La cour des grands

Chapitre 53 : Galmar

7331 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 04/04/2018 12:31



Galmar



Le soleil était haut dans le ciel et répandait ses rayons sur tout le paysage que Darius et Galmar avaient devant eux. Cachés parmi les arbres, les deux compères continuaient de fixer le sentier. Celui-ci menait à Karhold. De là où ils étaient postés, ils pouvaient voir la ville au loin. Elle était construite sur deux collines, reliées par un pont. Le fleuve passait entre les deux collines et se déversait au loin dans la mer. Les fermes se trouvaient tout autour des deux collines et un chemin creusé dans la roche permettait d'accéder à la ville. Ce sentier que Galmar et Darius fixaient était celui qui menait justement aux deux collines. Cela faisait plus d'une heure qu'ils étaient là à surveiller tout ceux qui passaient devant eux. Depuis, les passants étaient surtout des soldats ou des voyageurs. Ils leur semblaient avoir vu passer également des hommes à leur recherche. Par doute, ils sont restés cachés. Ils attendaient en réalité qu'un chariot passe pour sauter dedans. Le seul problème, au-delà de pouvoir être assez discret pour ne pas se faire repérer en montant dans le chariot, c'est qu'ils avaient gardés leurs vêtements de la Garde de Nuit. Leur manteau noir était facilement repérable et ils se traitèrent d'idiots maintes fois pour ne pas avoir pensé à prendre les armures de cuir des mercenaires qui les avaient attaqués la veille. Il fallait donc trouver de nouveaux habits avant d'embarquer sur un navire qui les emmènerait à Viergétang. Car tel était leur plan. Il devait réussir à passer la ville, arriver au port et payer une embarcation avec les bourses des mercenaires pour s'en aller à la Baie des Crabes. Galmar était à la fois excité et effrayé. Il voulait à tout prix revoir son frère et laisser toute cette histoire de Garde de Nuit derrière lui. Mais il connaissait les risques qui se trouvaient devant eux. S'ils échouaient, il ne pouvait y avoir d'échappatoire et à vrai dire, jamais il n'aurait penser avoir autant peur de la mort. Quant à Darius, lui, voulait également faire une croix sur son passé à la Garde de Nuit et aller de l'avant. Il ne savait pas où il allait mais il savait que désormais, le monde lui ouvrait les bras. Peut-être, se disait-il, qu'il quitterait Galmar quelques temps après être arriver à Viergétang et partir vers les cités libres ou plus loin encore. Toujours est-il que les deux compagnons tentaient en premier lieu de passer la ville de Karhold.


Ils commençaient à se lasser de leur attente interminable. Ils se doutaient qu'un chariot passant devant eux iraient vers les fermes. Là-bas, ils seront assez près du fleuve et pourront le suivre jusqu'au port. Utiliser cette stratégie permettrait également de traverser les lignes de soldats qui patrouillent à la frontière de la ville. C'est alors qu'enfin, après presque deux heures d'attentes, Galmar et Darius virent un chariot apparaître au bout du chemin. Un homme barbu d'une cinquantaine d'année et vêtu en haillons, dirigeait deux chevaux robustes attelés à une carriole. Il charriait un énorme tas de paille. Darius avait en main un lapin mort, tué par un coup de chance de Galmar avec sa dague tandis que le lapin en question était bloqué par des branches. Il allait se servir de ce lapin pour arrêter le chariot. Aucun paysan ne se refuserait de manger un peu de viande gratuite et il irait certainement descendre du chariot pour le ramasser. Les deux compagnons n'appréciaient guère cette diversion car ils avaient l'impression de réduire le paysan à un animal mais ils comprirent bien vite qu'ils n'avaient pas vraiment d'autres choix. Darius vérifia alors que personne, y compris le fermier, ne pouvait le voir balancer le cadavre du lapin sur la route. Une fois le cadavre arrivé en plein milieu du chemin, Galmar et Darius attendirent l'arrivée du fermier et se préparèrent à embarquer clandestinement dans le chariot. Comme prévu, le fermier vit le lapin décédé et descendit de son véhicule. Très vite, les deux clandestins montèrent dans le chariot tout en restant le plus discret possible. Ils s'engouffrèrent dans la paille et disparurent dans le tas. Le fermier, content de sa découverte mais curieux tout de même de sa provenance, jeta son repas du soir dans son chariot, non loin des deux hommes et continua son chemin vers sa ferme.


Par chance, le fermier ne sembla pas faire attention au changement de poids de sa carriole. Galmar et Darius restèrent silencieux tout le long du voyage. Ils entendirent les troupes de la ville passer à côté d'eux et se crispèrent lorsque leurs pas résonnaient comme s'ils étaient juste derrière leurs oreilles. Envahis par la paille, ils attendirent la fin du voyage sans savoir en réalité à quelle distance de la rivière le fermier allait s'arrêter. Après une longue attente, ils sentirent la carriole se stopper. Le fermier venait de descendre et les deux frères entendirent une porte s'ouvrir. Le silence régna quelques secondes. L'extérieur semblait désert. C'était le moment pour sortir de la paille. Galmar sentit Darius sortir le premier et il le suivit juste après. Lorsqu'il sortit la tête de la paille, il vit la pointe d'une fourche à quelques centimètres de son visage. Le fermier qui les avait emmené jusque devant une grande ferme empoignait fermement une longue fourche et était accompagné d'un jeune homme, certainement fermier également, qui menaçait Darius d'une faux. Le vieil homme ordonna alors à ses deux prisonniers de se tourner, ce qu'ils firent sans discuter, maudissant leur stratégie pour approcher le port de Karhold. Les deux frères se regardèrent et ils comprirent qu'ils avaient la même idée: Contre-attaquer. Après tout, il s'agissait que de deux hommes n'ayant pas de grandes expériences dans l'art du combat. Mais alors qu'ils commençaient à se retourner une nouvelle fois, ils reçurent chacun un violent coup derrière le crâne qui les firent tomber à la renverse. Ils s'évanouirent alors immédiatement.


Quand Galmar rouvrit les yeux, il ne savait pas combien de temps il était resté sans connaissance. Il voyait flou et avait du mal à se repérer ou même à se demander comment il en était arrivé là. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il était dans un endroit sombre, éclairé avec seulement quelques lanternes à huile au loin. Quand ses sens commencèrent à revenir à la normale, il vit Darius à ses côtés. Il remarqua qu'il était attaché par des cordes solides et c'est quand il le vit qu'il comprit qu'il était dans la même position. Il avait beau se débattre, le nœud autour de ses poignets le lacérait toujours autant et avec fermeté. Il regarda autour de lui. L'endroit était sombre et les interstices qui donnaient sur l'extérieur laissaient penser que le crépuscule dominait la région. Il remarqua qu'ils se trouvaient tous les deux dans une vieille grange où planches, outils, roues et pailles étaient entassés. Il n'y avait qu'eux dans cet endroit et ils restèrent là, assis à tenter de trouver une solution pendant de longues minutes. Darius était réveillé depuis un peu plus longtemps que lui et il avait une éraflure sur la crâne qui faisait couler du sang sur son visage. Galmar analysa la pièce et tenta de trouver quelque chose de tranchant qui pourraient leur permettre de sortir de cette situation, en vain. C'est alors qu'une porte devant eux s'ouvrit. Les deux fermiers qui les avaient cognés entrèrent dans la grange et posèrent des torches sur des piliers qui soutenaient la charpente.


-Tiens donc, le deuxième est enfin réveillé. S'exclama le vieil homme avec une voix très fière. Vérifie leurs liens, Victor. Nos proies ne doivent pas s'échapper de leur enclos.


Le dénommé Victor passa derrière eux et vérifia tour à tour leur corde toujours bien serrées. Il avait une barbe naissante et les yeux fatigués mais son expression reflétait une certaine colère qu'il semblait cacher pour l'empêcher d'exploser. Ses mains tremblaient et il fixait dès qu'il le pouvait les yeux des deux prisonniers. Le vieil homme également avait une grande colère en lui et il empoignait une énorme faux qui n'avait sûrement jamais été utilisé pour menacer qui que ce soit. Victor se replaça aux côtés du vieil homme qui s'avança alors vers Galmar et Darius, toujours silencieux.


-Vous êtes des membres de la Garde de Nuit qui se sont échappés de Châteaunoir et toute la région vous recherche actuellement sans relâche. Expliqua-t-il. Rien qu'en me baladant, j'ai croisé plusieurs troupes du Nord qui vous pistaient à travers la forêt. J'ai ouïe dire également que le port était surveillé. C'est fou les moyens mis en œuvre pour des hors-la-loi comme vous alors que la guerre fait rage. Vous ne trouvez pas?


Galmar et Darius ne répondirent pas. Le vieil homme parlait vite et avait l'air d'un fou. À vrai dire, Galmar était même intrigué. Il se doutait qu'il y avait un problème, que ce fermier avait une dent contre eux. Il en ignorait la raison mais son intuition lui disait qu'il en prendrait bientôt connaissance.


-Oh, je ne me suis pas présenté. Je m'appelle Noé et voici mon fils, Victor. Comme vous vous en doutez, nous sommes deux simples fermiers travaillant dur à la tâche chaque jour que les Anciens Dieux font. Et vous, vous êtes Galmar, un bâtard de la maison Frey et vous, vous êtes un ancien soldat de Vivesaigues prénommé Darius, c'est bien ça? Ne soyez pas étonnés, tout le monde connaît votre nom dans le Nord. On connaît toujours les noms des traîtres de la Garde de Nuit lorsque leur prime est affichée dans toutes les tavernes. Mais vous, vous faîtes plus de bruits que d'autres évadés. Un fils de maison noble et un ancien soldat, c'est le genre de malandrins qu'on ne croise pas souvent.


Les deux frères restèrent encore silencieux face aux dires du vieux Noé. Celui-ci exprimait désormais une joie incroyable à la vue de ses deux prisonniers. Victor, lui, restait impassible et se tenait à un des piliers tout en tremblant, de colère peut-être. Au bout d'un moment, Galmar demanda:


-Pourquoi vous ne nous livrez pas à la garde? À l'heure qu'il est, on aurait déjà dû avoir nos têtes sur le billot.


-Bonne question, mon cher Galmar. Continua de s'exclamer joyeusement Noé. Pourquoi? Je pense que vous avez vu que j'exprime un certain bonheur à vous avoir devant moi. Les autres paysans, et même n'importe qui d'autre d'ailleurs, vous auraient certainement déjà balancés au seigneur de Karhold. Mais pas moi. À votre avis, pourquoi savais-je que vous étiez monter à mon insu dans mon chariot?


-Peut-être sommes-nous prévisibles. Répondit Darius. Un cadavre de lapin en plein milieu de la route sans aucun prédateur pour en profiter est une méthode assez grossière, je l'admets, pour attirer votre attention.


-Oh, le soldat confesse ses crimes. C'est une preuve de faiblesse pour quelqu'un comme vous. Toujours est-il que vous êtes quand même intelligent. C'est effectivement la bonne réponse.


Darius enrageait très fortement devant les paroles de Noé. Il se sentait stupide et n'avait jamais été aussi humilié de sa vie. Cependant, il essaya de passer outre et d'attiser la même curiosité que Galmar au sujet de Noé.


-Qui êtes-vous? Demanda-t-il alors.


Noé prit alors une allure plus sérieuse. Tout en parlant, il prit un tabouret dans le coin de la pièce et s'installa devant eux.


-Vous voulez savoir qui je suis? Ce qui me pousse à vous séquestrer ici? Alors soit. Il y a de cela deux ans, un autre évadé de la Garde de Nuit a lui aussi tenté de passé par le port de Karhold. À ce moment-là, ce n'était pas encore la guerre et les troupes pour l'attraper étaient plus actives. Des rondes se faisaient tous les jours. Vous n'imaginez pas à quel point les plus fervents des traditions du Nord prennent pour un véritable affront la traîtrise d'un serment fait à la Garde de Nuit. Vous l'avez vu par vous-mêmes, n'est-ce-pas? Cet évadé-ci, sachez-le, avait tenté de faire la même chose que vous. Il s'était caché dans mon chariot de paille et décidait de n'en descendre qu'une fois qu'il aurait passé les frontières armées de la ville. Comme vous, il a osé m'appâter avec un vulgaire cadavre de lapin. C'est fou le manque de respect que l'on accorde à des paysans, vous ne trouvez pas?


Darius baissa alors la tête et Noé se tourna vers lui avec un regard des plus enragés. Après quelques secondes de silence pesantes, il reprit:


-Toujours est-il que ce hors-la-loi descendit de ma carriole quand je fus arrivé chez moi. Il a tenté de s'en aller discrètement et c'est alors que mon fils le vit. Oh non, pas Victor, je parlais de mon fils cadet, il s'appelait Belt. À partir de maintenant, vous pouvez deviner ce qui est arrivé. L'évadé a assassiné mon fils comme un chien, il a prit ses vêtements en échange de ses habits noirs et a voulu s'en aller au port. Il a alors été repéré et arrêter là-bas. J'ai parlementé maintes fois avec le seigneur de Karhold qui ne m'a pas laissé l'exécuter moi-même. Comble du sort, notre seigneur a été exécuté par le Roi Robb, il y a quelques jours. Et on en vient donc à vous. Je suis désolé que cela soit tombé sur vous mais vous n'aviez qu'à pas vous enfuir de Châteaunoir. Je vais me venger sur vos pauvres existences déjà condamné par le Nord. Le Nord se souvient et moi plus encore. Je vais vous tuer, mes chers, vous étriper et me languir de vos cris.


-À quoi bon vous venger sur nous? Demanda Galmar. Non seulement cela ne fera pas revenir Belt à la vie mais en plus, la prime sur nos têtes est amoindrie si vous nous tuez.


-Parce que vous croyez que comme nous sommes deux pauvres paysans, il n'y a que l'argent qui nous intéresse? S'offusqua Noé. Votre mort par mes mains vaut tout l'or du monde, Galmar.


Noé balança le tabouret sur lequel il était assis. Victor, lui, restait accoudé au pilier. Il ne possédait pas la folie de son père mais le désir de vengeance était similaire. Plus musclé que Noé, il serrait les poings et s'apprêtait à frapper mais il resta tout de même là où il était. Il semblait retenu par une force inconnue qui l'empêchait de sauter sur ses prisonniers. Son père fixait longuement Darius et Galmar. Lui aussi avait une folle envie de les étrangler. Il prit alors une posture plus détendu et leva sa longue faux.


-C'est bon, ça suffit, la discussion a assez duré. Il est temps pour vous de dire adieu à ce monde. Après tout, il vous rejette déjà alors pourquoi le regretter?


Noé s'approcha lentement de Galmar tout en le fixant encore du regard. Il vérifia si la faux était assez tranchante et la leva à deux mains. Galmar, lui, avait la peur de sa vie. Il réfléchissait à un quelconque moyen de s'échapper mais sans succès. Darius lui hurlait de s'arrêter. Victor restait impassible et regardait la scène d'un air tout à fait sérieux. Galmar, ne sachant quoi faire, suppliait Noé de ne pas commettre l'irréparable. Il ne voulait pas que cette aventure se termine ici, loin de tout. Son frère l'attendait à Viergétang, il ne pouvait pas lui faire défaut. Alors, il ferma les yeux. S'il fallait vraiment que ce soit ses derniers instants, autant essayer de se remémorer les meilleurs moments plutôt que regarder cette ferme sombre. Il aura bien assez de ténèbres plus tard. Alors, il attendit que la faux le tranche, tel la mort. Mais rien ne vint. Il crut que la mort l'avait déjà frappée sans qu'il le sache mais il entendait encore les hurlements de Darius et la respiration de Noé. Il rouvrit donc les yeux. Le vieil homme était toujours debout devant lui, son arme levée. Il essayait tant bien que mal de se débattre contre lui-même, comme son fils derrière lui. Il n'arrivait tout bonnement pas à se résoudre de tuer ainsi de sang froid.


-Merde, qu'est-ce qu'il m'arrive?! S'écria Noé en rangeant son arme. Je ne peux pas abandonner maintenant. Pas après ce que ce connard a fait à Belt. Je dois me venger.


-Vous savez, mon cher Noé, la première fois que l'on tue, ce n'est jamais la meilleure des sensations. Répondit Galmar, reprenant ses esprits. Tout le monde change après avoir commis un meurtre, que ce soit à la guerre ou dans ce genre d'endroit.


-Belt n'aurait pas voulu que votre vengeance se fasse de cette manière. Continua Darius.


-Ne prononce pas son nom! Cria Noé en se tournant vers le soldat de Vivesaigues. À quoi bon ne pas vous tuer, de toute manière? Vous êtes déjà condamné!


-Mais pas par vous. Lança Darius. Notre mort ne vous regarde pas. C'est une affaire entre nous deux et le royaume. Vous pouvez éviter de nous tuer, éviter de changer ce que vous êtes, éviter de mettre le déshonneur sur votre famille et surtout sur Belt.


-Je t'ai dis de ne pas prononcer son nom! Hurla Noé en se rapprochant de Darius avec sa faux. Pourquoi me donner la morale, hein?! Êtes-vous bien placés, vous qui avez trahie votre serment. Si j'ai envie de ne pas choisir la bonne morale, je fais ce que je veux! Si j'ai envie d'être un tueur, un voleur, un macho, un roi fou, je fais ce que je veux! Votre bonne morale sert juste à tuer le moins de gens possibles mais vous êtes-vous déjà demandé si les Hommes méritaient de ne pas être tué, les bons comme les mauvais? Toujours, on nous force à travailler «pour le bien de la communauté» qui ne nous rend rien en échange, à nous respecter les uns des autres pour garder un équilibre impossible à avoir, à nous marier et avoir des enfants pour perpétrer la survie de l'Humanité qui mourra bien un jour de toute manière. Être libre, c'est s'affranchir de l'obligation de ces choses. Et si j'ai besoin de vous tuer pour être libre alors c'est avec joie que je vais ôter vos vies.


Noé leva alors encore une fois sa faux. Darius fixa le vieil homme désespéré dans les yeux. Galmar supplia Noé de stopper cette folie. C'est alors que Victor apparut derrière son père et le poussa le plus loin possible des deux hommes.


-Ça suffit, père! Ordonna Victor. Ils ont raison. Ce n'est pas notre combat. Ce n'est pas à nous de s'occuper d'eux. Les tuer ne résoudra rien! Et je n'ai pas envie de te perdre, père. Restes l'homme honorable que tu te destines à être et stoppes cette folie. Mon frère ne voudrait pas que tu te trahisses.


-Tais-toi, fiston! Je m'en vais les tuer et livrer leur corps à la garde! Après tout, c'est leur destin à eux! Écartes-toi!


Noé s'élança alors vers son fils et le poussa. Il donna un coup de pied dans le buste de Darius qui fit s'écrouler la chaise sur laquelle il était attaché. Il leva encore une fois sa faux et tenta de l'abattre sur le corps couché de son prisonnier. Victor repoussa son père qui, dans son élan, exécuta non pas Darius mais son propre fils. La lame égorgea alors Victor qui n'avais pas vu le coup venir. Du sang, jaillissant de l'entaille faîte dans son cou, éclaboussa le visage de Noé. Celui-ci ne comprit pas tout de suite ce qu'il venait de faire. Ce fut lorsque son fils tomba à terre qu'il lâcha sa faux comme par dégoût. Victor essayait de retenir le sang qui s'échappait, en vain. Un regard d'effroi se lisait sur son visage. Son père avait exactement le même et il s'écroula également sur le sol. Il se mit au-dessus de son fils et implora son pardon tout en pleurant. Victor n'eut pas le temps de répondre et cessa subitement de bouger, son dernier souffle résonnant aux oreilles de son père. Le silence s'abattit alors sur la ferme. Un silence pesant et horrible pour chacun des hommes qui se trouvaient ici.


Après plusieurs secondes, Noé, toujours agenouillé auprès du cadavre de son fils, hurla à plein poumons. Sans nul doute que les fermes voisines l'eurent entendus. Il tapa du poing sur le sol et commença à se relever doucement. Galmar et Darius restaient tétanisés face à la scène mais ils avaient tous les deux un horrible pressentiment. Ils virent Noé s'approcher lentement de sa faux, entaché du sang de son fils. Le père sans plus aucun enfant prit son arme et se tourna vers ses prisonniers. Il semblait réfléchir à travers ses yeux rouges et mouillés. Il relâcha alors une nouvelle fois sa faux et serra les poings. Tout à coup, il sauta en hurlant sur Darius, encore à terre. Il le matraqua de coup de poing et après seulement trois ou quatre coups, le nez de Darius commençait à saigner abondamment. Puis Noé se tourna cette fois vers Galmar. Il s'approcha alors vers lui et le poussa violemment sur le sol. Galmar n'arrivait pas à esquiver ses coups ni à se détacher et devait se contenter d'encaisser le mieux possible. Noé continuait de crier et il sortit alors une dague. Le son du dégainement de la dague enlaça le cœur de Galmar d'effroi en un instant. Cette fois, la fin était arrivée. Le bâtard de la maison Frey qui avait tenté d'avoir une meilleure vie à la Garde de Nuit ferma une nouvelle fois les yeux. Mais au lieu de sentir une lame froide lui traverser le crâne, celle-ci entailla son front et semblait suivre petit à petit une trajectoire qui se faufilait jusqu'à son œil gauche. Galmar ne put s'empêcher de vouloir hurler à Noé d'arrêter et de le tuer au lieu de faire ce qu'il avait prévu mais aucun son ne sortit de sa bouche. Darius également ne réussit pas à sortir un quelconque mot et ferma les yeux face à l'atrocité de la scène qui se passait à côté de lui. S'il le pouvait, il aurait également boucher ses oreilles mais il dut subir le son atroce que Galmar poussa lorsque la lame eut atteint son œil. Un hurlement si fort qu'il concurrençait avec celui de Noé. Celui-ci se releva alors. Plus aucun cri ne se faisait entendre. Darius voyait Galmar baisser la tête et Noé respirait tellement fort qu'on aurait cru qu'il possédait le souffle d'un énorme monstre. Ce dernier s'approcha une nouvelle fois de Darius et mit son visage à sa hauteur. Il avait un visage effrayant. Le sang de Victor le camouflait presque. Il regarda sa dague suintante du sang de Galmar et Darius savait qu'il s'apprêtait à s'en servir. Tout à coup, il planta sa lame dans la jambe de son prisonnier. Darius ne cria pas et il lui dit alors sur un ton énervé:


-Ne...ne nous tuez pas. Ou vous serez bien plus qu'un homme dévasté. Vous deviendrez un pire coupable que personne ne l'a jamais été avant vous. Vous...vous mourrez si vous nous tuez.


-Erreur. Répondit Noé sous un ton inhabituellement calme. Je ne peux pas être pire qu'en ce moment. C'est vous qui avez causé tout ça. C'est vous qui avez tué mes deux fils, qui avez détruit ma famille et ma vie. C'est vous qui êtes coupable. Moi, je ne suis qu'un pauvre fermier qui n'avait rien demandé. Je..Je….


Noé ne put continuer. Il n'arriva pas à retenir une nouvelle fois ses larmes. Il planta alors sa dague dans l'épaule droite de Darius qui, cette fois, ne put s'empêcher de hurler. Puis, sur son autre jambe et enfin, plus profondément, sur son pied. Le sol étant de la terre, il laissa planté la dague dans le pied de Darius, ainsi cloué au sol. Noé se redressa et revînt vers le cadavre de Victor. Il s'écroula dessus et ne fit plus aucun bruit. Darius ne criait plus mais il subissait une douleur presque insoutenable. Il sentait la lame lui traverser le pied et en essayant de se retirer, il faillit sombrer dans l'inconscience tellement la douleur l'avait emparé.


Du côté de Galmar, ce n'était plus une question de douleur. Il ne sentait plus rien. Il restait silencieux et n'osait plus ouvrir les yeux, ou plutôt, l’œil. Il sentait le sang s'échapper du trou béant qui avait remplacé son œil gauche. La cicatrice formée par la dague avait commencé de son front jusqu'au milieu de sa joue. Jamais Galmar n'avait eu telle frayeur lorsque la dague avançait jusqu'à son œil. C'était cette frayeur qui avait laissé une plus grande marque dans son esprit que la douleur elle-même. Il ne pouvait plus parler, ni bouger. Il ne savait plus où il était ni qui il était. Il n'avait pas entendu le cri de Darius et encore moins le silence qui en a suivis. Longtemps, il sembla perdu. Une minute, une heure, une journée entière? Il n'avait plus aucune notion du temps. Alors, comme sorti d'un cauchemar sans fin, il reprit conscience. La douleur se faisait de nouveau sentir mais plus aussi intensément. Le sang avait fini de couler et avait même commencer à sécher sur son visage. Il ne mit pas longtemps à se souvenir de ce qu'il venait de se passer, de ce qu'il lui était arrivé. Il vit devant lui Noé, couché sur le cadavre de son fils. Il n'était pas endormi mais plutôt paralysé. Il ouvrait à peine les yeux et il avait un air hébété. Galmar tourna la tête et vit Darius qui tentait de l'appeler. C'est à peine en le voyant ouvrir la bouche et s'effarer devant le visage de son ami qu'il réussit à l'entendre. Darius avait le visage cabossé, les yeux rouges, du sang sur toute sa tenue et une dague planté dans son pied.


-Bordel de merde, Darius. T'es dans un état inimaginable. Avoua Galmar, dépité.


-Tu ne t'es pas regardé. Répondit Darius, affolé. J'ai cru que tu étais mort et je te vois tourner la tête avec ton œil en moins alors excuses-moi du peu mais en terme de choc, je pense t'être supérieur.


-Combien de temps s'est-il passé?


-Une heure ou deux, je crois. À travers les interstices, je crois comprendre que la nuit est tombée. Nous avons raté notre bateau pour Viergétang, on dirait.


-Je crois bien que même le bateau de demain nous échappera, Darius. Je crois bien que l'on peut faire l'impasse sur tous les autres bateaux qui prendront le large à l'avenir.


-Ne dis pas ça. Nous ne mourrons pas ici et nous sortirons de cette foutue ferme.


-Dit celui qui est cloué au sol par une dague.


Les deux hommes étaient très fatigués et Darius avait beau dire qu'ils n'allaient pas mourir, son ton trahissait sa pensée qui était tout autre. Ils commencèrent alors à discuter normalement, comme si de rien n'était, histoire d'oublier l'ambiance de mort qui régnait dans la grange. Galmar évoquait ses bagarres d'enfants avec ses frères et sœurs et quelques anecdotes croustillantes. Darius, lui, racontait ses aventures en tant que soldat et aimait parler des soirées dans les tavernes qui finissaient toujours mal mais qu'il aurait refait sans hésiter. Ils parlèrent ensuite une nouvelle fois de leur vie au Mur, de leur rencontre, de Newt, de leur aventure dans la Forêt Hantée et de leurs mésaventures à Châteaunoir. Galmar dit alors:


-Tu n'aurais pas dû me suivre, Darius. Toi, tu aurais pu te racheter auprès des membres de la Garde avec le temps. Tu aurais pu survivre et ne pas subir toutes ces horreurs.


-Non, tu as tort. C'est à cause de moi que nous sommes là. C'est moi qui avait dis de passer par le port de Karhold, c'est moi avait mis en place cette stratégie ridicule de monter dans le chariot. Tu n'y es pour rien.


-Penses-tu que Noé soit un fou? Je veux dire, il l'est, oui, mais peut-on le blâmer de n'avoir su garder son sang-froid lors de la mort de Victor?


-Et bien, même après toutes ces atrocités qu'il nous a fait subir, tu gardes pas mal encore de compassion. Quelle sorte d'homme es-tu, Galmar? Noé est un fou qui a l'esprit évidemment fragile. Il semble n'avoir jamais connu les horreurs d'une guerre. Il a gardé d'énormes rancœurs envers l'homme qui a tué son fils Belt et son seigneur qui ne l'a pas laissé se venger. Mais cela ne l'innocente aucunement. Si une personne se met à torturer, il n'est pas que fou. Souviens-toi, Galmar. Torturer est bien pire que tuer. Quelqu'un qui torture prend plaisir à ce qu'il fait. Même si Noé était ravagé par le chagrin, il prenait plaisir à nous faire subir tout cela. Sinon, il se serait accusé lui et non pas nous de la mort de son fils. Ou alors il nous aurait simplement tué. Il n'assume pas et voit en nous des boucs-émissaires. Noé n'est pas qu'un fou, c'est un psychopathe. Autant les fous sont intéressants et ont souvent une bonne raison de l'être. Mais les psychopathes, eux, sont des lâches qui n'assument jamais ce qui les as poussés à être ainsi.


-Tu as l'air de connaître le sujet.


-Je suis soldat. J'ai participé à des guerres. Je sais distinguer les psychopathes et les fous. Ceux qui font la comparaison entre les deux ne savent pas tout de ce que l'esprit humain peut endurer. Si Noé s'amuse encore à nous torturer et à ne pas nous tuer, il est peut-être possible que nous devenions fous à notre tour.


Galmar n'avait pas actuellement le bon état d'esprit pour comprendre tout ce que Darius lui expliquait. De ce qu'il avait saisi, Noé était aucunement quelqu'un à blâmer. Cela le rendait à la fois triste, car Noé perdait à la fois ses deux enfants mais également son esprit, et à la fois heureux. Une partie de lui était contente que le vrai coupable de tout ce qu'il se passait cette nuit-là, jusqu'à la perte de son œil, soit Noé. Noé n'était pas à blâmer, il était à détester. Galmar ne savait pas ce qu'il ferait de lui s'il n'avait pas les mains liées. Peut-être le tuerait-il sans vergogne ou le laisserait-il en vie, dans la souffrance du deuil et la folie? Galmar se disait qu'il ne devait pas y réfléchir autant. C'est alors qu'il eut enfin la volonté de sortir de cette grange. Darius avait lu dans son regard et les deux compagnons réfléchirent alors à une solution. Darius, lui, ne pouvait pas trop bouger à cause de cette dague plantée dans son pied. Quand à Galmar, la perte d'un de ses yeux avait de quoi perturber sa vision et il eut du mal à analyser tout ce qui se trouvait autour de lui. Leurs jambes étant également attachées par une corde solide, ils ne pouvaient en réalité faire quoi que ce soit. C'est alors que pour la première fois depuis quelques heures, Noé se releva.


Délicatement, il se remit sur ses jambes. Il ne lança pas un seul regard à ses prisonniers. Il restait silencieux et continuait de fixer le cadavre de son fils. Il murmura alors:


-Valar morghulis, ma chère famille.


Il partit alors de la grange quelques instants. Galmar et Darius eurent peur que Noé soit parti chercher des gardes pour les emmener sur le billot. C'est alors qu'après plusieurs minutes, Noé réapparut, toujours seul. Il traînait derrière lui un énorme tas de paille qu'il éparpilla ensuite dans toute la grange. Lorsqu'il sembla finir sa tâche, il ressortit encore quelques instants. Cette fois, il réapparut sans aucun tas de paille. Mais quelque chose avait changé. Non loin de la grange, quelque chose venait de s'allumer. À travers les interstices, Galmar et Darius virent alors une masse orangée se former. Une maison venait de prendre feu. Ils tournèrent de nouveau la tête vers Noé qui avait quatre lampes à huiles allumées dans ses mains. Ils ne mirent pas longtemps à comprendre ce que le vieux fermier avait derrière la tête. Ils tentèrent donc de le dissuader mais il était trop tard. Il jeta une à une, aux quatre extrémités de la grange, les lampes à huiles qui prirent feu instantanément grâce à la paille. Le feu se propageait très vite et bientôt, tous les murs de la grange furent envahis par les flammes. Toute la pièce venait en seulement une trentaine de secondes d'adopter une atmosphère étouffante. Le brasier allait bientôt atteindre la charpente de la grange qui s'écroulerait alors sur les deux prisonniers. Noé alla rejoindre le cadavre de Victor. Il le serra dans ses bras et ferma les yeux. Il voulait se suicider tout en emportant Galmar et Darius dans sa mort.


Galmar ne pouvait croire en cette fin. Le feu prenait de plus en plus d'ampleur et n'était plus qu'à deux mètres de leur position. Alors, avec le plus grand élan qu'il pouvait donner, Galmar rampa le plus vite possible vers Darius.


-Je te préviens, Darius, ça va faire horriblement mal. Avoua Galmar en regardant la dague planté dans le pied de son ami.


Darius comprit instantanément et se prépara à la douleur. Galmar ouvrit alors la bouche et mordit le manche de la dague. De toutes ses forces, il réussit à retirer la lame avec sa mâchoire, tout en supportant les hurlements de Darius. Celui-ci récupéra du bout de ses doigts l'arme et, lentement mais sûrement, il coupa les liens qui retenaient ses poignets. Galmar était épuisé et pensait qu'il fallait se rendre à l'évidence que sa fin l'attendait ici, dans cette grange en feu. Darius mettait trop de temps à se libérer et peu à peu, il vit le feu atteindre la charpente. La fumée commençait à être omniprésente et étouffait les deux compères. Leur chance de survie ne tenait désormais qu'à un fil. Darius réussit enfin à se libérer pleinement et à couper les liens de Galmar. Ce fut lorsque la dernière corde fut coupée qu'ils virent une poutre en train de succomber sous la combustion. On entendait à travers tous les bruits de crépitement le bois se déchirer petit à petit. Darius n'arrivait pas à courir pour atteindre la porte et Galmar décida d'être son appui pour l'aider. À leur côté désormais, Noé restait auprès de son fils dont le feu commençait à lui brûler les jambes. Tout à coup, la charpente céda sous la combustion. Darius agrippa alors Galmar et le jeta en direction de la porte. Galmar ne comprenait pas encore ce qu'il venait de se passer. Il avait senti une main le pousser et son manteau noir s'échapper de son corps. Sans réfléchir, il passa la porte de la grange de peu. Tout l'édifice s'écroula alors tel un château de cartes. Galmar était devant les décombres encore brûlants. Noé et son fils avaient disparu. Ainsi que Darius.


Galmar se releva. Il chercha son ami du regard. Il ne pouvait pas avoir disparu. Pas lui. Mais c'est bien son visage qu'il voyait dans les flammes. Il remarqua que la main de Darius agrippait son manteau noir qu'il avait enlevé du cou de Galmar dans sa dernière action. Le visage de Darius était noir avec des yeux grands ouverts. Un amas de bois en feu l'avait écrasé. Il était partie pour toujours et Galmar continua de regarder le cadavre de Darius qui disparaissait peu à peu dans les flammes.


Il dût se retenir pour ne pas venir chercher son corps. Cependant, il avait conscience qu'il ne pouvait pas rester ici. Le feu se voyait certainement depuis la ville et bien plus encore. Une fumée noire s'envolait dans les airs et les troupes de Karhold n'allaient certainement pas tarder à arriver. Alors, il se dépêcha de partir le plus loin possible. Courant à travers champs, il se retournait parfois pour voir la gigantesque silhouette des flammes, brillantes dans la nuit noire. Il portait sur lui un simple veston de cuir. Maintenant qu'il n'avait plus son manteau noir et que son visage était méconnaissable, il pouvait passer à côté des troupes sans se faire repérer. Le seul problème était qu'un visage saignant comme le sien occupait tout de même les regards. De plus, rares sont les personnes se baladant dans des vêtements en cuir. Il fallait qu'il trouve de nouveaux vêtements mais également de quoi nettoyer son visage et cacher le trou béant qui avait remplacé son œil gauche. Il était aussi extrêmement fatigué et avait du mal à se repérer dans la vallée. Il voyait la silhouette massive des deux collines qui supportait la ville de Karhold et remarquait que ses pas l'amenait tout droit vers une maison. Les habitants de celle-ci ne semblait pas avoir été réveillé par l'incendie qui se déroulait à quelques centaines de mètres. Au loin, Galmar vit des troupes se dépêcher d'atteindre les décombres. Il profita de leur distance pour se faufiler calmement, mais non sans mal, derrière la maison. Alors, il toqua à la porte de derrière et attendit. Une jeune femme lui ouvrit alors la porte et, prit d'effroi, recula instantanément devant le visage de Galmar.


-Qui...Qui êtes-vous?! Lui cria-t-elle tout en prenant un couteau de cuisine à côté d'elle.


-Ne vous en faîtes pas, je ne vous veux aucun mal. Tenta de rassurer Galmar. S'il vous plaît, j'ai...j'ai besoin de votre aide.


La jeune femme resta silencieuse tout en gardant un air méfiant.


-Qui êtes-vous? Répéta-t-elle plus calmement.


-Je...Je m'appelle Newt. Mentit Galmar pour ne pas éveiller les soupçons. Je reviens de la ferme qui brûle en ce moment, là-bas.


-Une ferme brûle?


Interloquée, mais toujours aussi méfiante, elle sortit de sa maison tout en pointant Galmar de la pointe de son couteau et vit la lueur orangée au loin ainsi qu'un attroupement de personnes autour, tentant d'éteindre le feu.


-Noé! Cria-t-elle. Que s'est-il passé, là-bas? Où est Noé?


-Vous le connaissez? C'est...c'est un ami. Il a malheureusement péri dans les flammes ainsi que son fils. Mes condoléances.


Galmar ne savait pas d'où il tenait la force de mentir à ce point. Il se sentait coupable mais il savait que jamais personne ne devait être au courant de ce qu'il venait de se passer, surtout si cette jeune femme connaissait Noé. En apprenant leur mort, elle fut déséquilibré puis elle reprit ses esprits. Elle reposa son couteau et l'invita à entrer. Après avoir fermé la porte, elle fixa Galmar, intriguée. Elle avait de longs cheveux blonds, couvert par un bandeau vert. Ses vêtements en tissus blancs et verts semblaient montrer qu'elle n'était pas quelqu'un de très pauvre.


-Que s'est-il passé, là bas? Demanda-t-elle.


-Je...Je ne sais pas. Tout est allé très vite. Noé et son fils ont été pris dans les flammes et je n'ai rien pu faire.


-Et votre œil? Que s'est-il passé?


-Et bien, euh, j'ai été attaqué par des bandits dans la forêt et un d'eux a réussi à me toucher. Comme je savais que Noé n'était pas loin, je suis allé chez lui mais le feu est arrivé et me voilà.


-Hmmm...je vois.


-En réalité, c'est pour ça que je suis là. J'aimerais savoir si vous n'aviez pas quelque chose pour cacher cette vilaine blessure et un peu d'eau pour la nettoyer.


-Oui, évidemment. Je vais vous chercher ça, asseyez-vous. Je peux même vous guérir un peu pour atténuer la douleur et pour que vous cicatrisiez plus vite. Je suis guérisseuse. Je devine que vous avez un mal de chien, n'est-ce-pas?


-Oui, c'est vrai. J'ai horriblement mal. Merci beaucoup.


Galmar avait de la chance d'être tombé sur elle. Cependant, il ne pouvait rester trop longtemps. Peut-être que les troupes allaient faire une ronde parmi les habitations pour savoir ce qu'il s'était passée. Galmar ouvra des volets et vit alors le feu au loin. Plusieurs hommes et femmes s'attroupaient autour et jetaient des seaux d'eau. Ils n'allaient certainement pas tarder à trouver les corps calcinés de Noé, Victor ou encore Darius. La guérisseuse revînt alors dans la pièce avec du matériel spécial dans les mains. Galmar s'assit et se prépara à recevoir les soins. Elle soignait grâce à des feuilles et des infusions qu'elle appliqua sur la blessure. Galmar fut très surpris de voir que l'opération ne lui faisait aucun mal et même, l'apaisait.


-Comment vous appelez-vous? Demanda-t-il.


-Miranda.


-Vous êtes une guérisseuse de guerre?


-Oui, je suis revenue du front ce matin. Notre seigneur a été exécuté par le roi Robb et j'ai dû revenir ici. Et vous? Vous êtes soldat?


-Non, je...je suis un simple voyageur. Je dois partir pour Viergétang revoir mon frère.


-Ah oui?! S'exclama Miranda. Quelle heureuse coïncidence! Je dois moi aussi partir pour Viergétang. Ils ont besoin de renfort en soin, là-bas.


-C'est vrai?! Ils se sont fait attaqués?! Paniqua Galmar qui pensait à Olliver.


-Oui, les Lannister ont accosté à la Baie des Crabes et les pertes ont été lourdes.


-Le seigneur a survécu?


-D'après ce que j'en ai entendu, oui. Pourquoi? C'est lui, votre frère?


-Oui.


Quand Miranda eut fini sa tâche, elle conseilla à Galmar de se reposer dans un coin de la pièce où elle entreposa des couvertures. Elle ferma les volets où l'on pouvait voir désormais le feu quasiment éteint. À la bonne surprise de Galmar, aucune troupe ne leur rendit visite mais il se rendit compte que son épée était restée à la ferme. Miranda avait préparé de nouveaux vêtements pour Galmar, proclamant qu'il ne pouvait pas se permettre de rester dans son veston de cuir trempé de sang, et lui dit alors qu'ils partiront le lendemain pour Viergétang. Galmar vit qu'il avait toujours la bourse des mercenaires sur lui. Noé se fichait donc bien de l'argent. Très vite, après cette éprouvante et douloureuse journée, Galmar s'endormit, les derniers souvenirs passés avec Darius hantant ses rêves. 

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