Rhaegar le Dernier Dragon

Chapitre 5 : Elia Martell

2712 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 03:11

Sans les deux années qu’elle avait passées à Dorne, Elia aux cheveux noirs, n’aurait pas su à quel point la vie pouvait être ennuyeuse. Elle y réfléchissait, debout sur le navire qui la transportait de Dorne à Peyredragon. Enfant, elle ne s’était jamais ennuyée. Elle jouait dans les Jardins Aquatiques du splendide palais de sa famille, où elle nageait et courait dans les vergers à l’ombre des palmiers. Sa vie était alors sans souci.

La traversée s’était déroulée sans encombre et le navire se rangea sans heurt le long du quai sous l’impulsion des trois rangs de rameurs travaillant à contresens. Les marins jetèrent des cordes aux hommes qui attendaient à terre et le vaisseau fut rapidement amarré.

Suivi d’Ashara Dayne et de sa suite, Elia Martell descendit par la passerelle. Un chevalier en armure blanche s’approcha d’eux et les salua bien bas.

— Bienvenue à Peyredragon, princesse Elia. Je suis Barristan Selmy de la Garde Royale.

— Barristan le Hardi, dit Elia en souriant, votre réputation vous précède, chevalier.

Le sourire d’Elia fit rougir le garde qui balbutia timidement :

— Un festin sera donné en votre honneur ce soir même, et vous pourrez visiter dès demain l’ile des dragons.

— Merci, ser Barristan. C’est pour moi un honneur et un privilège d’être accueillie par tant de grâce et de noblesse.

Elle lança un regard circulaire puis regarda le chevalier en fronçant les sourcils.

— Où sont nos chevaux ?

Barristan la dévisagea, abasourdi.

— Il y a une calèche qui vous attend, princesse et…

— Non ser Barristan, Ashara et moi aimerions rejoindre le château à dos de cheval, répliqua Elia avec son sourire enjôleur.

— Très bien, concéda Barristan en s’inclinant. Je vais vous trouver des chevaux. Suivez-moi je vous prie.

— Merci à vous, preux chevalier.

À sa suite, la princesse et ses dames traversèrent le port encombré jusqu’à un lieu où une calèche et une escorte les attendaient. Barristan Selmy parla avec l’un des gardes et celui-ci disparut pour revenir avec deux étalons blancs. Elia s’approcha de l’un d’eux et l’examina d’un œil critique. L’animal était agréable à regarder, mais son poitrail manquait de largeur, ce qui dénotait une force et une endurance limitées. Haussant les épaules, elle fit signe à ses dames de compagnie, et celles-ci prirent place dans la calèche tandis qu’elle et Ashara montaient à cheval.

Dans les champs, d’autres équidés paissaient tranquillement. Leurs jambes étaient arquées et ils avaient le dos incurvé. Nul doute qu’ils auraient fait de bien piètres montures.

— Pourquoi élever de telles carnes ? demanda Elia en cachant difficilement son dégoût.

— Pour tirer les chariots, sans doute, lui répondit Ashara. Les habitants de cette île ne se déplacent manifestement pas à cheval.

La princesse sentit son irritation grandir ; rien ne pouvait davantage offenser un Dornien qu’un manque d’intérêt pour l’équitation.

Barristan Selmy de son côté essayait de fixer son regard devant lui. Mais ses yeux revenaient inexorablement se poser sur les jambes nues de la princesse et sur le mouvement chaloupé de ses hanches, qui lui procurait une sorte de vertige. La promise du prince Rhaegar était d’une beauté divine.

Elle avait à peine passé le cap de l’adolescence ; sa taille était mince, ses seins menus et ronds. Elle avait des cheveux noirs lustrés et deux émeraudes en guise d’yeux. Le cœur du jeune homme se mit à battre la chamade face à tant de beauté. Il essaya toutefois de se donner une contenance : il se savait observé par ses hommes.

Elia retrouva sa bonne humeur une fois arrivée au palais de Peyredragon. Comme elle l’avait imaginé, le somptueux édifice paraissait sculpté à même la roche. Trois enceintes l'enveloppaient. Les murailles extérieures étaient percées de deux vantaux cloutés de fer dominant la petite ville et le port.

Une enceinte médiane fermait la lice de ses portes de fer noir, tandis que l’enceinte intérieure enfermait le donjon central. Adossées à ces murs, veillaient mille gargouilles aux traits de cerbères, de vouivres, de manticores, de griffons, tous plus effrayants les uns que les autres.  

Une fois tous arrivés aux portes de la citadelle, elles furent accueillies par trois belles jeunes servantes vêtues de robes jaunes et vertes. Elia sauta à terre imitée par Ashara qui ne cessait de contempler Barristan avec des yeux limpides. Elle lui sourit avant de rejoindre les autres dames de compagnie d’Elia qui furent conduites à des appartements somptueux, ornés de divans couverts de soie et de tentures agrémentées de fil d’or.

« S’il vous manque quoi que ce soit, il vous suffit de demander, princesse, fit une jeune servante aux cheveux de jais.

— Que veux-tu exactement dire par « quoi que ce soit » ?  s’enquit-elle en lui passant le bras autour de la taille.

En guise de réponse, la servante glissa la main sous le chiton d’Elia et lui caressa l’intérieur de la cuisse.

« Ce que vous voulez » insista-t-elle en lui pressant la cuisse d'un geste vif.

Ashara Dayne secoua la tête et tira les rideaux pour contempler les prés et les champs. Fatiguée comme elle l’était, elle aspirait juste à un bon bain. Elle jura à mi-voix en les entendant glousser dans son dos.

— Qu’est ce qui ne va pas, ma douce ? lui demanda Elia.

Ashara se retourna ; les servantes s’étaient retirées.

— Vous devriez arrêter ces jeux, princesse, l’admonesta Ashara. Vous n’êtes plus à Lancehélion.

— La vie est un jeu, fit Elia en lui caressant le visage. Et j’ai bien vu comment tu regardais ser Barristan, tu vas finir par me rendre jalouse.

— Je… je ne regardais pas ser Barristan, protesta-t-elle gênée.

— Et moi je ne vais pas épouser le prince Rhaegar ! s’exclama Elia en riant. On dit ser Barristan aussi redoutable que ton frère, tu crois que je devrais le défier pour voir si c’est vrai ?

— C’est Barristan Selmy qui a tué Maelys le Monstrueux, et sans oublier le chevalier Badin.

— Le chevalier Badin a été transpercé par l’Epée du Matin, ma douce. A défendre ton nouveau soupirant tu vas vraiment me rendre jalouse, pour toi, je me battrais bec et ongles avec lui, la poitrine à découvert et la pertuisane à mon côté.

— Vous voulez dire que ce mariage ne vous plait pas ?

— Voyons voir… dit Elia en réfléchissant avec un sérieux feint. À Westeros, je deviendrais une génisse reproductrice. Couchée sur un grand lit, les jambes écartées, prête à recevoir la semence d’un homme grognant et suant. J’enflerai comme un cochon, puis hurlerai quand le bébé s’arrachera de mon ventre. Et tout ça pourquoi ? Pour satisfaire l’alliance de mon frère Doran et d’Aerys le roi fou, cela répond à ta question ?

— Pourtant on dit que le prince Rhaegar est un homme de valeur, intervint l’une des dames de compagnie.

— Ce qui signifie sans doute qu’il boit du vin jusqu’à rouler sous la table, qu’il rote pendant les repas et ne pense qu’à la guerre et à la gloire. Que les Sept nous protègent des « hommes de valeur » !

Les femmes éclatèrent de rire, même Ashara ne pouvait s’empêcher de glousser. Elia avait ce don naturel de prendre tout à la légère, même son mariage avec le prince de Peyredragon, Aerys le Fol était un monstre, ça tout le monde s’accordait sur ce point, et les monstres engendreraient des monstres, son fils Rhaegar avait une sinistre réputation. On racontait qu’il aimait se baigner dans le sang de ses ennemis, et qu’il avait pour amante une sorcière d’Asshaï-lès-l'Ombre. Ashara se souvenait de la réaction de son amie lorsque Doran Martell lui avait annoncé qu’elle allait épouser le fils d’Aerys : le soir venu, elles avaient fait l’amour avec passion, et Elia s’était montrée plus ardente que jamais. Mais peu importait, elle ne laisserait jamais son amie et amante toute seule sur cette île.           

Durant l’après midi, Elia avait ri et plaisanté avec Ashara. La princesse avait essayé plusieurs chapeaux et différents vêtements que des ambassadeurs de la baie des Serfs avaient lui avaient offerts… Pour la plupart, ils étaient ridicules, montrant le degré de stupidité de ces peuplades primitives issues d’autres nations… Un chapeau en bois ghiscari, avec un voile complet si épais que toute femme le portant serait à moitié aveuglée, un grand chapeau meereenien conique composé d’anneaux d’argent martelé, qui tenait en équilibre sur le haut du crâne grâce à des lanières passant sous le menton… Hurlant de rire, Les deux jeunes dorniennes firent les folles dans tout l’appartement. À un moment, la princesse revêtit une robe lysienne en lin épais, rebrodée de fil d’or, et coupée de façon à laisser les seins nus. Un corset en os, cintré à la taille, mettait en valeur les courbes sensuelles de celle qui le portait.

— C’est la robe la plus inconfortable que j’ai jamais portée ! lança Elia en rejetant les épaules en arrière, les seins insolemment dressés.

À cet instant, la bonne humeur d’Ashara commença à s’évaporer. Campée devant elle dans une robe absurde, Elia aux cheveux noirs ressemblait à une déesse et, l’idée qu’un homme allait coller son corps poilus et visqueux contre cette peau lisse et parfaite l’emplit de dégout.

Plus jamais la princesse ne chevaucherait à cru sur les sables du désert, ou ne danserait pendant les fêtes religieuses. Plus jamais elle ne banderait son arc et ne regarderait la flèche filer vers la cible. Elle ne se baignerait plus nue dans la mer autour de la baie, la nuit. Plus jamais elle ne connaîtrait l’étreinte passionnée d’Ashara, ou ne goûterait le vin sur les lèvres de son amante.

Elle regarda son amie qui enleva la robe avant de sortir nue sur le balcon, où elle inspira à fond l’air frais et vif.

— Tu devrais rentrer. Quelqu’un pourrait te voir.

Elia se retourna et regarda Ashara dans les yeux.

— Et que verrait-il ? demanda-t-elle à son amie rougissante.

— Que tu es très belle, murmura-t-elle.

Elia éclata de rire.

— J’adore te voir rougir.

Elle attira Ashara contre elle et l’embrassa. La jeune femme ouvrit la bouche et le baiser fut profond.

Puis quelqu’un tambourina à la porte.

L’une des dames l’aida à revêtir sa longue robe jaune, puis elle courut ouvrir et recula, inclinant la tête.

Un vieil homme au regard sévère venait d’entrer. Il considéra un moment la princesse d’un œil sévère avant de déclarer froidement :

— Je m’appelle Marcus et je suis le chambellan de Peyredragon. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, faites-le-moi savoir.

— Le prince Rhaegar est au palais ? demanda Elia.

— Le prince est parti en voyage d’affaires aux cités libres, il sera de retour demain.

— Un voyage d’affaires vous dites ? releva Elia intriguée.

— En effet madame, il fait du commerce et gagne honnêtement sa vie comme un homme vrai devrait le faire.

Au ton de sa voix, Elia avait l’impression que le chambellan la défiait, le vieil homme devait être proche de son prince.

— Parle-moi de Rhaegar, lui demanda-elle. Il y a tant de choses que j’ignore à son sujet. Est-il gentil envers ses serviteurs ? A-t-il des maîtresses ?

Marcus fronça les sourcils puis répondit d’une voix puissante :

— Il n’a qu’une seule maîtresse, et elle s’appelle Serala d’Asshaï, une brave fille. Oui il est bon avec tout le monde et… il ne s’enivre pas, et il rote seulement par politesse. Quant à la guerre, je n’ai jamais connu un homme qui l’apprécie moins – ni qui la fasse mieux. S’il ne tenait qu’à lui, le prince resterait dans son commerce de vin et d’épices et n’irait jamais au combat.

— Tu l’aimes bien.

— Oui, madame. Dans un monde violent, il est comme le matin calme après une tempête. Il fera tout ce qu’il pourra pour vous rendre heureuse.

— Mon bonheur ne dépend pas des autres. Je serai heureuse, ou je ne le serai pas, mais aucun homme ne me fournira ce bonheur, ou ne m’en privera.

Marcus la regarda avec dédain puis ajouta :

— La reine Rhaela désire vous voir, j’espère qu’elle au moins supportera votre sale caractère.

Elia ouvrit grand les yeux de stupeur, puis éclata de rire à la surprise de ces dames, et d’Ashara surtout. Personne n’aurait osé lui parler sur ce ton à Dorne.

— Merci Marcus.

Après son départ, elle se tourna vers ses dames en souriant.

— Je crois que je l’aime bien.

 

 

 

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