La cour des grands

Chapitre 55 : Mitor

5102 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/05/2018 18:09



Mitor



On lui avait filé des lanières en cuir, des chaussures confortables à sa pointure, des habits en tissus épais noirs, sa dague qu'un forgeron avait affûté pour lui et une trousse comprenant de quoi soigner ses blessures ou celles d'un autre de ses compagnons qu'il accrocha à sa ceinture. Il ressemblait presque à un brigand si l'on osait remplacer cette trousse de soin par une bourse de pièces d'or. Après réflexion, il semblait que cette armure, si l'on doit l'appeler ainsi, était très légère. Rika lui avait expliqué que dans leur guerre, les armures complètes et épaisses ne leurs étaient pas utiles. Lorsqu'il estima être prêt, tant physiquement que mentalement, Mitor partit en direction de la salle des Torturés. Sur son chemin, il se sentait anxieux. En effet, ce soir était sa première mission en tant que Partisan. Pour la première fois depuis des semaines, il allait enfin sortir du QG. Il avait hâte de retrouver les rues de Lys et le sentiment qu'il ressentait lorsqu'il regardait le ciel dans son entièreté. Quand il arriva dans la salle des Torturés, il remarqua que le soleil s'en était déjà allé. Des torches avaient été allumées et un petit comité s'était rassemblé au centre de la pièce. Mitor avança et vit que plusieurs Partisans, dont Rika et Karak, s'était rassemblé autour d'Apa. Celui-ci fut heureux de voir Mitor s'approcher et ordonna alors à tous ceux qui l'entouraient de lui laisser une place. Mitor savait qu'il n'aurait pas dû arriver en retard. Il avait mis bien trop de temps à se préparer et apparemment, tout le monde l'avait attendu.


-Désolé du retard. S'excusa-t-il.


-Ce n'est rien. Clama Apa. Approches. Il est temps de commencer.


Tout le monde, après avoir fait place à Mitor, se retourna vers Apa. Ils attendaient les ordres.


-À vous, Rika, Karak et Liso, je ne vous avais pas dit que la mission ne se ferait pas qu'avec vous trois. Avoua Apa. Vu l'importance et le danger que représente cette mission, j'ai décidé d'appeler plusieurs de nos membres pour vous épauler. Je vous laisse les commander. À vous tous, chers Partisans, il est temps, après plusieurs années de calme, de faire bouger les choses. Si vous réussissez, nous pouvons proclamer que les jours sont comptés pour les Chasseurs de Lys. Privés de financement, ils auront du mal à conserver leur poste. Tout ne sera évidemment pas fini après ce soir mais nous aurons le privilège d'avoir fait peur à nos ennemis. Je récapitule donc. Les Chasseurs reçoivent les bénéfices d'une compagnie de vin. Ce soir même, il doivent réquisitionner une assez grande cargaison et la revendre dans les jours suivants. Je compte sur vous pour que leur marchandise disparaissent de quelques façons que ce soit. Ainsi, la compagnie cessera de donner de l'argent aux Chasseurs. Êtes-vous prêts?!


-OUI!! Répondirent en chœur les Partisans.


Tous étaient en armures légères comme Mitor. Tous avaient leurs lames aiguisées. Tous s'apprêtaient alors à sortir du QG en direction du port et prirent la direction de la sortie. Rika s'inquiétait pour celui qu'elle appelait Liso et elle resta auprès de lui pendant toute la marche. Mitor était désormais mal à l'aise à côté de Rika. Karak lui avait dit qu'il représentait, pour Rika, son enfant perdu, Drusila. Depuis, un certain malaise naissait en lui lorsqu'il se trouvait à côté d'elle. Au-delà de la dette qu'il lui devait, il fallait donc supporter sa présence. Cela ne lui plaisait pas de penser ainsi. Il voulait le bonheur de Rika. C'était d'ailleurs la raison principale de son entrée au sein des Partisans: Régler sa dette en la rendant de nouveau heureuse. Mais de là à jouer le rôle de son enfant, il ne pouvait pas s'y résoudre.


Pour brouiller les pistes, les Partisans en mission, c'est-à-dire, une vingtaine de membres, ne pouvaient voyager tous ensemble. Ne serait-ce que pour ne pas attirer l'attention, ils ne devaient en aucun cas tous sortirent en même temps. Par un intervalle de dix minutes, un groupe de cinq sortait du QG. Chaque groupe devait prendre des chemins différents pour aller au port. L'un utilisait les rues principales, les autres utilisaient des rues bien moins fréquentées. Il fallait même parfois passer par les toits. Le couvre-feu était en vigueur à Lys et il venait de sonner. Tous les habitants étaient en train de rentrer chez eux et des troupes civiles commençaient à patrouiller. Le groupe qui passait par les rues principales devaient se cacher pour ne pas se faire repérer. Celui de Mitor sortit en troisième du QG. Il fut heureux de retrouver cette taverne qui servait de couverture aux Partisans. Avec Rika et trois autres membres, Karak étant partis en premier, ils sortirent alors de la taverne et entrèrent dans les rues de Lys. Évidemment, elles n'avaient changés aucunement mais Mitor percevait une ambiance inhabituelle. Les rues, sans lui être étrangères, lui donnait l'impression qu'elles avaient mûris, qu'elles avaient été le témoin de maintes et maintes choses en son absence. Son groupe s'engouffra parmi les toutes petites rues de la cité. La nuit perdant peu à peu la clarté dû à l'horizon encore brillant devenait de plus en plus noir. La ville recevait le même effet et les Partisans n'avaient qu'à se coller aux murs pour ne pas se faire repérer par les troupes en patrouilles. Les lumières qui existaient dans cette environnement, hors celles des étoiles et de la Lune, venaient de fenêtres ouvertes et de certaines torches dans les rues principales.


Pour aller jusqu'au port, il fallait traverser une bonne partie de la ville et le trajet avait pris un peu plus d'une heure. Durant la traversée, perturbé parfois par l'urgence de se cacher des troupes civiles, Mitor était heureux d'être là. Après plusieurs semaines, il sortait enfin du QG des Partisans. Même s'il aurait voulu que cela ne soit pas en ces circonstances, il aimait arpenter de nouveau les rues de la cité et sentir l'air frais. Il arrivait à s'aérer l'esprit alors que les autres subissaient la pression de la mission. Mais bizarrement, il n'avait pas peur de l'échec. Il se surprit à pressentir l'échec de leur mission sans la déception qui devrait l'accompagner. En d'autres termes, s'il s'avère que les Partisans allaient subir une défaite ce soir-là, Mitor ne sera aucunement déçu. Il comprit donc que son intérêt pour cette guerre n'avait pas lieu d'être pour lui. Cependant, ils devaient gagner. La défaite des Partisans pourrait signifier la mort de Rika et cela, Mitor ne pouvait se le permettre. Rika pensait le protéger mais dans la tête de Mitor, c'était lui qui se faisait le devoir de la protéger.


Mitor n'avait pas réellement peur de devoir combattre à nouveau. Depuis que Karak lui avait fait découvrir la salle d'entraînement la veille, Mitor n'avait pas cessé d'y aller. Certains membres s'étaient portés volontaire pour lui offrir un duel et il était heureux de découvrir non seulement qu'il n'avait pas perdu la main mais également qu'il était supérieur à pas mal de membres. Il pouvait reprocher tout ce qu'il voulait à Rasar mais il ne pouvait négliger la qualité de l'entraînement qu'il lui avait accordé. Il partait donc serein pour sa survie ce soir-là, même s'il savait qu'il n'avait pas le droit de baisser sa garde. D'après les infos qu'ils avaient reçu, les troupes civiles ne patrouillaient pas trop du côté du port, estimant normal que toutes les marchandises avaient cessé de circuler à cette heure-ci. Ainsi donc, les Partisans avaient l'aide de l'obscurité pour se cacher au fur et à mesure de leur trajet. Mais hors les troupes de la ville, il fallait encore se cacher des Chasseurs postés près du port. Souvent placés sur les toits, les Partisans s'arrêtaient dans leur marche lorsqu'ils voyaient la silhouette d'un ennemi. Un membre était alors tiré au hasard pour s'approcher de la silhouette sans se faire repérer, histoire de savoir si c'était réellement un ennemi. Lorsque c'était le cas, le membre devait alors l'assassiner. Alors que Mitor se portait volontaire pour assassiner un ennemi posté sur le toit d'une épicerie, Rika refusa et proposa d'y aller à sa place. Avant même que Mitor n'ait pu répliquer, Rika était déjà partie et leur groupe voyait la silhouette de Rika se jeter sur celle du Chasseur. Mitor observait tristement la scène. À trop le surprotéger, Rika empêchait Mitor de se battre. Ce dernier avait l'impression d'un chat qui se mordait la queue. Chacun pensait protéger l'autre et cette situation ne plaisait aucunement à Mitor.


Enfin, ils arrivèrent tous auprès du port. Les Partisans avaient décidé d'avoir un point de ralliement pour coordonner leur attaque. Au détour d'une ruelle, dans un vieux garage abandonné, chaque groupe attendit l'autre. Une fois tous rassemblé, ils exposèrent leur plan. Avant toutes choses, ils jugèrent bon d'envoyer un espion pour savoir où en étaient les Chasseurs dans leur réception de marchandise et où ils étaient postés pour protéger cette dite réception. Un des membres du groupe de Karak se porta volontaire et sortit en direction du port. Les Partisans attendirent une bonne dizaine de minutes avant de voir revenir leur espion. D'après son observation, les Chasseurs étaient en train d'acheminer la cargaison entre un navire amarré à l'horizon et le port. Pour les superviseurs de cette réception, ils étaient attablés dans la réserve en train de parler argent autour d'une coupe de vin. Après écoute, chaque membre du Cercle, autrement dit Karak, Rika et Mitor, réfléchissait à un plan. Évidemment, personne ne pensait que le plan utilisé allait être celui de Mitor. Il avait beau être fort au combat, quoique la plupart, dont Rika, ne l'avait pas encore vu combattre, il était encore trop jeune pour élaborer une stratégie dans ce genre de mission. Karak proposa en premier lieu de séparer les Partisans en deux groupes. L'un infiltrerait les Chasseurs pour aller sur le navire et négocier avec le marchand l'annulation de cette réception et pourquoi pas un changement de client au profit des Partisans. L'autre irait tuer discrètement les Chasseurs isolés et tenteraient de bloquer l'accès à la réserve, s'occupant ensuite des superviseurs à l'intérieur. Rika, elle, proposa un plan tout autre. Elle envisageait d'attendre que toute la cargaison soit déposée sur le port. Là, les Partisans fonceraient sur les Chasseurs alors tous regroupés pendant leur fin de mission. Profitant de l'effet de surprise, les Partisans gagneraient cette bataille avec le moins de mort possible. Ils auraient alors ensuite tout le temps pour négocier avec le marchand afin qu'il ne compte plus les Chasseurs comme des clients potentiels et peut-être même pour qu'il comprenne que les Partisans peuvent être leurs remplaçants dans cette affaire. En écoutant ces deux plans, Mitor venait de connaître la vraie raison de cette mission: Récupérer des investisseurs au-delà d'en enlever aux Chasseurs. Il décida de fermer les yeux sur cet autre but, estimant que ce genre d'affaire ne le concernait pas.


Mitor ne savait quoi penser des deux plans. Une partie de lui estimait qu'aucun d'eux n'étaient sûr d'être accomplis. Alors, il prit la parole contre toute attente des autres membres.


-Si je puis me permettre, j'aimerais revenir sur certains points. Annonça-t-il devant le groupe stupéfait. Je sais que je suis jeune mais écoutez-moi, s'il vous plaît. Karak, ton plan est certes moins risqué mais je ne vois pas l'utilité de séparer le groupe en deux. De plus, je ne pense pas que le marchand soit actuellement sur son navire mais plutôt avec les superviseurs pour «parler argent», justement. Pour ce qui est de ton plan Rika, bien qu'il soit plus rapide et efficace, il est bien trop risqué. Et puis, je pense que nous savons tous qu'il ne faut pas sous-estimer nos ennemis et je doute que l'effet de surprise dure bien longtemps. S'il y a eu des Chasseurs postés aussi loin du port, c'est qu'ils savent qu'ils s'exposent au regard des Partisans en ce moment-même. Peut-être même sont-ils au courant de notre venue, auquel cas l'effet de surprise est inutile.


Tous les Partisans n'en revenaient pas qu'un garçon si jeune puissent comprendre à ce point la situation et la stratégie militaire. Rika restait, elle, silencieuse qui, à la vue de son regard, était certainement en train de maudire Apa pour avoir transformé un garçon innocent en soldat programmé pour la guerre. C'est du moins ce qu'elle pensait. Karak fixa alors Mitor avec un sourire léger.


-Que proposes-tu à la place? Demanda Karak, à la fois heureux d'avoir un tel garçon dans ses rangs et intrigué face à ce qu'il avait appris auprès d'Apa.


-Et bien, je pense qu'en effet, nous allons attendre que les Chasseurs aient finis de décharger le navire de sa marchandise. Répondit Mitor, heureux qu'il ait la possibilité d'élaborer son propre plan. Les Chasseurs iront annoncer à leurs superviseurs la fin de leur mission. Là, nous tuerons discrètement tous les Chasseurs restés à l'extérieur de la réserve pour faire le guet. Le plus vite possible, nous utiliserons l'huile des lampes et le vin pour l'étaler sur le sol en face de l'entrée de la réserve.


-De quoi?! S'exclama Karak et quelques autres membres ne comprenant pas cette idée.


-Nous les attirerons dehors et quelques-uns d'entre nous, placés à côté des portes sans que les Chasseurs puissent les voir, prendront des torches ou des lampes allumées. Ils attendront qu'assez de Chasseurs soient sortis pour enflammer le sol, le feu se répandant sur tout leur groupe.


-Mais comment peux-tu savoir que l'on puisse se poster à côté des portes sans que nos ennemis nous voient? Demanda Karak. Cela fait longtemps que tu as vu le port.


-Non, Karak, j'y suis allé assez souvent pour savoir que nous pouvons rester caché là-bas. Répondit Mitor en pensant à ses nombreux rêves.


Mitor savait que son plan n'était toujours pas celui qui leur assurerait la victoire mais tout le monde semblait en accord pour l'accepter car il comblait les défauts de ceux de Karak et Rika. Ainsi donc, ils envoyèrent une nouvelle fois le même espion pour voir quand la cargaison complète sera déposée dans le port. Pendant ce temps, chacun se prépara à l'offensive et se remémora le plan. L'espion revînt une vingtaine de minutes plus tard et l'offensive allait donc commencer. Karak, nommé unanimement comme commandant de cette mission, ordonna leur départ pour le port.


Comme prévu, ils virent au loin les Chasseurs entrer dans la réserve rejoindre leurs superviseurs. De là où ils étaient, leur nombre était aussi élevé que le leur, c'est-à-dire une vingtaine. Karak ordonna à certains membres de s'élever discrètement sur les toits pour savoir où étaient postés les Chasseurs qui faisaient le guet. Aussi vite qu'ils purent, ils assassinèrent les Chasseurs de l'extérieur et n'avaient sans doute qu'une ou deux minutes pour mettre en place le plan de Mitor. Celui-ci, content d'avoir mit cette stratégie en place, récupérait les lanternes et dispersait sur le sol l'huile mélangé au vin. D'autres ouvraient discrètement une caisse et prenait les bouteilles de vin. La porte de la réserve ouvrait sur le port et chaque membre vit qu'il était simple de se cacher juste à côté, derrière un mur, pour jeter le feu sans que personne ne les voit venir. Les lanternes qui n'étaient pas utilisées pour son huile restèrent allumées afin de les utiliser pour enflammer le sol. En réalité, Mitor ne savait pas si le mélange de vin et d'huile était un liquide inflammable et il avait extrêmement peur que son plan tombe à l'eau. Ce fut quand le dernier membre se cacha que la porte s'ouvrit de l'intérieur.


Face à la nuit noire, il était impossible pour leurs ennemis de distinguer le liquide au sol. Ces derniers proclamaient leur envie de rentrer se coucher le plus vite possible à leur QG quand soudain, le premier à sortir glissa sur le sol. Ces camarades derrière lui ricanèrent et sortirent à leur tour. Alors, deux autres Chasseurs tombèrent également et ce fût lorsque trois autres encore passèrent la porte en glissant que leurs ennemis commençaient à se poser des questions. Le premier à avoir glissé hurla à ses camarades:


-Fuyez! Il y a de l'huile sur le pont, c'est un piège!


Les Partisans ne pouvaient attendre une seconde de plus et lancèrent sur le sol les lanternes encore allumées. Le feu qui prit instantanément vie sur le pont dissipa les doutes de Mitor quand à l'efficacité de son plan pendant que ses ennemis brûlaient. Les hurlements des Chasseurs souffrants couvraient l'approche des Partisans qui escaladaient facilement la porte pour éviter le feu et entrer dans le bâtiment. Un à un, Mitor et ses alliés entrèrent dans la réserve sous le regard des Chasseurs ébahis face à cette entrée singulière. La bataille débuta alors.


Mitor avait l'idée de suivre Rika pour qu'il ne lui arrive aucun mal et il avait peur que celle-ci ait la même idée à son égard. Mais curieusement, Rika semblait avoir oublié la présence de Mitor. Il était assez proche d'elle pour la protéger en cas d'attaque fourbe mais également pour analyser son regard et comment elle réagissait. Il reconnut alors le sentiment de la rage sur son visage. Mitor, qui l'avait toujours connu très triste, fut surpris de la voir s'élancer sur un ennemi et l'assassiner bien plus sauvagement que n'importe qui dans cette bataille. Karak, lui, se battait avec une dextérité admirable. Il attaquait et esquivait presque avec grâce chacune des attaques. Il jeta alors un œil à Rika et la regarda d'un air désolé avant de se concentrer une nouvelle fois sur le combat. Visiblement, Mitor estima que Rika n'avait pas besoin d'aide et il fit plus attention à ses arrières. Il vit une table qui était entreposée au centre de la pièce où des cartes et divers parchemins étaient étalés et monta dessus. Il courut sur cette table et la traversa de long en large pour sauter sur un ennemi qui ne l'avait pas vu venir. En l'air, il dégaina sa dague et trancha la gorge du Chasseur. Dans son élan, il se servit du corps tombant de son ennemi pour se réceptionner et foncer vers un autre Chasseur qui se dirigeait dangereusement sur Rika. Très vite, Mitor poussa le Chasseur qui trébucha contre le mur. Celui-ci contre-attaqua en voulant donner un coup d'épée à son adversaire mais Mitor stoppa son bras et planta sa dague dans son cœur. Planter la dague à travers la fine armure de cuir était facile. L'en retirer était plus compliqué. Mais au bout d'un dur effort, il réussit à extirper son arme du cadavre juste à temps pour éviter le coup d'un autre Chasseur qui fonçait sur lui. Celui-ci était plus féroce, plus agile. Il maniait une imposante épée recourbée et ne portait qu'une fine lanière de cuir. Mitor comprit que son nouvel adversaire allait être plus difficile à tuer et il jugea bon de ne pas lui sauter directement dessus. Pendant que Rika combattait avec rage un autre ennemi et que Karak était occupé à gérer deux adversaires en même temps, Mitor et son adversaire se fixaient du regard au milieu du chaos ambiant. Mitor aperçut alors à ses pieds une deuxième dague, celle d'un Partisan mort à seulement quelque pas. Très vite, il la ramassa et fonça sur son ennemi. Connaissant l'atout que pouvait lui procurer sa petite taille, il décida de parer le coup d'épée et de passer sous les jambes de son ennemi. Aussi agile qu'il puisse être, son ennemi se retourna très vite et para l'attaque de Mitor qui voulait planter son arme dans le dos. Au travers des nombreux coups d'épée, Mitor se devait de reculer et il comprit bien vite qu'il était en train de se faire dominer. Approchant de la table, il décida une nouvelle fois de sauter dessus. Son ennemi fit de même et Mitor s'avoua qu'il ne pouvait pas faire autrement que de le combattre en face à face. Tout à coup, Mitor sentit l'extrême danger que représentait son combat, que celui-ci avait bien plus de chance de se terminer par une défaite, autrement dit, sa mort. Il savait qu'il fallait être aussi agile que son adversaire et plus futé qu'il ne l'était actuellement.


Pendant le combat de Mitor, Rika s'attaquait à chaque ennemi qu'elle voyait bouger. Ceux qui l'observaient, avaient l'impression d'une bête enragée. Karak, qui maîtrisait sans mal ses adversaires, regarda une nouvelle fois, dépité, l'attitude de Rika. Il vit alors deux personnes debout sur la table. Il reconnut par sa petite taille Mitor et un autre homme, plus costaud et, il le savait, bien plus dangereux que n'importe quel autre adversaire dans cette pièce.


-NOOOON!!!! Hurla-t-il.


Son cri qui signifiait le danger que vivait Mitor arriva aux oreilles de Rika qui se tourna à son tour vers le combat de Mitor. Pris d'une angoisse énorme, elle laissa tomber son actuel adversaire déjà à moitié mort et se dirigea vers ce puissant ennemi qui affrontait ce jeune garçon qu'elle aimait tant. Mitor vit Rika qui fonçait sur son ennemi. La peur s'empara de lui et il imagina le pire quand son adversaire se tourna également vers Rika. Alors, il bondit à son tour vers cet ennemi qui inspirait tant de crainte. Armé de son épée recourbée, ce dernier para le coup d'épée de Rika et en profita pour le diriger vers Mitor. Celui-ci se baissa pour esquiver le coup dévié et en profita pour passer une nouvelle fois sous les jambes de son adversaire et réussit à lui entailler les deux jambes avec ses dagues. L'ennemi ne poussa qu'un petit cri étouffé et donna un violent coup de pied dans le ventre de Mitor qui tomba à terre. Mitor avait du mal à respirer, il arrivait à peine à se relever. Il vit soudain Karak entrer lui aussi dans leur combat et, armé d'une petite hache et d'une épée, tenta de trancher le buste de l'ennemi. Celui-ci ayant vu le coup venir esquiva le coup et donna également un coup de pied dans le ventre de Karak qui sortit de la zone de combat. Décidément, cet ennemi était imbattable. Dans sa chute, Karak lâcha sa hache. Mitor abandonna sa dague ramassée, prit la hache et se servit de la force de cette arme pour couper un des pieds de la table. Comme prévu, son adversaire fut déstabilisé avant qu'il n'ait pu porter un violent coup à Rika. Celle-ci sauta de la table à temps, tandis que son ennemi était en train de tomber sur le sol. Karak prit son épée et essaya d'achever l'adversaire. Ce dernier bloqua le coup et les deux hommes étaient désormais en train de forcer l'un sur l'autre avec leur arme. Tout à coup, le visage de l'ennemi donna un air stupéfait et il arrêta de forcer. Karak baissa les yeux vers une dague qui s'était plantée dans le cœur du combattant, dague tenue par Mitor qui avait profité de ce moment pour tuer cet horrible adversaire. C'était la fin du combat. La bataille autour avait également pris fin, les Partisans étaient victorieux. Karak surprit le marchand dans un coin de la pièce, se cachant du chaos qui avait régné dans la réserve, et s'en occupa.


Mitor, lui, secoué par ce dernier combat, se posa sur une caisse et prit une pause. À ses côtés, un Chasseur était durement blessé. Dégoulinant de sang, il implorait pitié à quiconque l'entendait. Il remarqua la présence de Mitor et lui dit en pleurant:


-S'il vous plaît, jeune homme. Ayez pitié.


C'était un vieil homme désespéré. Mitor ne pouvait se résoudre à le laisser là. Il fallait l'aider. Soudain, un des membres des Partisans s'approcha et planta sa dague dans le crâne du vieil homme. Face aux yeux vitreux du Chasseur abattu, Mitor faillit pousser un cri d'effroi. Autour de lui, il voyait les Partisans achever les Chasseurs blessés. Était-ce leur but? Achever tout le monde pour qu'il n'y ait pas de représailles? Mitor décida de sortir de la réserve, la colère montant en lui. Devant la porte, le feu continuait de consumer les cadavres des Chasseurs. Il escalada les flammes et partit se poser sur le pont, face à la mer et à l'obscurité de la nuit.


Rika le rejoint alors quelques minutes plus tard. Elle s'assit à ses côtés et lui demanda:


-Liso, ça va? La bataille t'a secouée?


-Pas trop, ça va. Répondit Mitor sans savoir si ce qu'il avait répondu était un mensonge ou pas.


-Je sais que tu es plus fort que ce que ton âge sous-entend mais peu importe notre âge, on est forcément secoué quand on affronte un sang-coureur Dothrak.


-Un quoi?


-Un sang-coureur Dothrak. Ce sont de puissant combattant qui viennent du peuple du cheval, à l'Est. Si nous avions su que les Chasseurs avaient un tel combattant dans leur rang, nous aurions amener plus d'hommes.


-C'est vrai qu'il était puissant. Je n'aimerais pas devoir en combattre un à nouveau.


-Et euh… pour ce que tu as vu pendant la bataille. Je suis désolée. Avoua Rika d'un ton désespéré.


-De quoi tu parles? Répondit Mitor qui ne comprenait pas.


-De ma façon de combattre. Quand ma rage prend le dessus, je suis sauvage et je n'ai même pas pensé à te protéger pendant la bataille.


-Rika, je n'ai pas besoin d'être protéger, vous l'avez bien vu. Quand à votre sauvagerie, je la comprend. Vous avez toutes les raisons de vous défouler sur les Chasseurs.


Rika ne répondit pas et échappa juste un petit sourire en coin. Karak annonça alors leur retour au QG. Tous se réunirent devant la réserve, le feu totalement dissipé et les cadavres jetés à la mer. Karak félicita leur victoire et dit en montrant le marchand se diriger vers son navire que désormais, les Partisans allaient être les nouveaux bénéficiaires de la compagnie de vin. Le groupe entier repartit ensuite au QG. Mitor était surpris de sa fatigue et dût lutter pour ne pas s'endormir avant d'arriver. Rika lui proposa d'aller directement se coucher pendant qu'elle et Karak iront faire leur rapport à Apa, ce qu'il accepta volontiers. Une fois passé la taverne, Mitor prit donc le chemin de sa chambre. Une fois assis sur son lit, il prit la tête dans ses mains, comme sortant d'un cauchemar. Il n'arrivait pas à réfléchir à quoi que ce soit mais il était persuadé que cela n'était pas dû à la fatigue. Il rouvrit les yeux et vit alors une silhouette familière devant lui. C'était Izzir.


Il était debout, stoïque comme celui que Mitor appelait le «faux Izzir» dans ses rêves. C'était cependant la première fois qu'il le voyait tout en étant éveillé. Il était debout devant lui près de la porte, la faible lueur d'une lampe l'éclairant légèrement, laissant son visage presque baigné dans l'ombre.


-Pris de doutes, mon cher Mitor? Interrogea Izzir.


-Peut-être mais j'ai du mal à les discerner.


-Je suis sûr qu'en cherchant un peu, tu peux voir ce qui te tracasse.


-Sais-tu donc ce qui ne va pas chez moi, sale imposteur? Demanda Mitor qui se rendit compte qu'il ne voulait même pas avoir affaire à ce faux ami.


-Tu es adorable, Mitor. Ricana Izzir. Tu ne devrais pas faire attention à moi. Je ne suis qu'un rêve après tout et la vie réelle mérite plus d'attention que moi, n'est-ce-pas?


-Qu'est-ce que tu veux?


-Quand j'apparais, c'est pour t'aiguiller. Je suis donc là en ce but. Tu veux savoir ce qui te tracasse? Rika? Apa? Rasar? Cette guerre? Ou autre chose, peut-être?


-Je...je crois que c'est cette guerre. Répondit Mitor en rassemblant toutes ses forces pour réfléchir.


-Bien, on avance. Qu'a-t-elle, cette guerre?


-Elle est inutile.


-Comme toutes les guerres, non? Celle-ci te semble différente?


-Elle est plus illogique que n'importe quelle autre guerre.


-Pourtant, tu as choisis ton camp.


-Je ne crois pas que je suis un Partisan dans mon cœur, ni un Chasseur d'ailleurs.


-Alors que faut-il faire pour que tu prennes une décision sur la suite des événements? Je vois un grand destin en toi, Mitor. Tu es la solution à beaucoup de problèmes. Tu dois décider de ce qu'il faut faire maintenant.


-Il faut que je vois les Chasseurs de mes propres yeux. Il faut...que j'aille dans leur QG et voir s'ils valent mieux que les Partisans. Répondit Mitor comme s'il improvisait. Non! Attends deux secondes! S'exclama-t-il soudain.


En un battement de cil, le faux Izzir avait disparu. Mitor était de nouveau seul et il ne comprenait pas ce qu'il venait de se passer. Il replongea sa tête dans ses mains. Cette idée d'infiltrer les Chasseurs était bien trop risquée et pas assez utile. Au fond, Mitor sait que les Chasseurs ne valent pas mieux que les Partisans. Mais...juste pour savoir…par acquis de conscience….peut-être faudrait-il…. Et Mitor s'endormit d'un profond sommeil, troublé par cette décision qu'il comprit être la bonne.

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