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Chapitre 19 : Deuxième partie, Énigme résolue ou dernière menace

4679 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 20/07/2025 01:51

19, Énigme résolue ou dernière menace




Le lendemain matin, décembre 2001, à la maison de Jim et Mélinda.

Mélinda, une fois qu’elle nourrit Alexis, le laisse à ses côtés au salon. Elle remarque près de la fenêtre une forme fantomatique féminine. Avant que la médium ne dise un mot, l’esprit errant lui répond d’un ton précipité, lueur d'inquiétude dans ses sombre yeux, agitant sa jupe beige et ses cheveux argentés :

— Nous nous sommes déjà rencontrées, je suis Myriam Berkowitz. N’oubliez pas de résoudre l’énigme, avant qu’il soit trop tard ! Dépêchez-vous ! Vous avez encore peu de temps ! Si vous ne voulez pas la comprendre d’une autre perspective !

Les pupilles de la médium se dilatent sous l’avertissement à peine voilé de son interlocutrice.

— Alors pourquoi ne m’aidez-vous pas ?

— Je suis une Observatrice, j’ai déjà outrepassé mes fonctions en vous donnant ce message codé !

Une lueur de compassion traverse les sombres yeux de l’entité invisible qui secoue la tête.

— À vous de le comprendre. Ne négligez aucune donnée, ni information, ni conclusion !

— Pouvez-vous me…

Elle ne complète pas sa phrase que son interlocutrice disparaît. Mélinda soupire et retrouve le message traduit de l’Observatrice parmi ses nombreux documents dans un tiroir. Jim, qui arrive aux côtés de son épouse, lui demande de sa plus douce voix, traits affaissés d’inquiétude sur son visage : 

— Qu’est-ce qui vient de se passer, Mél ?

— L’Observatrice me donne un avertissement, répondit-elle d’un ton tremblant… que je dois résoudre le plus rapidement… Une question de vie ou de mort… J’ai tellement peur, Jim !

Jim enlace son épouse contre lui pour la calmer.

Elle murmure :

— Le message codé dit : L'illégitime doit être découvert. Plan machiavélique du défunt révélé. Retrouvez les véritables amis, reconnaissables par un signe. Le message est en allemand, je me demande bien si ce ne serait pas un indice, mais pour qui ? 

— Excellente question ! Peut-être, commente-t-il, mine pensive, ce serait rattaché à l’un de nos ennemis qui connaît cette langue, soit comme sa langue maternelle, soit une langue apprise, mais qui ? …

Il énumère de ses élégants doigts les noms.

— … Soit Gabriel Lawrence, soit Paul Eastman, soit Élie James, soit Carl Neely, soit Rebecca Char, soit Romano, soit je ne sais plus qui. Ce peut être un vivant ou un défunt, ce peut être quelqu’un que tu as déjà rencontré, tout comme ce peut être quelqu’un que tu n’as pas encore rencontré.

Elle approuve d’un signe discret de la tête avant d’enchaîner : 

— Les signes sont le soleil, la lune et l’étoile. Que représentent-ils ?

Elle promène son regard dans la pièce, espérant trouver une solution, mais en vain.

— Peut-être, continue-t-elle, que l’indice est dans la signification de chacun de ces signes… Mais je n’en sais rien, à l’exception que ce sont des astres… Et si je demandais à Richard Payne, le spécialiste d’Histoire à l’université de Reims. Il pourrait apporter solution à cet aspect, il est intéressé par tout ce qui est surnaturel, superstition et paranormal ! … 

— Par contre, il est parti en congé sabbatique depuis le mois d’août, si je ne me trompe pas ! s’exclame-t-il.

Elle froisse nerveusement le bas de son pantalon vert forêt.

— C’est vrai ! J’ai presque oublié ce détail ! Alors, comment le joindre ? 

Elle fixe son mari, avant qu’un large sourire apparaisse sur son visage délicat. 

— Et si je demandais à Élie James de me communiquer son adresse e-mail. Qu’en penses-tu, Jim ?

— Pourquoi pas ? répond-il en haussant les épaules. Il saura t’aider.

Ravie de son idée, Mélinda part au marché, amenant leur fils avec elle. Jim, lui, la seconde pour porter les sacs.



Au même moment, à la maison aux esprits de Gabriel.

Le fantôme du médecin collaborateur se matérialise devant le propriétaire de l’endroit et s’exclame :

— Monsieur Lawrence ! Je vous recommande la prudence !

Yeux agrandis, le chuchoteur d’esprits se retourne, mains tremblantes malgré lui, et bredouille : 

— Pourquoi ? De quoi parlez-vous ?

— Votre demi-sœur peut comprendre vos motifs assez rapidement si vous n’êtes pas plus prudent ! Méfiez-vous de l’eau qui dort ! Vous n’êtes pas suffisamment alerte ! D’ailleurs, j’irai en mission de reconnaissance de votre nouvel allié ! Il faut éprouver sa foi !

Et le défunt médecin collaborateur se dissipe dans les hauteurs, laissant Gabriel très intrigué et quelque peu inquiet de la suite. Le demi-frère de Mélinda fait les cent pas dans le salon, réfléchissant à sa situation.

— Bon, comment vais-je l’amener dans mon camp, la convaincre que j’ai raison ? …

Mine pensive, il balaie du regard les défunts qui dansent, insouciants, pour certains, de contribuer à un plan qui les dépasse et qui ne songent qu’à mener une bonne vie, tel au temps de leur vivant.

— Sauf si je fais appel à mes plus fidèles amis pour tâter le terrain ? J’ai l’impression que je ne peux pas faire grand chose contre eux maintenant… Sauf si je parviens à menacer Mélinda ? Pourquoi pas ? Si cela ne fonctionne pas, il y a toujours l’option de se préparer pour le futur, d'économiser ses forces maintenant pour le grand combat !

Ses yeux brillent de joie.

— Oui, j’ai trouvé ! Père, où es-tu ?

Il prend une grand inspiration avant de psalmodier : 

— Père, Thomas Gordon, daignes-tu venir ? Daignez-vous m'aider maintenant ? Thomas Gordon, Thomas Gordon, Thomas Gordon, maintenant !

Et le défunt mentionné se manifeste à ses côtés. 

— Pourquoi m’invoques-tu ? l’interroge-t-il d’un ton bourru. Que veux-tu de moi ? J'ai entendu ta voix m’appeler alors que je pensais bien continuer à me promener dans la ville ? J'espère que ce ne sera pas pour rien !

— Oui, je t’ai appelé et non, ce n'est pas en vain ! Veux-tu envoyer un avertissement à Mélinda, ta fille ?

— Oui, sans problème, mais un avertissement de quelle nature ?

— Celui qui lui ferait le plus peur ! Une menace sur son mari et son fils ! Ou une menace sur elle-même ! Mélinda n’en serait pas insensible, n’est-ce pas ?

Son défunt père approuve et quitte la demeure pour se rendre instantanément chez sa fille. Il se tapit dans l’ombre, la suivant au moindre pas.


Catherine Payne qui a entendue toute la conversation s’éclipse rapidement, avant que Gabriel ne la repère, bien déterminée à informer Mélinda sur le vrai visage de cet homme. Elle apparaît dans le salon du domicile de Jim et Mélinda, impatiente qu’ils reviennent du marché. Pour tromper son impatience, la défunte épouse de Richard Payne parcourt toute la maison de long en large, observant attentivement chaque pièce.


Ainsi, lorsque le couple dépose leurs sacs d’épicerie, la médium ne remarque pas le fantôme, puisqu’il est à l’étage. Mélinda et Jim, assis l’un en face de l’autre, fixent la traduction de l’énigme de l’Observatrice. Un silence oppressant règne entre eux, chacun est conscient de l’importance capitale de la compréhension adéquate de l’énigme. Thomas Gordon, toujours derrière le dos de sa fille, sourire sardonique, se dématérialise, ravi de son idée.

— Jim, la meilleure des options est de contacter Richard Payne pour s’informer au moins des significations de ces astres ! affirme d’un ton angoissé Mélinda. Alors je vais de ce pas à Reims, au bureau d’Élie James, il saura me donner un moyen de le contacter.

Jim approuve d’un signe de tête, lisant et réfléchissant aux identités des mystérieux alliés et ennemis. Mélinda se rend à l’Université de Reims Champagne-Ardenne.


L’ambulancier griffonne quelques réflexions sur un papier sous le regard inquiet de Catherine qui est revenue au salon. Elle s’approche de lui et lit par-dessus son épaule ce qui est écrit. Elle secoue sa tête et lui chuchote : 

— Non, non, Gabriel Lawrence est beaucoup plus sombre et sinistre que vous ne pouvez l’imaginer ! Pour les autres, je ne saurais le dire, mais pour lui, c’est certain.

Mine pensive, il continue à écrire avant d’abandonner toute forme de réflexion.


Alors que le mari de la médium l’attend et ne cesse de tourner en rond les mêmes idées, Mélinda frappe à la porte du bureau du professeur de psychologie. L’ancien Gardien lui ouvre poliment la porte et s’informe de la raison de sa visite. Charlie Luc Wogel qui est à sa droite s’éclipse de la pièce dès que le regard interrogateur de la jeune brunette se pose sur lui.

— Élie James, affirme-t-elle sérieusement, pouvez-vous me donner l’e-mail de Richard Payne ?

— Pour quelle raison ?

— J’ai besoin de son expertise.

— Je peux vous donner son numéro de téléphone, mais c’est le numéro à son bureau. Il y a aussi son e-mail, mais j’ignore s’il est joignable.

— Vous pouvez me le donner et j’essayerai.

— Oui, très bien.

Il donne une feuille de papier à son interlocutrice où l’information voulue est mentionnée. Mélinda le remercie et revient chez elle, perplexe de la présence du médecin collaborateur dans le bureau d’Élie James.


Rejoignant son mari au salon, la jeune mère remarque Catherine qui fait les cent pas dans le salon. 

Yeux aussi grands que ceux de la chouette, Mélinda demande au fantôme : 

— Madame, si je me rappelle bien, vous êtes Catherine Payne, l’épouse de Richard ? …

La défunte hoche discrètement.

— … Je pensais que vous étiez partie dans la Lumière ? Pourquoi êtes-vous ici ? 

Catherine soupire et répond dans un souffle :

— Pour vous aviser que Gabriel Lawrence n’est pas si bon qu’il semble l’être. J’ai été dans sa demeure…

— En quel sens qu’il n’est pas si bon ?

— Il travaille contre vous et vous recherche. Il y a des centaines de photographies dans une salle fermée à clé. Des photographies non seulement de vous, mais de votre mari et de vos proches et amis. Rien ne lui échappe ! Et ce, depuis plusieurs années !

Bouche entr’ouverte en o, la médium gémit : 

— Comment ?

— Il a de sombres projets avec un médecin de la Seconde Guerre et son père, un certain Thomas Gordon ! Je n’ai rien compris de ce que c’est, mais il garde des esprits errants prisonniers, nous faisant croire une halte avant le grand voyage. Mais j’ai l’impression qu’il se prépare pour une guerre et qu’il recrute de l’aide invisible, parmi nous, les défunts ! Honnêtement, je n’aime pas trop sa maison, trop bruyante avec ces morts qui font la fête et qui dansent et chantent à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit !

— De quelle guerre est-il question ?

— Contre vous ! Une guerre avec des défunts contre vous !

L’épouse de Jim devient blême.

— Gabriel n’est manifestement pas un allié… Serait-ce lui qui a un plan machiavélique ?

— Je ne pense pas, commente Jim, puisque l’énigme dit que c'est un défunt. Or, Gabriel Lawrence est toujours vivant, à ma connaissance. Donc, la seule option qui cadrerait avec lui est « l’illégitime », mais en quoi le serait-il ? Par sa naissance, par ses intentions ou les deux ?

— Jim, tu as probablement raison, puisque la défunte a mentionné que Gabriel a invoqué son père, qui est également le mien, Thomas Gordon. Je doute qu’il y ait un homonyme dans les environs. Sauf si l’illégitime est mon père. Il est issu d’une union adultère, ne faut-il pas l’oublier ?

— Bonne piste de réflexion, je n’y avais pas pensé à ton père ! Donc tu suggères que l’illégitime serait à la fois Gabriel Lawrence et ton père ?

— Pour être honnête, je ne suis pas certaine, c’est une piste plausible. Continuons notre réflexion.

— Le plan du défunt machiavélique, ce peut être ton père ou l’un des défunts depuis longtemps… J’ai oublié son nom, le médecin collaborateur dont t’en ai parlé Paul Eastman. 

— Soit mon père, soit un esprit dont je ne connais pas encore tout à fait son nom, soit ce médecin… Charlie Wogel… ou comment s’appelle-t-il ? 

Le couple se tait, méditant sur les signes et les alliés. Mélinda reprend la parole après quelques minutes.

— Entre Paul Eastman, Gabriel Lawrence, Élie James, Rebecca Char et Carl Neely, il y en a un qui est notre ennemi, Gabriel. Mais il y en a un autre qui n’est pas un allié, puisqu’il n’y a que trois signes, c’est-à-dire trois alliés, mais qui ?

— Le soleil est de genre féminin en allemand, alors que la lune est de genre masculin, tout comme l’étoile. Donc Rebecca Char, institutrice à l’école élémentaire de notre petite ville, est une alliée. Mais après, qui entre Paul, Carl et Élie est un ennemi ?

— Telle est la question, justement, soupire-t-elle.

— Si je demande à Richard Payne sur le symbolisme de chacun de ces éléments. Cela pourrait nous aider.

— Ouais, pourquoi pas ?

Mélinda se lève et rédige un message au professeur d’Histoire. En attendant une réponse, elle continue de passer en revue les possibilités. Elle soupire et se tourne vers Catherine Payne qui demeure à la même place depuis son arrivée.

— Madame Payne, pourquoi restez-vous encore ici ?

— J’ai dit ce que je voulais, pouvez-vous informer mon mari que je lui permets de se remarier ?

— Oui, je lui dirais de vive voix à son retour, affirme-t-elle d’un air douxen prenant note de la dernière volonté de la défunte.

Catherine tourne sa tête à droite et à gauche avant de sourire. Exultant de joie, elle s’écrie : 

— Je vois une lumière là-bas, tellement blanche, pure et accueillante ! Est-elle pour moi ?

Larmes dans le coin des yeux, la vivante lui répond : 

— Oui, cette Lumière est votre destination finale. N’ayez pas peur, il faut quitter le monde des vivants une fois pour toute.

— C’est rassurant à entendre, murmure la défunte.

Catherine fait un petit signe d’adieu avant de s’avancer avec grâce vers la Lumière, disparaissant progressivement de la vue de la médium. Cette dernière se retourne vers son mari.

— L’épouse de Richard Payne est enfin partie dans la Lumière. Quel moment émouvant !

Jim lui sourit et tousse pour attirer son attention.

— Mél, je suis bien content, mais nous avons une tâche qui n’est pas légère qui n’attend pas une seconde !

Elle lui sourit et dit : 

— Tu as raison. J’irai consulter le mail, au cas où le professeur aurait répondu.

Elle revient rapidement et s’exclame : 

— Oui, il y a une réponse bien développée. Je te lis son message. Il écrit, je cite, Le soleil, die Sonne en allemand, the sun en anglais, est le symbole de la vie, principe actif par excellence et est associé à la masculinité. Source de lumière, il est associé à l’or et est source de création, proprement divin, mais aussi vérité qui peut devenir aveuglante. La lune, der Mond en allemand, the moon en anglais, est symbole de passivité, de fécondité et de mort. Symbole de la féminité, elle s’oppose à la lumière diurne, rythmant le monde pendant la nuit, à l’instar du soleil pendant la journée. Elle est connaissance et intuition, lumière douce. L’étoile, der Stern en allemand, the star en anglais, symbolise l’espoir et la lutte contre le chaos. Éclairant la nuit, l’étoile est vérité et guide pour les hommes. Lumière, vie, intuition et connaissance, telle est l’étoile.

— Intéressant, commente Jim. Mais que tirer comme conclusion ?

— Ce veut dire que nous sommes en présence, dans le cas du soleil, de quelqu’un de charismatique, d’une certaine manière. Qui entre Carl Neely, Paul Eastman et Élie James pourrait être un tel individu ? Je ne pense pas que ce soit Carl Neely. Paul Eastman ou Élie James, je ne le sais pas. La Lune, c’est Rebecca Char sans l’ombre d’un doute. L’étoile, c’est…

— Carl Neely, complète le couple à l’unisson.

— Donc, conclut Mélinda, ravie, si nous ne nous sommes pas trompés, nos alliés sont Carl Neely, Rebecca Char et le dernier candidat est soit Élie James, soit Paul Eastman. Notre opposant est Gabriel Lawrence, en plus de quelques défunts, dont mon père et Charlie Wogel.

— On laisse pour demain de trouver cette dernière énigme entre Élie James et Paul Eastman.

— Bonne idée, je commence à être fatiguée de tout ça !

Mélinda rapporte son attention sur Alexis, lui souriant et le chatouillant.


Le soir, le couple s’endort rassuré d’avoir résolu l’essentiel de l’énigme de l’Observatrice. Thomas Gordon, caché dans les pénombres, sourire sardonique, s’infiltre dans les rêves de sa fille pour lui envoyer de sinistres présages et cauchemars, la laissant effrayée pour le reste de la nuit.

Elle rêve qu’elle entre dans sa maison. Franchissant à peine le seuil, Mélinda remarque sa belle-mère, Fabienne, son associée de boutique, Delphine, sa mère et quelques autres connaissances. Ils ont tous une mine affligée et sont vêtus de noir. Ils forment une haie jusqu’au salon. Elle s’y rend pour constater un cercueil, les quatre planchers caractéristiques qui trônent au centre de la place la laissent inquiète. Mélinda se tourne vers Delphine et lui demande, angoissée : 

— Que se passe-t-il ? Pourquoi cette tête d’enterrement ? Qui… n’est plus… vivant ?

— Ton mari, Jim, est mort, voix entrecoupée de sanglots. C’est de ta faute !

— Comment ?

— Tu t’es mêlée d'affaires qui ne te concernent pas ! Et ton mari… en paie le prix !

Mélinda s’approche du cercueil pour noter la présence de Jim, encerclé par Gabriel et Thomas. Les yeux bleus de son mari lancent des appels muets à l’aide, alors que Gabriel et le père de Mélinda l’entraînent avec eux. Les trois disparaissent sous la terre, la médium assiste, impuissante, à la scène. 

La brunette se réveille en sueurs, avant de se rendormir. Un autre cauchemar l'assaille.

Mélinda marche seule jusqu’au marché, sous le regard impassible des autres passants. Étonnée que personne ne la remarque ou ne s’excuse en passant trop près d’elle, la médium continue sa marche jusqu’à un cul-de-sac. Elle entend clairement les ricanements de son défunt père et de Gabriel. Elle rentre dans le passage, observant attentivement le sol désert où seul quelques poubelles vides traînent en désordre. Elle sursaute en constatant la présence de sang qui salit le sol à plusieurs endroits et la façade de la maison la plus proche. La médium, mains sur la bouche pour retenir une envie de vomir, se retourne et demande à son défunt père : 

— Père, de qui sont ces traces ? Comment suis-je sur une scène de crime ?

— Ces traces de sang proviennent de toi, de ton corps, répondent-ils à l’unisson.

Blême, la chuchoteuse d’esprits réalise soudainement sa situation : elle est morte, raison pour laquelle personne ne lui prête attention ou n’interagit avec elle.

— Comment en est-il arrivé à cette situation ?

— Trop curieuse, répond d’un ton glacial son père. 

La médium qui ressent une montée d’adrénaline dans ses veines du stress se retourne, mais elle un gouffre noir et insondable s’ouvre sous ses pieds.

Mélinda se réveille à nouveau, tremblante et pleurant. Elle ne ferme plus l'œil le reste de la nuit.



Le surlendemain matin,

Mélinda, angoissée de ses cauchemars, informe Jim, d’un ton larmoyant : 

— Jim, Gabriel Lawrence te menace dans mon cauchemar. J’ai rêvé qu’en entrant dans notre maison, tout le monde était triste, mine affligée et au fond du salon, un cercueil. J’ai interrogé mon associée qui était là, elle me répond, entre deux larmes, que tu es mort hier et que tout est de ma faute, si seulement je n’avais pas fouillé dans des affaires qui ne me concernent pas. Et mon père et Gabriel étaient au fond du salon, t'encadrant devant le cercueil. Ils riaient méchamment avant de disparaître, t’entraînant avec eux. Je me suis réveillée. En m'endormant à nouveau, dans un autre cauchemar, je me rends au marché, mais je marche seule, sans que personne ne me remarque, jusqu’à une ruelle où mon père et Gabriel m’attendent. Ils ricanent et me laissent passer. Je remarque des traces de sang sur le sol et sur la façade d’une maison. Je leur demande ce qui est arrivé, ils m’ont répondu à l’unisson que c’est de mon corps, parce que j’ai été trop curieuse. Lorsque je me suis retourné, j’ai vu une abîme. De cela je me suis réveillé.

La médium se blottit contre son mari et continue d’une voix criarde : 

— Je crains sérieusement pour toi, Jim ! Ce Gabriel Lawrence est un très sombre individu ! Je ne sais trop que faire maintenant, ça à l’air trop sérieux !

Elle sanglote. Jim l’enlace pour la rassurer, regard lançant des éclairs.

— Mél, je ne pense pas que tu dois craindre pour ma vie ! Il faut plutôt résoudre le plus rapidement l'énigme de l’Observatrice ! Il nous reste à déterminer notre dernier allié et notre dernier ennemi, si je puis m’exprimer ainsi ! Le tout se joue entre Paul Eastman et Élie James ! Mais comment le savoir, parce que l’un et l’autre t’ont aidé par le passé ?

— Bonne question, comment déduire correctement l’allié de l’ennemi ? Élie James est le Gardien du Livre, comme toi, alors que Paul Eastman est un policier au don similaire au mien. Sur quelle base ou indice, je peux considérer que l’un est ami, l’autre non ?

— Comment, telle est la question ?

Un silence plane dans la pièce, le vent à l’extérieur est le seul bruit pendant plusieurs minutes, avant que Mélinda, petit sourire, s’accroche à la main de son mari et s’exclame : 

— Comment n’y avais-je pas pensé plus tôt ?

Le grand homme aux yeux bleus lui lance un regard interrogateur.

— N’est-ce pas que tu es le Gardien aussi de ce Livre que le recteur de l’Université de Reims a convoité ?

— Oui.

— Ne pourrais-tu pas consulter ce Livre pour obtenir réponse à ce dernier morceau de puzzle qui nous manque ?

Moue dubitative, il fixe son épouse qui continue, nullement déstabilisée, son argument.

— Jim, tu comprends que nos vies sont en danger, je ne voudrais pas que tu sois défunt pour que je comprenne cette énigme. S’il te plait.

Jim hésite, mais finit par céder à son épouse. Il se lève et repère immédiatement le Livre. Il soupire et l’ouvre. Il demande au Livre ce qu’il souhaite connaître et lit la réponse à voix haute : 

— Élie James, ancien Gardien du Livre par sa faute, par son manque de caractère à résister à la tentation, est un tiède, ni suffisamment pour la bonne cause, ni suffisamment contre…

Les yeux de Mélinda brillent d’étonnement. Elle se dépêche de prendre en note les paroles de son mari.

— … Mais de cette attitude, il n’est plus un allié. Alors que Paul Eastman, policier au don particulier, est fidèle à lui-même et à sa mission. Il a résisté à la tentation et aux embûches qui ont été dressées sur son chemin. Il est un allié très fiable et charismatique. 

— Qu’en est-il de nos réflexions pour les autres indices ?

Jim rapporte son attention sur le Livre et lit la réponse.

— Ainsi, l’indice du Soleil se rapporte à Paul Eastman — son pendentif d’or est un signe — , celui de la Lune à Rebecca Char — son collier et son bracelet qui représentent des demi-lunes sont le signe —, celui de l’étoile à Carl Neely — son indice est le pendentif brillant autour du cou, semblable à une étoile à cinq branches. Ce sont eux les véritables amis, auxquels se joint le professeur Richard Payne, l’indice est son cadran solaire. L’illégitime est à la fois Gabriel Lawrence et Thomas Gordon.

— Comment ? s’étonne-t-elle.

— Parce que Gabriel Lawrence est le fils naturel de Thomas Gordon, ton père, et de feue Annie Lawrence, son ex-secrétaire et maîtresse. Ton père, Thomas, est le fils illégitime de feu Alexis Vladimirovitch Anissimov et d’Ana Gordon.

— Alors qui est le défunt au plan machiavélique ?

— Ce n'est pas un, mais deux défunts, à savoir Romano, un fondateur d’une secte, et Charlie Luc Wogel, un médecin collaborateur. Il sont esprits errants depuis longtemps, qui poursuivent chacun des fins différentes, mais qui se rejoignent autour d’un point, celui de te nuire, Mélinda !

Les yeux de la médium s’agrandissent, ses mains tremblent, son corps entier fait un mouvement de recul, lâchant sa feuille sur laquelle elle prend des notes. Elle bredouille : 

— Ça me dépasse… totalement ces deux défunts ! Qui suis-je… pour représenter une menace ?

Jim referme le Livre et le range dans la bibliothèque.

Sous le regard éberlué de la petite brunette se matérialise le défunt médecin collaborateur. Il darde sur le couple un regard de feu et hurle : 

— Madame Clancy, peut-être avez-vous décrypté le message à temps, mais sachez que les jeux ne sont pas encore terminés ! Au contraire ! J’ai encore une immense marge de manœuvre pour vous nuire… Et vous causer du tort, à votre mari, à votre fils et à vous ! Ne nous sous-estimez pas ! La guerre n’a fait que commencer ! N’oubliez que nous sommes légion contre vous !

Et Charlie Luc Wogel se dissipe dans une fumée noire. 


Après plusieurs minutes de silence, Mélinda commente : 

— Bien que nous connaissons maintenant nos alliés et nos ennemis, nous ne sommes pas encore au bout de nos peines avec nos opposants, tant vivants que défunts ne lâchent pas l’espoir de nous nuire ! Ce message n’en est que le début ! Nous devons être vigilants !


L’air devient plus oppressant dans le petit salon. Son mari l’enlace pour la rassurer, bien qu’une lueur d’inquiétude traverse ses yeux clairs. Mélinda demeure silencieuse.

Myriam Berkowitz, à la droite de la médium, approuve d’un signe imperceptible de la tête sa conclusion avant de revenir à son poste d’observation au parc de la ville.




À suivre

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