La cour des grands

Chapitre 61 : Galmar

5517 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 29/07/2018 17:23



Galmar



«Ici-bas, c'est un monde où le feu et le sang règnent en maître. Un fléau que même le temps ne réussit pas à calmer. Peu importe le courage, l'espoir, la générosité. Tout finit en fin de compte par disparaître devant la folie de l'Humanité».


Ainsi étaient les mots qu'il lisait sur ce vieux bouquin. Le mestre lui en avait fait grâce le jour de son arrivée. «La saison éternelle» était écrit par le philosophe Lombard. Alors sortant de l'enseignement de la Citadelle, Lombard, très intéressé par l'histoire, était bien décidée à voir de ses propres yeux si les livres relatant les guerres du passés et la folie des Hommes qui les avait engendrées n'était que des fables ou la triste réalité. Il avait donc voyagé aux quatre coins du monde, en quête de savoir. De la lointaine cité de Quarth jusqu'au Mur, des cités libres jusqu'aux cités esclavagistes, tout lui montrait que les livres de son apprentissage disaient vrais. Il avait alors pris la décision de s'exiler de ce monde, rongé par le chagrin en constatant qu'il ne pouvait guérir les Hommes, et s'engouffra dans les vastes forêts encore méconnues de Sothoryos, bien au sud d'Essos et de la Mer d'été. Galmar tourna la dernière page du livre poussiéreux de Lombard, ne dévoilant rien de plus que le nom du mestre qui avait réécrit ce livre, à savoir le mestre Kyren.


Galmar avait dévoré ce livre. En seulement une semaine, il avait lu un ouvrage de plus de cinq cents pages qui demandaient énormément de réflexion à chaque ligne. Il était assis dans la petite bibliothèque du château, aussi poussiéreuse que l'était le livre qu'il venait de fermer. Installé devant une longue table de bois de chêne, Galmar posa le livre devant lui et se mit à méditer. Pour une raison qu'il cherchait encore à ce moment-là, ce livre lui parlait. Le récit de Lombard résonnait en son cœur. Alors, il comprit que son opinion était en réalité la même que celle du philosophe. Il repensa à Newt et au sort que les hommes lui ont donné. Il se souvînt de Darius et à la folie qui ravageait Noé. Il vit par la petite fenêtre la marée noire qui s'étendait sur la plaine et aux corps sans vie qui la couvraient à cause de la guerre. Non loin de lui au bout de la table, tenant une lettre d'un paysan se plaignant de sa misère, le mestre Kyren suspendait sa lecture pour observer le frère du roi Olliver. Il lâchait un sourire en voyant l'état méditatif de Galmar, heureux que certains êtres humains pratiquaient encore l'art de la pensée. Galmar reprit alors le livre et le déposa à sa place, sur une étagère.


-C'était un cadeau, Galmar. Lui rétorqua calmement Kyren. Sa place est sur une étagère de ta chambre.


-Je ne sais pas si ce livre doit m'appartenir. Répondit Galmar tout en fixant la reliure noire de l'ouvrage. Tant de gens devraient le lire.


-Beaucoup de gens devraient lire ne serait-ce que des fables ou des poèmes. Un tel texte n'est malheureusement réservé qu'aux instruits et aux curieux, des gens bien trop rares en ce monde.


Galmar se retourna vers le mestre et se rassit à sa place.


-Pourquoi avoir choisi de le réécrire? Demanda-t-il.


-Lombard était un de mes professeurs à la Citadelle, et je l'admirais. Quand je l'ai vue partir, les yeux pleins de détermination, j'ai su que ce n'était pas qu'en lisant des livres que l'on accédait à la connaissance, mais aussi grâce aux voyages. Si ce n'est en plus le fait que oui, je partage également son opinion. C'est certainement le meilleur livre que j'ai eu la chance de réécrire.


-Pourquoi avoir choisi de me le donner, en ce cas? Il doit être précieux pour vous, non?


-Son message est précieux, pas le livre qui le porte. Je me fais vieux et je ne crois plus avoir la force de transmettre ce message.


Galmar n'avait pas besoin d'en entendre davantage pour savoir ce que Kyren attendait alors de lui.


-L'avez-vous montrer à Olliver?


-Je sais reconnaître dans les yeux des gens que je rencontre s'ils sont aptes à comprendre ce genre de livres. Ton frère sait faire maintes choses mais un tel livre ne pourrait rien pour lui. Ses pensées ont d'autres priorités.


Galmar se releva et reprit de son étagère «La saison éternelle» avant de s'en aller.


-Je saurais en faire bon usage. Proclama-t-il en passant la porte.


Après avoir déposé son livre sur l'étagère de sa chambre, là où est sa place, il repartit en direction du hall. Si le livre de Lombard avait eu un effet sur lui, c'était bel et bien sa décision de ne jamais toucher au pouvoir. C'était à travers lui que les pires atrocités de l'Histoire étaient enclenchées. Le but de sa vie, s'il devait en trouver un, était de protéger son frère du pouvoir. Le voir ainsi installé sur son trône ne faisait qu'accroître sa décision. Olliver était avec Azénor et discutait de la formation des nouveaux soldats. L'arrivée de Galmar interrompit leur discussion et Olliver se leva pour lui procurer une accolade fraternelle.


-Ah, Galmar! S'exclama-t-il. Il était temps! Le déjeuner est prêt depuis longtemps.


-Sire! Objecta Azénor en voyant Olliver se diriger déjà dans la salle à manger en tenant son frère par l'épaule. Nous devons savoir quelle nouvelle formation donner aux jeunes soldats!


-Plus tard, Azénor! Nous reparlerons de tout cela au conseil.


Cela faisait à peine plus d'une semaine que Galmar était arrivée à Viergétang. Dès son arrivée, Olliver était déjà très heureux de revoir son frère, comme si ce dernier venait de lui sauver la vie. Dans les jours qui suivirent, Olliver et Galmar racontèrent leur épopée respective dans les moindres détails, sans mensonge et sans omettre aucun événement. De son côté, Olliver s'attristait du sort qu'avait connu son frère au Mur, au-delà et lors de sa fuite. Il se souvenait de leurs projets de rejoindre tous les deux la Garde de Nuit lorsqu'ils étaient encore aux Jumeaux. Le destin les avait séparé pour qu'ils se retrouvent plusieurs mois plus tard, sur les côtes de la Baie des Crabes. Galmar, lui, ne ressentait pas de nostalgie véritable et il occupait bien plus son esprit à cerner la situation que vivait son frère en tant que seigneur d'une place forte. Au fur et à mesure du récit de son frère, Galmar comprenait de mieux en mieux la joie d'Olliver lorsqu'il était entré dans le château. Son frère attendait quelque chose de lui. Galmar ne possédait encore que des théories mais il était sûr que cela n'allait pas lui plaire. Pendant ce temps, il avait fait la rencontre du mestre Kyren, l'un des hommes les plus sages qu'il eut à rencontrer dans sa vie et qu'il lui avait offert ce très bon livre du philosophe Lombard. Il rencontra également Azénor, capitaine des troupes civiles de Viergétang. C'était une femme qui savait se faire respecter. Un matin, il la croisa au terrain d'entraînement et elle l'invita à un combat à l'épée. Galmar fut surpris de voir avec quelle facilité elle l'avait battue et d'entendre le récit de la défaite d'Olliver face à elle. Galmar vit les deux filles qu'Azénor avait recueillie après la bataille de la Baie des Crabes et dont elle s'occupait avec un amour presque maternelle. Enfin, il fit connaissance de Ronmac, le chef des finances de la ville. Sans aucun doute le plus pragmatique du château, il était aussi le plus énervant. Galmar ne l'appréciait guère mais il se disait que son agacement face à lui n'était pas raisonnable. Ce qui l'énervait, c'était son obsession pour l'or et son ambition pour rendre la ville plus riche. Mais c'était son travail de faire en sorte que la salle des coffres soit la plus remplie possible alors «pourquoi l'en blâmer?» pensait-il. Il vivait une vie fort agréable au château. Miranda, la femme qu'il avait rencontré pendant sa fuite et qui était devenue son amante, travaillait toute la journée dans les baraquements pour soigner les blessés. Galmar la retrouvait le soir et il était heureux de se retrouver dans ses bras lorsque la nuit tombait. Cependant, malgré le confort qu'il vivait, il restait tout le temps anxieux. Quelque chose n'allait pas. Et son intuition présageait que cela concernait directement Olliver.


Il ne savait pas trop comment fonctionnait le pouvoir, ni comment gérer une ville. Il essayait de s'y intéresser mais tout cela le dépassait. Il se demandait comment l'on pouvait se mettre à commander tout un peuple. Depuis la bataille et l'appropriation du port par la ville, des migrants commençaient à s'installer. Ceux-ci aidaient à reconstruire la ville qui retrouvait de plus en plus son aspect d'antan, sans aucune maison en ruine. Certains commerces rouvrirent et la ville prospérait de plus en plus. Viergétang devenait au fur et à mesure connu dans Westeros, elle qui n'avait avant que l'image d'un fort miteux au bord de la ruine. Mais si la ville devenait célèbre, ce n'était pas tant pour l'amélioration de sa situation financière, commerciale et démographique que pour sa nouvelle situation politique. La nouvelle avait fait le tour du continent et avait même atteint Essos. La ville était devenu indépendante de tout pouvoir supérieur. Que ce soit du pouvoir de la maison Frey, de celle de la maison Tully, qui était la capitale de ces terres ou de celle de la Couronne elle-même: Viergétang était devenu un huitième royaume. Pour ce faire, le seigneur, ou plutôt roi, Olliver (que l'on associait plus à la maison Frey) commença à changer l'emblème de la ville. L'emblème d'avant était celui de la maison Frey, deux tours jumelles reliées par un pont et nageant dans les vagues. Il fut arraché pour laisser place à un drapeau représentant un cheval jaune galopant sur une prairie noire, le tout sur un fond rouge foncé. Olliver avait décidé de ce nouveau drapeau avec tout le conseil. Il avait insisté pour que Galmar soit présent mais celui-ci n'avait pas beaucoup parlé, estimant que cela ne le regardait pas. Le conseil avait donc choisi ce drapeau à travers plusieurs symboliques. La prairie noire faisait évidemment référence à la bataille sur laquelle la ville se reconstruisait. Le cheval représentait la domination politique et sa couleur jaune symbolisait la joie, la puissance et la vie mais Galmar se doutait qu'Olliver avait choisi cette couleur parce qu'elle contrastait avec les autres éléments, alors de couleurs sombres. En effet, le fond rouge signifiait le sang, le feu et le danger. Le cheval galopait de face, donnant donc l'impression qu'il fuyait ce fond rouge derrière lui. Quand Galmar vit le nouveau drapeau s'afficher un peu partout en ville, à commencer par la grande porte, il estima que finalement, cet emblème avait sa place à Viergétang. Vînt ensuite le choix d'un nouveau nom de maison. Cela impliquait qu'Olliver ne devait plus s'appeler Frey et Galmar était totalement d'accord avec cette idée. Après une réflexion qui fût aussi longue que celle qui avait choisi l'emblème, le nom de Frey disparu de Viergétang pour faire naître celui de Hästrid. Maintenant que la nouvelle identité de Viergétang était désormais établie, Olliver s'attendit à recevoir plusieurs lettres. Tout d'abord, il reçut des lettres de menace dont il n'avait pas besoin de les ouvrir pour savoir qui en étaient les expéditeurs. Il y avait bien sûr son père qui n'avait jamais de sa vie mis autant de colère dans une lettre. Olliver l'entendait presque hurler à travers les mots qu'il lisait. Ceux qui étaient les plus courants étaient «traîtrise», «progéniture ingrate» ou encore «pourrir dans les Sept Enfers». Il reçut des lettres venant aussi de la maison Tully qui réclamait de reprendre le contrôle de Viergétang, allant là aussi jusqu'aux menaces, annonçant que lorsque la guerre sera terminée, la maison Tully allait «s'occuper de votre cas». Celui qui avaient écrit ces lettres, à savoir le célèbre Silure, seigneur de Vivesaigues, ne mâchait pas ses mots dans les dernières lignes. Enfin, il eut dans les mains des lettres de la Couronne, disant qu'elle se fichait bien que la ville trahisse les Tully ou les Frey mais que désormais, le seigneur Hästrid devait «ployer le genou devant le roi Joffrey et faire acte d'allégeance au risque de se retrouver ennemi de la Couronne». Peu importe les expéditeurs de ces lettres, Olliver les ignorait toutes. Sauf une. Celle-ci était envoyée par le roi du Nord, Robb Stark, qui avait écrit ceci:


«Cher Olliver,

Vous avez fait du chemin depuis que vous avez pris possession de la ville de Viergétang. Je vous remercie encore d'avoir fait barrière aux Lannister lors de la bataille de la Baie des Crabes. Cependant, le nouveau statut que vous avez donné à votre ville me dérange. Vous trahissez un de nos meilleurs alliés, à savoir les Tully, et cela m'inquiète car je ne sais pas si votre serment à mon égard est toujours valable, si vous servez encore le Nord dans la guerre. J'aimerais une confirmation le plus vite possible.

Roi du Nord, Robb Stark»


Galmar, alors assis à côté de lui lors de la lecture de ces lettres, avait su que trahir le Nord serait plus grave encore que le reste. Olliver était du même avis et écrivit sur un parchemin vierge:


«Mon roi,

Sachez dès lors que jamais mon serment ne s'est retrouvé fragilisé avec toute cette affaire. Je sers, et je servirai encore le Nord dans la Guerre des Cinq Rois. Quand à mon serment brisé au Tully, dîtes s'il vous plaît à ser Brynden Tully, dit le Silure, que j'espérais de lui plus de compréhension face ma situation. Si vous me le demandez, je partirais au combat à vos côtés lors de vos prochaines batailles. En attendant, je m'occupe de ma ville qui ne s'est jamais autant mieux porté depuis bien longtemps.

Olliver Hästrid, roi du nouveau royaume de Viergétang»


Au final, toutes ces affaires politiques ne l'intéressaient guère. Galmar préférait juste observer. Il ne pouvait cependant s'empêcher d'avoir un sourire aux lèvres en voyant la nouvelle identité et le nouveau statut de Viergétang se forger. Pendant cette semaine entière, Galmar adoptait ce nouveau mode de vie au château. Il restait spectateur des réunions, il faisait plus ample connaissance de chaque membre du conseil, lisait le livre de Lombard, s'entraînait à l'épée et appréciait chaque moment passé avec Miranda. Olliver l'emmena donc ce jour-là, bras sur son épaule, vers la table de la salle à manger. Les repas, sans être trop copieux, étaient bien plus agréable que ceux de la Garde de Nuit et Galmar se régalait à chaque bouchée. Olliver, alors si joyeux en amenant son frère à table, prenait cette fois un air plus grave sans enlever pour autant un petit sourire. Galmar le remarqua et demanda:


-Qu'y a-t-il, mon frère?


-Et bien, pour tout te dire, j'aimerais m'entretenir avec toi d'une chose que j'ai remarqué depuis ton arrivée. Répondit Olliver, posant ses couverts pour discuter.


-Vas-y, je t'écoute. Accorda Galmar, intrigué, et posant lui aussi ses couverts.


-Tu es très calme. Je sais que tu as vécu des atrocités jusqu'à ton débarquement au port mais j'ai l'impression que ce n'est pas par rapport à ça. La situation politique de ma ville a retrouvé une certaine grandeur et désormais, j'ai moins de réunions à faire. Je peux donc enfin avoir le temps de te poser cette question: À quoi penses-tu?


-Comment cela?


-Ce n'est pas une offense mais j'ai l'impression que tu me juges, moi et chacun de mes actes ou paroles. Je sais que tu n'es pas mal intentionné mais dis-moi. Essayes-tu d'étudier l'emprise du pouvoir sur mon esprit? Je me souviens encore de ta lettre où tu avais peur que j'ai la même maladie que le Roi Fou. C'est bien ça, Galmar? Penses-tu que le pouvoir me rend fou?


Galmar prit un temps de réflexion. Ce n'était pas clairement ce qu'il pensait mais Olliver touchait juste. Il voulait le protéger de lui-même.


-Pas vraiment, Olliver. Finit-il par répondre. Seulement, quand tu m'as dit comment tu avais assassiné ton prédécesseur, quand ton peuple m'a annoncé ton goût pour la guerre, je me suis dit que j'arrivais au bon moment pour te protéger du trône. Tu n'es pas fou. Je veux juste t'empêcher à le devenir.


Le visage d'Olliver traduisait la compréhension des paroles de son frère. Son sourire ne disparaissait pas. Il baissa la tête un instant avant de répondre.


-Lord Karyl a dit que j'étais fou. Lorsqu'il m'a vu sur le champ de bataille, j'avais l'apparence d'une bête enragée, se délectant du goût du sang et de la guerre. Sais-tu pourquoi j'ai l'air d'un fou?


-Je…je n'ai que des théories.


-Je ne sais pas si je suis un bon dirigeant en réalité. Je ne sais pas si mes choix sont les meilleurs. Si j'ai l'air d'un fou, c'est parce que je suis perdu, Galmar. Je ne sais pas si j'ai choisi le destin le plus adéquat pour moi. Parfois, je me dis que j'aurais dû rester simplement l'écuyer de Lord Karyl. Tout ça (il ouvrit les bras pour montrer la pièce), cette cour, ce château, cette ville. J'ai l'impression de ne pas avoir ma place dans cette cour des grands.


-C'est pourquoi tu n'es pas seul, Olliver. À vrai dire, ceux qui sont fait pour gouverner sont rares. Et les autres qui se retrouvent sur un trône font de leur mieux. Mais toi, tu n'es pas seul à gouverner. Tu as un conseil entier à tes côtés. La politique n'est pas fait pour moi mais si je le peux, je t'aiderai. N'oublie pas. Je suis là pour t'aider.


Le sourire d'Olliver s'élargit.


-Merci Galmar. Peut-être grâce à toi je serais un meilleur seigneur.


-Un meilleur roi, tu veux dire. Tu es le dirigeant d'un royaume, désormais.


-Oui. Un meilleur roi. J'ai encore du mal à m'y faire.


Le repas continua tranquillement par la suite. À la fin, Galmar se leva et prit la direction du hall. Avant de passer la porte, cependant, il se retourna vers Olliver et lui dit:


-«Nous chevauchons vers la gloire».


-Comment?


-Il manquait un nouveau dicton pour la maison Hästrid. Qu'en penses-tu?


-C'est un beau dicton. J'en ferais part à la prochaine réunion.


Galmar s'en alla alors et décida de sortir du château. Le paysage qui s'offrait à chaque fois que l'on passait la porte d'entrée du château était majestueuse. La ville s'étendait devant le château et celui-ci étant construit sur une colline, on pouvait voir également au-delà des remparts. La plaine s'étendait à perte de vue, du port jusqu'aux plus lointaines collines. Les rayons du soleil transperçaient les nuages et s'étalaient ici et là sur tout le panorama. Au loin, Galmar voyait le ciel s'assombrir. Une pluie approchait. Mais peu importe pour Galmar. Il n'était pas revenu en ville depuis son arrivée et il avait grand besoin de sortir du château. De plus, il aimerait savoir ce que le peuple de Viergétang pense de tout ce renouveau politique. Galmar savait déjà que certains avaient peur d'une nouvelle guerre en voyant la ville devenir aussi indépendante. Olliver avait trahit bien trop de personnes pour ne pas subir de représailles à l'avenir. Galmar resta un instant devant le paysage avant de se décider où il irait en premier en ville. Il se souvînt alors qu'Olliver avait passé pour lui une commande au forgeron. L'armure de cuir qu'il revêtait actuellement lui suffisait mais son frère avait insisté pour lui offrir quelque chose de plus résistant. À l'heure actuelle, le forgeron avait sans doute déjà terminé sa commande mais Galmar décida de ne pas aller le voir tout de suite. Avant cela, il décida de faire un tour à la taverne. Non pas qu'il avait besoin de boire mais c'était le genre d'endroit ou chacun pouvait se retrouver autour d'une table.


La pluie venait d'atteindre la ville quand Galmar entra dans l'établissement. Comparé à sa dernière visite, la taverne avait plus de clients cette fois-ci. Galmar reconnu la vieille dame du comptoir et il commanda un hydromel. Par chance, une table était libre en bout de pièce. Il ne réfléchit pas bien longtemps pour comprendre pourquoi cette table n'était pas prise. Elle était dans l'endroit le plus sombre de la pièce. Galmar se souvînt alors que c'était ici qu'était installé l'homme au bandeau noir qui l'avait agressé dans la rue avant qu'il ne le fasse partir de la ville. Cela signifiait que désormais, quelqu'un, en-dehors de la ville savait qu'un évadé de la Garde de Nuit résidait à Viergétang. Il savait que c'était quelque chose dont il fallait s'inquiéter mais il ne pouvait pas faire grand-chose à l'heure actuelle. L'homme au bandeau noir était certainement très loin d'ici désormais. L'hydromel avait un goût succulent. Le niveau de liquide dans son verre baissait assez rapidement. Pendant ce temps, Galmar observait les clients et tentait d'écouter les discussions de chacun. La pluie commençait à battre fort à l'extérieur et Galmar devait énormément se concentrer pour écouter les conversations. Certains parlaient des nouveau habitants qui s'installaient, d'autres parlaient du risque d'une guerre à cause d'Olliver. À la droite de Galmar, on parlait du manque de soldats et ceux au comptoir faisaient le point sur les affaires commerciales. À l'autre bout de la pièce, deux amis étaient en train de picoler depuis certainement quelques heures. Ils ricanaient si fort que Galmar pouvait distinctement les entendre. Leur sujet de discussion abordait le sujet des jolies cuisses de la reine Cersei. La vieille dame du comptoir en eut marre de leurs vacheries et leur commanda de déguerpir de son établissement, tout en oubliant pas de leur rappeler de payer leurs nombreux verres. Quand les deux hommes soûls sortirent, un autre homme, sobre cette fois, entra en même temps. Galmar le reconnut tout de suite. Il profita de l'obscurité de sa table pour se cacher. C'était l'homme au bandeau noir. Celui-ci approcha du comptoir et, au lieu de commander un verre, il aborda un vieil homme assis sur un des tabourets. Le vieil homme se mit à susurrer à l'oreille de l'homme au bandeau noir. Galmar ne comprenait pas encore ce qu'il se passait. Il lui sembla, mais il n'en était pas sûr, que l'homme au bandeau noir avait jeté un œil vers sa table une demi-seconde. Celui-ci tapota amicalement l'épaule du vieil homme et sortit de la taverne. Galmar termina d'un coup son verre, jeta une pièce à la vieille dame du comptoir et se décida à le suivre.


Lorsqu'il revînt au beau milieu de la rue principale, la pluie s'écrasait fortement sur la ville. Il chercha des yeux l'homme au bandeau noir et l'aperçu entrant dans une ruelle. Galmar le suivit et essaya de le rattraper sans qu'il ne se doute de sa présence. Il le poursuivit plusieurs minutes au travers des rues avant de se rendre compte que sa cible savait qu'il avait un prédateur à ses trousses. Il se sentit stupide de ne pas y avoir pensé avant. Il se retrouvait sur la rue principale, près de la grande porte. L'homme au bandeau noir était une nouvelle fois devant lui, s'engouffrant encore dans les petites rues. Cette fois, Galmar ne se laissa pas faire et décida de le prendre au piège. Il contourna la maison où il savait que sa cible s'y trouvait derrière. Il prit alors la ruelle la plus proche et approcha à pas lent vers l'arrière de la maison où l'homme au bandeau noir s'était caché. Il sortit la tête et vit que sa proie l'attendait en jetant un œil vers la ruelle où il était passé. Galmar attendit jusqu'à ce que sa cible comprenne qu'il ne le pourchassait plus. Celle-ci se retourna alors et Galmar se cacha instinctivement. Il se concentra sur son ouïe et entendit alors sa cible approcher vers sa position. Il allait devoir lui sauter dessus lorsqu'il le verrait. Collé au mur, il attendit de voir apparaître l'homme au bandeau noir dans son champ de vision. Il vit alors son pied qui apparut à sa gauche. Galmar ne resta pas longtemps inactif et bondit sur sa proie. Cette dernière ne l'avait pas vu venir et se laissa surprendre. Galmar asséna un coup de poing dans le visage de l'homme et lui prit le col pour l'interroger. Mais sa cible lui donna un coup de tête et s'extirpa de son emprise. Galmar recula de plusieurs pas et sauta une nouvelle fois sur sa cible. Il sentait sa colère monter et lui donna plusieurs coups de poings et de pieds que l'homme au bandeau noir para plus ou moins. Ce dernier finit par riposter et donna un violent coup dans le ventre de son adversaire. Galmar se plia en deux, crachant du sang, et frappa du pied la jambe de son ennemi qui se plia également. Galmar se releva et profita du déséquilibre de sa cible pour lui asséner un coup dans le nez. L'homme se releva le plus rapidement possible pour éviter un deuxième coup de poing. Il recula de deux pas et un grand sourire apparut sur son visage. Il prit deux de ses doigts et s'en servit pour siffler. Tout à coup, Galmar vit apparaître derrière l'homme au bandeau noir trois autres hommes et une femme, poings sortis, prêts à en découdre. Galmar sourit également. Il ne sortait jamais sans son épée. Il dégaina de son fourreau la lame que lui avait fournit l'armurerie du château. Il perdit son sourire quand ses assaillants sortirent également une arme chacun.


-Que me voulez-vous, à la fin?! Si c'est vraiment pour la prime sur ma tête, je vaux plus cher vivant que mort, imbéciles!


-Vous avez peur, monsieur Frey? Nous ne comptons pas vous tuer sauf si vous nous y obligez.


Galmar comprit qu'il n'y avait pas d'autres solutions que de se battre. Alors derrière les habitations, aucun garde ne prenait la peine de jeter un regard vers ce coin de la ville. Galmar était seul. Il brandit son épée et attendit que ses ennemis chargent en premier. Derrière eux, l'homme au bandeau noir, visiblement sans arme, se contentait d'observer, sourire aux lèvres. Un premier homme bondit sur lui, un deuxième le suivant de peu. L'un avait une hallebarde et l'autre une longue épée. Galmar, par son instinct de combattant évita le coup de hallebarde et agrippa le manche en bois. Il se tourna vers le deuxième assaillant et para le coup d'épée. Il lui donna un coup de pied dans le ventre et voulut lui trancher la tête mais la hallebarde lui échappa des mains, tirés par le premier assaillant qui se préparait à lui trancher les jambes. Il sauta pour éviter le coup et coupa l'un de ses bras. Profitant que son adversaire soit occupé à se tordre de douleur, il sauta sur le deuxième qui n'eut pas le temps de brandir son épée pour parer le coup. Galmar planta sa lame dans l'épaule de son ennemi qui tomba à terre. Alors qu'il allait achever le premier adversaire, un troisième apparut. Une femme levait un long marteau en sa direction. Il esquiva de très peu le coup et donna un coup de coude dans le visage de cette femme. Elle recula de quelques pas et Galmar en profita pour trancher la tête du guerrier à la hallebarde. Le dernier adversaire allait s'engager dans le combat et Galmar se préparait à enlever le marteau des mains de la guerrière quand l'homme au bandeau noir hurla:


-Ça suffit! Lissandra, Boris! Partons!


-Vous vous foutez de moi?! S'écria Galmar. Tu ne t'en tireras pas comme ça, chien!


-Bien sûr que si! Regarde, nous nous en allons!


En effet, il partait en direction de la rue principale, suivit de Lissandra et Boris.


-Attends, enfoiré! Tu n'es qu'un lâche! Si c'est ça les compagnons dont tu parlais, tu peux abandonner ta stupide mission! Qui t'envoies?! Qui?! Réponds!!!


Mais l'homme au bandeau noir partait déjà. Des chevaux l'attendaient près de la grande porte. Galmar revînt lui aussi sur la rue principale. Il vit la grande porte s'ouvrir.


-Gardes! Gardes! Ne les laissez pas sortir!!! Hurlait-il.


Mais l'homme au bandeau noir et ses deux compagnons traversaient déjà la porte, montés sur leurs chevaux. Les gardes l'entendirent et tentèrent de refermer la porte par doute. Malheureusement, Galmar voyait déjà ses ennemis se retrouver sur la plaine.


-Archers! Tirez-leur dessus!!!


Mais Galmar n'avait aucun titre pour se permettre de donner un ordre aux gardes de la ville, surtout pas celui de tuer.


-Galmar! C'est toi qui crie comme ça? Que se passe-t-il?


La voix d'Azénor se rapprochait de plus en plus derrière lui.


-Azénor! Il faut rattraper ces gens qui viennent de passer la porte! Ils ont essayer de me tuer!


Azénor ne réfléchit pas longtemps pour ordonner à ses archers de tirer sur ces fameux gens.


-Impossible, commandante. Ils sont trop loin désormais. Lui répondit un des archers.


Galmar sentit une énorme colère monter en lui. Voyant un seau gorgé d'eau au sol, il décida de se défouler dessus en y donnant un violent coup de pied. Le seau partit rouler au milieu de la rue, à moitié fracassé. Il avait été trop lent. Pourquoi n'avait-il pas réagi plus vite? Il s'en voulut amèrement. Azénor posa une main sur son épaule et lui demanda ce qu'il s'était passé. Galmar l'emmena alors à l'endroit où il avait combattu et où deux corps se trouvaient encore. Après avoir fait le récit, il partit en direction de la forge pour récupérer son armure. Déjà payé, il n'eut pas besoin de sortir sa bourse et partit sans un mot vers le château. La rage bouillait en lui. Il partit ranger son armure dans sa chambre et décida de se lâcher sur un mannequin de paille au terrain d'entraînement. La pluie cessait. Après plus d'une heure passée à marteler de coups d'épées chaque mannequin du terrain, Olliver arriva derrière lui.


-Azénor m'a raconté. Tu vas bien?


-Ça pourrait aller mieux, Olliver.


-Je me doute bien. C'était certainement des mercenaires qui veulent récupérer la prime sur ta tête. Je parlerai à Robb pour qu'il t'enlève cette foutue prime.


-D'une, Olliver, je ne crois pas que ce soit bon pour sa popularité qu'il accepte une chose pareille. Et de deux, je ne pense pas que c'est une chose à demander par lettre interposée, et je ne crois pas que tu revois le roi du Nord avant quelques temps pour lui en parler en face à face.


-Détrompe-toi. J'ai une mauvaise nouvelle. Tiens.


Olliver lui brandit un parchemin. Galmar lut alors les mots du roi Robb présents sur la lettre.


-Tu te fous de moi? Répondit Galmar qui n'en croyait pas ses yeux.


-Si. Je suis invitée par le roi Robb au mariage d'Edmure Tully avec une de nos sœurs. Et le mariage a lieu….


-…chez nous. Termina Galmar. Aux Jumeaux.


-Le roi Robb se portera garant si notre père compte me faire payer la perte de Viergétang.


-On y va, alors?


-Oui, cher frère. Nous retournons à la maison.


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