Mhaegen

-J'ai dit non ! Il en est hors de question !

-Mais enfin, mère ! J'ai le droit de décider ce genre de choses !

C'était au moins la sixième querelle depuis trois jours entre Lollys et sa mère. Á chaque fois, le sujet de leur dispute concernait Mhaegen ou plutôt Elizabeth. Cette dernière faisait mine de ne rien entendre et de faire comme si cette journée était tout à fait calme. Cependant, elle ne manquait pas une miette de leur discussion mais ne sembla pas offensé pour autant. Elle avait en effet finit par avoir l'habitude de ce genre de personnalité dans l'enceinte du Donjon Rouge. Déjà avant, à l'époque où elle n'était qu'une prostituée et où Barra vivait encore, elle était victime de ce genre d'abnégation à son égard. Elles étaient même bien plus violentes que sous le travail de servante. De plus, Mhaegen avait la tête ailleurs. Cela faisait plus de trois jours que Cersei l'avait menacé dans les couloirs. Elle en tremblait encore la nuit. La reine lui avait demandé d'espionner Lollys et sa mère pour elle. Mais celles-ci ne faisaient que se chamailler toute la journée et ne présentait donc pas d'acte ou de parole inhabituelle. Mhaegen se posait la question de savoir si elle ne pourrait pas jouer sur deux tableaux. En effet, elle avait en tête l'idée de profiter de son travail d'espionne pour Cersei pour pouvoir glaner quelques informations sur celle-ci et peut-être, avec de la chance, avoir l'occasion de l'assassiner sans être vu et en risquant le moins possible de rencontrer le billot. En d'autres termes, elle voudrait réussir à avoir la confiance de Cersei, même si celle-ci ne sera pas chose aisée à atteindre. Mhaegen savait que, si son plan marchait, elle pourrait mettre des mois voir des années avant que l'occasion de la tuer se présente. Mais elle serait prête à attendre des décennies s'il le faut. Pour Barra.

-Non, c'est non ! Pas la peine de nous les coller dans les pattes toute la journée ! Nous passons déjà beaucoup trop de temps à ses côtés !

Ce fut la voix impérieuse de lady Tanda qui lui rappela quel rôle elle devait jouer pour l'instant. C'est-à-dire, celui de la servante innocente qui ne prépare aucun mauvais coup et qui subit gentiment et sans se plaindre les insultes faites à son égard.

Aujourd'hui, Lollys et Tanda devaient partir pour la cérémonie du départ pour Dorne de la princesse Myrcella. Lollys bataillait contre sa mère pour que Mhaegen puisse venir avec elles, ce que Tanda désapprouvait catégoriquement.

-Qu'est-ce que cela fait, de toute manière, qu'elle vienne ou pas ?! De plus, d'autres servantes viennent aussi.

-Et ça en fait déjà de trop !

Elle respira profondément et continua plus calmement mais en cachant toujours un certain énervement.

-Si elle doit venir, elle ne devra dire aucun mot et ne pas se faire remarquer, tu m'as bien comprise ?

-Oui, mère. Ne t'inquiètes pas. Approuva Lollys en laissant échapper un regard triomphant vers Mhaegen.

À l'évidence, Tanda n'aimait pas céder devant sa fille mais cette dernière était très ravie et elle alla se préparer sur le champ. Elle se para d'une robe d'un jaune étincelant que sa mère avait minutieusement préparé car «une dame digne de ce nom doit savoir bien s'habiller». Mhaegen ne put s'empêcher d'être éprise d'admiration devant une telle robe et une telle coiffure qui avait remplacé ces cheveux blonds ondulés par des cheveux bouclés. Tanda, elle en revanche, se drapa d'une robe verte pomme que Mhaegen trouva assez laide. Quand à elle, elle devait rester en tenue de servante. Les trois femmes sortirent donc de l'appartement de Lollys en direction de la porte du château où tout ceux qui partaient à la cérémonie devaient se retrouver.

Une fois arrivée à destination, Mhaegen ne fut pas surpris de retrouver Cersei. La reine était vêtue d'une robe bleue turquoise qui changeait de son habituel robe rouge et était accompagnée de sa fille, Myrcella, qui s'agrippait à sa mère en la suppliant de ne pas partir. Elle vit aussi un nain auprès d'elle qui essayait de la réconforter. C'était Tyrion Lanister, Main du Roi. Mhaegen n'aurait sût dire pourquoi mais en le voyant, elle sentit un certain apaisement. Celui-ci était chasser par sa sœur à chaque fois qu'il parlait à Myrcella. Une quinzaine de gardes royaux et d'hommes du Guet étaient aussi rassemblés ainsi qu'une vingtaine de nobles et de notables. Puis, près de la porte, Mhaegen le vit. Le roi Joffrey Baratheon, protecteur du royaume et seigneur des Sept Couronnes. Il était facilement reconnaissable par ses cheveux blonds et la foule de gardes à ses côtés. Il n'était vêtu que d'une cape et d'une chemise en tissus au grand étonnement de Mhaegen qui pensait qu'il porterait une armure étincelante rouge et or comme celle des Lannister mais en plus imposante. À leur arrivée devant la porte, Tanda s'était rapprochée de Cersei pour l'aider à la réconforter ou à éloigner le plus possible Tyrion de sa fille. Lollys en profita pour lui présenter qui était qui dans cette attroupement de nobles. En réalité, Mhaegen s'en fichait un peu mais voulut tout de même l'écouter juste pour pouvoir penser à autre chose que ce qui lui trottait dans la tête.

-Alors inutile de te présenter Cersei, Tyrion et Joffrey qui sont reconnaissable mais par exemple, nous avons ici, près de la porte, lady Lisa de la maison Errol puis, là-bas, la rouquine, c'est lady Sansa de la maison Stark, la fille de l'ancienne Main du Roi. Ensuite, nous avons sir Wulfric de la maison Farman. Ah ! Et il y a aussi Sandor Clegane, le Limier, le garde du corps personnel du roi.

En voyant ce dernier, Mhaegen eut un frisson dans le dos à cause de la moitié de son visage brûlé et qui lui donnait un air brutal et sauvage. Lollys dût s'interrompre car la porte venait de s'ouvrir. La troupe sortit alors du Donjon Rouge et s'engouffra dans les ruelles de Port-Réal. Mhaegen remarqua que ces dernières étaient étrangement calmes. Les seules personnes qui peuplaient les rues regardaient la troupe qui se faufilait à travers la foule en leur lançant des regards haineux. Ce qui est étrange car chaque sortie du roi dans la ville est généralement acclamée par tous mais ce dernier sembla ne pas en tenir compte. Mhaegen crût tout d'abord halluciner mais, au fur et à mesure de sa marche, elle aperçut des groupes de personnes qui épiaient leur passage cachés au détour d'une ruelle ou sur les toits. Une angoisse qu'elle n'aurait sut expliquer monta en elle et fut heureuse de se retrouver enfin au lieu prévu de la cérémonie qui ressemblait à un port privé. Une barque, décorée au style dornien, attendait la venue de la princesse Myrcella pour monter à bord d'un grand navire qui se dessinait à l'horizon, orné de voiles orangées où l'on pouvait apercevoir un soleil rouge dessiné dessus. Celle-ci voulut s'en aller mais Cersei la retînt en essayant tant bien que mal de cacher son émotion. Tous les invités se mirent en place ainsi que les gardes. Mhaegen se retrouva loin de Cersei qui s'était baissé pour prononcer un discours d'adieu à sa fille et essayer de lui remonter le moral. Le Grand Septon fut alors venu pour prononcer sa bénédiction demandée par Cersei et Myrcella monta de son pas timide dans la barque. Mhaegen ne cessait de se répéter que cette jeune fille ne savait pas à quel point elle devrait être heureuse de pouvoir vivre ailleurs que dans cette ville puante et énormément détestable.

Ce fut peu après le départ de la princesse que Joffrey ouvrit la marche pour sortir du quai. Tous ses gardes dont le Limier le suivirent ainsi que tous les nobles et notables qui étaient présents. Alors que le chemin de l'aller s'était déroulé sans presque aucun bruit, celui du retour fut bien plus bruyant. En effet, c'était comme si tout le peuple de Port-Réal s'était rassemblé autour de leur route mais ce n'était pas pour les acclamer. Beaucoup d'entre eux s'adressaient au roi en hurlant et suppliant :

-Sir ! On a faim !!

-Une pièce pour mes enfants, s'il vous plaît !

-Votre Majesté !! Nous voulons du pain mangeable !

-Gloire au roi ! Gloire au bâtard !

Mhaegen avait pitié de ses pauvres âmes qui demandaient l'aumône en courbant ainsi le genou. Elle pouvait voir des enfants qui n'avaient que la peau sur les os ainsi que des vieillards qui tenaient à peine debout tant la famine se faisait ressentir. Elle remarqua aussi que certaines personnes essayaient d'envoyer toute leur haine dans leur regard et leurs paroles. D'autres encore leurs envoyaient des insultes. Mhaegen n'aimait pas cette ambiance. Lollys avait attrapé sa main par derrière et avait, à priori, le même sentiment qu'elle. C'était de la honte. La honte de vivre aussi confortablement dans leur château alors que tant d'âmes souffraient au pas de leur porte. C'est alors qu'elle commença à avoir un mauvais pressentiment et ce fut lorsqu'un tas d'excrément se projeta contre le visage de Joffrey qu'il s'avéra juste. Le peuple de la capitale avait décidé de se rebeller. Une émeute avait débuté.