Réinterprétation et autres histoires

Chapitre 9 : Deuxième partie, « Au clair de la lune », ou Course contre la folie, 2e partie

6751 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/05/2024 13:29

9.« Au clair de la Lune », ou Course contre la folie, 2e partie




Rebecca fouille précipitamment dans ses poches et trouve la carte professionnelle de l'antiquaire. Soulagée de constater qu'elle ne l'a pas perdu, elle compose fébrilement le numéro, impatiente que quelqu'un lui réponde.

— Bonjour, la boutique d'antiquités Comme ça ne l'a jamais été, que voulez-vous ? résonne le ton sérieux et professionnel d'Andréa.

L'institutrice reprend son souffle pour calmer les centaines d'idées qui se succèdent dans sa tête et sa crainte.

— Mélinda Gordon est en danger, pouvez-vous informer son mari de venir devant l'école primaire ! hurle-t-elle, la voix tremblante.

Les yeux de l'associée s'agrandissent, imaginant les pires scénarios et réplique simplement, d'une voix alarmée.

— J'informerais sur le champ Jim Clancy. Merci et à la prochaine.

L'Italienne raccroche sèchement le téléphone et communique immédiatement les informations au mari de la chuchoteuse d'esprits. Ce dernier, s'excusant auprès de ses collègues d'une urgence familiale, quitte précipitamment la salle d'attente de l'hôpital et arrive devant l'école primaire en quelques minutes. Il est angoissé au-delà de l'imaginable pour son épouse.

Rebecca, mine inquiète, l'accueille devant l'établissement et interroge l'aliénée, non loin d'elle. Celle-ci lui donne des indications pour retrouver Mélinda dans la ville souterraine. L'institutrice affirme :

— Jim Clancy, votre épouse est en danger, elle est dans l'asile, au sous-sol. Je pense qu'il est plus facile d'y accéder depuis une porte cadenassée de l'école... À cet endroit, Mélinda a eu une vision... Vous n'aurez qu'à la forcer...

Jim opine du chef et suit la jeune célibataire jusqu'à la mystérieuse porte. Heureusement, personne parmi les collègues de Rebecca ne se trouve près d'eux. Jim force le cadenas et ouvre la porte qui mène au sous-sol. Un grincement horrible parvient à leurs oreilles en l'ouvrant, l'ambulancier allume immédiatement deux lampes de poche et laisse Rebecca devant lui pour qu'elle le guide. Ginette murmure, près de la chuchoteuse d'esprits, d'un geste de la tête vers Jim :

— Puis-je essayer de le posséder ?

Étonnée de la question, elle répond rapidement :

— Faites comme vous le voulez ! L'essentiel est de retrouver rapidement son épouse !

Ginette possède Jim avant que celui-ci n'ouvre la bouche pour demander plus de détails à l'institutrice extraordinaire et court jusqu'à la cellule où se trouve Mélinda. Cette dernière est affalée au sol, immobile, les yeux vitreux, les traits convulsés de terreur. Son âme est ailleurs, dans de terribles visions à rendre fou un homme. Dès que l'âme de Jim revient dans son corps, les yeux écarquillés de terreur à l'idée que sa femme puisse être défunte, il se précipite sur elle, vérifie ses signes vitaux et procède à sa réanimation, très angoissé, des gouttes de sueur perlent son dos et ses mains tremblent de crainte, mais il ne faillit pas à sa tâche.


Rebecca, à ses côtés, fatiguée de la course pour arriver jusqu'à l'antiquaire, appuyée contre le mur, observe l'entourage du sordide endroit. Ses yeux, dans lesquels se reflètent une peur, parcourent minutieusement tous les coins, très effrayée des âmes errantes, espérant discerner l'âme de Mélinda. Heureusement, cette dernière n'est guère loin de son corps.

— Monsieur Clancy, l'âme de votre épouse est maintenant à la droite de son corps... Je suis certaine qu'elle reviendra parmi les vivants ! affirme-t-elle d'une voix blanche, fixant l'âme d'un regard suppliant.

L'interpellé continue plus activement à réanimer son épouse, lueur de détermination et d'angoisse dans le regard. Mélinda sourit à l'attitude de son mari et revient dans son corps.

L'institutrice soupire de joie à la scène; Jim, vérifiant le pouls de Mélinda, est faiblement rassuré de la situation. Il l'aide à se relever doucement. Celle-ci, s'appuyant contre son mari, l'enlace, pleurant de tristesse et de joie.

— Merci, Jim et Mademoiselle Rebecca Char, bredouille-t-elle. J'ai tellement eu peur.

Elle verse silencieusement des larmes.

— Chérie, la rassure-t-il, de sa douce voix masculine qui l'apaise toujours. Calme-toi ! Allez ! Nous sortirons de ce sinistre endroit.

Enlaçant l'antiquaire, il se tourne vers Rebecca Char.

— Je vous suis, mademoiselle.

L'interpellée opine du chef et avance dans l'un des dédales de l'asile, ne sachant guère la voie à suivre.


L'ambulancier transporte galamment entre ses bras son épouse, lui évitant de se fatiguer, très attentif de ne pas gaspiller ses forces inutilement, alors que Rebecca recherche du regard dans la multitude d'esprits errants où se trouve Ginette. Cette dernière devant une porte, s'élève jusqu'au plafond pour que la chuchoteuse d'esprits la remarque et la suive. Elle se cache par moments pour que son médecin ne la remarque pas.

Ainsi, les trois vivants reviennent sains et saufs jusqu'à la porte de l'école primaire. Rebecca remercie d'un geste de la tête l'aliénée. Celle-ci disparaît rapidement, apeurée. Rebecca et Mélinda tournent simultanément la tête à leur gauche et notent la présence de Charlie Luc Wogel, mine assombrie, regard perçant de colère, qui cache ses mains derrière son dos.

— Madame et Mademoiselle, ne pensez pas m'échapper si facilement ! les menace-t-il. Vous n'êtes nulle part en sécurité. Kein Ort ist sicher !

D'un geste théâtral, le médecin collaborateur s'évapore, laissant les deux brunettes extraordinaires très perplexes. Un peu plus loin, derrière leur dos, Romano les fixe, bouillonnant de colère, avant de s'en aller sous terre, mécontent que Mélinda lui échappe de peu.

Jim remercie Rebecca de son aide et amène son épouse doucement à la maison, la déposant gracieusement sur le canapé du salon. Il lui prépare un thé vert et s'assoit à côté d'elle, lui serrant tendrement la main droite.


Quelques minutes plus tard, l'antiquaire se relève sous le regard inquiet de son mari.

— Le sadique médecin, Charlie Luc Wogel, nous menace... murmure-t-elle, pensive. Sinon, je suis presque devenue folle de toutes ces visions et de tous ces esprits... affirme-t-elle d'une voix tremblante, regard effrayé. Certains voulaient me posséder... Et, par moments, je pensais qu'ils étaient vivants... Horrible ! se lamente-t-elle. Heureusement, l'institutrice et toi êtes venus à temps.... Sinon, j'ignore...

Elle sanglote, alors que Jim la prend dans ses bras, la berçant, pour calmer ses larmes.

— Chh... Chuuut... Mél, tout est correct maintenant, lui murmure-t-il. Tu es âme et corps présente avec moi... Et c'est ce qui importe, non ? Il faut que tu te reposes !

Elle hoche faiblement la tête pour lui signifier qu'elle l'avait entendu et compris.

Un silence apaisant s'installe entre le couple, avant qu'il ne l'interroge d'une douce voix.

— Et que t'a dit ce médecin, mon amour ? enlaçant tendrement son épouse contre sa poitrine, la réconfortant.

— Une phrase en allemand qui se traduit... réfléchit-elle.. Sauf erreur de ma part... Aucun endroit n'est sûr ! répond Mélinda d'une voix blanche, perplexe.

— Inquiétant, en effet, commente-t-il. Mais repose-toi et ne te fais pas trop de soucis ! Je ne pense pas que ce psychopathe puisse nous menacer maintenant...

La petite brunette lui sourit, s'installe plus confortablement pour dormir et tombe rapidement dans les bras de Morphée.


Au même moment, dans une rue perpendiculaire à l'école primaire, Gabriel se promène nonchalamment, espérant rencontrer l'aliénée. Il la repère dans la cour d'école. S'approchant d'elle, il l'interroge poliment :

— Madame, que faites-vous en cet endroit ? Vous ne ressemblez pas à une institutrice !

Étonnée, Ginette se retourne, l'observant avec méfiance.

— Effectivement...

— Voulez-vous vous reposer un peu ? Changer le paysage de vos promenades... Il ne sert à rien de ressasser les mêmes sombres idées... Voulez-vous venir dans une charmante maison adaptée pour vous où toutes vos insouciances ne seront que du passé ?

Ginette demeure coi et disparaît, guère convaincue en ses propos et surtout très méfiante.

— Au moins, commente une voix sépulcrale et froide derrière le dos du chuchoteur d'esprits, vous avez essayé !

Gabriel se retourne, reconnaissant la voix du médecin collaborateur, et lui affiche un sourire forcé.

— C'est exact !

— À la prochaine... Mais sachez que le coup ne peut aucunement être raté... Sinon, je m'en occupe personnellement, et de Mélinda et de vous !

Il lui lance un regard noir et s'en va, comme si le souterrain l'aspire, rejoignant Romano. Ce dernier lui sourit amèrement.

— Nous avons presque réussi à vaincre cette Mélinda ! Il ne manquait que de peu ! s'énerve-t-il, lui tournant le dos.

— Romano, sachez que je ne suis aucunement fautif de l'insuccès de notre plan... C'est l'un de mes patients... Je ferai une enquête pour trouver l'identité du trouble-fête... Je me suis déjà imaginé à posséder constamment un vivant, même plus longtemps que son âme...

— Monsieur Charlie Luc Wogel, laissez vos fantasmes obscurs pour une autre occasion... Nous ferons mieux de nous concentrer pour piéger, dans le futur, Mélinda, de posséder ce Josué Berthelot pour parvenir à nos fins et observer le terrain avec ce policier, Carl Neely... Nous avons suffisamment de projets, mon cher ! À la prochaine ! Mais n'oubliez pas la psychologie de masse avec les défunts et les vivants ! Un même mécanisme qui fonctionne toujours, ne l'oubliez jamais !

Sur ces paroles, le sombre esprit quitte son interlocuteur, le laissant perplexe et pensif. Le médecin de la Seconde Guerre mondiale rejoint Carl Neely, observant son entourage.


Simultanément, au bureau de Josué Berthelot, le recteur sourit à son idée et murmure aux Ombres :

— Mes chers, j'ai trouvé le meilleur plan pour piéger Élie James... Si je ne me trompe pas, il y a un autre candidat... Un certain Jim Clancy, ambulancier au SAMU de Grandeville.

— Très exactement, confirment-ils d'une voix désincarnée à l'unisson, donnant un frisson dans le dos au vieil homme.

— Excellent ! j'ai mon plan d'attaque qui forcerait Élie James à collaborer, s'il ne veut pas être invalide ou mourir...

Soudain, le téléphone sonne. Le vieil homme sursaute au son et soulève le combiné.

— Delphine Banastier à l'appareil. Monsieur Josué Berthelot, je vous informe que j'ai trouvé un acheteur très intéressé par la maison familiale. Pouvez-vous venir le surlendemain pour vous entendre avec lui pour fixer un prix ?

— Oui, oui, aucun problème, Madame Banastier, répond-il d'un ton traînant. Mais puis-je savoir qui est l'acheteur ?

— Un certain Roger Portal.

Josué sourit à la mention de l'acheteur.

— Merci de l'information et à plus tard.

Le recteur raccroche le combiné, vide un verre d'alcool d'un trait et murmure :

— Les Ombres, mes chers démons, serez-vous satisfaits si je parviens à éliminer le prochain potentiel gardien du Livre ?

— Oui, mais Élie James est plus dangereux qu'un simple ambulancier...

— Oui oui, je ne l'ai pas oublié... Même s'il ne faut pas sous-estimer un simple citoyen de Grandeville.

Il vide son verre de gin avant de sortir de son bureau et demande aux Ombres :

— Informez-moi immédiatement dès qu'Élie James a un soupçon du prochain gardien... Et informez-moi si vous savez où se trouve le Livre !

— Le Livre est soit au bureau d'Élie James, soit au bureau de feue Zoé Ramos, affirme froidement une voix sépulcrale d'une Ombre.

Le recteur opine du chef et part dans le parc, observant les environs et réfléchissant aux meilleurs moyens d'éliminer Jim Clancy, d'envoyer un avertissement au professeur de Psychologie et de récupérer le Livre.


Quelques minutes plus tard, souriant à son idée, Josué Berthelot se rend au bureau de la défunte professeur, observant les couvertures de tous les livres pour repérer le Livre qui l'intéresse tant. Mais en vain, il ne le repère pas, ne l'ayant pas remarqué, le prenant pour un livre insignifiant. Fâché de ne pas mettre la main sur le Livre, il revient à son bureau, ne sachant pas comment le trouver.



Deux jours plus tard, au bureau d'Élie James, le professeur de Psychologie, revenu d'un cours, range ses notes dans son sac et s'assit tranquillement sur son fauteuil. Soudain, une douce voix familière d'une femme fuse dans la salle.

— Élie, je dois t'informer de ta mission et de ton rôle...

— Zoé Ramos ? ... Que fais-tu ici ? De quelle mission parles-tu ? l'interroge-t-il, très curieux.

— Élie, tu es le prochain Gardien du Livre...

— De quel livre ? l'interroge-t-il d'une voix douce.

— Du Livre des Changements, ou Livre de Vie et de Mort. Livre qui contient toutes les réponses du passé, du présent et du futur des hommes.

— Et quel est mon rôle à titre de gardien ?

— Simple, toi seul peux lire le Livre qui est en sécurité. Livre qui est convoité par le recteur.

— N'es-tu pas sérieuse, Zoé ? D'ailleurs, où est-il ?

— Oui, je suis très sérieuse. Je suis morte parce que ce recteur voulait mettre la main sur le Livre ! s'emporte-t-elle, haussant la voix.

Élie sursaute devant l'emportement de Zoé.

— D'ailleurs, veux-tu savoir où est le recteur ou le Livre ? l'interroge-t-elle d'une voix claire.

— Je pensais au Livre, bien sûr !

— Il est à mon bureau, au Bâtiment 17, bureau 110, l'informe la défunte d'une voix plus posée.

— Je vais alors le récupérer, mais, outre la possibilité de lire ce Livre, y a-t-il d'autres fonctions ?

— Oui, veille à ce que le Livre ne tombe pas entre de mauvaises mains... Aussi, n'utilise pas ta possibilité de lecture pour attiser ta curiosité personnelle !

— Je te promets que je serais très prudent ! Déjà avec mon don particulier d'entendre les esprits, j'ai suffisamment de responsabilités sans être gardien de ce Livre, mais je ne peux me sauver de moi-même ! Je ne peux pas reculer devant mon devoir ! Que Dieu ait pitié de moi et me donne la force et le courage de mener à bien ma tâche, soupire-t-il, résigné.

Et le professeur, traversant les multiples couloirs jusqu'au bureau de Zoé, rentre discrètement dans celui-ci, fouillant du regard l'endroit.

— Le Livre est dans ma bibliothèque, le premier en haut.

— Ce petit livre à l'apparence insignifiante, s'étonne-t-il.

— Oui, très exactement, confirme-t-elle d'un ton joyeux.

Il prend le livre et le range dans son sac.

— Merci, Zoé. Tu peux enfin partir en paix, ma chère... Mais avant, sache que je regrette notre séparation parce que je ne t'avais pas cru à l'époque. Désolé !

— Malheureusement, il ne pouvait en être autrement ! lui réplique-t-elle d'un ton impassible, ton temps n'était pas encore venu, mon cher. J'ai accompli ma mission, tu connais ton rôle et ton importance. Bonne chance et ne détourne pas ton don à ton profit. Au revoir, je pars dans cette Lumière divine qui est tellement accueillante.

— Au revoir, ma chère bien-aimée Zoé, lui réplique-t-il, ému, versant quelques larmes de tristesse et de joie.

Il entend un doux bisou sur la joue, comme un doux zéphyr qui le câline. Le professeur sourit, radieux, et lâche une larme de tristesse, ému du départ de son ancienne petite-amie.

Élie, n'entendant plus aucune parole de la défunte, revient silencieusement jusqu'à son bureau, camouflant le Livre parmi d'autres dans sa bibliothèque.


Au même moment, dans la boutique d'antiquité, Mélinda, complètement rétablie de son aventure dans l'asile souterrain, assise en face de son mari, essaie de comprendre le cas de Ginette Canacq. À sa droite, Rebecca est assise; à sa gauche, Paul Eastman observe les environs et analyse avec méfiance Gabriel, jouant distraitement avec son collier au bout duquel un pendentif d'or en forme d'étoile brille. Le fils illégitime de Thomas Gordon est à la droite de Rebecca. Et Carl Neely qui est à la gauche de son collègue ne souffle mot de la conversation.

— Le cas qui nous intéresse est celui de Ginette Canacq, patiente de Charlie Luc Wogel à l'Asile d'aliénés de Châlons jusqu'à sa mort et même par-delà. L'école primaire de Grandeville est bâtie sur les fondations de cet asile en 1989. L'aliénée erre dans l'école primaire, chantant Au clair de la lune, désireuse de protéger les enfants de son médecin. Elle est aussi celle qui guida Mademoiselle Char et mon mari lorsque j'étais au bord de la folie dans l'asile souterrain...

Elle parcourt du regard l'assistance, marquant une courte pause.

— Cet esprit est très préoccupé par les enfants, puisque de son vivant, son médecin lui a volé son petit garçon, ou elle l'aurait tué, selon celui-ci... Sinon, que savez-vous de ces deux individus qu'étaient Ginette Canacq et Charlie Luc Wogel, messieurs et mademoiselle ?

— Je n'ai qu'un détail à ajouter, précise Gabriel... J'ai constaté que l'aliénée est très renfermée et méfiante... Elle ne me fait pas confiance, certainement parce qu'elle est traumatisée par les hommes, le docteur Wogel et ses assistants... Je ne me connais pas en mécanismes psychologiques pour pouvoir me prononcer.

— Comme je vous l'avais déjà mentionné, ajoute Paul, le médecin collaborateur est un monstre des plus cruels de notre histoire... Un sombre personnage qui commet maintes atrocités au nom de la science. Concernant Ginette Canacq, née Ginette Petrovna Sokolvskaïa, elle n'a vécu que vingt-neuf ans, morte en 1945. Elle est morte à la suite d'un traitement électrochoc trop fort... Elle s'est mariée en 1941, avec Albert-Jean Canacq. Elle a accouché d'une fille, Jeanne, en avril 1943 et d'un garçon, David, en mai 1945. Malheureusement, je ne dispose d'aucune autre information.

— Donc, conclut Jim, Ginette Canacq, internée pour une raison mystérieuse peu après l'accouchement de son fils, considère que Charlie Luc Wogel lui ment sur la vie de son enfant. Selon elle, il l'aurait volé et il essayait de la culpabiliser de sa mort... Morte par électrochoc, le traitement inhumain avait certainement un but inavoué de tentative de contrôle mentale, de manipulation, d'hypnose, ou que-sais-je encore... Avec le temps, l'aliénée semble hésiter si elle croirait ou non au médecin. Raison pour laquelle elle demeure encore parmi les vivants, se considérant fautive de la mort de son fils, ou, au moins de n'avoir rien fait pour le sauver ou se sauver... En bref, nous devons retrouver ce qui est arrivé à son fils depuis 1945 pour qu'elle parte dans la Lumière... En plus, je ne sais comment, l'aider avec les enfants de l'école primaire pour contrecarrer un certain plan machiavélique de Charlie Wogel... Je n'aurais jamais cru jouer l'enquêteur, ni être plongé dans un vaste complot de défunts ! Le dire ainsi sonne totalement dingue et surréaliste !

— Je suis d'accord avec vous, commente Gabriel.

— Mais ça ne change pas à la réalité, s'offusque Paul. Comment trouver les informations ? Il y a trente résultats correspondant à David Canacq...

Il passe une main dans ses cheveux, d'exaspération.

— ... Je peux les éplucher pour ensuite déterminer lequel correspond au fils de cette patiente, soupire-t-il.

Le visage sérieux de Mélinda s'illumine soudainement, lançant un regard rempli de sous-entendus à son mari.

— Je m'occuperais de mener cette enquête, question de ne pas vous laisser trop de travail, messieurs, leur affirme-t-elle sérieusement. Cet esprit errant est mon cas de toute manière... Et je sais un allié certain qui nous aidera en donnant accès aux archives de l'asile, à savoir le professeur Élie James.

Tous opinent du chef, satisfaits de l'explication, même s'ils sont très intrigués de la connaissance de Mélinda, mais personne ne cherche à en savoir plus, conscients qu'ils n'auront pas plus d'informations pour aujourd'hui. Le petit groupe se quitte tranquillement, Rebecca revient chez elle, Gabriel part dans le parc de la ville, Carl revient à son bureau, seul Paul attend que les autres soient partis pour informer l'antiquaire d'un curieux détail qui l'a frappé :

— Madame Mélinda Gordon-Clancy, personnellement, je vous conseillerais d'être prudente avec ce Gabriel Lawrence. Il semble cacher un jeu... Je me méfierais de lui et j'éviterais de me confier à cet individu... Ce n'est qu'une intuition, mais elle ne m'a jamais trompé.

L'interpellée, ébahie du conseil, ne dit mot. Elle ne fait qu'un petit geste de la tête pour lui signifier qu'elle a entendu et compris.

Le policier, remettant son collier autour du cou, la quitte en la saluant poliment d'un geste de la main. Revenant à son bureau, l'Observateur Konstantin Pavlovich Tcherevitchenko se manifeste près de son bureau, debout et lui dit :

— Mélinda ne vous croit pas encore... Gardant une image fort naïve et bonne de Gabriel... J'espère qu'elle réalisera qu'il est son ennemi avant qu'il soit trop tard...

Et l'Observateur revient dans une petite ruelle de Grandeville.


Mélinda et Jim cherchent le plus d'informations possibles sur Ginette Petrovna Sokolovskaïa-Canacq et son fils, David Canacq. Deux heures de recherche plus tard, la chuchoteuse d'esprits informe son mari :

— Cette femme a été internée peu après son accouchement, ayant noyée supposément son fils... Et David Canacq a été élevé par son père... Il est encore vivant, âgé de cinquante-six ans, père et même grand-père ! Il vit à Villeneuve-lès-Avignon... La pauvre patiente doit savoir que son fils est vivant et qu'elle est grand-mère et arrière-grand-mère de son fils ! J'y vais de ce pas à l'école !

Jim lui sourit et l'embrasse tendrement pour toute réponse.

— Même si, ajoute l'ambulancier, je ne comprends pas qui a interné cette femme, son mari ? Son voisin ? Sa famille ? En se basant sur un mensonge... Abject... Absolument abject ! s'emporte-t-il.

— Effectivement une bonne question ! Mais je pense qu'Élie James pourra nous aider, lui suggère-t-elle, pensive. Nous irons plus vite ! Il aura certainement plus facilement accès aux archives de l'asile... Sans mentionner son accès au Livre...

— Excellente idée ! approuve-t-il.

Sur ces mots, le couple se dirige vers l'école primaire.


Au même moment, Josué Berthelot, accompagné de Delphine Banastier, attend la venue de Roger Portal, son acheteur, et aussi, son ami depuis longtemps. Les deux hommes se mettent rapidement d'accord sur le prix et se quittent amicalement.

Quelques minutes plus tard, Josué Berthelot invite son ami Roger au Parc de la Patte d'Oie, ravi de son idée.

— Mon cher Roger, j'ai un petit travail pour toi... Un service...

Étonné, l'interpellé lui lance un regard interrogateur. Malgré qu'il soit habitué aux demandes les plus étranges du recteur, il a l'impression que celle-ci sera la plus inhabituelle.

Le recteur se racle la gorge, et, affirme, conseillé par une Ombre qui lui dicte ses paroles près de lui, d'une voix grave, le fixant intensément.

— Délivrez Robert Langowski de sa prison, soudoyez les gardiens, donnez-lui une nouvelle identité, mais qu'il ne croupisse plus en prison !

L'attitude du vieil homme et sa demande engendre un malaise à son interlocuteur, ne comprenant pas sa raison.

— Mais Josué, pourquoi serait-il important ? Pour effectuer quelle tâche ?

Sourire inhumain au visage, regard brillant brièvement de folie, il répond posément.

— Simple, mon cher ! Cet homme, Robert Langowski, nous permettra d'éliminer le prochain gardien du Livre encore inconscient de son rôle.

Roger opine du chef, perplexe néanmoins.

— Très bien, réplique-t-il. Je vais m'occuper de délivrer ce Robert Langowski... Mais serait-il le fils de Boleslas Langowski ?

— Oui, très exactement !

Soudain le visage de l'ami du recteur s'illumine.

— Alors je sais qui il est ! J'avais déjà affaire avec son père pour une petite tâche ingrate à laquelle il est habitué ! s'exclame-t-il.

Josué, large sourire de contentement au visage, serre la main de Roger et lui murmure sur un ton froid :

— Excellent ! Maintenant tu sais à qui tu as affaire... Et ne t'avise pas de modifier mon plan ou de changer d'avis ! Je sais ce que je fais ! Rien ne m'est inconnu ! ... Mais je ne doute pas, tu mèneras à bien ta mission, comme toujours ! Fêtons l'heureux événement de ton achat de ma maison familiale ! Buvons un verre à la réussite de ta mission !

Les deux amis se quittent en bon terme, prenant un verre de vin pour fêter l'achat prochain de la maison familiale des Berthelot.



Quelques heures plus tard, une fois qu'elle a informé Ginette de ses recherches, la laissant étonnée et radieuse, Mélinda, suivie de Jim, arrive au bureau du professeur de Psychologie qui les invite poliment à s'asseoir.

Une fois que le couple lui a expliqué leur requête, Élie leur affirme :

— Il est exact que je pourrais avoir accès aux archives de l'ancien Asile d'aliénés de Châlons, mais il faudrait que je fasse une recherche historique sur celui-ci pour avoir un prétexte... Ce que je peux bien improviser...

Il se lève et cherche le Livre des Changements, l'ouvrant.

Au moment où il l'ouvre, il lit les messages qui apparaissent.

— Cette patiente de Charlie Luc Wogel, Ginette Canacq, née Ginette Petrovna Sokolovskaïa, est une Russe Juive, internée peu après son second accouchement à la demande de son mari... les informe-t-il sérieusement.

Le couple ne peut cacher son étonnement, leurs yeux, encore plus grands, s'entr'observant, perplexe. Mélinda, bouche légèrement entr'ouverte, comme pour dire un mot, mais aucun son n'en sort, tient par la main son mari. L'universitaire leur sourit en notant leur réaction.

— Et pour quelle raison l'a-t-il interné ? éructe le couple à l'unisson, dépassé par l'attitude d'Albert-Jean Canacq.

Levant les yeux du Livre, dans lesquels se lisent une confusion et une incompréhension, le professeur de Psychologie continue :

— Pour une raison étrange... Il pensait, influencé par... un démon, un sombre esprit, que sais-je encore, une Ombre est-il écrit... qu'en internant son épouse, leur fils aura une vie normale, à la fois loin de la famille Russo-Juive de sa femme, question de ne pas réveiller le soupçon des autorités nazies et collaboratrices, et loin de l'affabulation schizophrénique de sa femme... Mais cette dite affabulation n'en est pas une... Elle avait un don, celui d'entendre les esprits, mais aucun de ses enfants ne l'a hérité... Et elle n'a jamais compris comment gérer son don... Par contre, ce don à intéresser Charlie Luc Wogel...

— Nous ne pouvons y croire ! s'écrie le couple. Mais merci de nous aider...

L'antiquaire se tourne vers son mari.

— Et, Jim, il faut absolument retrouver Jeanne et David pour leur expliquer le cas de leur mère. Ils doivent connaître la vérité ! Ils ne peuvent pas penser d'elle ainsi. Elle n'est pas folle, ni schizophrénique, mais une pauvre femme avec un don singulier incomprise par son entourage !

L'interpellé opine du chef à son attention.

— Et, précise Élie James, lorsque vous irez informer Ginette Canacq plus en détail, je vous accompagnerais, parce que j'ai l'impression que les autres patients ne vous laisseront pas tranquilles... Je ne suis pas psychologue et psychothérapeute pour rien !

— D'accord, commente Mélinda. À plus tard.

Jim et Mélinda quittent le bureau du professeur et reviennent à Grandeville. L'antiquaire appelle les enfants d'Albert-Jean Canacq et de Ginette Petrovna Sokolovskaïa-Canacq pour les inviter à venir à Grandeville pour leur communiquer des informations sur leur mère. Intrigués et méfiants, ils hésitent, Jeanne refuse et David accepte l'invitation.



Deux jours plus tard, Mélinda et Élie, aidés par l'institutrice extraordinaire, sont dans une salle de classe où aucun enfant n'est présent, seuls les esprits errants des aliénés y sont. Gabriel a refusé de venir avec eux, prétextant un conflit avec son travail. Mélinda leur affirme d'un ton chaleureux :

— Esprits errants, âmes perdues, n'ayez pas peur de la Lumière ! Elle est l'endroit où tous les hommes y vont après leur mort. Pensez-vous qu'en restant encore parmi les vivants, vos enfants et vos petits-enfants pourront communiquer avec vous, non ! Il y a peu d'hommes qui peuvent interagir avec vous... Voyez-vous une Lumière ?

— Je note une lumière indescriptiblement belle, apaisante... Je suis enfin rassérénée, maintenant que je sais que mon fils est vivant... Et que j'ai des descendants de lui... Merci ! Спасиба, תודה Mélinda Gordon-Clancy ! la remercie chaleureusement Ginette.

Soudain, une voix sépulcrale et familière résonne dans la salle.

— Mes chers patients ! Ne me dites pas que vous croyez aux inepties de cette femme, affirme posément Charlie Luc Wogel. Elle vous ment, puisque l'Au-delà, n'est pas douceur, bonté et amour, mais bien jugement impitoyable de vos pires actes et pensées, un endroit où vos pires douleurs sont multipliées ! Voulez-vous aller dans un tel lieu ? Ici, vous êtes en sécurité et je garde vos secrets dans la confidentialité, comme il sied à tout professionnel. À vous de décider, mes chers !

Plusieurs défunts patients hésitent. Charlie Luc Wogel sort des ténèbres dans lesquelles il se cache.

— Le médecin de la Mort et de la Folie, vous l'Ange déchu, l'apostrophe Élie James d'un ton sérieux, je n'aurais qu'une question pour vous, avez-vous déjà entr'aperçu cette Lumière ? Êtes-vous entré dans celle-ci ? Répondez honnêtement !

Comme acculé, les yeux du défunt médecin s'agrandissent, ses mains sont derrière le dos pour cacher son angoisse. Il camoufle rapidement son expression, arborant un sourire triomphant aux lèvres.

— Non, je ne suis pas allé dans cet endroit, cette Lumière comme vous dites, mais je l'ai entrevue, très inquiétante et sombre. Sinon, pourquoi me posez-vous la question, y êtes-vous allé ? lui réplique-t-il rhétoriquement, regard brillant d'une lueur étrange de joie.

— Non, mais lors de mon expérience de mort imminente, j'ai vu brièvement cette Lumière, une pure et divine merveille. Donc, je suis certainement plus compétent que vous à ce sujet...

Se tournant vers les murmures des âmes perdues, l'universitaire leur ordonne :

— Taisez-vous, âmes perdues ! Partez dans la Lumière ! Vous n'avez aucune raison d'avoir peur de Charlie Luc Wogel, cet Ange déchu de la Mort et de la Folie, il ne peut rien vous faire... Il n'a aucun pouvoir sur vous ! Vous êtes libres, allez voir vos enfants et vos petits-enfants une dernière fois et partez l'âme légère... Seul Dieu peut vous juger et Il est Miséricordieux. Ne croyez pas aux mensonges de ce sadique médecin, cette honte de l'Histoire. Il veut vous convaincre en des mensonges pour vous manipuler ! Bon voyage !

Les esprits errants s'entr'observent, murmurant entre eux des paroles incompréhensibles. La plupart d'entre eux, regard tourné vers une source lumineuse qu'eux seuls discernent, large sourire au visage, regard pétillant de joie et traits rassérénés, partent dans la Lumière, au grand désarroi du médecin. Seul l'esprit errant de ce dernier, de l'aveugle, de la femme au pied bot et de Ginette Canacq restent encore parmi les vivants. Tous les esprits s'en vont, laissant Mélinda, Élie et Rebecca très fatigués.

— Madame et Monsieur, commente d'une faible voix Rebecca, tous ces esprits et ce médecin m'ont épuisés psychologiquement et physiquement... Plus exigeant qu'un marathon !

Les deux autres approuvent par un faible hochement de la tête. Ils se quittent poliment, Mélinda revenant chez elle, Élie à son bureau à l'université et Rebecca dans la salle du personnel. Tous sont sincèrement ravis qu'il y ait des esprits errants de moins à l'école primaire, même si l'antiquaire est inquiète des représailles possibles de Charlie Luc Wogel.



Deux jours plus tard, Mélinda attend, assise sur un banc du parc de Grandeville, David Canacq et sa famille. Elle sourit à l'esprit errant qu'est la mère de David à sa droite, debout, immobile et très impatiente de voir son fils et sa descendance. Ses yeux pétillent de joie, son visage n'est que la pure expression d'une joie rayonnante et ses mains et pieds s'agitent de bonheur.

Quelques minutes plus tard, un élégant homme de cinquante-six ans, suivi d'une grande femme un peu plus vieille que lui, s'arrête devant la chuchoteuse d'esprits. Cette dernière se lève, large sourire au visage. David, un homme élancé et maigre, vêtu d'un complet bleu marine et d'une chemise blanche, portant pour unique bijou une alliance, serre poliment la main de Mélinda, visage sérieux et sévère sur lequel un petit sourire s'esquisse, et lui présente son épouse, Jacqueline. Cette dernière, une blonde aux yeux bleus et au sourire sincère, salue respectueusement l'antiquaire, très intriguée. David continue les présentations de ses enfants, sa fille, Marie, âgée de trente-quatre ans, est mariée et mère de deux garçons et son fils, François, âgé de trente-trois ans, est marié et père de deux filles et d'un garçon.

— Que mon petit David a grandi et vieilli ! s'étonne l'esprit errant qui s'est déplacé à côté de son fils, très ému, larme de joie dans le coin des yeux. Mes petits-enfants sont très adorables, des vrais anges !

Mélinda lui sourit.

La plus jeune chuchoteuse d'esprits laisse le vieux couple s'asseoir sur le banc, alors que les deux autres couples et elle-même restent debout. Elle leur explique, d'un ton sérieux, les informations sur la mère de David.

— Votre mère, Ginette Petrovna Sokolovskaïa-Canacq, internée peu après votre naissance, est morte quelques mois plus tard d'un traitement d'électrochoc. Savez-vous qui l'a interné ?

— Je l'ignore, qui est-ce ? demande, ému, David.

La chuchoteuse d'esprits se racle la gorge et continue son discours.

— Celui qui l'a interné est quelqu'un connu d'elle et de vous, affirme-t-elle pour temporiser un peu l'effet choquant de la vérité.

— Qui ? interroge, très intrigué, attristé et perplexe, le cinquantenaire.

— Votre père.

Elle remarque que les yeux de David s'agrandissent et que des larmes perlent le coin de ses yeux. Il ouvre la bouche. La referme et serre la main de son épouse. Une lueur d'incrédulité se lit dans ses yeux.

— Vous n'êtes pas sérieuse, je l'espère, s'étonne le fils de la défunte.

— Malheureusement, je suis sérieuse et ne vous dis que la vérité.

Mine pensive, il tourne son regard vers sa femme avant de rapporter toute son attention sur l'antiquaire.

— Comment savez-vous ce qui s'était passé ?

— Entre mes recherches, mes visions de la vie de votre mère et une connaissance qui a accès aux archives de l'asile et qui a accès à un Livre particulier.

— Incroyable votre histoire ! s'exclame David, un peu sceptique. Mais je vous écoute.

— Cette femme dit la vérité, mon fils, s'exclame Ginette.

— Et votre père, influencé par des sombres esprits et démons, avait choisi d'interner votre mère peu après votre naissance parce qu'il ne comprenait pas son don, celui d'entendre les esprits errants, les âmes perdues. Personnellement, je peux interagir avec eux, je les vois et les entends. C'est ainsi que j'aide votre mère, qui veille sur les enfants de l'école primaire de Grandeville, anciennement l'asile dans laquelle elle passa la fin de sa vie terrestre, et même par-delà. Elle n'a jamais compris son don et votre père ne l'a jamais soutenu, préférant l'interner et espérant que votre sœur et vous n'ayez pas hérité de son don.

David baisse les yeux, larmes dans les coins qu'il essuie d'un revers de la main.

— Et le médecin de l'asile, un certain Charlie Luc Wogel, un sadique médecin, essayait de convaincre votre mère qu'elle vous a noyé, ce qui est faux ! Ce médecin était très intéressé par le don de votre mère et l'utilisait comme cobaye pour des électro-chocs et autres méthodes. Elle meurt de l'un de ces traitements inhumains !

— Si ce que vous dites est la vérité, alors je suis bien ému pour mère. Que Dieu ait son âme et qu'elle repose enfin en paix, ma pauvre mère ! La seule information que je sais de mon père est que ma mère était internée parce qu'elle était devenue folle. Il lui était impossible de vivre avec elle...

Réfléchissant aux paroles de l'antiquaire et à son enfance, il continue.

— ... La vérité est troublante... Mais je vous crois, très réaliste, puisque mon père s'est remarié un an après la mort de ma mère avec sa maîtresse qu'il fréquentait depuis son internement.

— Salaud ! s'offusque Ginette. Quel mauvais mari ! Il ne m'aimait donc jamais ! s'exclame, offusquée, la défunte.

— Votre conclusion semble exacte, madame Canacq, lui répond Mélinda.

— Ma mère est-elle dans ce parc ? l'interroge, très intrigué le cinquantenaire.

— Oui, elle est à votre droite, lui confirme la chuchoteuse d'esprits. Et elle a conclu que votre père ne l'avait jamais réellement aimé.

— Bien triste pour feue ma mère, commente-t-il.

— Merci, Madame Mélinda Gordon-Clancy, je peux enfin partir dans la Lumière ! s'exclame, ravie et rassérénée, la défunte patiente. Je sais que mon fils est bien vivant et que j'ai des petits-enfants et même des arrières-petits-enfants. Il connaît la vérité sur ma vie. Je suis enfin calme. Mon âme est légère, je ne me sens plus coupable. Je suis certaine que Dieu protégera ces enfants à l'école primaire des plans machiavéliques de mon médecin.

Ginette Sokolovskaïa-Canacq se tourne vers une source lumineuse qu'elle seule discerne, larmes de joie, son visage est paisible, trouvant enfin la paix en son âme.

— Votre mère va bientôt quitter le monde des vivants pour aller dans la Lumière, séjour des âmes après la mort. Bon voyage, Madame Ginette Petrovna Sokolovskaïa-Canacq !

L'esprit errant s'approche de son fils et lui donne un câlin maternel, lui murmurant :

— Mon cher fils, au revoir, je quitte définitivement le monde des vivants. Je suis bien ravie que tu ne sois pas comme ton père. Au revoir, je pars pour le grand voyage ! Je vais franchir un point de non-retour. Que Dieu, ses anges et le Destin te protègent de tout le Mal de ce monde.

Elle sourit à David et à Mélinda et quitte définitivement le monde des vivants, jamais aussi heureuse de toute son existence.

— Merci infiniment, Madame, commente David. Je comprends mieux la vie de ma pauvre mère et le comportement de mon père.

Il se lève, serre fermement la main de l'antiquaire et offre son bras à sa femme pour discuter avec leurs enfants et jouer avec leurs petits-enfants dans le parc. Mélinda les salue poliment, radieuse, malgré ses larmes de joie. Elle revient dans sa boutique, ordonnant les récentes acquisitions, ne discernant pas le médecin collaborateur dans le parc, l'observant discrètement.


Charlie Luc Wogel est très fâché contre Mélinda, Rebecca et Élie, parce qu'il n'a plus de patients intéressants à manipuler. Il réfléchit à ses prochains pas et sourit à son plan de vengeance... Gabriel Lawrence, Josué Berthelot et Carl Neely seront les vivants qui lui permettront, il l'espère, de parvenir à ses fins. Sinistre sourire aux lèvres, il va analyser la situation du policier, pour repérer le moment idéal qui l'affaiblira et le fera pencher de son côté... Le médecin est très patient pour parvenir à ses fins, surtout lorsqu'il entrevoit une possible affinité psychologique. Il se frotte déjà les mains d'anticipation. Et il est conscient qu'il pourra bientôt agir et affaiblir le policier. Son petit jeu de manipulation subtile lorsque l'agent de l'ordre dort ou est dans un état entre la veille et le sommeil semble porter ses fruits, puisqu'il est constamment de fort mauvaise humeur, doutant de son épouse et se disputant souvent avec elle... Il ne manque plus que l'attaque fatale, pense le défunt médecin.




À suivre

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