La cour des grands

Chapitre 37 : Galmar

4750 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/08/2017 11:48



Galmar



Le brouillard épais de ce matin cachait les majestueuses montagnes enneigées et le bois hanté n'était plus qu'une silhouette. Du haut du Mur, la forêt était comme un gigantesque lac noir et flou. Le vent était violent ce jour-là et les feux des torches sur le Mur s'éteignaient souvent. Chacun était emmitouflé dans ses fourrures et peinait à faire leur travail, c'est-à-dire, veiller sur les remparts. Difficile de voir un quelconque mouvement sauvageon dans ce brouillard. Le vent, le froid, le sol glissant, n'aidaient pas non plus à cette tâche. À quelle température serons-nous lorsque l'hiver viendra, si même l'été est gelé ? Voilà la question que la totalité des nouvelles recrues se posaient, ceux qui n'avaient pas encore connu l'hiver dans cette région. Quand l'hiver venait, les neiges pouvaient dépasser le Conflans, les Eyriés voir même Harrenhal jusqu'aux portes de Port-Réal. Et l'hiver était annoncé. D'après les mestres de la Citadelle, l'hiver vient, comme aime le rappeler la devise des Stark.


Galmar s'était accroupi dans un renfoncement de glace assez près du bord du Mur pour percevoir ce qu'il y avait au-delà, ou du moins, ce qu'il pouvait percevoir malgré le brouillard. Il avait allumé une grande torche à ses côtés. Du feu jaillissait d'une coupole de métal rouillé supporté par un pied planté dans le sol enneigé. Cette torche était particulière par rapport aux autres car elle ne s'éteignait pas par le vent, tant son feu était flamboyant. Beaucoup de ses frères s'arrêtaient auprès de ce feu pour se réchauffer quelques temps. Il n'y avait pas beaucoup de ce genre de torche sur le Mur. Dans la zone de Châteaunoir, il n'y en avait que six ou sept répartis un peu partout.


Galmar regardait fixement l'horizon mais, en réalité, c'était plus ses pensées qui préoccupaient son esprit plutôt que l'effort de percevoir quelque chose à travers ce brouillard. Olliver, Janos, Thorne, les sauvageons, Newt, Darius. Tous se bousculaient dans son esprit et Galmar tentait de tout remettre en place. Il sortit la lettre d'Olliver qu'il avait gardé jusqu'alors. Cette lettre où son frère mentionnait son accès de colère qui l'avait amené à devenir le seigneur de Viergétang, où il racontait son meurtre et son mensonge à son propre roi. Galmar essayait de se mettre à la place de son frère et devinait dans quel état d'esprit il pouvait se trouver actuellement. «Le pouvoir est dangereux, j'espère qu'il ne te tourmente pas, cher frère» pensait Galmar. Il avait une opinion assez crue du pouvoir. Parmi tous ses frères et sœurs, il était l'un de ceux qui aimaient le plus lire les livres d'histoires. Et il s'intéressait beaucoup au règne d'Aegon Targaryen, dit le Roi Fou. C'est lorsqu'il fut au pouvoir que la folie commença à le guetter. Plusieurs témoignages de ses proches le définissait comme quelqu'un de bon, de loyal et de courageux avant qu'il ne s'asseye sur le trône de fer qui eut raison de son esprit devenu un tourment meurtrier et barbare. Galmar ne voulait pas qu'Olliver suive la même voie. Il promit de lui écrire souvent pour prendre de ses nouvelles. Si un jour, aucune lettre ne reviendrait à lui, cela voudrait dire que soit il est mort, soit il l'a oublié au profit de l'avidité du pouvoir. C'était la seule chose qu'il pouvait faire de là où il était. Galmar n'avait pas d'autres choix. Il rangea alors la lettre dans son manteau.


Il s'était installé à une dizaine de mètres de l'ascenseur qui permettait de gravir les quelques centaines de mètres de hauteur du Mur. Ainsi, il pouvait voir lequel de ses frères de la Garde de Nuit descendait ou montait. Il ne savait pas trop pourquoi il faisait attention à cela mais toujours est-il que dès que l'ascenseur arrivait à son point culminant et déchargeait ses passagers, Galmar ne pouvait s'empêcher de savoir qui était le nouvel arrivant. Peut-être espérait-il que l'un de ses deux amis, Newt ou Darius, le rejoigne ? Peut-être regardait-il par simple curiosité car il trouvait son travail ennuyant et rendu inutile par cette brume épaisse ? Même lui ne le savait pas. Il s'approcha un peu plus du feu et entendit alors l'ascenseur arriver. Il écouta le bruit des portes s'ouvrir et le bruit de pas du nouvel arrivant. C'était Janos Slynt. Une fois arrivé sur le long couloir qui traversait tout le Mur, il tourna la tête à gauche, vers Galmar, accroupi auprès des flammes. Les deux hommes se regardèrent dans les yeux quelques secondes avec un regard très sérieux et Janos s'en alla alors à l'opposé de son ennemi, à droite de sa position. Thorne les avait formellement interdit de se parler pour éviter les conflits entre les deux hommes mais ce n'est pas ça qui occupait l'esprit de ces deux frères irréconciliables. Galmar se souvenait de l'aveu de Janos quand il était puni dans les geôles. Celui-ci lui avait dit la vérité à propos de sa présence au Mur. L'ordre du Roi Joffrey de tuer une vingtaine d'enfant et la nouvelle Main du Roi qui l'avait puni pour cet acte odieux en l'envoyant à Châteaunoir. Voilà les raisons de sa présence dans ce pays froid. Galmar n'avait encore divulgué ce secret à personne car, après tout, cela n'a plus d'importance désormais. La Garde doit faire oublier dans l'esprit de ses membres leurs passés, peu importe combien de meurtre ils ont perpétrés. Le Janos Slynt qui fut Lord Commandant du Guet de Port-Réal n'existait plus. Tout comme le Galmar Frey qui fut le fils bâtard rejeté par son père. Cependant, il était ici le cas de meurtre de plusieurs enfants. Ce n'était pas comme si c'était une bagarre d'ivrogne qui avait mal tourné. Galmar avait réfléchi longtemps à cela et en avait conclu que ce n'était plus l'ordre de Thorne qui permettait de les séparer mais que c'était Galmar qui devait se désintéresser de lui pour que cet acte cruel soit oublier de son esprit. C'était la seule solution. Ce n'était pas à lui de venger les morts que Janos avait perpétré. Ce n'était pas à lui de le punir, ni même de le blâmer. Mieux valait perdre l'histoire de ces meurtres dans les limbes de l'oubli. C'est la raison pour laquelle il n'allait rien dire à Newt ou à Darius ou même à Thorne. Cela ne ferait qu'apporter des ennuis et de faire ressurgir à tout jamais cet acte odieux dans les esprits de chacun. Peu importe à quel point il détestait Janos, un secret tel que celui-ci ne pouvait être divulguer. Mais un aveu comme celui-ci, difficile de l'oublier volontairement. Pour ce faire, Galmar essaya de penser à autre chose.


Comme par exemple, cet entraînement matinal qu'il avait pratiqué avec Newt et Darius. Les trois compères s'étaient lancés dans un duel d'épée à trois. Le combat fut long mais prévisible pour nombre des spectateurs. Darius envoya ses deux adversaires à terre près une demi-heure de combat. Darius était très musclé et était agile pour son poids. Du haut de ses trente-huit ans, il dominait une grande majorité de tous ses frères de la Garde de Nuit en taille comme en muscle. L'entraînement qu'il avait suivit dans l'infanterie de la maison Tully à Vivesaigues et les dix années d'expérience au Mur l'ont bien fait mûrir. Il n'en perdait pas d'un certain humour et tous ses frères le respectaient et voyaient en lui qu'il accordait plus d'importance à eux qu'à lui-même.


-Être égocentrique ne sert à rien en ce lieu. Aimait-il répéter. Il faut s'entraider pour avancer. C'est là la clé, mes frères. Il est impossible d'avancer dans la vie sans les autres.


Galmar savait qu'il pouvait avoir confiance en lui et, de plus, il était impressionné par ses capacités physiques. Il semblait à Galmar que ce sentiment de confiance qu'il lui vouait était réciproque et il voyait en lui un véritable ami, comme on en fait plus dans ce monde. Newt aussi l'aimait bien. Il était un peu jaloux de sa force mais ne se lamentait pas. Comparé à lui, il pouvait toucher une cible minuscule à plusieurs dizaines de mètres grâce à son arc. Darius savait qu'il ne pouvait rivaliser avec lui dans le domaine de l'archerie. En secret, Darius avouait à Galmar que jamais il ne s'essaierait à l'arc car c'était une «arme pour les mauviettes» qui avaient peur du combat au corps à corps. Même si Galmar ne pouvait lui donner tort, il essayait néanmoins de défendre Newt sur ce point en lui répondant que les archers doivent quand même se battre à l'épée si leurs adversaires foncent sur eux, ce qui est souvent le cas dans les batailles. Et Darius lui rétorquait avec humour :


-Ce qu'il y a de bien avec les opinions tranchées, c'est que ça relance le débat. On voit que tu es une sorte de provocateur en fait.


Et les deux hommes s'esclaffaient de rire tandis que Newt, arc à la main en s'entraînant à viser sur des cibles, ne comprenait pas ses deux amis qui rigolaient derrière lui. Galmar aimait beaucoup Newt de toute façon. Au-delà de le trouver talentueux dans son domaine de prédilection qu'est l'archerie, il le trouvait fort sympathique et très éloquent malgré sa timidité. «S'il se lâchait un peu en public, il deviendrait un véritable orateur», pensait Galmar. Il le voyait lorsque son ami lui expliquait certains détails à savoir sur le maniement de l'arc ou même quand il racontait des histoires farfelues que son vieux père lui répétait sans cesse quand il était petit. De son côté, Newt voyait Galmar comme un modèle de vertu. Il ne savait pas trop pourquoi et réfléchissait souvent à la question. Était-ce dû à son sang royal qu'il avait renié alors que beaucoup d'autres convoitaient ce genre de prestige dans le monde ? Ou alors était-ce dû à son histoire car elle lui exprimait un sentiment de liberté dans un lieu comme celui du Mur qui est vu comme une prison par tout le reste de ses frères ? Car Galmar avait lui-même choisit d'être ici et avait renié son destin de prestige que son père prédestinait toujours à ses enfants. C'était sans nul doute l'homme le plus libre de la Garde de Nuit. Galmar savait qu'il inspirait le respect pour Newt mais il ne savait pas réellement pourquoi. Cela lui plaisait néanmoins et lui instaurait même un sentiment de fierté.


-Aïe ! S'écria Galmar, sortit de ses pensées et se retrouvant une fois de plus sur le Mur, à veiller comme il se devait de le faire.


-Tu roupillais, Galmar. Dit une voix familière. Ce n'est pas sérieux, voyons.


Galmar leva la tête et vit la figure de Darius qui souriait en voyant ainsi son ami affalé dans la neige.


-Tu vas geler sur place à rester enterrés sous la neige. Plaisanta Darius en lui tendant la main pour le soulever.


-C'est vrai que je pense être trop jeune pour être sous terre, comparé à certains. Lança-t-il en se faisant soulever et en regardant d'un œil amusé son ami.


-Salopard, va. S'esclaffa Darius. Je viens prendre la relève. Tu peux aller te reposer au chaud, Galmar.


-Ce n'est pas encore l'heure de manger ?


-Non, pas encore. Tu as si faim que ça ?


-Je boufferai un cheval en salade.


-Qu'est-ce que c'est que cette expression moisie ? S'étonna drôlement Darius.


-J'en sais rien. Bonne chance, Darius. Le climat n'est pas propice à nous laisser faire notre boulot aujourd'hui.


-J'ai déjà vu pire, l'ami. Bon repos.


Et Galmar prit le chemin de l'ascenseur. Il fit un signe de torche au frère qui s'occupait d'actionner l'ascenseur et qui se trouvait au pied du Mur. Celui-ci devait tourner un grand levier tout au long de la descente, ou de la montée, de l'ascenseur pour que ses frères aillent rejoindre le haut du Mur ou la cour de Châteaunoir. Galmar, après être redescendu, parcoura cette dernière et s'installa sur un tonneau. Il aimait parfois regarder ses frères s'entraîner et percevoir les défauts et les qualités de chacun dans l'adrénaline du combat. Il voyait Newt s'entraîner à l'arc et semblait trop occuper pour avoir remarqué l'arrivée de Galmar dans la cour. Il fut vite interrompu par Thorne qui se tenait désormais devant lui.


-On se tape une petite pause, on dirait, frère Galmar. Lança-t-il en ricanant.


-Désolé, ser. Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit.


-Lorsque l'hiver viendra, le froid sera assez fort pour vous empêcher de dormir. Si vous n'arrivez pas à fermer l’œil alors que nous sommes encore en été, vous serez le frère le plus insomniaque de la Garde.


-Je ferais attention, ser.


Thorne se retourna et fixa Newt en train de décocher une flèche en plein dans le cœur de sa cible.


-J'ai remarqué que tu avais trouvé des amis avec qui tu entretiens une très bonne complicité. Fit remarquer Thorne.


-Oui. Répondit Galmar, surprit de cette attention qu'il lui portait. Ce sont des amis dignes de confiance.


-Ne t'attache pas trop avec tes frères, Galmar. C'est ce que je conseille à tous les membres de la Garde. Car le jour où tu les perdras, où que eux te perdront, vous ne prendrez plus goût au devoir qu'implique la Garde de Nuit. Et vous serez des frères dépressifs, aussi.


Cette réponse fit tressaillir le cœur de Galmar mais il comprit ses paroles. Le choc serait horrible s'il apprenait que Darius ou Newt ait succombé par un coup de hache des sauvageons. Cela l'empêcherait par la suite d'être efficace sur le terrain. Il pourrait être aveuglé par la rage lorsqu'il croiserait par la suite un autre sauvageon, ou submergé par la tristesse. Galmar comprit qu'il n'arrivait pas à anticiper son état d'esprit si un jour, ses amis venaient à disparaître. Mieux valait ne pas trop y penser. Il répondit alors le plus sereinement possible :


-Vous avez raison, ser Thorne. Cependant, un frère est aussi inutile sur le terrain s'il subit la solitude dans sa fraternité. Il est faible.


-Je ne dis pas que tu ne dois pas avoir de relation amicale. Seulement, fais en sorte que ton esprit ne s'attache pas trop à leur présence.


Dis comme cela, c'était facile. Mais le jour où il perdra ses amis, il sera attristé. C'est un fait inévitable qu'il valait mieux se préparer à encaisser plutôt qu'à régresser l'amusement et la joie qu'il éprouvait lorsqu'il était avec eux. Après un moment d'hésitation, il lui dévoila sa pensée, ce que Thorne affirma, accompagné d'un maigre sourire dont il n'avait pas l'habitude de faire preuve :


-C'est justement ce que j'ai essayé de te dire. À plus tard, Gal…


-Attendez ! Coupa Galmar qui venait de se souvenir d'un fait sur lequel il n'avait jusqu'alors pas réfléchi. Vous êtes au courant pour mon frère. Vous avez lu sa lettre. Vous savez ce qu'il a fait.


-En effet. Répondit Thorne d'un ton amusé. Tu aimerais savoir mon opinion à ce sujet ? Si je pense que ton frère est un parjure ou quelqu'un qui a su prendre sa chance au bon moment ? Je fais partie de la Garde de Nuit. Les guerres que se livrent ceux du sud ne m'intéressent plus car je n'ai pas à m'y intéressé. Je me fiche de ton frère, du Roi du Nord et de ce blondinet qui est assis sur le trône de fer. Peu importe qui pose son cul sur un quelconque trône. Je n'ai pas à accorder une seule pensée à ces gens-là. La Garde de Nuit est la seule entité qui doit occuper mon esprit. C'est ce que l'on attend de moi, et de toi, et de tous tes frères. Donc, en conclusion, je n'ai pas d'avis sur ce qu'à fait ton frère car je m'en fiche. Comprends-tu ?


Ses paroles étaient franches et justes. Galmar le savait. Mais même si la Guerre des Cinq Rois ne devait être qu'une bagarre lointaine pour lui, il voulait savoir comment un de ses combattants s'en sortait. Son frère devait survivre à ce jeu des trônes que les grands de ce monde se jouent. Il y était entré, peu importe si la crise de folie qu'il avait eu était contrôlé ou pas par sa conscience, dans une partie dangereuse où les pions tombent comme des feuilles en fin d'été. C'est la raison pour laquelle Galmar n'allait cesser de prendre des nouvelles de son frère, histoire de savoir s'il était toujours dans la partie de ce jeu terrifiant.


Thorne se prépara à le saluer en voyant que Galmar avait compris ses paroles quand soudain, le son d'un long cor retentit dans l'atmosphère glaciale de Châteaunoir. Chacun avait stoppé leur activité et attendait si un deuxième souffle de cor allait se manifester. C'était des frères qui s'occupaient de souffler dans le cor en haut du Mur et qui permettaient de prévenir à toute la Garde l'arrivée de personne venant d'au-delà du Mur. Il y avait un code pour les sonneurs pour informer la «nature» de la ou les personnes qui approchaient de la grande muraille de glace, un code millénaire. Un coup signifiait que c'était un chevalier ou un membre de la Garde qui approchait. Lorsque deux coups sonnaient, les personnes qui marchaient en direction du Mur étaient des sauvageons. Les frères devaient cesser toute activité et se préparer au combat. Mais si trois coups sonnaient, il était normal de voir des frères prendre la fuite. Car cela annonçait que ce n'était ni des sauvageons ni des membre de la Garde mais les Autres, ceux qui se faisaient appeler dans les livres d'histoires, les Marcheurs Blancs. Ce seraient des créatures aux yeux bleus étincelants capable de ranimer les morts pour qu'ils se battent à leur côté et qui n'attaquaient le Mur que durant l'Hiver. Mais ce n'était aujourd'hui qu'une légende car cela faisait plusieurs milliers d'années que les Autres avaient disparus. Même si, en ce moment même, plusieurs rumeurs parlaient de leurs retours, que ce soit parmi les témoignages des sauvageons capturés ou même de ceux des membres de la Garde de Nuit. Le Lord Commandant Jeor Mormont aurait été attaqué par un cadavre aux yeux bleus et c'est pour vérifier si c'était bel et bien un Autre qui l'avait attaqué qu'il était partit en expédition au-delà de Mur.


Toujours est-il que cette fois là, le sonneur ne souffla qu'une seule fois dans son cor, ce qui annonçait certainement le retour d'un ou plusieurs membres de la Garde. Thorne et Galmar approchèrent de la porte qui menait au tunnel permettant de rejoindre l'autre côté du Mur. Plusieurs de leurs frères avaient fait de même, et certains, trop loin pour prendre l'effort de se déplacer dans la Cour, épiait la porte du tunnel qui fut ouverte. Elle ne dévoila que très lentement le tunnel sombre qu'elle cachait. Les rares torches qui permettaient d'éclairer le passage ne suffisait pas à distinguer assez distinctement la silhouette qui était visiblement à pied.


-Où est son cheval ? Demanda Galmar en signe de stupéfaction.


Il n'eut aucune réponse et il semblait évident qu'il était arrivé quelque chose à ce frère qui revenait du Bois Hanté. La lumière extérieure atteignait enfin son visage. Il avait le regard hagard, presque apeuré. Il avait du mal à marcher et il tremblait de tous ses membres. Une fois arrivés dans la cour, devant ses dizaines de frères qui le fixaient, il s'arrêta. Thorne l'interrogea :


-Qu'y a-t-il, frère Harold ? On dirait qu'un fantôme vous a attaqué.


Harold fixa Alliser Thorne pendant plusieurs longues secondes. Il s'efforçait de prononcer quelque chose qui fut à peine audible à ceux qui étaient le plus proche de lui.


-Ils...ivent. Les...tres...vent. Balbutia-t-il.


Sa paralysie inquiétait tous ces frères et tous se demandaient ce qui lui était arrivé pour le mettre dans cet état.


-Nous n'avons pas compris. Pouvez-vous répétez ? Demanda Thorne qui s'approchait un peu plus de lui.


Dans un effort qui lui semblait surhumain, il prononça ces mots :


-Ils arrivent. S'affola-t-il.


Puis, Harold tomba à genou et son corps entier s'écroula, évanoui, dans la boue enneigé de la cour. Le silence qui suivit sa chute fut long. Thorne regardait le corps inerte d'Harold comme s'il essayait d'en déchiffrer chaque petit bout de son corps. Mais ce qu'il était en train de déchiffrer, c'était ses paroles. Qui arrivent ? L'escouade du Lord commandant ? Une troupe de sauvageons ? Ou...des Autres ? Tous se posaient la même question. Thorne se pencha sur le corps d'Harold et après avoir annoncé à ses frères qu'il était encore vivant, il ordonna qu'on l'emmène voir le mestre Aemon et que tout le monde reprenne son activité. Chacun se remit donc à leurs occupations. Galmar regardait le corps d'Harold être transporté chez le mestre puis Thorne qui rentrait dans le bâtiment.


Le retour d'Harold occupait toutes les conversations lorsque ce fut l'heure du déjeuner. Newt, Darius et Galmar s'amusaient à deviner les théories les plus farfelues sur ce «ils» qu'Harold avait prononcé. Après être passé sur les théories les plus classique sur des sauvageons venant attaquer le Mur, ils parlèrent d'une armée de géants puis de montagnes ambulantes qui détruirait le Mur sur leur passage et ensuite d'arbres parlants et marchant vers le Mur prêt à l'enraciner. Ces théories les faisaient rire mais en eux persistait une question sérieuse. Qui allaient arriver ? Ils savaient que la réponse n'allait pas âtre connu avant le réveil de ce frère Harold. Galmar ne l'avait jamais vu et apparemment, il était partis juste avant son arrivée à Châteaunoir. Pourquoi était-il resté si longtemps au-delà du Mur ? Cela faisait plus d'un mois que Galmar était enrôlé dans la Garde et les missions des Patrouilleurs ne devaient durer qu'une ou deux semaines au maximum. Après avoir mangé, tous les frères s'attelèrent à leur tâche respective. Newt fut charger de surveiller le Mur depuis son sommet et Galmar et Darius s'entraînèrent à l'épée. Il n'y avait pas de doute que, au fur et à mesure des jours, leurs combats semblaient de plus en plus corsés. Galmar était fier de rattrapé ce rapport de force avec Darius et cela l'encourageait à continuer ses entraînements. Avec son entraînement à l'arc et son don qu'il possède au maniement de la dague, il se sentait comme un combattant hors pair. Mais encore une fois, ce fut Darius qui remporta le combat, ce qui eut pour effet de le faire redescendre sur terre au niveau de l'orgueil, mais cela le rendait heureux.


Le soir même, se rendant compte qu'il n'était pas fatigué, ce qui l'étonna vu ses efforts fournis durant la journée, il prit l'initiative de garder le Mur une partie de la nuit. Il entra donc dans l'ascenseur et fit signe à son frère qui maintenait le levier de le faire monter en haut du Mur. Lorsqu'il arriva au sommet, il se rendit compte que le brouillard du matin avait disparu et qu'il faisait même une meilleure température, bien qu'étant encore froide. Il marcha dans le long couloir et voulu s'éloigner assez loin de l'ascenseur cette fois-là. Il était arrivé à une partie déserte du sommet où les torches n'étaient pas allumées. Il voyait à peine ses frères de là où il était et il s'installa, dos à un muret de glace creusé dans la neige. Il regarda l'étendue du Bois Hanté et des montagnes enneigées presque cachées dans l'ombre de la nuit. La lune n'arrivait pas à briller sur la neige qui les entourait. Il sortit la lettre de son frère de sous sa cape puis, après avoir réfléchi, la déchira et il jeta les bouts dans le vide pour qu'aucun autre que lui, ou Thorne, ne sache ce qu'il s'était réellement passé à Viergétang. De là où il était, le silence régnait et il se rendit compte que c'est de cela qu'il avait besoin. Le peu de vent qu'il y avait faisait penser à un silence absolu, comme si il n'y avait plus signe de vie sur tout Westeros. Galmar entendit alors des bruits de pas se rapprochant. Un autre frère venait-il se replier loin de tout ? Il tourna la tête vers le long chemin de neige et attendit que la personne en question passe. C'était Harold. Il venait de passer devant Galmar sans même le voir. Galmar se leva et le regarda s'éloigner. Il tremblait toujours mais il marchait cette fois d'un pas assuré. Après plusieurs mètres, Harold s'arrêta et se tourna vers un poste de guet comme celui de Galmar. Il venait donc surveiller ? Galmar prit la décision de le rejoindre et d'entamer la conversation, et peut-être découvrir ce qui lui état arrivé. Il atteignit alors le poste de guet d'Harold et ce qu'il vit lui fit un choc. Harold se tenait debout, au bord du vide et se penchant dangereusement vers le bas. Galmar se dépêcha de la rattraper par sa cape. Il tira Harold qui se retrouva couché sur le sol, Galmar se tenant debout à ses côtés et l'ayant relâché.


-Que faisais-tu ? Lui demanda Galmar, fière d'avoir eu ce reflex de lui sauver la vie.


-Laisse-moi, mon frère. Répondit Harold d'une voix qui trahissait son affolement persistant. Tu ne peux pas comprendre.


Galmar examina son regard qui était à la limite entre les pleurs, la colère et l'effroi. Il se rapprocha de lui et lui demanda calmement :


-Que t'est-il arrivé ? Qui arrivent ?


Harold resta silencieux un instant et, comme si son corps se laissait guider par la colère et son esprit par l'effroi et les pleurs, il attrapa Galmar par le col et le colla contre le Mur. Il lui dit alors :


-Ils arrivent, mon frère. La longue nuit les accompagnera. Ils tueront tous les Hommes qui leurs résistent.


-Qui ? Interrogea Galmar qui se doutait de qui il parlait sans qu'il veuille y croire.


-Les...les… Je les ais vus. J'ai vu leur armée. Ils nous ont attaqué au Point des Premiers Hommes. Je me suis enfuis et j'ai laissés mes frères à leurs mercis. Je ne peux plus rester là.


-Le Point des… Balbutia lui-même Galmar qui avait été informé plus tôt que l'expédition de Jeor Mormont devait passé par ce lieu.


Harold le lâcha et recula tout en le fixant des yeux. Il avait deviné que ce frère qu'il ne connaissait pas avait deviné de quel équipe il faisait parti. Galmar lui demanda alors :


-Ou est le Lord Commandant ? S'en est-il sorti ?


Galmar lut sur ses lèvres qui n'émettait aucun son «Je ne sais pas». Tout à coup, Harold couru et sauta dans le vide. Galmar voulut le rattraper encore une fois mais il échoua et faillit lui même tomber avant de se rattraper sur le muret. Il regarda alors stupéfait le corps d'Harold chuter et, comme un coup de hache lointain, l'entendit s'écraser contre le sol. Le manque de brouillard permettait de discerner l'endroit où Harold était mort et Galmar voyait un point s'élargir de plus en plus. C'était le sang d'Harold qui s'étalait sur la neige.


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