Survivre à Gantz

Chapitre 17 : Mésententes

4866 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 14/07/2021 15:02

- La prochaine fois, tu nous présenteras ta nouvelle chérie.

- Oui maman, avec plaisir.

- Fais attention sur la route.

- Oui papa, à fond comme d'habitude, et sans les mains.


J'embrassais mes parents, puis ma petite sœur, avant de les saluer de la main tandis que je retournais vers ma voiture. Comme prévu, je leur avais rendu visite, et je réalisais au moment de mon arrivée que je ne l'avais pas fait depuis longtemps. Les premières minutes je m'étais senti très mal à l'aise, comme un fils ingrat. Je n'avais pas vraiment donné de nouvelles depuis un moment et je n'étais pas rentré à la maison depuis le dernier Noël...et nous étions à la mi avril. Mais mes parents avaient le chic pour rapidement me mettre à l'aise. Ce fut un week-end simple, empli de discussions et de rattrapage de temps perdu. Je leur racontais mes divers efforts pour remettre plusieurs éléments de ma vie dans le droit chemin, je riais avec ma sœur et m'énervais avec elle sur un jeu vidéo que nous n'arrivions pas à finir en jouant en coop. Ma mère me trouva une meilleure mine et s'étonna même de me voir prendre du muscle. Je n'avais rien de la tige, mais je n'avais jamais été un grand sportif. Elle se montra aussi curieuse de l'avancement de mes études, et, si elle était heureuse pour moi d'avoir rencontré Mélanie, elle espérait que cette relation n'entacherait pas la suite de mon cursus. Mon père eut des sujets tout autre, me demandant même des conseils pour arrêter de fumer, et me parla de la ville où j'étudiais. Il voulut aussi aborder deux trois trucs techniques à propos de ma voiture. Ma sœur enfin partagea avec moi ses aventures de lycéenne, et les quelques craintes quant au bac qui approchait. Elle était aussi bon élève que moi, je ne me faisais pas de soucis pour elle. Et on rigola beaucoup, dégoisant des énormités à longueur de temps tout en prenant l'apéro quasiment tous les soirs. Mon cœur se serra presque au moment de partir, car c'est à cet instant que je réalisais à quel point ils m'avaient manqué.


Le plus dur au cours de ce séjour fut de ne rien dire à propos de Gantz. Jusqu'ici, je n'avais jamais éprouvé aucune difficulté à cacher cette partie là de ma vie. J'avais des amis avec qui je pouvais en parler, et les autres...n'avaient simplement pas besoin de savoir. Mais ma famille...je ne savais trop comment l'expliquer. Je pensais qu'avec eux, aussi folle que fusse cette histoire, ils m'auraient cru. Mais rien ne franchi mes lèvres, pas la moindre information ou allusion...si il y a bien une chose que je voulais leur épargner, c'était ma cervelle éclatée sur la table au moment du dîner. Pourtant, je failli m'étrangler lorsque mon père parla d'un feu sur la grande esplanade. Bien entendu, je savais ce que c'était, j'avais moi même mis le feu.


Durant les deux semaines depuis la dernière mission, on avait beaucoup parlé aux informations de ce feu sur l'esplanade. Il y avait même quelques témoignages disant qu'ils avaient cogné contre d'étranges formes invisibles, mais ceux là, personne ne les prenait au sérieux. Les aliens étaient invisibles pour ceux qui ne participaient pas au mission de Gantz. Par curiosité, je m'étais rendu sur l'esplanade peu de temps après avec John et on eut beau la faire de long en large, on ne buta contre aucun cadavre invisible...alors que celle ci en était jonchée lorsque nous en eûmes fini avec cette mission. Peut-être que, tout comme nous, Gantz téléportait les corps au loin. Tant de questions restaient encore sans réponses. Mais l'info de l'esplanade et les quelques ragots de forme invisibles s'étaient déjà propagées sur le net et les rapports d'incidents se multipliaient. Errant à la recherche d'infos j'eus le malheur de voir des articles sur des sites obscurs parlant de scènes que j'avais vécu. Je trouvais pèle mêle un article sur la destruction de plusieurs arbres dans le jardin public, sans en connaître l'origine. Je savais moi qu'il s'agissait de l’œuvre des deux gros colosses de la première mission. Un article mentionnait aussi l'effondrement soudain d'une ancienne boite de nuit sur les quais. La faute à l'espèce d'ogre et sa guitare en métal. En fouillant, je trouvais même des allusions à d'autres incidents étranges et sans explication, provoqués certainement lors d'anciennes missions. Aujourd'hui, sur un tout nouveau site du nom de Facebook, les gens s'amusaient à poster les photos de certains murs de la ville couverts de trace de griffes...celle de l'armée de reptiles qui nous coursait. Ce n'est certainement que durant mes recherches que je réalisais à quel point nous étions chanceux d'être invisibles pendant les missions, et que les monstres l'étaient ici. Nous vivions dans un monde normal, sans étrange ou paranormal, alors que penserais l'opinion publique si tout un chacun apprenait l'existence de toutes ces abominations ?


Tandis que je conduisais, roulant tranquillement vers chez moi, je pensais aux autres événements de ces deux semaines. Mélanie et moi avions continué à nous voir, quasiment tous les jours, que ce soit chez moi ou chez elle. En réalité, lorsque nous n'étions pas occupés l'un et l'autre à nos études, on passait le plus clair de notre temps ensemble. On apprenait à se connaître un petit peu plus chaque jour et j'avouais que c'était une fille tout à fait à mon goût. Elle était intelligente et vive, elle n'avait pas froid aux yeux et elle aimait la vie. Elle dégageait ce côté « femme forte » qui me rendait assez admiratif. Mais elle avait aussi ses faiblesses, comme par exemple sa famille qui lui manquait. Elle étudiait très loin de chez eux et ne les voyait pas aussi souvent qu'elle le voulait. Un soir, elle pleura même un peu dans mes bras en me parlant de ses parents et surtout de son petit frère avec qui elle semblait très proche. Je ne su trop quoi lui dire pour la réconforter, me contentant simplement de lui promettre que je l'accompagnerais la prochaine fois qu'elle pourrait aller les voir. Elle était très geek et on jouait beaucoup, je m'étais d'ailleurs inscrit sur un MMO qu'elle appréciait et y jouait assez régulièrement avec elle. Elle était assez passionnée d'écriture et de rôle play et me parlait parfois de beaucoup de rencontres faîtes sur le net, dont l'un de ses exs. A cette évocation, j'avais joué la carte de la jalousie mais elle m'avait rapidement rassurée. En revanche, elle faisait des études un peu par défaut et semblait perplexe quant à son avenir. Et pour finir, il y avait le sexe, beaucoup de sexe...et dans ce domaine, elle était de loin la partenaire la plus formidable que j'avais rencontré jusque là. Le dernier point fut juste avant mon départ chez mes parents, elle m'avoua simplement que j'allais lui manquer, et elle me glissa un petit « Je t'aime » à l'oreille, le premier qu'elle me donna. Je le lui rendis...bref, j'étais en couple.


Si je manquais de temps, avec mon emploi du temps déjà partagé entre Mélanie et mes études, je trouvais quand même trois occasions pour voir notre petit groupe au complet, John, Déborah, Roman et Lucie. Les deux premières fois, on le fit pour s'entraîner. John et Lucie étaient superbes, comme d'habitude et Roman rattrapa vite les quelques progrès que nous avions faits sans lui. Déborah était la plus en retard, mais c'était aussi celle qui faisait le plus d'efforts. Comme prévu, John lui avait tout raconté, tout détaillé, et lorsqu'elle nous rejoint pour le premier entraînement, elle était certainement la plus déterminée. Seul ombre au tableau, Mélanie ne vint s'entraîner qu'une fois sur deux avec nous et ne vint pas la troisième fois. Cette dernière entrevue fut plus détendue, avec quelques verres partagés chez John et Déborah...une soirée de détente. On parla de beaucoup de choses, on rit beaucoup, et on échangea sur Gantz. Nos versions des faits, nos expériences, nos pensées, nos théories. Roman fut très surpris d'apprendre l'existence d'une porte déverrouillée dans la pièce et sembla très impatient de pouvoir utiliser pleinement les katanas ainsi que la moto. Toujours attachés à notre théorie comme quoi les missions étaient plus difficiles si nous avions plus de points, nous espérions que le prochain appel de Gantz dans son appartement serait plus simple que les deux précédents.


Alors que j'approchais de la ville, repensant à tout ceci, une ombre flotta dans mes pensées. Même si c'était oublié depuis, Mélanie et moi avions eu notre première dispute, justement à propos de ces entraînements. Après cette petite soirée, nous convînmes d'une quatrième rencontre pour s'entraîner à nouveau. Mélanie refusa d'y aller, prétextant qu'elle trouvait que l'on s'entraînait trop et qu'elle voulait passer un peu plus de temps seule avec moi. Je ne savais si j'avais gaffé ou non, mais je lui rétorquais alors que l'on passait déjà tout notre temps ensemble. Mais elle disait que ce n'était pas assez...et je n'étais pas du genre patient dans ces cas là, le ton monta rapidement. On bouda, tous les deux, pendant quelques heures, avant de se réconcilier sur l'oreiller et de parler plus calmement. Je lui promis de passer tous mon temps avec elle une fois mes examens terminés, mais elle devait aussi participer plus souvent à nos entraînements. Me battre contre des aliens en risquant ma vie, je voulais bien, mais des conflits de couple, non. Plus j'y pensais, plus je réalisais que ma logique n'avais pas de sens, ou alors je devais être un peu fou.


Je me garais comme à mon habitude dans un petit parking attenant qui appartenait à notre résidence. En trouvant un parking privé allant de pair avec l'appartement, j'avais vraiment décroché le gros lot. En quelques pas je me retrouvais devant la porte de ma résidence et fut assez surpris de voir des personnes attendre en bas de chez moi. Techniquement, Mélanie avait le double de mes clés, donc si elle était là c'était déjà à l'intérieur. Mais ce soir, exceptionnellement, elle faisait une petite soirée avec des amies à elle et vu que je rentrais assez tard de chez mes parents, il fut convenu qu'elle me rejoindrait après. Mais non, ce groupe de gens n'était autre que John, Déborah, Lucie et Roman.


- Qu'est-ce que vous foutez là ?


Je balançais ça avec ironie, heureux de les voir bien entendu.


- John nous a dit que tu rentrais ce soir, et vu que Mélanie n'est pas là, on s'est dit qu'on pouvait peut-être s'entraîner, dit aussitôt Roman.

- Quoi ?


M'entraîner oui, mais je n'aimais pas la tournure de sa phrase.


- Et pourquoi devrait-on s'entraîner sans elle ?

- Ce n'est pas que l'on ne veut pas Alessio, mais on doit mettre toutes les chances de notre côté. Si elle ne suit pas le rythme des entraînements, il faudra au moins que l'on soit à la hauteur pour l'aider, répondit Lucie de manière plus diplomate.

- Et donc on la mettrait à l'écart, comme ça ?

- Mais non, c'est juste qu'elle ne semble pas vraiment vouloir participer, ajouta Roman, alors on s'était dit que...

- Vous vous étiez dit quoi Roman ? Qu'elle ne faisait pas partie du groupe, ou qu'elle ne voulait pas en faire partie ?


Bien malgré moi, la colère montait rapidement. D'ordinaire, 99% du temps en réalité, j'étais d'un naturel assez calme et plutôt joyeux. Je n'aimais pas les embrouilles ou même me disputer avec qui que ce soit. Mais certains sujets me faisait très rapidement sortir des mes gonds, en l’occurrence, lorsque des personnes que j'appréciais disaient, ou sous-entendaient, de mauvaises choses à l'égard d'une autre personne que j'aimais.


- Hey, calme toi Alessio, on a jamais dit ça, précisa John, on a juste pensé qu'il serait bien meilleur que l'on s'entraîne tous ensembles.

- Et Mélanie est adorable, et vous semblez commencer ensemble quelque chose de bien, alors non, on irait pas penser ça, rétorqua Déborah.

- Alors pourquoi vous venez là, ce soir, dans le secret, en ajoutant que vous profitez du fait qu'elle ne soit pas là ?

- Elle est ce qu'elle est, tu le sais bien, commenta Roman, j'avais des doutes sur Déborah au début, mais elle a prouvé depuis qu'elle tenait à s'en sortir et...même si ça paraît bizarre de dire ça, j'ai presque hâte de la voir à l’œuvre durant la prochaine mission. Mélanie est quelqu'un de bien mais...

- Mais quoi Roman ?

- Mais elle ne semble pas vouloir jouer le jeu...un peu comme si elle ne réalisait pas la situation dans laquelle elle se trouvait, trancha Lucie.


La jeune femme blonde me regardait très calmement, mais je discernais chez elle une forme de colère. Elle commençait à montrer ses couleurs et, contrairement aux autres, elle n'avait pas envie de jouer la comédie. Elle était heureuse d'être là, mais certainement plus heureuse encore de me voir seul. Elle ne disait rien mais son visage et ses yeux parlaient d'eux mêmes, elle avait un sérieux problème avec Mélanie. L'écouter aurait été faire preuve de sagesse, mais sentant la moutarde me monter au nez, je préférais plutôt renchérir sur ces mots.


- Parce que vous croyez que c'est facile ? Je me réveille encore certains matins à me demander si tout ce que j'ai vécu est bien réel ! Je divague des heures durant à penser que ces monstres sont là, tout autour de nous, et qu'ils pourraient très bien s'en prendre à nous où à des civils dans l'instant...à dire vrai, c'est un miracle que ces bestioles ne semblent vraiment se manifester que durant les missions...pour ce qu'on en sait.

- Pourtant c'est bien la réalité dans laquelle nous vivons, et si elle ne vient pas s'entraîner, elle aura du mal par la suite...et au milieu d'un combat, je ne souhaite pas perdre la vie pour la sauver, renchérit Lucie.

- Alors moi je la sauverais !


J'avais crié, sans m'en rendre compte, mais la jeune femme blonde afficha un air glacial avant de s'approcher vigoureusement vers moi et me poser brutalement le bout de son index sur le torse.


- Si je ne tiens pas à mourir pour elle, je ne veux pas que tu meurs non plus pour elle. Roman, John et Debs ne sont pas tout à fait d'accord avec moi mais je vais te dire le fond de ma pensée !

- Je t'écoute...


Le ton de ma voix était méprisant, ce qui sembla perturber un instant mon interlocutrice, mais elle inspira et me lança sa réplique.


- De prime abord, elle semble très sympathique, un peu naïve, et jolie, la petite jeune femme quasi parfaite...mais regarde, depuis qu'elle est entrée dans ta vie, tu ne vois plus personne ! Tu ne fais que parler d'elle, et pire encore, lorsqu'elle demande à rentrer plus tôt pour se retrouver seul avec toi, ou quand elle t'empêche de sortir, tu t'excuses auprès de nous à sa place, comme si c'était de ta faute.

- Elle a bien le droit de vouloir passer du temps avec moi !

- Tu lui cherches encore des excuses bordel ! Est-ce que tu t'entends ? On dirait que tu n'as même plus d'avis bien à toi ! Alessio, tu avais tant que ça besoin de quelqu'un dans ta vie ? Parce que si c'est pour tirer un coup les plans culs ça existe !

- Je t'emmerde Lucie !

- Alessio, cria Roman.

- C'est rien mon amour, renchérit Lucie, il dit ce qu'il a à dire et moi aussi.


Elle et moi on se regarda sans rien dire pendant quelques instants, un duel de regard qui semblait ne jamais vouloir finir. Puis elle baissa les yeux et elle soupira.


- Je ne te connaissais pas comme ça, t'as vraiment une tête de con quand on appuie là où ça fait mal, et le pire c'est que tu ne t'en rends même pas compte...cette fille, j'en ai connu des gens comme elle, elle va te bouffer, et au moment où tu le réaliseras, tu auras perdu beaucoup de choses en route.


Elle se retourna et s'éloigner sans rien ajouter d'autres. Roman me regarda, quelque peu énervé, il sembla vouloir ajouter quelque chose mais s'éloigna à son tour. John vint me faire un simple sourire et me posa une main sur l'épaule.


- Hésites pas à me contacter si tu veux t'entraîner vieux...à la prochaine.


Puis il parti aussi. Je restais immobile devant ma porte d'entrée, totalement sourd à sa réplique. Puis Déborah s'avança.


- Tu sais...bon, comment dire, on ne s'est pas vraiment parlé depuis longtemps...mais avant, au lycée...

- Debs, on s'est perdu de vue pendant si longtemps que je ne pense pas que tu sois à même de donner ton avis sur la situation.


Je répondais froidement, plus encore que face à Lucie. Déborah fronça les sourcils, plus par tristesse que par énervement. Elle recula d'un pas.


- On était suffisamment amis et complices toi et moi pour que je puisse affirmer une chose aujourd'hui, le Alessio de cette époque n'aurait jamais laissé quelqu'un décider à sa place.


Puis elle s'en alla. Je restais planté là, furieux contre eux. Je me sentais trahi, je n'en revenais pas. J'avais l'impression qu'ils s'étaient ligués contre moi. Ma vie privée ne les regardait pas d'une part, je partageais ma vie avec qui bon me semblait. Et de plus, ils oubliaient une chose, exclure Mélanie était une véritable connerie...elle était dans le même bateau que nous, elle faisait partie de l'équipe. Elle était, avec nous, parmi les rares personnes ayant survécu aux missions de Gantz. Non, mieux encore, Déborah n'avait pas passé sa première nuit, et Roman avait finalement été vaincu. C'est grâce aux combats menés par Mélanie qu'on avait pu les ramener, et désormais ils se permettaient de venir nous critiquer. Je rentrais, toujours aussi furieux, balançant mes affaires dans mon appartement plus que je ne les rangeais. Je ne décolérais que bien plus tard, gardant pourtant au fond de moi une certaine rancœur qui ne semblait pas vouloir partir.


Bien plus tard dans la soirée, alors que je ne trouvais pas le sommeil, je recevais un message de Mélanie, m'informant qu'elle avait passé une bonne soirée et me demandant si je dormais. J'avais envie de la voir, pour moi elle était la seule chose capable de me calmer, de me faire penser à autre chose. Je lui répondis que non, et elle demanda à venir dormir chez moi, ce que j'acceptais sans hésiter. Une petite demi heure plus tard, elle se présenta à ma porte.


- Coucou toi, je ne t'ai pas trop manqué pendant que tu étais chez tes parents ?


Elle m’enlaça aussitôt et m'embrassa avec une fougue ne laissant aucune supposition quant à la suite des événements. Elle avait en tête une chose bien précise, et bien que partageant son envie, rien ne sembla réagir chez moi. Mais elle ne s'en rendit pas compte, se dirigeant peu après vers le canapé pour enlever ses chaussures. A son passage, je respirais son parfum et...une assez forte odeur d'alcool. Je fermais la porte derrière elle et lui répondis avec une pointe de sarcasme.


- Me manquer...non ! D'ailleurs, comment tu t'appelles déjà ?

- Comment ?


Elle me foudroya du regard, mais ne pu s'empêcher de garder un sourire amusée. Je m'avançais vers elle m'asseyait à côté d'elle avant de simplement me laisser tomber sur ses genoux.


- Bien sûr que tu m'as manqué, question idiote.

- Tu n'es pas très gentil...on dirait que tu boudes.

- Non, tout va bien, je suis juste fatigué.


Une partie de moi cria intérieurement. Pourquoi ne lui disais-je pas ce que je venais de vivre avec les autres membres du groupe ? Est-ce que je cherchais à la protéger, je ne voulais pas lui faire de mal ? Ou bien est-ce que j'essayais de me protéger moi même, faire comme si tout ceci n'était jamais arrivé. Puisant certainement dans mes années de théâtre déjà lointaines, j'affichais alors une mine réjouie.


- Mais je suis heureux de te voir, comme ça je pourrais dormir tout près de toi...en ronflant dans ton oreille.

- Si tu fais ça, je te pousse, et si ça ne marche pas, je te cognes, renchérit-elle.


Je me mis à rire, puis elle se mit à me caresser les cheveux. Elle sentait vraiment l'alcool.


- Tu sembles avoir passé une bonne soirée, je le sens d'ici.

- Oh, je n'ai pas tant bu que ça, j'ai retenu la leçon de la dernière fois chez Mousk...non, c'est Yohan qui m'a renversé un verre de whisky dessus.

- Qui est Yohan ?


Ma question était totalement innocente, je n'étais pas du genre jaloux et j'accordais ma confiance peut-être un peu trop rapidement. Pour le coup, c'était vraiment de la curiosité qui me poussa à poser cette question. Cependant, son visage sembla se contracter, elle regarda ailleurs une seconde, comme si ses mots avaient dépassés sa pensée.


- C'est un ami.

- Je croyais que tu ne devais être qu'avec des filles...c'est ce que tu m'avais dit.


La colère en moi n'était pas encore retombée et je la sentais remonter comme une flèche. Qu'un garçon soit à la même soirée qu'elle, je m'en tapais totalement. Mais qu'elle semble bien le connaître et qu'elle me mente, c'était un autre sujet.


- Oui, je ne t'en ai pas parlé, Yohan et Nicolas sont de vieux amis...

- Ah parce qu'il y en a plusieurs maintenant...


Le ton de ma voix était sorti bien plus méprisant et critique que je ne le pensais.


- Tu vois, c'est pour ça que je ne t'ai rien dit, je savais que tu le prendrais mal !


Son ton avait aussi grimpé d'un seul coup et elle se décala de façon à ne plus me toucher...et c'était un geste pire qu'une gifle. Je me relevais, la regardant droit dans les yeux.


- Tu vas à une soirée où je ne connais personne et où tu me caches des trucs, pardonnes moi d'être curieux.


Et désormais, je montrais sarcastique.


- Parce que je n'ai pas le droit d'avoir des secrets ?

- Ne me fais pas dire ce que je ne dis pas, je n'ai jamais dit ça, je n'aime simplement pas que tu cherches à me cacher des choses alors qu'il suffit d'en parler.

- Et ben qu'est-ce que tu veux savoir ? J'étais avec mes copines et Yohan et Nico sont aussi de vieux amis...alors ils nous ont rejoints, fin de l'histoire. Tu sais, j'ai eu une vie avant toi !


Je la regardais, presque avec une lueur de défit dans les yeux, mais elle soutint mon regard avec la même vivacité. Non, en réalité, sa colère, qu'elle contrôlait très bien, était plus grande que la mienne.


- Okay, pardon, je suis fatigué, j'ai mal réagi.

- Un peu oui !


Je venais de m'excuser, et elle enfonçait un peu plus le clou. Mais je ne trouvais rien à redire. Je me taisais, me relevant.


- Je vais me coucher...tu viens ?

- Non, pas maintenant, sembla-t-elle cracher.

- Bon, bonne nuit alors.


Je regagnais ma chambre et je pu l'entendre brancher quelque chose, certainement son ordi sur lequel elle passait beaucoup de temps. Tandis que je m'allongeais, je l'entendis se mettre à taper furieusement sur les touches. Elle devait certainement s'être lancée dans un jeu et se mettre à discuter avec ses connaissances du net. C'était sa manière à elle de se calmer, demain tout serait oublié.


Je me tournais dans mon lit, pensant tout ceci, n'arrivant pas à le sortir de ma tête. Pourquoi les autres ne voyaient en Mélanie qu'une gêne ? Est-ce que j'avais vraiment changé ? Est-ce qu'elle me menait à la baguette ? Pendant une seconde, je me mis à penser très fort que c'était de sa faute si la situation était aussi pourrie. Puis je chassais aussitôt cette pensée. C'était de ma faute en réalité, j'avais laissé ma colère dicter mon comportement et j'avais sauté sur elle à la première contrariété. Je n'étais vraiment qu'un pauvre type. Je prévoyais de m'excuser plus platement au réveil, en l'état actuel, cela ne servirait à rien et une dispute pouvait trop facilement éclater de nouveau.


Puis, alors que, jetant un dernier regard sur mon réveil et que je vis qu'il était presque une heure du matin, je sentis une sensation sur ma nuque et j'entendis, presque aussitôt, Mélanie pousser un cri dans le salon. Je me relevais dans le lit, prêt à sauter sur mon placard où étais rangée ma combinaison quant elle ouvrit la porte.


- J'ai senti quelque chose...comme tu me l'avais dit !

- Oui, une nouvelle mission va commencer d'ici quelque minutes.


Je me levais, enlevant mon caleçon et enfilant ma combinaison par dessus. C'était le moment, une nouvelle mission, un nouveau massacre...au moins, j'allais avoir une bonne occasion de projeter ma colère sur quelque chose.


- Tu as ta combinaison, demandais-je remarquant que Mélanie restait plantée à côté de moi.

- Oui...dans mon sac...tu m'as dit de toujours l'avoir à portée de main...

- Qu'est-ce que tu attends, enfile là !


Elle sursauta face à mon ordre plus qu'autoritaire, on aurait dit un adulte s'adressant à un gamin un peu stupide. Elle fit demi tour et je l'entendis s’affairer dans le salon. Je sortais bientôt, bien équipé, alors qu'elle était encore à moitié nue, entrain de lutter pour enfiler le haut.


- Dépêches toi, le transfert va bientôt commencer, lançais-je avec toujours autant d'autorité.

- Tu pourrais m'aider, répondit-elle visiblement paniquée et énervée.

- Non ! Comment feras-tu si tu dois l'enfiler quant tu es seule chez toi ? Ou pire encore, dans un lieu public sans te faire voir par personne ?

- Mais on est tous les deux là...

- Ça ne répond pas à ma question.


Et sous mes yeux, je vis qu'elle commençait à être téléportée, immobilisée sur place. Je m'avançais alors vers elle, et avec rudesse, finissait de baisser le tissu sur sa poitrine. Elle me regarda, de la détresse dans le regard. On aurait dit une autre personne. Elle qui était toujours si affirmée, assez sûre d'elle, qui avait ce talent pour briller au milieu de la pièce, elle était désormais différente. Et tandis que le reste de son visage s'effaçait devant moi, ma dernière impression d'elle fut celle d'une petite fille perdue sans ses parents dans un lieu inconnu.


Je reculais, soupirant longuement. Je n'avais plus vraiment de peur ou d'appréhension, j'avais déjà réussi à atteindre 100 points, j'étais confiant en ma capacité d'atteindre ce chiffre à nouveau. Non, ce qui me dérangeait, c'était mon état d'esprit. J'étais toujours en colère, et après tout ce qu'il venait de se passer, j'aurais simplement espéré passer une bonne nuit. Sans compter que j'allais revoir Lucie et tous les autres, et ma rancœur n'était pas partie.


Je fus soudain figé sur place et vit mes jambes commencer à disparaître.


- Bon Gantz...qu'est-ce que tu nous réserves ce soir ?

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