Rhaegar le Dernier Dragon

Chapitre 7 : Jon Reinhard

4692 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:24

Deuxième partie

CHAPITRE 7 : Jon Reinhard

 

 

« Cet homme ! Ne t’approche pas de lui ! » Ganelon lança un regard mauvais au jeune étranger en face de lui et but abondamment à la chope de bière que l’autre lui avait offerte. Pour l’heure, il ne ressentait que mépris envers ce jeune homme prodigue qui était venu le chercher ici, dans la taverne de l’honnête Sam…

Ganelon – que beaucoup appelaient Ganelon l’Assassin – était d’humeur exécrable. Plus tôt dans la soirée, une mauvaise passe aux dés, subite et importune (d’une importunité suspecte, trouvait-il), l’avait dépouillé d’une confortable pile de gains, et de toute sa monnaie disponible par-dessus le marché. La serveuse en adoration, qui, de ses doigts enjôleurs, caressait ses muscles élancés sous son gilet de cuir, était brusquement devenue froide et distante, et l’avait abandonné avec un air méprisant. Sans doute déçue dans ses véritables attentes, songeait Ganelon avec amertume.

Et voilà que cet étranger était arrivé, avec ses façons de la haute société qui tranchaient de façon douteuse avec la rude tenue qu’il arborait. L’homme s’était simplement présenté sous le nom d’Eumolpos, sans avancer d’autres informations que des banalités soigneusement sélectionnées. En apparence, c’était un philanthrope qui se dédiait uniquement à la tâche de garder la chope de Ganelon pleine à ras bord de bière forte. Sceptique, Ganelon décida de laisser cet imbécile jeter son argent par les fenêtres. L’assassin n’était pas homme à s’enivrer aisément. Tôt ou tard, Ganelon le savait, l’autre commencerait, sur un ton très détaché, infiniment négligent, à parler d’un de ses rivaux, une ordure au cœur noir – quelqu’un dont Eumolpos paierait le trépas.

Notre homme était en train de calculer en professionnel quelle somme exacte Eumolpos pourrait lui verser, quand ce dernier avait abruptement réduit à néant tous les calculs de l’assassin. Insensiblement, la conversation avait dérivé vers l’homme dont les autorités de Braavos demandaient la mort dans de si ferventes prières. Avec un sursaut, Ganelon comprit que l’étranger cherchait des informations sur Jon Reinhard.

— Je veux juste rencontrer l’homme en question ! s’exclama Eumolpos, je ne me soucie pas de sa personnalité. Et puis, je n’écume pas les bas-fonds de Braavos pour recruter un trésorier de la chambre. Je voudrais simplement discuter avec lui, c’est tout, et on m’a dit que tu pouvais m’apprendre comment le joindre.

L’étranger avait l’accent du sud, avec un roulement de r qui témoignait d’une origine dans le Pays de Ghis.

— Il y a quelqu’un qui parle trop, à mon goût. Foutrement trop ! Qui t’a raconté que je savais où le trouver ?

— Il m’a demandé de ne pas donner son nom, répliqua Eumolpos froidement.

— Tu vas me donner le nom du salopard à la langue trop longue qui t’a envoyé à moi… sinon, va donc chercher l’autre en Enfer, où il aurait bougrement sa place ! Avec une telle prime sur la tête de Reinhard, les hommes qui ne vendraient pas leur âme pour une chance de le dénoncer ne sont pas plus d’une poignée dans tout Braavos.

 

Eumolpos resta un moment plongé dans des spéculations muettes en ignorant la colère qui couvait sur le visage hâlé de l’assassin. L’homme se montrait plus difficile, plus dangereux qu’il ne l’avait jugé au premier abord, et il ne savait pas bien jusqu’à quel point il pouvait mêler Ganelon à sa mission. Pour le moment au moins, il savait qu’il devait s’en remettre à l’assassin. De la diplomatie, donc. Apaiser ses soupçons, mais sans rien lui dire d’important.

— En ce cas, c’est Omri qui m’a envoyé vers toi, déclara l’étranger, souriant devant la réaction de surprise de Ganelon en entendant le nom du Prêtre Rouge.

 

L’opinion qu’avait Ganelon du Ghiscari subit une transformation radicale. Il avait vaguement pris l’étranger pour un chasseur de primes, et cherchait un coin retiré pour lui donner un coup de couteau – mais qu’il connût les liens entre le Prêtre Rouge et l’homme qu’il recherchait, voilà qui parlait avec éloquence en sa faveur. Omri avait protégé ce secret avec sa méticulosité caractéristique. Peut-être, en ce cas, l’homme avait-il d’une façon inexplicable obtenu la confiance d’Omri ? Le risque pouvait en valoir la chandelle.

— Est-ce que tu as, disons, vingt-cinq marcs d'or ? demanda Ganelon d’un ton nonchalant.

— Je peux les trouver, répliqua Eumolpos d’un ton hésitant.

— Très bien. En ce cas, apporte-moi ça ici dans deux nuits. Je m’arrangerai pour que tu rencontres Reinhard.

— Pourquoi pas ce soir ? insista Eumolpos.

— Aucune chance, mon gars. De toute façon, je pense que je vais procéder à quelques vérifications sur ton compte avant qu’on aille où que ce soit.

— C’est correct, marché conclu alors ?

— C’est à Reinhard de conclure des marchés, répliqua Ganelon froidement, moi je ne fais qu’exécuter ses ordres.

 

 

Situées au sud Braavos, les falaises dans les collines en retrait d’Andalos étaient couvertes d’une forêt clairsemée, et couturées de grands promontoires et de canyons, où jadis des torrents de montagne avaient éventré la roche tendre. Ces escarpements de roc se dressaient en infinie profusion, certaines s’élevant à plusieurs dizaines de mètres au-dessus des vallées. A l’est de la cité, se trouvait la terrifiante baie de Lorath, porte d’entrée des collines de Norvos, mais aussi porte de sortie vers la mer Grelotte. En maints endroits, ces même falaises derrière Braavos avaient été criblées de tombes. Le développement relativement récent du culte de R'hllor avait institué l’usage de crémation mortuaire. Par conséquent, ces tombes étaient abandonnées depuis plus d’un siècle, désormais, et les sentiers qui y menaient n’étaient plus gardés par des sentinelles humaines depuis presque aussi longtemps.

C’était le long de ces pistes tortueuses qui gravissaient les falaises que deux hommes cheminaient laborieusement par une nuit d’orage. A intervalles fréquents, la foudre brisait à intervalles fréquents l’obscurité absolue de la nuit, illuminant de son éclat le sentier rocheux, verni de pluie, qu’ils suivaient sur une piste d’escarpement. Ses éclairs imprévisibles montraient bien mieux la piste que la pauvre flamme de la lanterne sourde que tenait Ganelon.

Eumolpos grommela avec sauvagerie et se concentra pour demeurer sur le sentier. Un faux pas sur les rochers détrempés signifierait une mort certaine dans les éboulis à la base des escarpements. Quelque part dans les ténèbres au-dessous, il entendait confusément le rugissement éclater.

— Tu n’aurais pas pu t’arranger pour que Reinhard me rencontre quelque part au sec ? gronda-t-il.

L’assassin sourit amusé et répondit en haussant les épaules :

— La nuit sert nos projets, en fait – l’orage devrait nous fournir une protection contre un suiveur éventuel. De toute façon, tu sais très bien que Reinhard ne pourrait montrer son visage nulle part à Essos, avec la récompense qu’on offre pour sa tête. Et même sans ça, il n’est pas du genre à accourir au trot pour n’importe qui, à moins que ça n’en vaille bougrement la peine.

Il ajouta sur un ton lourd de sous-entendus :

— Tu ne m’as toujours pas dit pour quelle raison tu tenais à rencontrer Reinhard, tu sais.

— C’est réservé aux oreilles de Reinhard, rétorqua Eumolpos.

— Mouais. Je m’en voudrais de gâcher des secrets exceptionnels.

Mais le Ghiscari préféra l’ignorer et s’enfonça dans le silence pour le reste de l’ascension.

 

Des orifices sombres se dressaient maintenant sur la face de la muraille de pierre à leur droite. C’étaient les gueules de cavernes abandonnées, des passages taillés à la main, excavés dans la roche friable par des esclaves depuis longtemps aussi morts que leurs maîtres. Ces ouvertures silencieuses étaient plus qu’assez hautes pour permettre à un homme de grande taille d’entrer, et il apparaissait, à la lueur des éclairs, que les cryptes étaient considérablement plus spacieuses à l’intérieur. Des portes jadis robustes interdisaient autrefois l’accès aux tombes, mais toutes semblaient avoir été forcées à un moment ou à un autre, au long des ans.

Quelques-uns des vantaux les plus solides béaient sur des gonds grippés, mais la plupart avaient entièrement disparu ou pendaient à des angles incongrus – vestiges brisés de madriers pourris et de métal corrodé.

— Les anciennes mines de fer, expliqua Ganelon. C’est ici que les esclaves crevaient par milliers à l’époque de l’empire Valyrien, et c’est de là qu’ils se sont révoltés.

— C’est ici ? demanda Eumolpos horrifié.

— Ouais, je crois, répondit Ganelon en entrant le premier. 

Eumolpos le suivit en jetant des regards inquiets par-dessus son épaule. Un double rideau de peau tannée était accroché en travers du passage juste après le coude qu’il formait. On l’avait installé là pour couper le courant d’air glacé venu du dehors – et pour masquer la lueur de la lanterne à l’intérieur. Car, lorsqu’il passa le rideau, Eumolpos vit que quelqu’un avait récemment meublé la salle pour y habiter.

C’était ici, dans cette antique mine de fer hantée par les ombres, que Reinhard avait établi son repaire.

— Eh bien, où est-il ? demanda Eumolpos avec brusquerie.

Il était impatient de passer à ses affaires et de se libérer ainsi des obscures craintes à demi formulées qui l’assaillaient depuis qu’il avait pénétré dans la région des mines.

— Il arrivera à son heure. Au moins, il sait qu’on vient ce soir, assura Ganelon, en s’appropriant le seul siège de la salle.

Maudissant l’insolence de l’assassin, Eumolpos fouilla des yeux la pièce, en quête d’un autre siège. Il n’y en avait pas. Toutefois, la chambre était étonnamment bien garnie, surtout quand on prenait en compte les difficultés, et le danger d’être repéré, qu’impliquait le transport dans ces mines de quoi que ce soit. Dans un coin, sur le sol, se trouvait un bon lit, constitué par plusieurs grandes fourrures et un matelas. Pour accompagner la chaise, une table avec deux lampes, plusieurs bouteilles, de quoi manger et – plus étonnant que tout – nombre de livres, de rouleaux, et du matériel d’écriture. Disséminés sur le sol et dans des niches vidées se trouvaient d’autres objets – des cruches d’huile, une arbalète et plusieurs carquois de carreaux, divers ustensiles, encore de la nourriture, une épée et un assortiment de poignards, de bagues et d’autres objets en métal assez anciens. Il y avait une couche de cendres encore chaudes à l’endroit où Jon Reinhard avait pris le risque de dresser de petits feux de cuisine.

Le fracas de l’orage au-dehors, couplé à cet environnement inhabituel, augmentait sans cesse la nervosité d’Eumolpos. Pour tromper son ennui, il examina les livres entreposés sur la table. Il en feuilleta plusieurs et hocha la tête avec admiration. Le peu d’informations qu’il avait amassées donnaient à Reinhard la réputation d’un rude et habile guerrier – une personnalité violente, selon toutes les descriptions. L’expérience enseignait à Eumolpos qu’un tel homme méprisait d’ordinaire tout ce qui touchait aux arts.

— Que puis-je pour vous monsieur ?

Eumolpos sursauta et se retourna brusquement. Devant l’entrée, se tenait un homme de grande taille enveloppé d’une cape qui le fixait avec des yeux étranges – il ne l’avait pas entendu arriver. Les paroles de Ganelon lors de leur première rencontre passèrent dans la tête d’Eumolpos : va donc chercher l’autre en enfer ! En vérité, cette scène de cauchemar aurait pu être légitimement l’apparition d’un démon.

— Vous êtes Jon Reinhard ? demanda Eumolpos nerveusement.

Sans répondre à sa question, Reinhard se débarrassa de sa cape détrempée et s’ébroua pour faire couler un flot d’eau de son corps souple et musclé. Il se versa une pleine coupe de vin d’été, la vida et se mit à en verser une autre. Et Eumolpos put l’observer pour la première fois.

C’était un homme de grande taille, au teint légèrement brun, sûrement né d’un père Dothraki et d’une mère originaire de la mer de Jade, ce qui expliquait ses traits fins et sa voix dénuée d’accent, Il avait même des mains qu’on aurait pu qualifier de mains d’artiste. Eumolpos avait déjà vu ce genre de mains sur un étrangleur notoire dont il avait suivi l’exécution. Par un raffinement supplémentaire de la loi ghiscarie, on avait exposé les mains tranchées à côté de la tête fichée au bout d’une pique, sur la place de justice de la cité de Ghis.

Reinhard perçut l’examen d’Eumolpos et braqua soudain son regard dans le sien. La sensation glaciale qui avait palpité en Eumolpos durant la décharge de foudre réapparut abruptement. Les yeux de Jon Reinhard ressemblaient à deux puits sans fond. En eux, se trouvait une noirceur froide mortelle. C’étaient les yeux d’un assassin forcené. 

— Asseyez-vous et prenez du vin, Eumolpos. C’est excellent pour chasser l’humidité de ses entrailles.

Sans savoir comment et pourquoi, il accepta un verre de vin d’été, et apprécia sa saveur douce et fruitée. Avec du bois sec, Ganelon obtint bientôt une flambée. Le plus gros de la fumée était aspiré à l’extérieur par les bourrasques de l’orage, et l’atmosphère n’était pas trop désagréable. Les flammes éclairèrent enfin la crypte convenablement.

— Eh bien, Eumolpos, quelles affaires avez-vous qui me concernent ?

Reinhard s’était assis en face et l’observait avec attention.

— Car voyez-vous, votre arrivée ici nous a placés, Ganelon et moi-même, quelque peu en dangereuse posture.

Reinhard déposa une bague en améthyste sur la table, Eumolpos l’examina intrigué puis sentit une peur glacée s’emparer de lui, reconnaissant le bijou, alors il trembla comme une feuille et se maudit d’avoir accepté cette mission terrible.

— Vous reconnaissez ce bijou, Eumolpos ? demanda Reinhard d’une voix si douce qu’elle l’effraya d’avantage. Je suis prêt à parier que vous vous dites que cette bague était au doigt de quelqu’un de votre connaissance. Disons, par exemple, la solide crapule qui vous suivait discrètement vous et Ganelon.

Avant qu’Eumolpos ne réagisse, un bras l’encercla en un éclair et la pointe d’un poignard vint douloureusement chatouiller la chair de sa gorge. Ganelon ! Il avait oublié l’assassin.

— C’n’est pas gentil de me faire passer pour un naïf, mon gars, déclara Ganelon froidement, je pourrais enfoncer cette lame dans ta gorge.

Reinhard secoua la tête et se remit debout.

— Peut-être plus tard. Mais laisse-le donc respirer pour l’instant. À l’évidence, il n’y avait qu’un homme sur vos traces, et je l’attendais. Je crois qu’Eumolpos va parler librement, maintenant.

Ses yeux le retinrent dans leur fixité mortelle, flambant clair de colère, à présent. Ce dernier sut qu’il était très près de mourir.

— Qui était-ce ? Pourquoi vous suivait-il ?

Reinhard ne s’encombra pas d’ajouter une mise en garde contre le mensonge, et Eumolpos en aurait probablement été incapable – captivé par l’étreinte froide de ces yeux.

— C’était mon garde du corps. J’ai écumé les bas-fonds de Braavos pour essayer de vous trouver, et j’ai jugé nécessaire qu’il m’accompagne en secret, à distance. Ce soir, je lui avais donné l’ordre de me suivre quand je suis parti avec Ganelon.

— Et tu avais raison, car Ganelon t’aurait tué sans remords pour s’emparer de tous les objets de valeur que tu pouvais transporter – si je ne lui avais pas dit de t’amener ici. Mais le fait que tu viennes seul était un risque ; que tu viennes avec une escorte, un pire encore. Cela dit, je n’ai pas découvert de signe qu’on ait suivi ton ami. Quoi qu’il en soit, j’ai été obligé d’attendre encore un peu sous la pluie après m’être occupé de lui, pour être certain qu’on ne le suivait pas, également. J’attendais dehors, dans les rochers près du sentier. Je vous ai vus passer, Ganelon et toi, et ensuite j’ai rencontré ton ami.

En jetant la bague, Reinhard remplit un autre verre puis fit signe à l’assassin de relâcher le Ghiscari.

— Encore une fois. Quelle affaire t’amène ?

— J’ai été envoyé ici par quelqu’un qui désire vos services… et qui est disposé à les payer royalement.

— Vraiment ? C’est un peu vague, mais cela sonne bien. Sois plus précis, cependant. Sous quelle forme ?

— La richesse, le pouvoir, une position – un royaume, peut-être.

— Là, tu commences à m’intéresser. Voyons voir les détails. En particulier ce qui concerne mes services, comme tu dis.

— Certainement. Mais tout d’abord, que savez-vous du conflit actuel entre Myr et Tyrosh ?

— Les deux cités s’apprêtent à entrer en guerre, l’une d’elle a fait appel à la Compagnie Dorée.

— Et l’autre aux Joyeux Compagnons, renchérit Ganelon.

— Je suis envoyé par le haut dignitaire Milo, gouverneur de Tyrosh.

— L’eunuque, confirma Reinhard gravement. Intéressant, pourquoi il veut embraser les Terres Disputées ?

— C'est pour faire renaître la Triarchie, puis conquérir Essos et ensuite Westeros.

Reinhard observa le vide un moment, la Triarchie, également nommé Le Royaume des Trois Filles, était le nom donné à une alliance entre Lys, Myr et Tyrosh . Le royaume en question était dirigé, non par un monarque, mais par un conseil de trente-trois magistrats.

Après s'être alliées une première fois contre Volantis lors de la bataille des Confins, les trois cités de Lys, Myr et Tyrosh, désormais libres, s’étaient alliées officiellement pour lutter contre les pirates des Degrés de Pierre en fondant la Triarchie. Mais après ses faciles victoires lui assurant le contrôle du détroit, la Triarchie avait instauré un péage de plus en plus coûteux, et était devenue de plus en plus menaçante envers les côtes de Westeros, ce qui avait obligé le roi Viserys I Targaryen à envoyer, en l'an 106 après la conquête, son frère Daemon Targaryen et la flotte de Corlys Velaryon combattre dans les Degrés de Pierre.

La Triarchie ayant subi de lourdes défaites, Daemon s’était proclamé « roi du Détroit » en l'an 109. Mais, un an plus tard, une alliance avec Dorne (pas encore annexé aux Sept Couronnes) avait permis aux Trois Filles de rétablir l'équilibre des combats. L'affrontement dura jusqu'à la Danse des Dragons lorsque lord Otto Hightower, Main du roi Aegon II Targaryen, profitant de cet état de guerre persistant, avait conclu un accord à Tyrosh avec les Trois Filles, se traduisant par l'envoi d'une flotte de quatre-vingt-dix navires pour contrer l'avantage maritime des Velaryon, partisans de la princesse Rhaenyra Targaryen. Mais cette flotte s'était trouvée en grande partie anéantie lors de la bataille du Gosier. Le Royaume des Trois Filles avait disparu définitivement lorsque Braavos, Pentos et Lorath lui avaient porté le coup de grâce.

— En conclusion, reprit Eumolpos, Milo vous fait la proposition suivante : prenez la tête de ses forces navales et, quand nous aurons remporté la victoire, vous recevrez en récompense le royaume de votre choix.

Il y eut un silence. Reinhard sirota son vin et médita l’offre d’Eumolpos avec gravité. Finalement il se tourna vers et lui pour déclarer :

— Il faudra que j’examine les dispositions de ton eunuque avant de décider de façon catégorique. Même si je sens que tu ne me dis pas tout, ton Haut Dignitaire ne manque pas d’ambition, Essos puis Westeros, ce sont de gros morceaux, et il faudrait plus qu’une Triarchie pour conquérir deux continents. Sans oublier la Compagnie Dorée qui est déjà sur le pied de guerre aux cotés de Myr.

— Le Haut Dignitaire Milo à déjà acheté Xhobar Qhoqua qui est aux commandes de la Compagnie, Myr tombera rapidement, et il a propagé aussi de fausses rumeurs d’un éventuel survivant Feunoyr pour tromper les réseaux espions des Sept Couronnes. La Fraternité Tourmaline et la Guilde des Épiciers nous ont déjà prêté serment d’allégeance. Croyez-moi maître Reinhard, nous réussirons là ou les rébellions Feunoyr ont échoué.

Peu de choses pouvaient surprendre Jon Reinhard, et il sentait bien que l’envoyé de l’eunuque lui cachait quelque chose. Ce n’était pas Milo qui tirait les ficelles, mais bien quelqu’un d’autre, et il avait l’intention de le découvrir.

— J’accepte de rencontrer ton haut dignitaire. Nous avons un petit vaisseau, rapide et bien équipé, dissimulé dans une crique sur la baie de Lorath, à une cinquantaine de kilomètres d’ici. Si nous l’atteignons, je pense que nous pouvons esquiver ou affronter n’importe quel blocus, ces Braaviens n’ont jamais valu grand-chose, sur les mers. Tu viens avec nous Ganelon ? ajouta-t-il en regardant son comparse.

 — Et comment ! répondit l’assassin. Les complots à grande échelle c’est excitant, et puis je meurs d’envie de rencontrer ce Renard sans Queue.

« Renard sans Queue », jamais aucun surnom n’avait mieux été mérité. Et Jon aussi mourrait d’envie de rencontrer 

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