La cour des grands

Chapitre 60 : Mhaegen

4309 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 16/07/2018 14:46



Mhaegen



Jamais de sa vie elle n'avait vu pareil spectacle. Quand Lollys l'avait vu à son tour, elle estimait que ce qu'elle venait de voir était de la magie de haut niveau. Au fur et à mesure des essais, le spectacle fut plus agréable à regarder car celui-ci était plus rapide. La pierre recueillie non loin de la plage prit une couleur dorée en seulement dix secondes contrairement au premier essai où il avait fallu plusieurs minutes pour que l'or s'éparpille sur toute la surface de la pierre. Mhaegen était heureuse de ses progrès et elle savait qu'il fallait désormais passer à la dernière étape: L'antidote qui permettait la guérison des plaies. Après qu'elle aurait terminé cette étape, elle sera en mesure d'entrer dans la Guilde des Alchimistes. Lollys, une fois le spectacle terminé, pris la pierre, ou plutôt l'or, dans ses mains et l'observa attentivement.


-C'est juste dingue! S'exclama-t-elle. Combien d'êtres cupides rêveraient de pouvoir faire ça en ce monde?


-Bien trop. Répondit Mhaegen en reprenant l'or des mains de sa maîtresse.


Elle se pencha de nouveau sur son matériel et appliqua une nouvelle mixture sur l'or qui repris plus rapidement les propriétés physiques d'une simple pierre.


-Ouah! Il y a aussi la formule qui inverse les effets?


-Il y a des inversement d'effets pour presque toutes les formules. Répondit fièrement Mhaegen qui reposa sa pierre sur le sol.


Lollys était heureuse de voir les progrès de son amante. Elle savait que dans le domaine alchimique, de tels progrès étaient à louer avec enthousiasme. Mais elle se décevait elle-même quand elle réfléchissait à ses progrès à elle, dans la botanique. Mhaegen la rassurait en lui disant que la botanique est un domaine qui demande plus de patience et qu'un jour, elle sera tout aussi performante que Mhaegen ne l'est dans le domaine alchimique. Mhaegen nettoya et rangea son matériel dans un sac et elle proposa à Lollys une petite promenade dans le Bois Sacré, ce que cette dernière accepta volontiers.


Cette fois, il ne faisait pas aussi beau que ces derniers jours. En plein milieu d'après-midi, le soleil se faisait timide. Mais c'était un temps idéal pour ceux qui recherchaient un peu de fraîcheur. Ce faisant, le Bois Sacré était tout aussi peuplé que les jours où le ciel était bleu. Mhaegen et Lollys décidèrent de respirer plus fortement l'air marin et descendirent près des rochers qui recevaient les vagues de plein fouet. Là, on pouvait s'appuyer sur une rambarde et contempler la Baie de la Néra, les navires au loin et l'horizon du Détroit dans toutes leurs splendeurs. Il était d'usage, lorsque l'on se trouvait si près de la mer, de respirer profondément et d'essayer de discerner parmi les vagues d'éventuels poissons ou autre êtres vivants marins, ce que les deux amantes firent. Dans ces rares moments où elles étaient seules, car personne ne venait ici, sans avoir besoin de se réfugier à l'appartement, elles s'embrassaient. Elles restèrent là plusieurs minutes, dans ce lieu paisible et coupé du monde, avant de vouloir repartir dans les chemins fleuris et peuplés du Bois Sacré. En se retournant, elles virent deux silhouettes s'approcher. L'une était facilement reconnaissable pour être celle de Tyrion Lannister, avant Main du Roi et aujourd'hui Grand Argentier, prenant ainsi la place de Lord Baelish. Celui qui l'accompagnait était Bronn de la Néra, un ancien mercenaire devenu ami de Lord Tyrion. Pour Mhaegen, le fait que l'insigne de la Main du Roi ait disparu du torse de Tyrion n'enlevait rien à la prestance de ce dernier. Cependant, il avait un air plus avachi qu'à l'accoutumé. En s'approchant d'elles, Tyrion semblait se forcer à sourire. Mhaegen et Lollys savaient pourquoi.


La veille, il a été obligé de se marier avec Sansa Stark. Tous les nobles étaient réunis pour l'occasion dans le Septuaire de Baelor où se déroule d'ordinaire tous les mariages. Les servants devaient rester dans les couloirs avoisinants le hall en attendant que leurs maîtres et maîtresses quittent les lieux. Lollys était en plein milieu des rangs de nobles et Mhaegen était avec les autres servantes. Les deux femmes pouvaient voir tout ce qu'il se passait lors du mariage. Lorsque Sansa Stark était entré dans le Septuaire, accompagné par le roi en personne, elle n'avait pas semblé être très réjoui de cet événement. Tyrion, qui était déjà présent, avait la même expression que sa future femme. Lorsque l'heure de la cérémonie fut venu ainsi que celle du discours du Septon, Tyrion devait mettre sur le dos de Sansa une cape symbolisant leur union. De par sa petite taille, il était obligé d'utiliser un escabeau pour lui enfiler la cape. Par mesquinerie, le roi Joffrey s'était amusé à enlever l'escabeau pour ridiculiser son oncle. Toute la foule rigolait hormis Lollys et Mhaegen. Sansa avait dû se baisser pour permettre à son mari de poser la cape sur son dos. Le malaise qu'avait ressenti Mhaegen à ce moment-là lui avait rappelé à quel point le roi était un «profond salopard», chose qu'elle pensait si fortement qu'elle luttait pour ne pas le dire à voix haute. Depuis hier, Mhaegen avait ouïe dire que Tyrion avait bu tout son soûl le soir même. Difficile de ne pas en imaginer la raison.


Tyrion et Bronn s'approchaient donc d'elles. Chacun se forçaient à sourire, sauf Bronn qui arborait toujours son expression enjoué pour détendre l'atmosphère dont il avait conscience de sa nature quelque peu déprimante.


-Bonjour, lady Castelfoyer. Bonjour, Elizabeth. Salua Tyrion tandis que Bronn faisait un petit signe de tête à la place des salutations.


-Bonjour Lord Tyrion. Bonjour, sir Bronn. Répondirent en chœur Lollys et Mhaegen.


-Ne m'appelez pas sir, mesdames. Je n'aimerais pas être dans le même panier que ces gens qui font des courbettes, là-haut. Répondit Bronn en pointant le château du doigt.


-Excusez-nous, sir. Accentua Mhaegen avec un sourire, cette fois non forcé.


Bronn la regarda sérieusement quelques secondes, faisant croire à Mhaegen qu'elle venait de faire une mauvaise blague, avant de s'esclaffer de rire.


-Elle, je l'aime bien! S'exclama Bronn à l'adresse de Tyrion.


-Oui, Elizabeth est une servante qui, ma foi, sort du lot avec son franc-parler.


Ce compliment fit sourire Mhaegen qui entama la conversation.


-Comment allez-vous, lord Tyrion?


-Et bien, je suis un homme marié désormais. J'ai de quoi me réjouir, non? Répondit Tyrion avec un faux sourire.


-À partir de quand on est entrés dans un monde où le mariage est une bonne chose, l'ami? Rétorqua Bronn. Beaucoup de sortes de prisons existent et la pire, c'est celle-ci.


-C'est bon, Bronn. J'ai compris. Ça fait depuis ce matin que tu me la répètes en boucle, cette réplique. Répliqua Tyrion.


-Vous savez, on sait très bien que ce mariage n'était voulu par aucun de vous deux. Rassura Mhaegen.


-Tout le monde le sait, Elizabeth. Les mariages consentis dans la joie et la bonne humeur se comptent sur les doigts d'une main au château. Consola à son tour Tyrion.


-Tu sais, tu n'as pas à te plaindre, l'ami. Certains doivent épouser des gamines encore vierges ou des vieilles de quatre-vingts ans.


-C'est une gamine encore vierge, Bronn. Objecta Tyrion.


-Mais elle a déjà saigné, non? Pour certaines jeunes mariées, c'est pas encore le cas.


-Tu veux bien arrêter de parler de ça, Bronn. Nous sommes face à des dames.


-Oh non, Lord Tyrion. Ce n'est rien. Répondit Lollys. On se fiche bien de tout ça. Ce mariage ne fait pas de vous un monstre.


-Merci beaucoup, Lady Lollys. Remercia Tyrion en souriant et en faisant une révérence.


-Contrairement à Joffrey. Ne put s'empêcher de dire Mhaegen, ce qui la surprit, autant elle que ses interlocuteurs.


-Vous avez bien raison. Confirma Bronn après un temps. Ce morveux mériterait bien quelques paires de claques.


-Je savais que le roi était encore immature mais pas à ce point. Continua Mhaegen en faisant référence au malaise qu'il avait provoqué dans le Septuaire.


-Ce n'est rien, Elizabeth. Rassura Tyrion. J'ai l'habitude de voir mon neveu me ridiculiser. Sauf qu'avant, je pouvais le réprimander. Cette couronne le protège bien de mes bonnes vieilles gifles.


-En fait, je ne suis pas sûr que des gifles suffiraient. Se reprit Bronn. Je me souviens de la fois où Tyrion lui avait offert deux prostituées. L'une était sortie en pleurs et l'autre avait été matraqué et était reparti au bordel toute sanglante. Depuis, je rêve de lui donner un bon coup de poing dans sa petite gueule de blondinet.


-Qui était les prostituées? Demanda instinctivement Mhaegen qui pensait à ses quelques amies qu'elle avait eu au bordel de Lord Baelish.


-Je sais plus, l'une s'appelle Ros, ça, je le sais bien. Et l'autre, je crois qu'elle s'appelait Armeca.


Mhaegen connaissait ces deux prostituées. Elle n'avait pas beaucoup aimé Ros du temps où elle la fréquentait car elle se prenait un peu trop pour une chef à son goût. Mais Armeca, elle, était une des ses meilleures amies là-bas. C'était elle qui l'avait réconforté après la mort de Barra. Apprendre ce qu'il lui était arrivé avait de quoi lui donner le mal de tête. Elle ne resta pas longtemps absente de la conversation et répondit sèchement:


-Que le règne de ce roi soit le moins long possible. Je ne connais pas beaucoup son frère mais celui-ci ferait certainement un meilleur roi que lui.


-En effet. Répondit Tyrion. Tommen est plus qu'un doux agneau, surtout comparé à Joffrey. Mais, vous connaissiez ces deux femmes?


-Je les ai rencontrés avant d'arriver ici. Elles étaient devant leur bordel. Mentit Mhaegen, se souvenant que Lollys était à côté d'elle.


La conversation ne dura pas plus longtemps et Tyrion et Bronn passèrent leur chemin. Mais tout ce que Mhaegen voyait désormais, c'était les durs souvenirs de Tyrion du «plus beau jour de sa vie» lisibles sur son visage. L'affreux récit sur Armeca et Ros avait de quoi également la bouleverser. Elle y pensa sans cesse pendant qu'elle et Lollys se promenaient dans le Bois Sacré. Il était facile pour Lollys de voir que quelque chose n'allait pas.


-Tu es absente, Elizabeth, depuis tout à l'heure? Tu vas bien? S'inquiéta Lollys. C'est à propos de l'histoire de ces deux prostituées?


-Pas que, Lollys. Je pense aussi à Tyrion et ce qu'il a subit. Je pense également à la guerre. Si elle arrive jusqu'ici et qu'elle réussit à nuire à Joffrey.


-Il vaut mieux ne pas dire des choses pareilles dans ce coin-là, Elizabeth. Se mit à chuchoter Lollys. Depuis quelques temps, je sens que quelque chose approche.


-Comment ça? Demanda Mhaegen, étonné.


-Ce lieu a toujours été le théâtre de complot, de coups de couteaux dans le dos. La Cour est bien trop calme, ces temps-ci.


-Tu penses qu'un complot est en préparation contre le roi?


-Pas forcément contre le roi, je ne sais pas. Mais je t'avoue avoir un peu peur.


-Rentrons, Lollys. Le Bois a des oreilles.


Lollys, en dévoilant sa peur de ce lieu, s'était recroquevillée. Elle ne tremblait pas mais sa voix confirmait pourtant son sentiment d'effroi. Mhaegen se demandait depuis quand sa maîtresse avait de tels soupçons. Il est vrai que la Cour est surtout connue pour sa dangerosité quand on se mêle des affaires des autres. Il y est très déconseillé de s'associer à un secret, encore plus de le rompre. C'est un lieu où il faut savoir mentir, au risque de se retrouver empoisonné, transpercé d'un poignard ou même amené devant la hache du bourreau. Mhaegen, qui avait toujours vu en Lollys une innocence enfantine, comprit que cette dernière avait bien conscience du danger du lieu. Le fait que cela lui fasse peur était même une preuve de maturité considérable. Mhaegen crut un instant que Lollys était au courant de son affaire mais ses doutes furent dissipés bien vite. Après tout, elle n'avait aucun moyen de savoir dans quelle fâcheuse histoire sa servante s'était mise.


Elles rentrèrent toutes deux dans l'appartement. Mhaegen était encore perdu dans ses songes. Comme à son habitude, elle sortait son matériel d'alchimie pour commencer à travailler. En voyant ce qui lui restait à faire, à savoir concocter une potion de guérison des plaies, elle comprit que l'expérience ne pouvait être réalisable ici, dans cet appartement. En effet, Mhaegen avait quelque chose en tête et elle ne pouvait en aucun cas se résoudre à pratiquer ce qu'elle voulait faire devant Lollys. Alors elle eut une idée. Elle s'approcha de son amante qui regardait sa plante pousser lentement mais sûrement et lui dit:


-Lollys?


-Oui, Elizabeth?


-Pour ma prochaine expérience, je ne crois pas que ton appartement soit un bon endroit de travail.


-Comment ça?


-Celle-ci risque de faire pas mal de bruit et de propager une puissante odeur dans tout le couloir. Mentit Mhaegen.


-Très bien, je comprends. Répondit Lollys d'un petit air déçu. Mais où veux-tu aller? Il est difficile de trouver un endroit où ton expérience n'attirera personne au château ou même dans la capitale.


-Je pense installer mon matériel dans les sous-sols de Fossedragon. Plus personne ne vient là-bas car l'endroit est en ruine. Encore moins dans les sous-sols. Ce lieu me semble être le plus sûr et le plus près à la fois. Tu es d'accord?


-Et bien, je respecte ta passion et je te l'accorde, Elizabeth. Accorda Lollys d'un ton triste.


-Ne t'inquiètes pas. Je reviens avant la tombée de la nuit.


Mhaegen prit ses affaires d'alchimie et les rangea dans un sac. Elle se vêtit d'une tenue urbaine attirant bien moins le regard d'autrui et embrassa Lollys sur la bouche avant de s'en aller. Celle-ci avait un petit sourire et Mhaegen se sentit obligé de s'excuser avant de passer la porte.


Avant d'aller dans les sous-sols de Fossedragon, elle devait récupérer des ingrédients trouvables dans la cuisine. À cette heure d'après-midi, la cuisine n'était pas très peuplé par les servantes et Mhaegen pouvait facilement acquérir ce qu'elle voulait sans être aperçu par quelques intendantes ou servantes. Elle prit donc avec elle quelques racines, quelques herbes, un couteau et de la bile de renard. Pour aller du château à Fossedragon, qui était juste derrière les remparts, il fallait passer par un long couloir où se trouvait la réserve et les caves à vins. Une grande porte se trouvait au bout, où deux gardes s'y tenaient juste devant. Mhaegen se cacha à ce moment-là derrière une colonne. Elle avait bien entendu anticipé la présence des gardes et elle sortit une petite fiole de son sac. Elle jeta le liquide en plein milieu du couloir, le plus loin possible de sa cachette. Le liquide, alors verdâtre, se mit à bouillir sur le sol et provoqua un bruit un peu strident mais suffisant pour attirer les gardes. Ceux-ci s'approchèrent du liquide bouillant tandis que Mhaegen contournait la colonne pour ne pas qu'ils la voient. Avant de partir en direction de la porte, elle voulut savoir si sa stratégie fonctionnait. Elle regarda alors un des gardes sortir son épée et tremper la pointe dans la mixture déversée. Tout à coup, l'épée entière fut absorbé par le liquide et si le garde n'avait pas lâché son arme avant, il serait certainement dans l'état de cette dernière. L'épée restée au sol disparaissait à vue d’œil et de la fumée gisait de cette masse acide. Mhaegen était alors assez proche pour sortir une deuxième fiole contenant le même liquide. «C'est malheureusement la seule manière que j'ai trouvé pour atteindre ma destination. Désolé, messieurs. Vous n'êtes que des dommages collatéraux», pensa-t-elle. Elle déboucha sa deuxième fiole et en jeta le contenu sur le dos des deux gardes. Ceux-ci avaient entendu un bruit derrière eux mais il était trop tard. Un puissant acide était en train de les recouvrir entièrement à une vitesse incroyable. Ils n'eurent même pas le temps de hurler. La fumée propageait une puissante odeur et Mhaegen se dépêcha de sortir avant qu'elle ne soit démasqué de ce crime odieux.


Sur le chemin qu'il lui restait à parcourir avant Fossedragon, elle devait faire un détour pour récolter du sable pour sa concoction. Dans un même temps, elle se demandait quelle aurait pu être les autres solutions qui aurait pu lui permettre de sortir du château sans tuer les gardes. Ceux-ci ne l'auraient pas laissés passer ou même entrer. Leur devoir était qu'aucune personne non-autorisée ne devait passer la porte qu'ils gardaient, que ce soit pour sortir ou pour entrer. Elle pourrait être en effet une espionne des Starks ou une meurtrière en fuite. Elle trouvait cependant que tuer ces gardes n'étaient pas nécessaire. Mais elle avait beau cherché, elle ne trouvait pas de moyen efficace pour les faire quitter leur poste. Elle s'en voulait de les avoir tuer. De plus, elle n'avait même pas réfléchi avant de commettre ce crime. Elle mit longtemps à s'en rendre compte mais c'était la première fois qu'elle ôtait des vies. En prenant conscience de cela, elle eut comme un petit vertige mais resta droite. Pour apaiser sa conscience, elle imaginait que les gardes n'avaient pas de vie très palpitantes, voir même malheureuses et qu'en les tuant, elle leur avait rendu service. Mais cela ne marchait pas beaucoup. Elle préférait le terme de «dommage collatéral». Elle s'apprêtait à tuer le roi. Un acte aussi important ne pouvait se passer sans quelques effusions de sang. Comme à la guerre, des innocents devaient mourir. Depuis qu'elle avait pris connaissance de sa mission, Mhaegen avait justement l'impression de faire partie d'une guerre. Alors, elle comprit qu'elle ne devait pas s'occuper l'esprit avec ce meurtre. Retrouvant sa détermination, elle affirma dans ses pensées: «C'était un mal nécessaire».


Elle approchait alors de Fossedragon. Un sentier parmi de petits arbrisseaux et d'oliviers permettait de montrer le chemin vers les ruines. Elle vit soudain un vaste édifice et ne tarda pas à se retrouver à la porte qui n'était d'ailleurs pas gardée. Fossedragon, depuis qu'elle n'était plus que ruines, n'était en effet plus très visitée. Fût un temps, des dragons, aussi grands et larges que des maisons, si ce n'est encore plus, résidaient en ces lieux. Mhaegen passa la porte et se retrouva au centre d'une sorte d'arène à ciel ouvert. Il était évident de comprendre pourquoi plus personne ne venait ici. Même l'édifice d'Harrenhall n'était pas autant en ruine que celui de Fossedragon. L'on raconte que la rébellion de Robert Barathéon était arrivé jusqu'ici et avait voulu détruire l'endroit, estimant que ce lieu représentait la puissance de la dynastie des Targaryens. Désormais, Fossedragon n'était qu'un vestige de l'histoire au même titre que Valyria, capitale de l'ancien empire valyrien désormais elle aussi en ruine. Mhaegen ne mit pas longtemps à trouver l'entrée des sous-sols et elle descendit les escaliers qui y menaient. Très vite, l'atmosphère se refroidissait et le moindre de ses pas se faisait entendre à l'autre bout des sous-sols. L'endroit n'était éclairé que par quelques torches à l'entrée. Elle en prit une, posée sur un support au mur, et s'aventura dans le noir. L'endroit était très vaste. Quelques colonnes supportaient le plafond et plusieurs caisses vides étaient déposées ici et là dans toute la pièce. Alors, elle commença à en voir un. Guidé par la torche, elle n'avait pourtant pas vu du premier coup d’œil cette masse blanche qui se trouvait à ses côtés. Elle osa tourner seulement d'un quart sa tête et vit alors de gigantesques dents pointues à seulement un mètre de son visage. Elle sursauta et poussa un petit cri. Elle recula pour voir à qui appartenait ces dents. Elle percevait soudain un énorme crâne de dragon. La bouche à moitié ouverte, les os encore aussi dur que du métal, le haut du crâne qui était à deux doigt de toucher le plafond. C'était un spectacle à la fois macabre et majestueux pour Mhaegen. Elle resta là pendant une minute, devant ce qu'il restait des géants qui volaient dans le ciel il y a à peine un siècle, avant de continuer à explorer les sous-sols de Fossedragon. Sur son chemin, elle découvrait de nouveaux crânes, parfois plus petits jusqu'à même faire la taille d'une pomme. Il y avait en tout une bonne vingtaine de crânes de dragons, tous à des tailles plus ou moins différentes. Dans ce lieu où l'imposant le disputait à la majesté, Mhaegen trouva une place près d'un des plus gros crânes, cachés par une pile de caisse. La lumière naturelle qui s'échappait par la porte n'atteignait que très peu son nouvel endroit de travail et la torche qu'elle avait emmenée ne suffisait pas à elle-seule. Elle partit chercher une deuxième torche à l'entrée, déballa son matériel alchimique de son sac et se mit au travail.


Elle regarda quelques secondes les creux dans le crâne où devaient se trouver les yeux et ceci eut pour effet de préserver sa détermination, comme si l'âme du dragon l'encourageait. L'ambiance qui régnait autour d'elle était presque sacré et elle estima que c'était peut-être grâce à ceci qu'elle retrouvait du courage. Elle prépara ses ingrédients et suivit la recette de la potion de guérison des plaies qu'elle avait marquée sur un papier. Dans un petit récipient, elle devait faire bouillir du sable et des herbes. À côté, elle devait mariner des racines dans de la bile de renard. Il lui fallut plusieurs tentatives avant d'arriver à un résultat qui lui convenait. Elle regardait souvent la porte de la sortie pour voir si quelqu'un entrait et si la lumière du soleil disparaissait. Elle mélangea ses deux décoctions et versa le résultat dans une fiole. Le résultat, à en voir la couleur, semblait être celui escompté car Mhaegen ne pouvait s'empêcher de sourire. Elle se tourna vers le crâne à côté d'elle et murmura:


-Merci pour le coup de main.


Elle déposa la fiole sur un support et son visage souriant disparu. Ce qu'elle avait prévu de faire désormais ne pouvait pas vraiment la mettre en joie. Elle prit alors le couteau qu'elle avait pris à la cuisine et regarda son reflet dans la lame. Elle tenait fermement le manche des deux mains. Elle soufflait assez fort et disait en même temps quelques mots pour se donner courage, le «regard» du dragon ne servant plus à cela. «Pour Ros, pour Armeca» Elle soufflait de plus en plus fort. «Pour Lollys». Le bruit de son souffle atteignait forcément l'entrée désormais. «Pour Barra». Ces derniers mots étaient sortis d'une voix plus forte. Elle retourna alors le couteau et d'un dernier souffle, elle planta la lame dans sa cuisse droite. Elle étouffait du mieux possible son cri. Elle prit le bandeau qu'elle avait sur la tête et le serra entre ses dents. Pour que la plaie soit assez conséquente pour prouver l'efficacité de sa potion, elle devait remuer de quelques millimètres la lame. La douleur était insoutenable et elle finit par retirer la lame le plus délicatement qui soit. Son bandeau s'échappa d'entre ses dents et Mhaegen poussa un profond soupir de douleur. Voyant sa cuisse ruisselante de sang, elle se dépêcha de prendre la fiole et d'y verser doucement le contenu sur sa plaie. Elle regretta d'avoir laissé le bandeau s'échapper car la potion provoquait de douloureux picotement à l'endroit de sa blessure. Elle serra alors les dents et vida sa fiole sur sa blessure. Elle laissa tomber sa fiole et regarda l'entaille qu'elle s'était faîte. Pendant une minute, elle fut dévastée. La plaie ne se refermait pas et elle était déjà en train de réfléchir à quel moment elle s'était trompée dans la recette. Tout à coup, elle sentit le fond de sa blessure s'apaiser. Petit à petit, l'entaille se réduisait. À vue d’œil, il fallait se concentrer pour observer la guérison. Après au moins cinq minutes de calvaire, il ne restait plus qu'une petite égratignure comme si elle s'était juste griffée et cinq minutes encore pour que la cuisse droite de Mhaegen n'ait plus aucune marque. Il n'y avait même pas de brûlures et la douleur avait désormais entièrement disparu. Elle voulu pousser un cri de joie mais elle n'oublia pas l'écho du lieu. Elle rangea alors son matériel et elle prévoyait déjà d'aller laver son matériel, et sa jambe car le sang était lui encore présent, à la mer. Dehors, le ciel prenait peu à peu une couleur crépusculaire. Avant de sortir, elle se tourna vers le crâne de dragon qui l'avait accompagné pendant cette aventure et le remercia une nouvelle fois.

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