La cour des grands

Chapitre 76 : Mitor

4289 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 31/03/2019 22:08



Mitor



Mitor était bien heureux de pouvoir dormir sans le moindre rêve, ni bon, ni mauvais. Cela rendait sa nuit plus revigorante. Les derniers jours, qui avaient été bien épuisants, n'étaient plus qu'une lointaine épreuve, et il se convint que le pire était déjà passé. Pourtant, au fond de son cœur, il savait que ce n'était pas le cas. Le pire se déroulait aujourd'hui. Mitor se réveilla doucement. Couché sur un lit de plumes, il n'avait pas aussi bien dormi depuis longtemps. Parcourant des yeux la pénombre de cette chambre, il mit du temps à se demander pourquoi il était si anxieux dès le réveil. Lorsqu'il se le remémora, il eut la surprise de n'émettre qu'un simple soupir. Lentement, il se leva. Il enfila des habits en tissus fins que Drusila avait trouvé dans son ancienne chambre. Il contourna en tâtonnant les obstacles et passa le rideau qui faisait office de porte. Il arriva dans un petit salon, éclairé par la lumière du soleil passant par une petite lucarne ainsi que quelques bougies sur les meubles. Au milieu de la pièce, il y avait une petite table d'un bois raffiné, une corbeille de fruit disposée dessus. Prenant une pomme, il fit les cents pas dans la pièce tout en la mangeant. À chaque fois qu'il parcourait ce lieu, il pensait à Apa. Après tout, c'était ses appartements.


Il ne connaissait pas toute la vie d'Apa. Il ignorait quelles souffrances l'avaient amenés à devenir l'intendant des Partisans à Lys, devenu peu avant sa mort le chef des Partisans. Mitor savait qu'il avait été esclave jusqu'à ses vingt ans à Meereen, qu'il avait été marchand de tissus à Tyrosh et que son véritable nom était Mikev, et non pas Apa dar Lijus. Il lui avait révélé tout cela il y a longtemps, la première fois qu'il avait été retenu prisonnier par les Partisans. Mais hormis cela, il ne savait rien de lui. Sa mort n'était sans doute pas à la hauteur de sa vie. Son corps pourrissait en ce moment dans une cellule miteuse de son propre QG. Mitor n'était pas triste de cette perte mais, il aurait préféré que la situation s'améliore d'une autre manière. Dans cet appartement privé, donc, Apa s'y levait tous les matins. Et c'était dans son lit que Mitor dormait à présent. C'était assez gênant en réalité de s'y coucher. Mitor dormait dans le lit d'un homme qu'il avait détesté, qu'il avait vu mourir. Était-il mal à l'aise car l'odeur d'Apa persistait sur le coussin? Avait-il peur qu'Apa revienne le hanter dans sa chambre? Ou le plus gênant était-il que Drusila dormait à ses côtés la nuit, et ce, avec le visage du défunt? Mitor se secoua la tête afin d'éviter toute pensée qui pouvait prendre vie dans son esprit. Il termina sa pomme et s'arrêta devant la porte de sortie. Il tendit l'oreille. Personne ne semblait discuter de l'autre côté. La voie était libre.


Mitor entra donc au milieu du bureau d'Apa. Lorsqu'il entrait dans cette pièce auparavant, il n'avait jamais prêté attention à la porte qui menait à ses appartements, entre deux étagères de livres bien remplies. Désormais, le bureau lui paraissait plus grand, que celui-ci n'était que la partie émergée d'un petit palace sous-terrain. Drusila était assise devant le bureau. Elle avait interrompu le nettoyage d'une de ses dagues et elle scrutait Mitor du regard. Ce dernier avait l'habitude de ce regard très particulier qu'elle avait, même à travers le visage d'une autre personne. Un regard à la fois dur et ironique mais aussi étrangement attirant pour Mitor. Il avait du mal à comprendre ce sentiment. Ce matin-là, en tout cas, son regard ne voulait dire qu'une chose «Il était temps».


-Je sais, j'ai fait la grasse matinée. Confessa Mitor. Il fallait que je me repose pour aujourd'hui, non?


Drusila ne répondit pas. Elle s'affala dans sa chaise, joignit ses mains et continua de fixer Mitor. Celui-ci esquissa un sourire. Il s'installa face à elle et choisit d'entrer dans ce jeu de regard. Après un long silence, Mitor s'arrêta de sourire et demanda:


-Pouvons-nous commencer?


Drusila s'installa un peu mieux sur sa chaise et posa ses mains sur le bureau avant de répondre.


-Pas encore. D'après ce que je sais, les Chasseurs ne devraient pas tarder.


-Peut-être ont-ils décidé d'attendre plus longtemps avant de lancer leur offensive. Le temps de rassembler toute leur force et d'élaborer une stratégie. Cette guerre a duré presque mille ans et tu crois qu'elle se résoudra en une seule journée?


-Leur stratégie, je la connais depuis des semaines. Et pour ce qui est de rassembler leur force, leur plan ne consiste pas en cela. Un groupe va attaquer de front à partir de la taverne. Un autre va gravir la falaise et entrer par l’Œil de la liberté et….


-… Et les Chasseurs d'Astapor vont intercepter les renforts des Partisans de la même ville, que tu as appelé toi-même, en pleine mer d'été, je sais. Coupa Mitor. Tu m'as répété cela des dizaines de fois.


Drusila sembla un instant vexé par cette coupure avant de continuer.


-En effet. De plus, Méridia, la nouvelle chef des Chasseurs, est assez impulsive. Elle ne va pas attendre longtemps une fois arrivé en ville. Elle fera certainement partis du groupe de front.


-Et nous? Tu ne m'as jamais dit ce que nous ferons? On va attendre que tout le monde s'entre-tue et éliminer les survivants? Ou on va foncer dans le tas et faire un concours pour savoir qui a tué le plus de soldats?


Cette fois, ce fût Drusila qui esquissa un sourire, ce qui était rare, et Mitor sentit une certaine fierté en lui.


-Non. Nous foncerons effectivement dans le tas, comme tu dis, mais nous allons nous battre au début du côté des Partisans.


-Comment ça? Demanda Mitor d'un air curieux.


-Si nous tuons tout le monde dès le début, on sera la cible de milliers de combattants. On se battra du côté des Partisans au début, le temps que les généraux comme Méridia soient vaincus. Les Partisans auront un excès de confiance et les Chasseurs vont se retrouver fou de rage ou seront déboussolés. Là, plus personne ne fera attention à ses congénères, laissant chacune de leurs émotions se focaliser sur leurs ennemis respectifs et non sur leurs camarades. Ce sont les têtes de troupes qui maintiennent la discipline des soldats. Si on les coupe, nos ennemis seront faciles à tuer.


-Comment sais-tu tout ça? Interrogea Mitor, surpris par l'intelligence de Drusila.


-Une fille a été formé pour cela. Un jour, elle a vue Apa assassiner un membre des Partisans. Elle était toute petite. Elle a prit peur et elle s'est enfui du QG. Elle est tombée dans la rue sur un homme. Il lui a promit qu'un jour, elle pourrait mettre fin à cette guerre. Ce membre des Partisans qu'Apa a assassiné, elle a apprit que c'était en réalité un assassin à la solde du Dieu Multiface. Apa avait trahi notre Dieu et nous avions pour mission de l'assassiner. Elle a alors suivit cet homme à Braavos. Il l'a formé et elle est revenue à Lys dans un unique but: Tuer Apa. Rika avait cru sa fille morte et elle resta auprès d'elle, bien que celle-ci avait déjà coupée tout lien avec son ancienne famille. La fille a laissée Apa terminer son entraînement, sans savoir qu'il était sa cible. Un jour, elle reçut un message stipulant que quelqu'un avait prié tous les Dieux, dont le notre, pour mettre fin à cette guerre. Comme cette guerre n'a aucune influence sur l'histoire, c'était le devoir de cette fille de l'arrêter désormais. Y mettre fin et tuer Apa était donc sa nouvelle mission.


Mitor resta un instant sans voix. Il avait bien deviné que celle qu'elle appelait «cette fille» était elle-même. Cette histoire avait de quoi lui fournir des explications sur les motivations de Drusila, bien que le côté religieux autour du Dieu Multiface avait de quoi lui apporter bien plus de questions qu'autres choses.


-D'accord, très bien. Accorda Mitor. Mais si jamais ton plan ne se déroule pas comme prévu? Et si tu avais mal anticipé les choses?


-Tu doutes de moi?


Drusila avait posé cette question avec tellement de froideur que Mitor n'osa pas répondre quoi que que ce soit. Il resta silencieux, à se demander si son visage avait pris une teinte rouge.


-Il y a toujours des exceptions à la règle évidemment. Finit-elle par répondre. Certains, certainement comme Karak, ne crieront pas victoire trop vite et continueront de se focaliser sur le champ de bataille en entier. Ceux-là, il faudra s'en méfier.


-En parlant de Karak, il sait ce que j'ai fais, et que je suis censé être dans ma cellule à l'heure qu'il est. S'il me voit, je suis mort. Il est plus fort que moi.


-Je sais, il est peut-être bien plus fort que moi aussi. C'est pourquoi je voudrais que tu n'entres pas dans la bataille tout de suite.


-Quoi?! S'exclama Mitor, se levant de sa chaise. Tu veux que je reste en retrait?!


-Tout à fait. Du moins jusqu'à ce que je le tue. Affirma Drusila, sans aucune émotion apparente dans la voix ou son regard.


-Comment vas-tu t'y prendre? Toi-même, tu as dit que tu ne serais pas capable de le vaincre.


-Je suis une assassin. Je ne combats pas, j'élimine d'un coup sec. Avec le visage d'Apa, il voudra bien me suivre dans un coin où les regards indiscrets ne nous atteignent pas et je le tuerai.


Mitor n'était en réalité pas très admiratif. Non pas parce que la solution manque d'honneur, ni non plus qu'il doutait du plan, mais il ne détestait pas Karak, loin de là. Ce dernier avait souvent pris sa défense malgré ses doutes quand à son entré dans le Cercle. Un matin, Karak s'était même ouvert à lui, lui racontant son histoire d'ancien homme d'affaire. Certes, à ce jour, Karak le détestait amèrement pour les meurtres mais il n'en demeure pas moins que, du côté de Mitor, la peine lui est présente quant à l'idée de voir mourir son ancien compagnon. Comme il se le répétait souvent, la guerre exige toujours des sacrifices. C'était une fatalité, il ne pouvait se résoudre à briser cette règle. Sauf si la personne qui risquait de mourir s'appelait Rika. Depuis deux jours, Mitor ne pensait plus qu'à elle. Et si Rika mourrait pendant la bataille? C'était sa mission de la protéger. C'était bien plus important que tout le reste. Si elle survivait, Mitor pourra partir de Lys, le cœur en paix, sa promesse tenue. La mort de Karak valait donc la vie de Rika.


Mitor partit dans les appartements d'Apa se préparer. Il fouilla dans l'armoire où Drusila avait entreposé son armure de cuir ainsi que sa dague, celle qu'il avait depuis le tout début, donné par Rasar dans l'unique but de tuer. Mitor serra les lanières de son armure et fixa son reflet dans la lame. Ce visage qu'il voyait, il avait l'impression qu'il ne lui appartenait pas. Il voulait l'oublier. Mitor était pressé que toute cette histoire se termine, pour se reposer. Il se demandait où il irait le lendemain. Après réflexion, il en conclut qu'il était temps pour lui de découvrir le monde. Il avait toujours rêvé d'admirer le Mur de glace au nord de Westeros dont il avait tant entendu parler. Mais pourquoi aller à un endroit que tout le monde connaît? Il se demanda alors ce qu'il pouvait y avoir à l'ouest de Westeros ou à l'Est d'Essos. Personne ne le savait. Une envie de découverte émergea soudain chez Mitor. Mais voilà, avant cela, il y avait ce dont cette dague qu'il tenait fermement le rattachait. La guerre entre les Partisans et les Chasseurs, Drusila, Apa, Rika, Karak. Il était temps que tout cela se termine et d'abandonner enfin cette dague, à jamais.


Il était déjà plus de midi. Mitor avait mangé quelques fruits apportés de la Salle des Torturés par Drusila. Les heures passaient et il n'y avait toujours aucun signe qu'une bataille sanglante allait éclater. Souvent, Mitor partait rejoindre Drusila qui lui disait «Patience». Pourtant, il savait que Drusila s'inquiétait aussi de ce retard des Chasseurs. Avaient-ils décidé de repousser l'attaque afin de trouver un meilleur plan? Cela serait problématique pour celui de Drusila. Mitor sentit la peur monter en lui. Mais ce n'était pas dû à ce retard. Un sentiment semblable, l'anxiété, l'avait accompagné toute la matinée. Lorsqu'il tenait la dague, il voyait bien que sa main tremblait. L'absence de fenêtre dans les appartements l'angoissait plus encore. Il ne pouvait savoir si les renforts d'Astapor étaient arrivés ou non. Mitor faisait les cents pas. À un moment, il lâcha sa dague, empoigna son bras droit et il le supplia d'arrêter de trembler. C'était presque terminé. Après cette bataille tout serait fini. Il était à deux doigts de la fin. C'était pour cela que la peur le rongeait. Il voulut crier mais si quelqu'un l'entendait, les Partisans se poseraient des questions sur Apa, ou plutôt Drusila.


Alors que l'après-midi en était à ces dernières heures, Mitor, qui avait décidé de s'occuper à polir son arme, entendit du bruit dans le bureau d'Apa. Lentement, il quitta la chambre et s'approcha du bureau. Il entendit soudain la voix d'Apa, ou Drusila:


-En êtes-vous sûr?!


-Oui, chef! Affirma certainement un soldat des Partisans.


-Très bien. Tu sais ce que tu as à faire. Répondit Drusila.


Mitor entendit la porte d'entrée du bureau claquer et une chaise bouger. Il partit en direction du bureau, estimant la voie libre. Alors qu'il allait atteindre la poignée, la porte s'ouvrit, montrant la silhouette imposante d'Apa.


-C'est l'heure. Annonça enfin Drusila.


Mitor expira tout l'air de ses poumons et se redressa.


-Tu vas garder ce visage? Demanda-t-il.


-Jusqu'à ce que Karak meurt, oui.


Les deux protagonistes sortirent du bureau. Drusila avait elle aussi bien poli son arme et l'armure d'Apa en cuir clouté était assez imposante. Jamais Mitor ne l'avait vu ainsi de son vivant.


-Mitor, tous les Partisans se rassemblent dans la Salle des Torturés. Je dois y aller mais toi, pars dans les couloirs, les salles avoisinantes, les cachots. Tues tous ceux qui se trouvent sur ton chemin. D'ici-là, j'aurais tué Karak. Retrouve-moi ici. Tu as compris.


-Bien. À tout à l'heure.


Mitor partit en direction des couloirs, Drusila s'en allant de l'autre côté. Et dire qu'elle ne lui avait même pas souhaité bonne chance. «Cette fille tient sa mission plus à cœur qu'à moi ou à quiconque» pensa Mitor.


Lorsqu'il atteignit les couloirs, Mitor ne trouva personne. Tous les soldats avaient été appelés dans la Salle des Torturés et Mitor devait tuer les retardataires. Mais à chaque porte ouverte se tenait devant lui une chambre vide. Une autre, puis une autre et encore une autre. Mitor était maintenant persuadé que Drusila l'avait envoyé ici pour l'éloigner du combat le temps qu'elle élimine Karak. Ce n'était pas idiot comme idée, même si Mitor se sentait vexé qu'elle ne lui ait pas dévoilé la raison de cette mission. Mitor continua cependant de fouiller les couloirs. Qui sait, peut-être qu'un soldat trop peureux avait décidé de rester en retrait. Il arriva soudain à sa chambre. Il ne s'en rendit compte qu'une fois dedans, étant donné qu'il ne faisait qu'ouvrir machinalement toutes les portes depuis cinq minutes. Presque rien n'avait changé depuis sa dernière visite. Juste quelques vêtements éparpillés sur le sol, certainement à cause de Drusila cherchant son armure et son arme. Mitor alluma la chandelle près de son lit. Il vit alors le livre sur l'esclavagisme du mestre Raynal. Le premier livre qu'il avait lu en entier. Mitor se souvînt ainsi de son souhait de détruire l'esclavagisme. Il s'était promis de rendre Lys de nouveau libre. Hélas, il ne s'était pas encore bien investi dans ce rêve. Peut-être que cela sera son rôle avant de parcourir le monde, celui de libérer les esclaves de la ville. Mitor se remémora alors ses rêves, dont il avait passé la plupart dans cette chambre. Liés au Dieu R'hllor, ses rêves avaient fini par s'estomper lorsqu'il avait fait la connaissance d'une créature ténébreuse envoyé par le Maître de la Lumière. Drusila avait tué cette créature. Sans conviction, il tenta d'appeler à nouveau la créature.


-Maître de la Lumière, répands ta clarté. Parce que la nuit est sombre et pleine de terreur mais le feu en a raison.


Dans son souvenir, ce sont ces mots qui permettent d'invoquer l'Ombre. Mitor attendit mais rien ne vînt. Il déposa la chandelle sur un meuble, la laissant allumé et s'en alla, fermant la porte sur le côté mystique de son passé dont il avait été victime.


Toutes les chambres avaient été fouillés. Personne ne s'y trouvait. Mitor prit donc la direction des cachots. Là aussi, aucun soldat n'était présent. Toutes les forces sans aucune exception avaient donc été appelé dans la bataille. Mitor tomba sur la cellule où devait sûrement pourrir le cadavre d'Apa. Une envie soudaine de vérifier l'état du cadavre l'envahit. Il mit la main sur la poignée puis se rappela que Drusila avait fermé à clef cette porte. Mitor abaissa tout de même la poignée et fut stupéfait quand, à sa surprise, la porte s'ouvrit. Drusila avait-elle mal fermé la porte? Une puanteur s'insinua alors dans les narines de Mitor qui dût se boucher le nez. Le cadavre d'Apa, sans visage, était bien là. Mitor referma vite la porte afin de pouvoir respirer. Il commença à s'éloigner, serein de voir qu'Apa était bel et bien mort et amusé de voir que même mort, l'ancien chef des Partisans l'énervait encore à cause de sa puanteur.


-Qu'est-ce qui te fait rire?


Mitor s'immobilisa. D'où venait la voix? À qui appartenait-elle? L'écho la déformait et Mitor ne pouvait identifier la personne qui se cachait quelque part, dans ces cachots.


-Tu es pire que ce que j'imaginais.


Devant Mitor, la porte d'une autre cellule s'ouvrit. Lourdement, elle dévoila une longue silhouette, caché dans l'ombre. Les cachots n'avaient aucune fenêtre et les torches y étaient rares. La silhouette commença à marcher et atteignit la lumière d'une des torches. Mitor trembla d'effroi et dégaina sa dague. Il allait finalement devoir affronter lui-même Karak.


-Les Chasseurs nous attaquent. Raconta-t-il. La taverne est devenu un champ de bataille. C'est la panique dans les rues. Mais quand j'ai vu nos renforts d'Astapor arriver à l'horizon, puis attaquer par les Chasseurs de la même ville, je me suis posé des questions. Si des renforts venaient à nous, cela signifie qu'Apa savait que les Chasseurs allaient nous attaquer. Or, il ne nous a pas prévenu. J'ai voulu te voir si tu avais des informations. Dans cette cellule, j'ai alors reconnu la marque des Sans-Visages sur Apa. Es-tu un Sans-Visage, Mitor? Et si ce n'est pas le cas, qui t'as aidé? As-tu tué Apa ou est-ce quelqu'un d'autre?!


Le ton de Karak n'était composé que de colère. Lui aussi avait sorti sa dague et il fixait son adversaire intensément.


-Réponds-moi!


Son cri avait résonné dans tous les cachots et avait sûrement atteint les couloirs des chambres. Mais il n'était pas arrivé jusqu'à la Salle des Torturés. Et quand bien même était-ce le cas, le brouhaha qui s'y trouvait empêchait tout bruit hors de la salle d'y entrer. Là-bas, à la grande surprise des Partisans, des Chasseurs gravissaient la falaise et atteignaient l'Œil de la Liberté. Des corps tombaient du grand balcon et des cadavres commençaient à s'amonceler sur le sol. Tout en haut du QG, la taverne qui servait de couverture aux Partisans étaient ravagés. Ayant l'aspect d'une grande bataille de rue, une multitude de garde de la ville s'était joint à la fête. Cette guerre allait finir par avoir de l'influence sur l'histoire si cette bataille perdurait. Peu de Chasseurs réussissaient pour l'instant à atteindre la Salle des Torturés mais ce n'était qu'une question de temps. Les Chasseurs étaient de plus en plus nombreux à entrer dans la bataille et les Partisans avaient l'impression de voir un gigantesque raz-de-marée à leur porte. Les généraux des Chasseurs étaient éparpillés parmi leurs soldats et leur chef, Méridia, était bien discernable dans cette amas d'ennemis. Plus grande que la majorité de ses soldats, musclée, une épaisse armure de plate verte foncée et un casque assez particulier où une ouverture sur le haut du crâne laissait passer ses cheveux bruns qui prenaient ainsi la forme d'une crête. Son long espadon, déjà trempé de sang, égorgeait quiconque se mettait sur son chemin. Comme l'avait prévu Drusila, elle faisait partis du groupe de front, attaquant à partir de la taverne. Avec elle aux côtés de leurs ennemis, les Partisans se retiraient peu à peu au cœur du QG. La bataille ne semblait pas se dérouler en leur faveur et il fallait à tout prix les piéger dans leur QG, qu'ils connaissaient mieux que leurs adversaires. À quelques kilomètres de la bataille, sur la mer d'été, trois navires de Chasseurs abordèrent les quatre navires des Partisans. Bien que les Partisans d'Astapor étaient plus nombreux que leurs adversaires, les Chasseurs avaient dans leur rangs des archers. L'arc n'était pas une arme courante dans cette guerre et les Partisans furent bien surpris de voir des flèches pleuvoir sur eux.


Dans la Salle des Torturés, Rika avait tôt fait d'enfiler son armure et de se préparer à se battre. Le moment était venu pour elle de laisser place à la vengeance. Lorsqu'elle vit les premiers Chasseurs atteindre l'Œil, elle décida d'emmener avec elle un groupe de Partisans et d'aller les repousser. Sa prouesse au combat surpassait bon nombre de ses camarades et de ses ennemis. Le sang sur son épée coïncidait bien avec sa chevelure rousse et sa dextérité impressionnait tout le monde à ses côtés. Mais certains de ses mouvements étaient maladroits. Quelque chose l'empêchait de mieux se battre: La rage. Elle tenta de se calmer mais il lui était dur de s'y employer, ses ennemis gravissant sans pause la falaise. Tous les Partisans présents dans la Salle des Torturés attendaient les ordres d'Apa qui venait de les rejoindre. Il n'arrêtait pas de répéter de défendre toutes les issues et de demander où était Karak. D'habitude, Apa élaborait une stratégie plus détaillé mais les Partisans obéirent et bloquèrent les escaliers, empêchant les Chasseurs de passer. Drusila tentait du mieux possible de ne pas se trahir mais son plan ne se déroulait pas comme prévu. Certes, les Chasseurs n'avaient pas changés leur plan mais Karak avait disparu et la majorité des Partisans restaient sans rien faire, ne pouvant pas tous d'un coup emprunter les escaliers montant à la taverne. Drusila annula alors son ordre de bloquer les issues et ordonna de se regrouper au centre de la pièce. Les Chasseurs réussirent alors à atteindre la Salle des Torturés. La plus grande partie d'entre eux étaient entrés. Ils se stoppèrent, rugissant sur leurs adversaires, à l'autre bout de la pièce. D'en haut, Rika voyait deux tas d'humains prêts à se foncer dedans. Méridia entra à son tour dans la salle et hurla:


-CHARGEZ!!!!


Drusila répéta la même chose aux Partisans, espérant que les deux camps soient assez bien occupés à s'entre-tuer, le temps qu'elle cherche Karak, sans savoir que quelqu'un l'avait déjà trouvé. Dans le couloir du cachot, Mitor lui faisait face. Les deux anciens amis se fixaient, prêts à bondir l'un sur l'autre. Mitor souffla pour se calmer. Il en avait marre de trembler et lutta pour retrouver son sang-froid. Il se remémora les conseils de Karak lors d'un de leurs entraînements. Il lui avait conseillé de profiter de sa petite taille et de sa légèreté pour être plus rapide que son ennemi. Cependant, Mitor avait déjà été témoin de la façon de combattre de Karak. Malgré son âge, il était lui aussi très rapide et indéniablement plus fort que lui. Mitor tenta d'élaborer une stratégie mais il n'en concocta aucune. Rien ne lui venait.


-Tu ne me réponds donc pas? Je n'aurais aucune retenue, je te préviens. Annonça Karak. J'en ai marre de voir ton visage, Mitor. Meurs, sale traître!


Karak accourut vers Mitor, dague levée. Ce dernier se prépara à parer, prêt à se battre de son mieux, pour sa survie, celle de Rika et la fin de la guerre.

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