La cour des grands

Chapitre 66 : Olliver

5378 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 07/10/2018 19:51



Olliver



Quand il se réveilla, instinctivement, il se mit à chercher Galmar du regard. Mais il n'était pas là. Il avait du mal à savoir où il se trouvait. Il sentit alors qu'il était porté. Deux hommes étaient en train de le soulever. L'un avait pris ses pieds et l'autre ses épaules.


-Lissandra! Il est réveillé! Cria celui qui tenait ses pieds.


Il ne voyait pas où les deux hommes étaient en train de l'emmener mais il vit une jeune femme s'approcher de lui. Il se souvînt qu'elle lui avait asséné un violent coup de marteau dans le torse la veille. Elle avait une épaisse armure de cuir, son marteau attaché dans le dos. Elle en imposait bien plus que lui alors qu'il portait lui-même une armure de plate également épaisse. D'ailleurs, il remarqua que les deux hommes qui le portaient étaient en train de faire appel à toutes leur force. La dénommé Lissandra, ses cheveux mi-longs noirs portés par le vent, arriva à ses côtés. Elle lui caressa la joue avec une douceur froide.


-Votre Majesté est réveillée ? Quelle joie. Êtes-vous prêt, roi Hästrid?


-Prêt pour quoi?


-Pour mourir, voyons.


Olliver ne répondit pas et Lissandra s'éloigna de lui. Il avait des difficultés à mettre ses idées en place. Il ressentit une vive douleur derrière le crâne et se souvînt de la bataille dans le bois. Il se remémora le nom d'Élias qui était parti emmener son frère se faire exécuter dans le Nord. Il sentit la rage l'envahir et se rendit compte qu'il avait les mains liées. Alors, soudain, il se souvînt de l'endroit où lui était emmené. Les Jumeaux. C'est son père qui avait ordonné cette attaque dans les bois. À quoi jouait-il? Avait-il perdu la tête pour se mettre à dos un allié du roi Robb? Son enlèvement n'allait pas faire plaisir à ce dernier. Walder Frey comptait-il le tuer en silence, sans qu'aucun seigneur du Nord n'en sache quoi que ce soit? Si c'était cela, il fallait partir au plus vite. Il fallait aller chercher Galmar et prévenir Robb. Alors qu'Olliver voulait tenter de se libérer, les deux hommes qui le tenaient le jetèrent soudain sur une barque. Il vit quatre hommes ainsi que Lissandra monter avec lui et commencer à naviguer. Ils étaient en train de traverser la Fourche Verte, le fleuve sur lequel était construit les Jumeaux.


Olliver ne savait pas quoi faire. Pendant que les quatre hommes naviguaient, Lissandra le regardait fixement, une dague à la main, pour se prémunir d'une éventuelle fuite de son prisonnier.


-Pourquoi mon père fait-il cela? Demanda Olliver.


-C'est facile à comprendre, pourtant. Vous l'avez trahi en vous accaparant pour vous tout seul Viergétang. À sa place, moi aussi, j'aurais eu envie de vous tuer.


-Il ne tuerait pas son propre fils….


-Arrêtez de faire dans le sentimentalisme. Vous savez très bien qu'il en est capable, et sans regret. Et puis, vous n'êtes qu'un bâtard, après tout. Qui va pleurer un bâtard?


-Nous sommes bientôt arrivés?


-Oui, regardes là-bas. On voit les Jumeaux au loin.


Olliver tourna la tête. En effet, l'ombre de son foyer familial était visible. Il n'aurait jamais cru devoir retourner chez lui dans ces conditions. Il vit aussi une masse blanche aux portes du château. Il comprit qu'il s'agissait d'une multitude de tentes, celles qui abritaient les soldats du Nord ainsi que certains seigneurs tels que Lord Manderly, le roi Robb ou encore Lord Karyl. C'était donc pour cela qu'il traversait la Fourche Verte. Pour pouvoir entrer dans le château sans être vu par les soldats du Nord. Ceux-ci se trouvaient sur la rive nord et Olliver allait entrer dans le château par la rive sud, là où personne ne pourrait le voir. Les mercenaires y avaient pensé à l'avance, d'où la présence de la barque. Olliver tenta de concocter un plan pour s'évader mais il n'avait aucun autre plan que celui d'agir par la force. Cependant, Lissandra le fixait tel un animal sauvage guettant sa proie.


La barque accosta sur la rive sud. Lissandra s'occupa elle-même d'Olliver et le fit revenir sur la terre ferme. Les quatre hommes s'occupèrent de mettre la barque sur le sable avant de s'en aller en direction des Jumeaux. La troupe continua ensuite sa route, désormais à quelques pas de leur destination finale. À chaque pas que faisait Olliver vers son ancien foyer, il ressentait de plus en plus de l'anxiété. Chacun de ses pas étaient lourds et Lissandra était obligée de le pousser plusieurs fois pour qu'il avance.


-Allez, roi Hästrid! Ne me dîtes pas que Votre Majesté a peur de la mort? Sermonna-t-elle.


Olliver ne répondit pas et alors qu'il voulut tenter de s'enfuir, il fut stoppé net par Lissandra qui avait sortie sa dague. Elle décida de garder sa lame sous le cou de son prisonnier jusqu'à se trouver devant Lord Walder. Elle ordonna à un des mercenaires de prévenir le seigneur des Jumeaux de leur arrivée. Après quelques minutes, le mercenaire revînt. Walder Frey était disposé à les accueillir dans la salle du banquet. La troupe entra alors dans le château par une porte dissimulée près de la berge. Olliver la connaissait bien pour l'avoir emprunté plusieurs fois quand il était enfant. Elle lui servait pour aller dans la réserve en contournant les gardes. Lorsqu'il posa un premier pas dans le château, Olliver sentit de la colère. Il ne pouvait plus faire marche arrière. Il était prêt à se retrouver devant son père, désormais.


La troupe de mercenaire arriva dans la salle des banquets. Les servants s'occupaient de mettre les couverts sur les tables. Des décorations étaient en train d'être fixés aux murs. Cela rappelait à Olliver le mariage de Lord Karyl avec sa sœur Hilda. À cette époque, il croyait encore pouvoir partir au Mur avec Galmar pour rejoindre la Garde de Nuit. Il ne pensait pas avoir autant de nostalgie en revoyant ces murs mais il ne ressentait pas de joie. Cette nostalgie qu'il ressentait était froide, comme le retour de souvenirs à oublier. Il voulait oublier tout ce qui faisait de lui un Frey, même ses frères et sœurs, malgré la douleur que cela pouvait lui procurer. Se nommer Hästrid était un symbole fort pour lui. Celui de ne plus penser au passé, joies comprises. C'était pour cela qu'il voulait donner ce nom à Galmar également. Il ne voulait pas le quitter. Mais maintenant, son frère était loin, en route pour la potence. Et lui, il était désormais face à l'homme qui était sans doute celui qu'il détestait le plus au monde. Son père, Lord Walder Frey, seigneur des Jumeaux, s'installait à sa place habituelle, toujours accompagné d'une jeune femme dix fois plus jeune que lui à ses côtés. Celle-ci n'était pas la même que la dernière fois où il avait vu son père. Elle devait avoir à peine seize ans alors que lui approchait les soixante-dix. En voyant son fils revenir après si longtemps dans la salle des banquets, il se leva. Olliver connaissait bien ses manières. Son père faisait preuve d'une solennité si ironique qu'elle en était insultante. Et c'était bien le but recherché. Rien qu'en se levant avec son vieux sourire fier, il faisait déjà enragé son fils.


-Ah! Olliver! Cela faisait bien longtemps. J'ai vraiment l'impression que tu as bien mûri depuis la dernière fois.


-Quand cela fait longtemps qu'on ne se voit pas, il est de bon ton de se saluer avant d'entamer une conversation. Bonjour, Lord Walder. Provoqua Olliver alors qu'il avait encore la dague de Lissandra plaqué sur sa gorge.


Walder perdit immédiatement son sourire et se rassit sur son trône. Il avait désormais un regard plus sérieux.


-Tu as bien raison de ne pas m'appeler père, imbécile. Quelqu'un qui a trahit sa famille n'a plus ce droit tout comme je n'ai plus le droit de t'appeler fils. Répondit-il d'un ton froid. Mercenaire! Ôtez cette dague sous le cou du roi. Celui-ci a envie de parler plus librement on dirait.


-Lord Walder. Appela Lissandra d'un ton solennel bien plus vrai que celui de Walder. Nous avons accompli notre mission. Veuillez nous donner notre récompense et nous partirons le plus vite possible.


Olliver remarqua le sourire de Walder réapparaître sur son visage et il comprit ce que son ancien père allait faire.


-Très bien. Voilà votre récompense.


Walder fit un geste de la main et des soldats entrèrent dans la salle par plusieurs portes. Ceux qui étaient postés sur le premier étage de la salle actionnèrent leurs arbalètes et tirèrent sur les mercenaires. Lissandra, surprise, cria:


-Que faîtes-vous?! Traître!


Elle dégaina son marteau et fonça sur les soldats malgré que plusieurs carreaux d'arbalètes étaient en train de la transpercer. Elle abaissa son marteau sur un soldat mais celui-ci l'évita facilement. Elle était affaiblie par les dégâts qu'elle recevait et elle s'écroula en même temps que son marteau. Les autres mercenaires, eux, étaient déjà morts.


-Que des servants nettoient tout ce bordel avant ce soir! Ordonna Walder.


Les soldats sortirent de la salle et laissèrent place aux servants qui arrivèrent avec plusieurs balais et torchons humides dans les mains. Olliver, en voyant les mercenaires assassinés si froidement, avait presque de la peine pour Lissandra. Mais c'est surtout une rage grandissante qui naissait en lui. Il fixa son père.


-Je vois que tes paroles sont toujours du vent.


-Seuls les imbéciles respectent un serment toute leur vie. C'est pour ça que je déteste les hommes avec leur stupide honneur.


-Évidemment. Vous, vous n'en avez pas.


-Fais bien gaffe, Olliver. Un geste de la main et tu finiras comme tes kidnappeurs.


-Si vous aimez tant les hommes sans honneur, vous devriez être fier de moi et Galmar alors. J'ai rompu mon serment avec vous, les Tully et la Couronne. Et Galmar, lui, a fugué de la Garde de Nuit. Pour vous, nous sommes des fils modèles, on dirait.


-Ton frère s'est plutôt montré incapable de survivre au Mur. Il se ridiculise et il ridiculise la famille en ayant son nom de Frey sur toutes les affiches qui montrent la prime sur sa tête. Quand à toi, Olliver, j'ai toujours eu plus confiance en toi qu'en tes frères et sœurs. Grâce à toi, j'avais Viergétang et tu m'as trahi! Ce n'est pas un manque d'honneur, c'est un manque de respect dû à ton sang! Et ton nouveau nom ridicule d'Hästrid, je lui pisse dessus!


-Alors pourquoi suis-je encore en vie si je vous manque autant de respect? Vous avez peur des représailles du Nord? Vous savez que le seul que je n'ai pas trahi, c'est le roi Robb. S'il apprend que vous m'avez tué, c'est la fin de l'alliance avec les Loups. C'est pour ça que vous ne me tuez pas, n'est-ce-pas?


Encore une fois, un sourire apparu sur le visage de Walder.


-Tu as tout faux. Si je ne te tue pas, c'est que je te laisse encore une chance. Redonnes-moi Viergétang, Olliver. Et je te pardonnerais pour tes fautes passées. Tu vois? Je suis plus gentil que j'en ai l'air, non?


Olliver, se surprenant lui-même, réfléchit à la proposition de son père. Mais il était hors de question qu'il accepte. Si Viergétang devait tomber une nouvelle fois sous le nom de Frey, ce serait le retour de l'époque morne de sa ville. Et puis, il ne voulait plus rien à voir avec les Frey. Il avait tourné la page. C'était impossible qu'il revienne en arrière. Et enfin, il détestait tant son père, alors pourquoi lui donner sa ville?


-Vas te faire voir. Répondit sèchement Olliver. Tu ne pourras jamais me convaincre.


-C'est ce qu'on verra, Olliver. Après ce soir, tu changeras peut-être d'avis. Sinon, c'est la mort qui t'attend.


-Pourquoi ce soir?


-Enfermez Olliver au cachot! Ordonna Walder à deux de ses hommes. N'hésitez pas à utiliser la force pour l'y emmener.


Walder se leva de sa chaise et descendit de l'estrade où il était. Olliver voulut se débattre mais un violent coup de poing au visage d'un des soldats le stoppa. Walder arriva au pied du corps de Lissandra qui allait être emmené et sembla remarquer quelque chose. Il se baissa et sortit de la ceinture de la mercenaire une longue épée en acier valyrien. Olliver reconnut «Samwell».


-Oh, jolie épée! S'exclama Walder. C'est la tienne, n'est-ce-pas? Je vais la garder quelques temps, je crois.


-Enfoiré! Gueula Olliver avant de recevoir un autre coup de poing qui le fit taire.


-Je te laisse, Olliver. Je dois me préparer convenablement pour ce soir. Après tout, nous recevons des invités prestigieux.


Olliver fut alors emmené vers les cachots. Il descendit dans les étages inférieurs et fut jeté dans une des cellules. Il entendit les soldats fermer la porte de sa cellule qui disait en partant:


-C'est peut-être bien la seule fois qu'un roi est enfermé ici. Quel privilège nous avons!


Qu'allait-il faire désormais? Il regarda autour de lui. Les cachots, chez les Jumeaux, étaient lugubres. Quand il habitait dans ce château étant enfant, il n'allait jamais se promener dans ces couloirs humides. Creusé dans la terre et renforcé par de la pierre, les cachots se trouvaient à seulement quelques pas du fleuve, ce qui justifiait l'humidité de l'endroit. Il était difficile d'y dormir et l'on raconte que plusieurs prisonniers seraient morts de maladies entre ces murs. Dans la cage d'Olliver, comme dans toutes les autres cages, il n'y avait rien. Aucun endroit pour s'endormir ou juste pour se poser. Il n'y avait qu'un sceau dans un coin, pour faire ses besoins. La cage possédait des barreaux bien solides malgré les apparences. Olliver pouvait d'ailleurs voir d'autres prisonniers à sa gauche, les séparations entre les cellules étant également des barreaux. Il y en avait en réalité très peu. Deux vieux hommes étaient couchés dans les cages au bout du couloir. Un autre, réveillé celui-ci, se trouvait dans la cage voisine d'Olliver. Il l'avait vu se faire jeter dans la cage sans mot dire. Il continuait d'ailleurs de le fixer.


-Que me veux-tu, vieil homme? Demanda Olliver.


-Vous avez de beaux vêtements. À l'évidence, vous n'êtes pas ici pour avoir volé un quignon de pain au marché.


-En effet. Avoua Olliver d'un ton dépité.


Olliver serrait les poings. Il lui fallait sortir d'ici mais il ne pouvait rien faire. Il enrageait. Il devait partir sauver son frère. Il tenta de chercher une solution, observa chaque détails de sa cellule et du couloir mais il ne trouva rien qui puisse lui permettre de s'évader.


-Et vous, homme noble, pourquoi êtes-vous là? Demanda le vieil homme qui continuait à le regarder.


-Pour aucune raison. Juste à cause de la lubie d'un idiot.


-Vous parlez de Lord Walder? Qu'avez-vous fait?


-J'ai sauvé une ville de son emprise.


-Oh! Alors c'est vous, Lord Hästrid?! S'exclama le vieil homme enjoué.


-Vous me connaissez?! Demanda Olliver, très surpris.


-Aux Jumeaux, vous êtes très connus. Vous avez tourné le dos à votre père, Lord Walder, ainsi qu'au Tully et surtout, à la Couronne. C'est donc pour ça que vous êtes ici?


-Et oui. L'homme qui trahit. C'est bien moi.


Il n'y avait aucune méchanceté dans la voix qu'avait pris le vieil homme en citant ses trahisons mais Olliver l'avait tout de même mal pris au fond de lui. Après réflexion, il trouva que ce surnom de «l'homme qui trahit» lui allait plutôt bien. Il s'était mis à dos beaucoup de monde. Tout à coup, il se sentit se remettre en question sur ce qu'il avait fait. Il avait dit à Galmar, la veille, qu'il avait rendu indépendant Viergétang juste pour provoquer le combat avec ceux qu'il avait trahit. Il n'était pas trop sûr de ses paroles à ce moment-là. Mais tout à coup, il sentit qu'il avait dit la vérité. Faire grandir sa ville n'était qu'un bonus pour lui. Son vrai but avec l'indépendance de sa ville était la recherche du combat armé, du sang et des cadavres. Lord Karyl avait raison. Il était fou. Olliver se souvînt de ce que Galmar lui avait dit après qu'il lui ait confié ses réelles intentions. Son frère pensait qu'il se mentait à lui-même et qu'il devait surtout voir le bien qu'il avait fait à la ville plutôt que simplement voir ses intentions. Dans ce contexte-là, Olliver se rendait bien compte que ce n'était pas l'intention qui comptait mais le résultat. Pourtant, il ne pouvait pas négliger que c'était sa soif de combat qui avait enclenché toutes ces trahisons. Il se sentait soudain comme un homme impardonnable et s'écroula sur le sol.


-Vieil homme, ais-je eu tort de trahir tous ces gens? Demanda-t-il soudain comme si son voisin de cellule était la dernière corde à laquelle il pouvait se rattacher pour ne pas sombrer dans la culpabilité.


-Non, mon seigneur. Répondit-il après un temps surpris par la question. Beaucoup trop de gens se prennent pour des puissants en ce monde. Pour eux, il suffit d'avoir une couronne sur la tête pour être supérieur aux autres. Ce qui fait la puissance, ce n'est pas un statut, l'argent ou la notoriété. Non. C'est plus simple que ça. C'est la sagesse. Quelqu'un de sage prend les bonnes décisions. Je sens que vous êtes quelqu'un de sage, Lord Hästrid. Plus que vous ne voulez l'admettre.


-Pourtant, j'ai l'impression, et je ne suis pas le seul à le penser, que je suis fou.


-Qui ne l'est pas? La folie est le contraire de la normalité. Nous sommes tous un peu fou car personne ne sait réellement ce que c'est qu'être normal. C'est ce qui nous rend humain, non?


Olliver, sans forcément comprendre pourquoi, laissa couler une larme sur ses joues. Il posa une main sur une de ses joues, la retira et vit le bout de ses doigts humides.


-Si je suis si sage, alors pourquoi n'ai-je pas pris les bonnes décisions pour sauver mon frère et ma ville?


-Les erreurs ne doivent pas vous arrêter, Lord Hästrid. Répondit le vieil homme d'une voix calme et réconfortante. Elles nous permettent d'avancer.


Olliver, d'un revers de bras, s'essuya les joues et les yeux.


-Vous parlez bien, vieil homme.


-Merci.


Dans les murs de la prison, des puits de lumière avaient été creusés dans le mur. Le crépuscule commençait à se faire ressentir dans les cachots. Des gardes vinrent pour poser des torches sur les murs. Ceux-ci ricanaient.


-Ce n'est pas souvent que vous venez vous préoccuper de la lumière en ces lieux. Remarqua le vieil homme aux gardes.


-On sait. Mais ce soir, c'est particulier. Répondit un garde, toujours en ricanant.


Et les gardes s'en allèrent, leurs rires raisonnants dans les escaliers. Olliver se demandait bien ce qui faisait rire ces gardes. Le mariage avait attiré du monde. Le nombre de délits allaient certainement un peu augmenté, tout comme le nombre de prisonniers. Mais Olliver décida de ne pas y prêter plus attention. En effet, les paroles du vieil homme l'avait remotivé. Il était également en colère contre lui-même pour s'être ainsi laisser aller. Il pensa fort à Galmar qui était en danger, à son père qu'il détestait, à Lord Karyl qui devait se demander où il était passé, à ses conseillers qui tentaient de diriger la ville, à cette dernière qui se retrouvait sans roi.


-Il est temps de reprendre les choses en main, vieil homme! S'exclama-t-il.


Contenant sa force dans ses mains, il agrippa les barreaux et, dans une volonté inespérée, tenta de les soulever.


-Que faîtes-vous?! Vous croyez vous libérer par la force?! Questionna le vieil homme.


-Ses barreaux ont beau être solide, les murs qui les tiennent, eux, sont pourries!


Alors, aussi incroyable que cela puisse paraître, les barreaux bougèrent. Olliver décida de les lâcher et recula. Il inspira fort et fonça sur les barreaux, comptant sur sa lourde armure de plate pour l'aider à les faire tomber. Il ne fallut que trois essais pour que les barreaux tombent enfin. Cependant, Olliver n'avait pas réfléchit au boucan que cela allait générer.


-Incroyable, Lord Hästrid! S'émerveilla le vieil homme.


-Ce n'est pas fini! J'entends des pas qui approchent!


En effet, des pas se faisaient entendre et Olliver n'avait aucune arme pour se défendre. Par chance, il vit un barreau à ses pieds qui s'étaient détachés du reste des autres barreaux. C'était un bâton de fer assez long pour tenter de contre-attaquer. Deux soldats apparurent alors au bout du couloir.


-C'est le roi Hästrid, il a défoncé les barreaux! Remarqua l'un d'eux.


-On va te remettre dans ta cage, chien! Insulta l'autre.


-Je vous attend!


Les deux gardes marchaient sur les barreaux au sol tandis qu'Olliver reculait lentement. Le barreau était long et il était difficile à manier dans ce couloir. Tout à coup, deux mains sortirent des barreaux encore debout et agrippèrent l'un des deux soldats. Le vieil homme tenait fermement le col du garde. L'autre soldat, surpris, ne vit pas le bout du barreau que tenait Olliver s'enfoncer dans son cou et il tomba dans un gémissement de douleur. Le deuxième garde leva soudain son épée et embrocha la poitrine du vieil homme.


-Non! Cria Olliver qui fonça sur le deuxième garde.


Il sauta sur ce dernier qui venait à peine de retirer son épée du corps du vieil homme. Il lâcha son barreau et donna un violent coup de poing en pleine figure à son adversaire qui tomba au sol. Olliver agrippa son poignet qui tenait son épée et le tînt fermement. Il vit une dague sur sa ceinture et la mit sous sa gorge.


-Attends! J'ai quelque chose à te dire!


-Je pense pas que ce que tu as à me dire soit très important vu ton grade!


-Je te jure, c'est important si tu veux sauver tes amis!


Le mot «ami» titilla l'esprit d'Olliver.


-Quels amis?! De qui parles-tu?! Interrogea Olliver en tenant bien fermement le poignet de son ennemi d'une main et sa dague dans l'autre.


-Tes amis du nord, les seigneurs, le roi du Nord!


-Qu'est-ce qu'ils ont?! De quoi dois-je les sauver?!


-Si je te le dis, tu me garderas en vie?


-Ça dépendra de ce que tu me diras.


-Ton père, Lord Walder,…le mariage…. Il est avec les lions, il trahit le Nord! Il va tous les tuer! Laisses-moi en vie, mainte...argh!


Le garde ne put finir sa phrase. Sa dague venant de traverser son cou l'en avait empêcher. Olliver se tourna vers son ancien voisin de cellule, mort. Il lâcha la dague et s'empara de l'épée qui avait tué le vieil homme. Olliver sentit une boule au ventre et en regardant son épée, il s'aperçut qu'il tremblait. Il aurait dû le deviner lorsque son père le faisait prisonnier. Il aurait dû s'en rendre compte lorsqu'il avait vu les soldats ricaner. Il aurait dû comprendre. Il serra le manche de l'épée fortement, comme si l'arme faisait partie de son bras, prête à être agité, à tuer. Il entendit soudain des cris au-dessus de lui. Et le bruit d'armes entrechoquées. C'était donc vrai. Il pensa soudain à Lord Karyl. Il n'en fallut pas plus pour qu'il se mette à courir le plus vite possible.


Il monta les escaliers quatre à quatre et arriva alors aux portes de la dernière bataille des Cinq Rois. Il avait atteint le couloir principal où les soldats du Nord venus secourir leur roi et les gardes des Jumeaux se battaient. Il s'arrêta de réfléchir et fonça en direction de la salle des banquets où il espérait que le pire ne s'était pas déjà produit. Sur son chemin, il croisa quelques gardes des Frey qu'il tua sans s'arrêter. Il tranchait toutes les têtes qui osaient lui barrer la route. Il tua près d'une dizaine de gardes avant d'atteindre la porte de la salle des banquets. Celle-ci était fermé.


-OUVREZ LA PORTE!!! Gueula-t-il. WALDER FREY!!! OUVRE CETTE PUTAIN DE PORTE!!!


Après quelques instants, il entendit un frottement sur le bois et les planches qui retenaient les portes de l'intérieur furent levées. La porte s'ouvrit. Il ne vit pas tout de suite ce qu'il y avait dans la salle. Lord Bolton était devant lui.


-Toi aussi, tu fais partie de cette trahison, enfoiré?! Clama Olliver qui connaissait Lord Bolton comme un allié fidèle des Stark. Du moins, il l'était.


-Qui a trahit le plus de monde de nous deux, roi Hästrid? Demanda Roose Bolton.


-Laissez-le entrer, Lord Bolton. Je veux justement parler à ce roi. Demanda Lord Walder.


Lord Bolton sortit alors de la salle des banquets et laissa à Olliver le macabre spectacle qui se jouait dans la salle. Du sang partout. Des carreaux d'arbalète plantés dans tous les corps. Les arbalétriers le visaient du haut du premier étage, prêt à faire une victime de plus. Olliver reconnut des visages. Lord Manderly, Lord Reed et… Lord Karyl. Transpercé de quelques carreaux et égorgé. Son épée à la main. Il allait se battre jusqu'à la mort. Mais celle-ci était arrivée plus vite que sa lame. Ses yeux étaient grands ouverts et Olliver se chargea de les fermer. Olliver ne put retenir ses larmes et ne put regarder plus longtemps le corps de feu Lord Karyl Vance, le seigneur de BelAccueil, l'homme qui avait fait de lui l'homme qu'il est aujourd'hui. Il ne vit pas le corps du Silure, Brynden Tully, qu'il regrettait désormais d'avoir trahit. Il aperçu une femme métisse qui avait un ventre transpercé de plusieurs coup de couteau. Il devina que celle-ci était enceinte et qu'elle était certainement Talisa Maegyr, connue pour avoir reçu une demande en mariage du roi du Nord. Ce dernier était d'ailleurs au centre de la pièce, immobile sur le sol. Lui aussi était transpercé de part en part. Robb Stark, le roi du Nord, le seul des seigneurs du Nord, avec Lord Karyl, à continuer de lui avoir fait confiance malgré ses autres trahisons. Il vit également la «femme» de son père, égorgée près d'une femme qu'il avait déjà aperçu il y a longtemps dans les camps Stark. C'était Catelyn Tully, la mère du roi du Nord. À elle aussi, il lui devait des excuses. Tant de morts. Une trahison bien pire que toutes celles d'Olliver réunies. Olliver continuait à pleurer sans bruit. Il tenait toujours son épée fermement. Quand il daigna enfin regarder son père, alors à son habituelle place, en train de boire son vin, un sourire extrêmement fier aux lèvres, il se demandait s'il ne devrait pas utiliser son épée pour embrocher Lord Walder Frey, le pire traître que le monde ait jamais connu. Mais les arbalétriers le tueraient avant qu'il ne puisse l'atteindre.


-Tu es un monstre! Les Sept Enfers ne veulent même pas de toi, enfoiré!


-Dis donc, Olliver! On ne t'a jamais dit qu'il fallait parler correctement à son père?


Walder Frey ne s'empêchait pas de sourire bêtement.


-Pourquoi? Demanda Olliver. Pourquoi les trahir?


-Ils se sont toujours moqués de moi. Ils me prenaient de haut. Pff...les Stark. C'est moi qui les regarde de haut désormais. On peut me remercier. J'ai mis fin à la Guerre des Cinq Rois. Sans moi, les morts auraient été plus nombreux.


-Pourriture!


-Ça suffit! Clama Walder, qui perdit son sourire. Maintenant, je te le redemande gentiment. Redonnes-moi Viergétang et je te promets que tu resteras en vie. Je n'ai aucune envie d'assassiner une de mes progénitures.


-Après ça, tu penses vraiment que je vais accepter? Questionna Olliver en crachant par terre. Vas te faire foutre!


-Tu l'auras voulu. Je reprendrais Viergétang par la force. Entre, ma fille!


Olliver ne s'attendait pas à ces dernières paroles. Il entendit une porte s'ouvrir à côté de l'estrade où Walder se trouvait. La personne qui en sortit déstabilisa Olliver. C'était sa sœur, Hilda Frey. Elle avait un air triste et l’œil humide. Dans ses mains, elle tenait «Samwell», l'épée d'Olliver.


-Ne me dis pas que tu étais au courant de cette trahison?! Ne me dis pas que tu as condamné ton mari?!


-Mon mari, Olliver? Répondit Hilda avec une voix chevrotante et un regard qui se voulait méchant sans l'être. Un mari auquel on ne m'a pas laissé le choix si je voulais l'épouser ou pas?


-C'est notre père qui a organisé ce mariage forcé! Pourquoi se ranger à ses côtés?!


-Je voulais juste...que tout cela s'arrête. Cette guerre, je n'en pouvais plus. Aussi horrible soit cette fin, je ne voulais plus que cette guerre continue. Je...je suis enfin heureuse, Olliver. Pourquoi ne t'en réjouis-tu pas?


Hilda commençait à pleurer abondamment. Olliver, de son côté, avait remplacé ses larmes par un sentiment d'incompréhension total.


-Mais tu aimais Karyl, non?


-Comment puis-je aimer un homme que j'ai été forcé d'épouser?!


-Pourquoi ne pas me l'avoir dit? J'aurais pu t'aider à surmonter tout ça!


-Comment? Tu es parti à Viergétang et tu n'es jamais revenu!


-Cessez de parler, tous les deux. Coupa Lord Walder. Tues-le, Hilda.


Hilda hésitait mais Olliver voyait bien qu'elle allait finir par obéir. Elle tenait fermement «Samwell» devant elle.


-Hilda a toujours été la plus talentueuse de mes filles, Olliver. Pourquoi ne l'as-tu pas remarqué? Pendant que tu étais absent, elle s'est entraînée en secret. Elle veut devenir chevalier. Elle ne pourra pas réaliser son souhait car ce n'est qu'une femme mais exceptionnellement pour elle, je lui accorde le droit de porter ton arme. Elle s'en servira contre toi. Et elle partira ensuite à Viergétang pour prendre ta précieuse ville de force. C'est la fin de la pitoyable maison Hästrid.


Olliver ne put en entendre davantage. Il courut vers Walder et leva son épée vers le cœur de son père. Avant qu'il naît atteint sa cible, il vit Hilda devant lui. Elle continuait de pleurer mais elle avait désormais un regard déterminé.


-Je t'aime, Olliver. J'aurais aimé que tu puisses m'aimer autant pour que tu me comprennes.


Olliver sentit soudain «Samwell» traverser son ventre. L'épée, couverte de son sang, était froide. Il ne ressentait déjà plus la douleur. Il profita de ses dernières forces pour lâcher l'épée qu'il tenait et poser sa tête sur l'épaule d'Hilda.


-Je t'aime, Hilda. J'aurais aimé que tu sois moins aveugle pour le voir.


Il enlaça Hilda et laissa s'échapper ses pensées. Galmar, Azénor, Anduil, Hilda, le mestre Kyren, même Ronmac, Lord Karyl, le roi Robb, Lord Manderly, le vieil homme à côté de sa cellule. Dans son esprit, il les vit une dernière fois. Il eut l'impression de tomber d'une falaise. Il se laissa emporter lentement vers l'évanouissement. Sa folie était guérie. Il trouva la paix. Il était enfin libre.

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