La cour des grands

Chapitre 71 : Mitor

3915 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 16/12/2018 19:23



Mitor



Cela faisait plusieurs nuits que Mitor passait désormais un agréable sommeil, sans tourment. Il remarquait sa baisse de fatigue le jour et en était heureux. Malgré tout, il n'avait pas l'esprit si tranquille. Jour après jour, il attendait que Drusila survienne de nouveau dans sa vie, qu'elle lui explique la suite des événements, qu'elle lui annonce enfin comment toute cette histoire se termine. Car il avait beau passer de meilleur nuit, jamais Mitor n'avait autant eu envie de se reposer. Et pour lui, se reposer était le synonyme de partir le plus loin possible de Lys. Se balader dans cette ville ne lui procurait de la satisfaction que lorsqu'il avait été enfermé bien trop longtemps dans le QG des Partisans. Mais même cela ne lui faisait plus plaisir. Cette cité, retombé dans l'esclavagisme alors qu'elle faisait partie auparavant des cités libres, était devenue une prison géante. Si seulement il avait un navire, il ne tarderait pas à sortir de cette île. Et le pire était sans doute le fait d'être membre du Cercle. Cette nomination avait pour conséquence de devoir fréquenter davantage Apa, le nouveau chef des Partisans. Il était désormais clair pour tout le monde dans le QG qu'une certaine animosité régnait entre eux deux. Lorsqu'ils se parlaient, le regard noir était de mise. Karak leur demandait souvent d'arrêter cette comédie mais cela n'en était pas une. Et Rika, elle, était attristée de cette relation conflictuelle. Elle demandait souvent à Mitor à quoi était dû toute cette haine entre eux mais celui-ci ne répondait que vaguement à la question. En réalité, la raison pour laquelle ces deux êtres ne pouvaient plus s'entendre était assez floue. Mais Mitor était maintenant persuadé que Drusila avait mis au courant Apa de son infiltration dans le QG des Chasseurs et peut-être savait-il également qu'il était au courant de la survie de Drusila. Mitor ne savait pas pourquoi cette dernière avait tout avoué à Apa car son objectif n'était pas très clair pour lui. De ce qu'il avait compris de cette matinée passée dans cette grotte avec elle, c'était qu'elle voulait également mettre fin à cette guerre, comme lui. Néanmoins, Mitor avait besoin de la revoir. Et la prochaine fois, il était décidé à avoir toutes les réponses à ses questions.


Vivant donc dans l'attente qu'un jour, il se passe quelque chose, Mitor se réveillait chaque matin en suppliant le destin de lui éclairer sa route. Il y a quelques jours, deux choses majeurs s'étaient déroulées. Tout d'abord, un éclaireur des Partisans de Qohor les a informé de l'attaque des Chasseurs sur le QG principal. Le chef des Partisans était mort et le reste des Chasseurs de Qohor partaient en direction de Lys pour grossir les troupes de ceux déjà postés dans la ville. Enfin, et surtout, une étrange silhouette s'était manifestée auprès de Mitor. D'après ce que Mitor avait compris, cette silhouette ne lui voulait pas de mal et il soupçonnait que cette chose avait un lien quelconque avec le Maître de la Lumière de la religion R'hllor. Cette silhouette avait alors assassiné l'éclaireur de Qohor. Mitor était persuadé que cette chose allait se manifester de nouveau. Il ne savait pas quand et où mais cette ombre allait encore tuer des êtres humains, et peut-être bien, sur son ordre. Toujours est-il que le lendemain, lorsque le corps de l'éclaireur fut découvert, tous les membres dans le QG était devenu très prudent, surtout lorsqu'ils étaient seuls. Tout le monde était persuadé qu'un assassin se cachait dans le bâtiment. Surtout Rika qui, au vu de cet assassinat, se remémorait les plusieurs meurtres qui avaient eu lieu il y a plusieurs mois, et qui avait eu raison de son mari ainsi que, indirectement, de sa fille. Elle s'était mise à fouiller tout le QG et traînait souvent avec Mitor pour le protéger, sans savoir que ce dernier était le réel meurtrier. Cette situation le mettait mal à l'aise mais il ne pouvait pas faire grand-chose pour calmer l'inquiétude de Rika. D'autre part, le comportement qui était le plus à craindre était celui d'Apa. Après la découverte du corps, Mitor avait distinctement vu son regard se tourner vers lui. Le corps ayant été retrouvé près de ses appartements, Apa le soupçonnait certainement pour ce meurtre. Ainsi, le fossé qui les séparait s'agrandit.


Mitor ressassait tout cela en boucle et tentait de trouver une réponse qui lui manquait. Toutes ces forces obscures qui l'entouraient lui faisait peur. Les Sans-Visages, R'hllor. Jamais il ne s'imaginait un jour aussi proche de ce milieu de croyants. Il n'avait jamais été très pieu mais désormais, il ne pouvait plus nier que des forces dépassant celles des humains existaient. Des visages qui changent d'apparence et une ombre ténébreuse étaient plus qu'il n'en fallait pour que Mitor fasse partie du cercle très restreint de ceux ayant côtoyé des forces divines. Mais il ne se sentait pas supérieur aux autres pour autant. Il ne pensait pas être un quelconque élu. Au contraire, il se méfiait encore plus. Les objectifs du Dieu Multiface et du Maître de la lumière lui étaient inconnus et Mitor n'écartait pas l'idée que ceux-ci soient malfaisants. Mais comment défier des forces qui le dépassaient? C'était une question qu'il commençait à se poser, à cet instant, debout sur un toit, au cœur de la nuit surplombant la cité de Lys.


Il avait été choisi, parmi beaucoup d'autres, à guetter n'importe quel mouvement des Chasseurs. Tous devaient surveiller qu'aucun de leurs ennemis n'interviennent durant cet événement. En effet, ils étaient enfin arrivés. Les survivants des Partisans de Qohor étaient en train d'accoster sur la côte de Lys. Apa et plusieurs autres Partisans faisaient partis du comité d'accueil. Mitor voyait un grand navire à l'horizon et plusieurs barques naviguaient jusqu'à atteindre Lys. Ceux-ci n'accostaient pas au port, vu leur nombre mais sur une plage isolé, afin de ne pas être vu par les gardes de la ville. Debout sur ce toit, Mitor voyait la plage éclairé par de nombreuses torches. Les barques accostaient une à une et Apa saluait chacun d'entre eux. Les survivants et les Partisans de Lys étaient déguisés en marchand afin de ne pas trop attirer l'attention au cas où des gardes les verraient. Une fois que tous eurent accostés, tout le comité d'accueil les emmena en direction du QG. Apa fit signe à Mitor et aux autres de rester à leur poste quelques minutes avant de rentrer eux aussi.


Quand Mitor rentra lui aussi dans le bâtiment, parmi les derniers, Apa avait déjà fait un discours aux survivants dans la Salle des Torturés. La plupart d'entre eux étaient déjà partis se coucher dans des chambres vides, d'autres étaient partis à l'infirmerie afin de soigner leurs douloureuses blessures et les derniers restaient dans la Salle afin de ressasser la bataille qu'ils avaient perdus à leurs congénères de Lys. Mitor ne resta pas longtemps et partit en direction de sa chambre. Il n'avait pas encore sommeil et il en profita pour lire les dernières pages du livre du mestre Raynal sur l'esclavage.Il avait relu plusieurs fois le chapitre sur R'hllor afin de trouver des réponses mais en vain. Les dernières pages traitaient juste des esclaves ayant gagné leur liberté dans les cités libres, en bref, comment était la vie après l'esclavage. En fermant ce livre, il se souvînt de sa promesse de rendre Lys de nouveau libre. Ce livre ne lui avait pas apporté beaucoup de réponses quand à la façon dont il devait libérer la cité. Il faut dire que contrairement aux autres libérateurs, Mitor, lui, n'avait pas d'armée, de dragon et n'était pas un puissant roi pour faire plier les maîtres à sa volonté. Mais l'histoire raconté dans ce livre le gênait. À chaque fois que l'esclavage était aboli, il fallait toujours que cela se fasse dans le sang et les larmes. Pour gagner sa liberté, il fallait tuer. Voilà ce qui résultait de ces écrits. Mitor n'avait pas vraiment de quoi rétorquer dans cette situation. Lui-même avait tué pour gagner sa liberté. Quand il servait Rasar et assassinait ses cibles, c'était dans l'espoir qu'un jour, il finisse par gagner sa liberté. Mais cette méthode le déroutait. Était-il donc impossible de changer les choses sans effusion de sang, sans mettre le feu aux villes? Mitor se promit de trouver une solution plus pacifique mais il ne pouvait pleinement s'occuper de cela tant que la guerre entre Partisans et Chasseurs faisaient rage. Et celle-ci allait peut-être bientôt se terminer dans cette bataille qui approchait à grand pas, opposant tous les guerriers mêlés à cette guerre. Celle-ci ne pouvait être réglée pacifiquement car les soldats ont toujours été des êtres têtus, notamment leurs commandants. Apa et cette Miranda, chef des Chasseurs, n'étaient pas du genre à se serrer la main afin de tout arrêter. Le sang appelle le sang. Cette bataille à Qohor avait allumé la mèche et plus rien ne pouvait l'arrêter. Toutes ces réflexions plongèrent petit à petit Mitor dans un sommeil profond.


Les jours qui suivirent l'arrivée des survivants consistaient surtout à soigner les blessés et à se préparer à la bataille qui s'annonçait. La salle d'entraînement était pleine et Apa avait autorisé ses membres à s'entraîner dans d'autres lieux isolés du QG. Mitor avait vu Rika et Karak s'entraîner sur le balcon de l'Œil de la Liberté. Il voyait rarement Rika se battre et la voir d'égal à égal avec Karak le rassurait quand à sa survie lors de la bataille finale. Mitor aussi s'entraînait. Il battait la plupart des Partisans. Les survivants de Qohor étaient étonnés de voir qu'un être si jeune puisse battre certains de ses congénères les plus vieux et expérimentés et faire partie du Cercle des Partisans de Lys. Tandis que tous se préparaient physiquement à la bataille, Mitor faisait un autre type d'entraînement dans sa chambre. Il s'entraînait psychologiquement et pour différents buts. Lors de ses entraînements physiques avec les Partisans, il voyait bien qu'il était en train de sympathiser avec certains d'entre eux. Hors, il ne devait pas se lier d'amitié avec un seul Partisan, hormis Rika. Il forçait ainsi son esprit à considérer tous ceux qu'il avait rencontré comme des êtres qui allaient mourir. Il savait que c'était horrible de penser comme cela mais il ne devait pas se laisser avoir par les sentiments lorsque la bataille commencerait. Enfin, et surtout, il se préparait à pouvoir appeler cette ombre qui, il l'espérait, l'épaulerait. Il ne savait comment invoquer cette chose. Alors, il tentait de se persuader de sa présence pour qu'il la voit devant lui. Malheureusement, rien ne vînt.


Apparemment, tous les Partisans avaient oublié que l'éclaireur de Qohor était mort deux semaines avant. Seule Rika se méfiait encore au détour des couloirs. Mais Mitor ne l'avait pas oublié, loin de là. Il se souvenait bien avoir provoqué ce meurtre. Et il y pensait de plus en plus. En effet, une idée lui traversait l'esprit depuis un moment. S'il fallait vraiment des morts, pourquoi ne pourraient-ils pas arriver avant cette bataille. Pour apprendre à invoquer cette ombre, avoir des cobayes semblaient être un bon début. Il allait devoir donc de nouveau tuer des Partisans dans les couloirs. Il se rendit compte, avec cette idée, à quel point cette chose l'avait rendue froid et sombre. Était-il devenu un serviteur du Mal? Est-on un serviteur du Mal lorsqu'on utilise celui-ci pour qu'une guerre se termine enfin? C'était la question qui le rassurait dans ses choix.


Une nuit, Mitor se leva de son lit et quitta sa chambre, sans torche ni chandelle. Telle une ombre menaçante, il se baladait sans bruit, en quête d'une victime isolé. Il avait beau être décidé dans son choix, il était également tendu et serrait les poings. Il arriva alors dans la Salle des Torturés. Éclairé par quelques torches, Mitor fit attention de ne pas s'approcher des zones éclairées. Au loin, il vit enfin quelqu'un, un Partisan montant les marches pour accéder au balcon de l'Œil. Mitor resta à l'autre bout de la pièce. Il arrivait à discerner sa cible grâce à la torche qu'il portait. Il inspirait et expirait longuement. Une fois qu'il aura tué ce Partisan, il ne pourra plus revenir en arrière. Car celui-ci, il le tuera de son plein gré et il aura choisi une bonne fois pour toute son camp: Celui qui choisi de tout effacer, Partisan comme Chasseur. Après une dernière expiration, Mitor cita ces mots à voix basse et avec une profonde conviction: «Car la nuit est sombre et pleine de terreur. Mais le feu, en brûlant, en a raison». Soudain, les torches à proximité de Mitor s'éteignirent. Quelque chose apparut soudain au centre de la pièce. Un nuage de fumée noire presque indiscernable des ombres alentours se faufilaient entre les tables de la Salle des Torturés. Peu à peu, celui-ci monta les marches allant au balcon. Mitor, de là où il était, ne voyait plus la fumée en question mais il aperçut très nettement la torche de sa victime s'éteindre subitement comme si un vent violent l'avait traversé. Le Partisan ne comprenait pas la réaction de sa torche et s'immobilisa. Mitor entendit soudain un cri étouffé dans le noir. Grâce à la lumière de la nuit étoilé de l'extérieur, il vit une masse beige tomber des escaliers et atterrir lourdement sur le sol. Il savait que l'ombre humanoïde avait déjà disparu et il retourna alors dans sa chambre silencieusement. Mitor avait pris connaissance de la phrase qu'il fallait dire pour invoquer l'ombre lorsqu'il s'était souvenu de la première apparition de celle-ci. Il avait lu ces mots à voix haute et elle était apparue dans sa chambre. Il avait l'impression d'un coup de chance mais il était content. Désormais, il pouvait invoquer cette chose comme bon lui semblait, et c'est le sourire aux lèvres, sans remord pour celui qu'il venait de tuer, qu'il s'endormit.


Le lendemain matin, pas encore totalement réveillé, Mitor arriva dans la Salle des Torturés et marcha en direction de l'estrade. Ce n'est que lorsqu'il arriva au beau milieu de la pièce qu'il remarqua la présence de plusieurs Partisans attroupés près des escaliers. Mitor se souvînt alors du crime qu'il avait commis la veille. Lentement, il monta sur l'estrade et s'approcha du groupe. Il entendit soudain la voix forte d'Apa, se trouvant au centre du groupe.


-Écartez-vous, bon sang!


-Que s'est-il passé, chef? Demanda un des Partisans.


-Tu ne le vois donc pas? Il a été tué, embroché en plein cœur, comme l'éclaireur de Qohor. Répondit froidement Apa.


À ces mots, un sentiment d'effroi envahit le groupe. Mitor réussit à se faufiler et vit le corps ensanglanté du Partisan mort. Il n'eut aucun sentiment d'effroi ou de tristesse. Il ressentait de la peur. Si on apprenait qu'il était l'instigateur de ce meurtre, il serait certainement exécuté sur le balcon de l'Œil. Apa tourna soudain la tête vers Mitor mais celui-ci continuait de fixer le cadavre avec une mine faussement triste. Il savait qu'Apa le regardait mais il ne voulait pas croiser son regard. Alors, il finit par s'en aller et s'assit à la table du Cercle pour prendre un fruit en guise de petit-déjeuner. Cette journée-là, tout le monde était de nouveau sur le vif, enquêtait à sa manière et un sentiment de défiance naissait. Rika, elle, s'occupait de sermonner les membres en leur disant qu'ils devaient avoir confiance en leurs camarades. Mais de son côté, elle tentait également de savoir qui était la taupe en analysant chaque faits et gestes des membres. Apa resta dans son bureau avec quatre gardes au lieu de deux devant sa porte. Mitor, lui, continua de s'entraîner comme si de rien n'était.


Les conséquences de son meurtre étaient plus grandes qu'il ne l'aurait imaginé. Énervé par ce manque de confiance soudain envers leurs frères d'armes, Apa décida de faire un discours pendant le dîner. Il se leva et se plaça devant la table du Cercle, face aux centaines de Partisans devant lui. Il ordonna à tous de se taire et commença son discours:


-Mes amis, mes frères! Il n'y a pas si longtemps, vous m'avez nommé comme étant le nouveau chef des Partisans. Cette nomination, au-delà du grand honneur que cela me procure, me donne le droit de vous sermonner. Oui, vous sermonner. Ce sentiment de défiance doit disparaître. Avez-vous oublié ce qui nous menace? Avez-vous oublié ce qui nous attend très bientôt? Nous allons nous battre, chers Partisans! La plus grande bataille que notre guerre ait jamais connue! Celle qui pourrait y mettre fin! Et vous allez vous laisser distraire par cet assassin! Quel qu'il soit, il n'est pas assez fort pour tous nous vaincre avant l'heure fatidique! Peut-être nous écoute-t-il en ce moment même! En ce cas, qu'il sache une chose: Les patrouilles de nuit seront renforcés! Il ne pourra plus se faufiler dans les recoins de notre QG. Quand à vous, mes Partisans, je ne veux plus un seul regard noir envers vos camarades. Vous allez devoir vous battre ensemble! Nous perdrons cette bataille si nous nous tirons dans les pattes. Avez-vous compris?!


-Oui, chef! Hurla en chœur les Partisans.


Et lorsque la nuit suivante arriva, Mitor se rendit compte bien vite que se faufiler dans les couloirs étaient bien plus compliqués. Il était souvent obligé de faire demi-tour en voyant la lumière des torches émises dans les détours des couloirs. Il arrivait toujours à agir en silence mais il devait souvent se mettre à courir afin d'échapper aux yeux scrutateurs des gardes. Toujours en restant dans l'ombre, il réussit enfin à trouver une cible isolé, loin de sa chambre pour ne pas éveiller les soupçons sur lui, dans un couloir qui donnait sur d'autres chambres et des escaliers menant aux geôles. Proche de cet escalier, le garde était assez loin de ses congénères. Immobile et adossé au mur, il chantonnait à voix basse une chanson qu'il ne connaissait pas:


Les Hommes les prient cette nuit

Ils pensent trouver la Foi

Du courage ici-bas

Et donc ils prient cette nuit


Nous sommes très différents

Nous nous faisons la guerre

Le feu, la face, la mer

Symboles très différents


J'ai dû choisir mon camp

Tu as choisi le tien

C'est le mauvais chemin

Maintenant goûte le sang


Mitor n'avait pas trop écouté cette chanson, trop occupé à voir si quelqu'un d'autre se trouvait dans les parages. Il invoqua alors son allié assassin et, surgissant des ténèbres, se faufila à une impressionnante vitesse derrière sa victime. Mitor remarqua que cette ombre ne tuait qu'en embrochant le cœur de sa cible. Celle-ci tomba à terre dans un bruit sourd. Mitor discerna son allié ténébreux regarder en sa direction. Il poussa soudain un son strident qu'il n'avait jamais écouté jusqu'alors avant de disparaître, comme paniqué par quelque chose, ou quelqu'un. Soudain, une lame bien aiguisée et froide se colla à son cou et l'obligea à se lever. Une voix bien trop reconnaissable lui ordonna de se retourner. Mitor obéit et répondit dans un soupir de déception:


-Apa….


Apa dar Lijus était seul et n'avait pas besoin de quelqu'un d'autre pour traquer et enfermer l'assassin qui terrorisait ses soldats dans sa propre base. Un regard noir et déçu le fixait intensément.


-Alors? Tu m'expliques, sale chien?! Interrogea Apa entre les dents.


-Tu ne comprendrais pas. Répondit Mitor, remarquant qu'il n'avait jamais vu Apa dans cet état.


C'était la première fois qu'il voyait Apa trembler. De plus, il y avait quelque chose de différent chez lui. Mais il ne saurait expliquer ce que c'était. Alors, il eut un semblant de réponse en entendant une autre voix derrière lui.


-Tu croyais vraiment que j'allais te laisser tuer un autre de mes membres, Mitor?


Mitor n'en croyait pas ses oreilles et il se retourna de nouveau afin d'être sûr de ne pas avoir halluciné. Sa cible était debout mais ce n'était plus le visage qu'il avait lorsque la lame avait traversé son cœur. C'était celui d'Apa, une nouvelle fois. Mitor fit les gros yeux et se tourna vers le premier Apa qui tenait encore la lame de son couteau sous son cou. Cette fois, ce n'était plus Apa mais Karak qui tenait la paume du couteau et qui avait ce regard noir et triste.


-C'est donc Mitor, ton vrai nom? C'est bien ça, hein, Liso?


-Karak, tu...tu es aussi un Sans-Visage?


-Non, Apa avait juste besoin que j'emprunte son visage pour cette nuit.


-Peu importe. Trancha Apa en se mettant à côté de Karak. Mitor, tu nous as trahit. Tu as même choisi le camp des ombres. Je ne m'attendais pas à une telle chose. Au fond, tu n'as jamais servi notre cause. Je n'aurais pas dû te promouvoir en tant que membre du Cercle. Tu nous fais honte mais je suppose que ces mots ne te touchent pas. En ce cas, je suis désolé pour la suite des événement, Mitor. Karak, amenons-le aux geôles.


-Karak…. Si j'ai rejoint les Partisans, ce n'est effectivement pas pour vous…mais pour Rika. Avoua Mitor.


-Pourquoi donc? Demanda Karak, enragé.


-Il suffit! Stoppa Apa. Emmenons-le.


Sur le chemin, Mitor était perdu. Il était démoralisé.


-S'il vous plaît, ne dîtes rien à Rika.


Apa et Karak ne répondirent pas et se contentèrent de l'amener à sa cellule. C'était encore une fois la même que celle où il avait été enfermé la première fois mais également celle où Rasar était retenu prisonnier. Le corps de ce dernier avait disparu. Seul subsistait des traces de sang séché. Mitor sentit les chaînes enfermer ses poignets. Il avait le regard vide et avait perdu toute sa force. Il ne tenta même pas d'invoquer l'ombre, sachant d'avance que cela ne servirait à rien. La seule chose à laquelle il pensait était:


-Ne dîtes rien à Rika.


Toujours aucune réponse ne lui fût apporté. Seuls des regards impassibles le fixaient. Mitor entendit la porte se fermer.


-Ne lui dîtes rien! Répéta-t-il en criant, avant que les bruits de pas d'Apa et Karak s'éloignèrent jusqu'à disparaître.


Faible, resté dans sa cellule sombre, retenue par des chaînes, il réussit l'incroyable exploit de s'endormir, sachant pertinemment qu'il aurait très mal aux poignets à son réveil. Des larmes coulaient sur ses joues durant son sommeil. Était-ce de douleur ou de tristesse? Seul son réveil lui apportera la réponse.

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