gentilhomme !

 

Elle arrêta le cheval et le regarda dans les yeux

 

- Je pisse peut être accroupie, mais ma vulve est faite en poils de loup, pas en poils de lapin ! Ne me fais pas passer pour une poltronne, tu ne me connais pas !

 

- Je ne te connais pas ! Approuve Mors en continuant son chemin. Néanmoins puisque tu persistes à me suivre, je te conseille de rester à mes côtés, je te ferais passer pour un futur membre de la garde de nuit.

 

- Rassure-toi je ne resterais pas avec toi longtemps… mais je trouve ton idée intéressante.

 

- Bien ! Maintenant plus un mot et laisse-moi réfléchir.

 

Mors continua de chevaucher et entra dans la cité par la porte du Dragon. La guerre qui ravage le Conflans a provoqué l'afflux en ville de nombreux miséreux, chassés de leur demeure, et réduits à se nourrir de rats. Afin de renflouer les finances royales, au début, Petyr Baelish institua une taxe à l'entrée de la ville. À l'intérieur, les rues étaient devenues dangereuses, malgré le triplement des effectifs du Guet : il n'était pas rare de trouver un cadavre dépouillé dont nul ne se souciait, mis a part les chiens errants qui le dévoraient. Mais la reine Cersei se préoccupait que de renforcer les fortifications, et de faire fabriquer des catapultes ou du feu grégeois que de pourvoir au ravitaillement. Peu après, des prêcheurs errants firent leur apparition et parcoururent les rues en prédisant malheurs et catastrophes

 

Mors la capuche relevée passa devant un prêcheur qui maudissait la dynastie des Baratheon et des Lannister, l'atmosphère était tremblante et la cité semblait sur le point de se soulever, rien n'avait changé depuis l'époque du Roi Fou. Toujours la même misère, la même noirceur maculée de sang et de larmes, les riches mangeaient et buvaient tout leurs souls, tendit que le peuple crevait la bouche ouverte faute de nourritures ou de dignité perdue par cette interminable guerre des cinq rois. Mors grogna de fureur. Est-ce pour cela que le Mur tient debout ? Est-ce pour cette monstruosité que ses frères de la garde de nuit supportent le froid et les lames sauvageons ? Est-ce donc pour ceci que le défunt lord commander Mormont est mort ? Combien il serait facile d'ouvrir les portes du mur et laisser les pillards déverser au sud, mais que vont-ils piller au juste ? Ou qui vont-ils piller ? Surement pas les gens du peuple.

 

Mors poussa un soupir en arrivant dans la rue de la Soie. Will le suivait et regarda les alentours sourcilles levés. Il y avait des prostituées partout, certains belles, d'autres moins, il y avait même des hommes déguisés en femme, ce qui lui fit monter le rouge aux joues. Elle comprit enfin comment Mors a deviné qu'elle était une jeune femme. Ils s'arrêtèrent devant un bordel.

 

- Chez Chataya ? Demande-t-elle surprise.

 

Mors ne répondit pas. Des domestiques, nombreux, débouchèrent des portes du bâtiment ; ils se bousculaient, se confondaient en saluts. C’étaient des eunuques. Will les contempla avec curiosité, mais celle qui attira son attention, fut une belle grande femme à la peau noire, en voyant Mors elle l'accueillit chaleureusement.

 

- L'incontournable Mors Westford ! Mais quelle surprise ! Et quel honneur surtout. Entrez voyons, laissez mes garçons s'occuper de vos cheveux

 

 

Elle avait une voix douce et langoureuse. Très élégante, son allure était d'une grande dignité et sa démarche chaloupée est délicate. Will la contempla bouche bée, jamais elle n'a vue de femme aussi belle.

 

- Bonjours a toi aussi amie de mon cœur ! Dit Mors en lui baisant la main.

 

Chataya sourit de plus belle.

 

- Toujours aussi chevaleresque même avec les femmes, mon cher Mors. Il faut dire que de tous mes amants, tu es celui qui m'est le plus cher, même si tu n'as jamais couché avec moi.

 

- Tu sais très bien que je ne peux pas.

 

- Je sais ! Dit-elle en poussant un soupir, tes veaux de la garde.

 

Chataya regarda Will un moment puis se tourna vers Mors.

 

- Je sais aussi que tu ne baises pas non plus celle-ci, que fait-elle ici avec toi ?

 

- C'est une longue histoire que je te raconterais une autre fois, pour le moment j'ai besoin de te parler.

 

- Allons dans mon bureau.

 

Il faisait un peu sombre dans le bureau et il y régnait une fraîcheur agréable ; une odeur particulière flottait dans l’air. Celle des parchemins et des livres. Apparemment Chataya dirigeait son bordel d'une main de maître. Mors releva sa capuche et s'assit en face de son amie. Will contempla les livres de sa bibliothèques et choisit un qui parlait de la conquête d'Aegon, mais elle tendit l'oreille pour écouter leur conversation.

 

- Dis-moi, Chataya. Déclare Mors gravement. Que peux-tu me dire sur ce qui se passe ici ?

 

- Différents ragots circulent, dit-elle sèchement, et des choses diverses se produisent.

 

- Je t'écoute.

 

- On a doublé l’impôt personnel et l’hiberna, les impôts prélevés directement par les autorités militaires. Tous les marchands et les entrepreneurs doivent en plus payer au Trésor royal un tout nouvel impôt.

 

- Même les bordels ?

 

- Moi même je dois payer un liard pour chaque passe de prostituée, dit Chataya en poussant un soupir. Ainsi, je donne au Trésor plus de soixante-dix pour cent de ce que je gagne.

 

- Qui a instauré cette taxe ?

 

- Le tout nouveau grand argentier, lord Tyrion Lannister.

 

- Le nain ! Fit Mors songeur.

 

- Port Real est a l'agonie, même si la ville elle-même a évité les destructions que sa prise aurait entraînées, le port, encombré de nombreuses épaves, est devenu impraticable, et les portes de la Rivière et du Roi ont tellement souffert des béliers de Stannis qu'elles doivent être remplacées. Les Tyrell font distribuer généreusement des vivres venues de Hautjardin, imagine un peu toute la population qui attend avec impatience l'arrivée de la jeune reine Margaery pour lui faire un triomphe. Le roi Joffrey vint même accueillir sa fiancée et sa suite à la porte du Roi. Le cortège a même remonté la colline d'Aegon vers le Donjon Rouge sous les vivats et les fleurs.

- Pourtant la crasse est toujours là.

- La famine est évitée, j'en conviens. Dit Chataya en haussant les épaules. Mais la mendicité devint l'unique moyen de survie de beaucoup d'habitants, l’atmosphère générale est toujours tendue.

 

Chataya le regarda un moment puis :

- Que viens-tu faire ici Mors ?

 

- Il faut que je voie Tywin Lannister.

 

- Mais tu es fou ? S'exclama-t-elle ahurie. As-tu oublié ce que tu as fais Mors ? Parce que Tywin lui, non !

 

- Je n'ai pas oublié, Chataya. Dit Mors froidement.

 

Chataya lui prit les mains.

 

- Laisse moi t'en rappeler mon amour. Tu as refusé d'assassiner Elia Martel et ses enfants et tu as déserté au mur. Tywin ne te pardonnera jamais cette trahison, il n'hésitera pas a te tuer même si tu portes le noir.

- Je connais Tywin, Chataya. J'étais son épée lige, et je commandais ses armées bien avant Gregor Clegan. Mais tout cela est du passé maintenant, aujourd'hui je suis un frère juré de la garde de nuit, et j'ai un devoir envers mes frères, leur ramener une armée au plus vite.

 

- Parce que tu crois qu'il t'en donnera une comme ça ? Que vas-tu lui donner en échange ?

 

- Je n'en sais rien, pour le savoir je dois le rencontrer.

 

Chataya réfléchit un moment puis :

 

- Tywin se trouve dans la tour de la main, mais je ne...

 

Au même moment la porte s'ouvrit brusquement pour laisser passer une jeune prostituée a bout de souffle.

 

- Madame vous devez venir vite.

 

- Par les sept que se passe-t-il ? demande Chataya surprise.

 

- Le prince Oberyn va tuer un des gardes Lannister.     

 

  

 

 

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