La cour des grands

Chapitre 39 : Galmar

2884 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/09/2017 21:17



Galmar



La salle à manger était ce midi silencieuse malgré que c'était l'heure du repas. En effet, chaque frère se taisait et ne touchait pas à leurs gamelles devant eux. C'est Alliser Thorne qui leur avait ordonné. Thorne voulait que personne ne fasse de bruit pour que tout le monde écoute d'une oreille attentive le témoignage de Galmar sur ce qu'il s'était passé la nuit dernière, au sommet du Mur. Il racontait comment il avait vu le frère Harold passé devant lui, comment il l'empêcha de se suicider, comment, dans un excès de folie et de peur, Harold lui fit le récit de ce qu'il avait vu au-delà du Mur avant de réussir à sauter dans le vide sans que Galmar ne puisse rien faire. Harold disait que les Autres avaient attaqués ses frères au Point des Premiers Hommes et qu'il avait dû s'enfuir pour échapper à la mort. Galmar parlait de tout cela d'une voix bien articulée bien qu'un peu tremblante mais il ne savait pas si cela était dû au stress de parler devant tous ces frères ou si c'était le fait qu'il se sentait coupable de n'avoir pas réussi à sauver Harold. Quoi qu'il en soit, dès qu'il termina son récit, le silence complet s'était installé. Alliser semblait perdu dans ses pensées et tous ces autres frères regardaient Galmar fixement, débattant s'il devait croire à son histoire ou pas. Galmar se sentait mal à l'aise et attendait impatiemment que Thorne lui dise de s'asseoir. Au fond de la salle, un de ses frères se leva. Il était assez âgé et Galmar ne le connaissait pas. Il s'exclama alors :


-Menteur ! Je connaissais frère Harold avant qu'il ne parte. Il était courageux et ne se serait jamais donné la mort juste en voyant des légendes prendre vies. Beaucoup d'entre vous, mes frères, l'avez connu, n'est-ce-pas ? (Plusieurs frères affirmèrent d'un signe de tête) Alors, je ne te crois pas.


-Et pourquoi mentirais-je ? S'offusqua Galmar qui n'avait pas prévu ce genre de réaction.


-Peut-être parce que tu l'as tué. Répondit un autre frère en se levant.


Darius se leva et fixa l'accusateur d'un regard de haine.


-Comment oses-tu, sale chien ?! L'insulta-t-il.


-Ou, peut-être…. Se leva un autre. Peut-être que frère Galmar aime se faire remarquer. Si le Lord Commandant est mort, il sait qu'il y a de grandes chances pour que Thorne prenne sa place, et nous savons tous à quel point tu te rapproches de lui. Dit-il en montrant Thorne du doigt.


Ce dernier ne semblait pas faire attention à ce qu'il se passait dans le réfectoire et n'avait pas bougé un cil lorsque son nom avait résonné dans la salle. Il avait joint ses deux mains et avait le regard perdu dans le vide.


-Je vais te faire ravaler ce que que tu viens de dire, frère Lorius. Se leva à présent Newt.


-Si son discours est vrai, cela signifie que notre effectif est réduit de moitié. Lança un autre frère. Ce serait une terrible tragédie pour la Garde. Il vaut mieux envoyer des patrouilleurs pour vérifier la véracité de ce discours.


Ce même frère se tourna vers Alliser dans l'attente d'une réponse mais celui-ci resta muet et immobile.


-Il n'y a pas de vrai dans cette histoire ! Rétorqua le premier frère qui s'était levé. C'est absurde et totalement impossible. Notre frère Galmar a dû pousser Harold dans le vide quand l'envie le lui a prit. Juste pour voir ce que ça faisait, un corps qui chute d'une telle hauteur. Quand on a récupéré le corps, ce matin, on a dû mettre les restes dans une brouette et il n'y avait plus aucun os intacte.


Galmar décida de répondre à aucune des accusations qu'on lui reprochait. Il se contentait de fixer dans les yeux ses traîtres de frères. D'autres s'étaient levés en sa faveur. Des insultes étaient lancées à travers la salle et certains n'hésitaient pas à se pousser entre eux en guise de provocation. Tout à coup, un son lourd retentit. C'était le bruit du poing que Thorne avait martelé sur la table. Il s'était levé et regardait l'assemblée en pleine zizanie.


-Assez, bandes de bons à riens ! Cria-t-il. Vrai ou pas vrai, le discours de Galmar mérite qu'on s'y attarde. Si le Lord Commandant Mormont est mort, nous devons le savoir. Nous n'allons pas envoyer des patrouilleurs jusqu'au Point des Premiers Hommes, Pierce, c'est bien trop loin. Dit-il en se tournant vers le frère qui avait soulevé l'idée. De plus, s'il dit vrai, la Garde a donc perdu la moitié de ses membres. Nous devons recruter le plus possible. Frère Rickard!


Quand Thorne se fut adresser à lui, il sursauta. Il était juste à côté de lui et ne s'attendait certainement pas à être citer dans la discussion.


-Je vous ordonne de prendre plusieurs charettes et de parcourir Westeros en quête de nouveaux apprentis. Est-ce clair?


-Ou...oui, ser. Répondit Rickard dont le regard trahissait la joie de revenir quelques temps dans le Sud.


-Bien. À présent, finissez de bouffer et repartez faire votre boulot. Et plus un mot.


À ces derniers mots, il regardait Galmar avant de s'occuper de son assiette de tranches de lard fumé.


La suite du repas se passa dans le calme et dans un silence presque dérangeant. Galmar sentait que plusieurs regards se tournaient parfois vers lui. Il se décida à finir le plus vite possible son assiette et repartir à son entraînement. Cela faisait longtemps que Thorne ne lui avait pas donné de missions à effectuer au-delà du Mur. À vrai dire, il n'en avait eu qu'une seule depuis qu'il était devenu patrouilleur, c'était cette fois où Darius, Newt et lui avaient été attaqué par des loups. Thorne ne l'avait affecté à aucune autre mission par la suite. Galmar s'attendait à avoir une fonction plus trépidante et plus aventureuse que cela mais soit, il attendrait le temps qu'il faudrait avant la deuxième mission. De toute manière, cela lui donnait du temps pour l'entraînement et il restait au Mur pour toute la vie. Il avait en effet de quoi attendre. Cependant, maintenant que Thorne savait que la moitié de la Garde avait peut-être été anéanti, allait-il prendre le risque d'envoyer d'autres frères au-delà du Mur? C'était la question qui lui taraudait le plus l'esprit. Sa première mission date déjà de plus d'un mois. Le temps commence à être long pour lui. De plus, il se sentait prêt à affronter maints dangers à présent qu'il s'était bien entraîné.


Quand il revînt dans la cour après ce déjeuner, il décida de partir en haut du Mur surveiller, ou plutôt admirer, les paysages du Grand Nord maintenant que le brouillard de la veille s'en était allé. Il prit donc l'ascenseur et attendit de se retrouver au sommet. D'en haut, il voyait la cour se remplir petit à petit de ses frères qui avaient fini de manger plus tard que lui. Il n'avait pas attendu que Newt et Darius eurent finis leur assiette pour sortir vu l'ambiance du réfectoire et Galmar savait ses deux amis assez intelligents pour comprendre l'état d'esprit qu'il avait en ce moment. Une fois arrivé à destination, il cessa de regarder la cour et se retourna dans le couloir. Il n'y avait pas beaucoup de frères encore sur le Mur. Les seuls qu'il y avait était des frères qui furent volontaires pour manger plus tard que les autres. D'ailleurs, en voyant Galmar, certains se dépêchèrent de quitter leur poste et prendre l'ascenseur avant que celui-ci ne reparte en bas. Galmar prit donc leur place et contempla le Bois Hantée, s'étendant jusqu'à l'horizon, accompagné de certaines montagnes enneigées et brillantes face à ce rare soleil qui avait décidé de se montrer en ce jour. Le vent était calme et Galmar crut qu'il faisait presque chaud. Il s'assit dos à un muret comme il avait l'habitude de le faire et n'alluma pas de torche, estimant qu'il n'en avait pas besoin en ce début d'après-midi. La forêt aussi était calme. À ce moment-là, Galmar eut peine à croire que des sauvageons, ou même des Marcheurs blancs puissent parcourir les étendues sauvages du nord. Il repensa au récit d'Harold et à son suicide. La moitié des hommes de la Garde de Nuit est-elle vraiment morte? Est-ce seulement possible? Si c'était le cas, alors la Garde n'est plus la fraternité ancestrale d'antan mais simplement une bande de malfrat obligé de veiller à ce que personne traverse un mur de glace. Galmar se rendait compte de la triste situation de la Garde pour laquelle il avait quitté sa famille. Pendant une seconde, il se sentit exprimer du regret mais il se rappela de son père qu'il voulait éviter et des amis qu'il avait rencontré ici, à Châteaunoir. Un jour, la Garde retrouverait sa gloire, il en était certain. Et ce jour-là, il sera présent. Il repensa ensuite à ces frères qui ne croyaient pas son histoire. Il comprenait que son récit était difficile à avaler. Des vieilles légendes qui se révèlent en plein jour et tuent tous les membres de l'expédition de Jeor Mormont en quelques instants, étaient un récit relevant presque de l'absurde. De plus, Harold était apparemment quelqu'un de courageux et d'un esprit fort. Le fait qu'il se soit enfui lors de l'attaque et qu'il soit rentré pour se suicider le soir même était dur à croire. Pourtant, le regard qu'Harold avait lancé à Galmar avant de sauter dans le vide ne laissait pas de doute à ce dernier. Harold avait dit la vérité. Il en était certain. Et peu importe si tout le monde ne le croyait pas.


Galmar se rendit compte que la mort d'Harold l'avait beaucoup touché. Bien qu'il ne le connaissait pas, c'était la première fois qu'il voyait quelqu'un perdre le contrôle de son esprit au point de se suicider. L'esprit humain est donc si fragile? Se demandait Galmar. Comment aurait-il réagi s'il avait vu ce qu'Harold avait vécu? Se serait-il enfuis? Serait-il devenu fou et enclin au suicide? Galmar renonça à le deviner. Il savait que le seul moyen de le savoir était de le vivre et il espérait n'avoir jamais l'occasion de se retrouver en face des Autres. Galmar continua à regarder l'horizon en rassemblant toutes ses forces pour ne plus penser à Harold ou aux Autres ou même à ses frères qui ne le croyaient pas. L'effort le fit somnoler et il ne sut pas s'il avait réussi l'exploit de dormir dans la glace quand il vit Darius et Newt penchés vers lui, en train de le secouer pour le faire réagir.


-Tu réussis à dormir à des centaines de mètres de hauteur, dans la glace et à une température aussi froide? Es-tu seulement humain, Galmar? Plaisanta Newt en lui tendant la main pour le faire lever.


-J'aimerais tant que ce ne soit pas le cas. Ironisa Galmar en souriant et en se levant grâce à l'aide de Newt. Qu'est-ce que vous faîtes, là? Vous aviez pas prévu de vous entraîner, cette après-midi?


-On voulait d'abord savoir comment tu allais. Répondit Darius de sa voix grave et amusé. Ne fais pas attention à ces sales chiens. Ils sont trop cons pour savoir que tu dis la vérité sur Harold.


-J'ai l'air si effondré que ça, les gars? J'en ai rien à foutre d'eux. Rigola Galmar.


-Mouais. Dirent en chœur Newt et Darius, pas très convaincu.


-Tu ne devais pas t'entraîner, toi aussi, Galmar ? Continua Darius.


-Oui mais j'ai décidé de garder le Mur, en fait. Désolé de pas être avec vous. De toute façon, avec ce qu'il vient d'arriver, je ne sais pas si ça vaut la peine de s'entraîner si Thorne n'envoie plus personne en mission.


-On ne sait jamais. Si un jour on se retrouve là-bas (Newt montra la forêt), on devra être prêt si on recroise ce sur quoi est tombé Harold.


Galmar regarda l'horizon quelques secondes et demanda :


-C'est loin d'ici, le Point des Premiers Hommes, là où l'attaque a eu lieu?


-Assez, oui. Au moins cinquante lieues d'ici, loin derrière ces montagnes. Répondit Darius en montrant les monts enneigés. Pourquoi demandes-tu ça? Tu veux y aller?


-Je ne sais pas. Mais ce serait bien d'envoyer des éclaireurs pour savoir si tout le monde est vraiment mort. Si Harold a réussi à s'en sortir, pourquoi pas d'autres ? Le Lord Commandant est peut-être encore en vie.


-Cela m'étonnerait que Thorne envoie quiconque là-bas. C'est en plein territoire sauvageon et s'il y a vraiment des Autres là-bas, c'est encore plus risqué. Objecta Darius.


Galmar savait qu'il avait raison mais sa curiosité l'amenait à vouloir y aller. Il se sentait assez prudent pour ne pas foncer tête baissé au lieu de l'attaque et assez combatif pour pouvoir s'en sortir en cas de mauvaise rencontre. Mais il sentit cet excès de confiance en lui. Il se doutait qu'il avait forcément tort à ce sujet. Lui seul, peu importe combien d'entraînement il a suivit, ne pouvait venir à bout d'une embuscade des sauvageons. Après réflexion, il dit à Newt et Darius qu'il avait changé d'avis et il prit l'ascenseur pour aller s'entraîner. Darius se désigna volontaire pour rester veiller quelques temps sur le Mur tandis que ces deux amis descendaient dans la cour. La pensée qu'il ne pouvait s'en sortir seul au-delà du Mur l'avait quelque peu encouragé à s'entraîner. Il décida néanmoins d'écrire une lettre à son frère pour lui demander des nouvelles. Il demanda à Newt de l'attendre le temps d'envoyer sa lettre et partit prendre plume et parchemin. Installé sur un tonneau, il écrivit d'une seule traite comme s'il s'était longuement préparé à ce qu'il allait rédiger alors qu'il venait à peine d'en prendre l'initiative.


Mon cher frère Olliver,


J'ai bien reçu ta dernière lettre et je dois t'avouer être fier de toi d'être arrivé si haut dans les échelons, malgré la triste manière dont cela s'est déroulé. Ici, les journées se ressemblent un peu en ce moment. Dormir, manger, s'entraîner et veiller sur les remparts. Voilà ce que je fais chaque jour en ce moment. Les missions se font rare et l'ennui s'installe parfois dans mon esprit. Mais l'objectif de cette lettre est surtout de pouvoir te demander des nouvelles. En effet, il me semble que tu connais mon opinion très cru du pouvoir. Je ne veux pas que celui-ci te tourmente ou te change de quelques façons que ce soit. Je te fais confiance pour rester sain d'esprit, mon frère. Ne vois pas cela comme un manque de confiance de ma part mais le pouvoir a un effet très puissant sur l'Homme. Il suffit de voir le Roi fou pour le comprendre. J'espère que tu vas bien.


Galmar,

Ton frère qui ne t'oublies pas


Il relut plusieurs fois la lettre pour être sûr de ne pas avoir été trop offensant sur une folie qui pourrait prendre le dessus sur Olliver. Il enroula son parchemin après s'en être assuré et partit à la volière. Une fois arrivé, il vit le mestre Aemon nourrir les corbeaux. Galmar ne voyait le mestre qu'aux heures des repas. C'était un vieil homme aveugle qui se tenait debout à l'aide d'une canne en bois. Il savait se repérer dans l'espace malgré son handicap mais il avait parfois un frère intendant à ses côtés qui s'occupait de lui. Celui-ci étant absent car le mestre l'avait laissé partir dans l'expédition du Lord Commandant, il était seul. Il avait néanmoins entendu quelqu'un entrer dans la volière et demanda l'identité du nouvel arrivant. Galmar lui répondit et Aemon se retourna.


-Ah c'est toi, Galmar. Dit-il de sa voix vieillie et tremblante. C'est toi qui a fais le discours tout à l'heure ?


-Oui, mestre. Répondit Galmar qui ne s'attendait pas à avoir une conversation avec Aemon.


-Dis-moi. Crois-tu à ce qu'Harold t'as dit avant de mourir ? Demanda-t-il en s'approchant de son interlocuteur.


-Je pense que oui. Son regard clamait la vérité.


-Bien. Très bien.


-Me croyez-vous ?


-Bien entendu. Je suis un mestre formé à la Citadelle. J'ai étudié toutes les légendes qui se rapportaient au grand nord. Je crois ton histoire. Cependant, je te demande de ne pas t'inquiéter pour le moment. Attendons le retour de survivant non-enclin au suicide et nous en reparlerons.


-Je ne suis pas inquiet, mestre Aemon. Juste intrigué.


-Si, tu es inquiet. Je le sens dans ta voix.


-D'où vous vient ce don ?


-J'ai grandi à la cour de Port-Réal, mon garçon. J'ai l'habitude de voir le vrai, le faux et les émotions dans les voix des gens.


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