Réinterprétation et autres histoires
Chapitre 20 : Deuxième partie, Activité occulte
6915 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 07/09/2025 13:21
20. Activité occulte
Janvier 2006, au domicile familial des Clancy.
Mélinda attend patiemment au salon la venue de sa belle-mère, Fabienne, et observe, petit sourire joyeux au visage, ses deux garçons jouer avec insouciance. Alexis, cinq ans, et son frère, Thomas, trois ans, sont en train de faire rouler leurs petites voitures et déplacer leurs peluches dans la pièce avec un sérieux enfantin qui laisse leur mère attendrie. Cette dernière a rapidement compris que les garçons sont particuliers, puisqu’ils ont hérité de son don. L’Observatrice Myriam Berkowitz apparaît au côté des enfants et, s’agenouillant pour être au même niveau qu’eux, commente :
— Ils me font curieusement penser à mes petits-enfants ! Comme ils sont adorables !
Les enfants, cessant temporairement leur jeu, sourient à la vieille femme et agitent leur main pour la saluer. Elle leur rend la pareille. Puis, l’Observatrice se déplace près de la médium et lui murmure :
— Je vais veiller sur vos enfants.
— Merci. Deux paires de yeux, c’est mieux qu’une ! ajouta-t-elle avec humour.
L’entité surnaturelle approuve d’un signe de tête et observe les enfants silencieusement.
Quelques minutes plus tard, Fabienne arrive, ravie de passer son temps auprès de ses petits-enfants. Ces moments lui apportent tellement de joie dans son existence, lui changeant les idées de ses tristes pensées sur la mort de son mari, Aiden, qu’elle n'hésite jamais à aider sa bru.
« Ma belle-mère est beaucoup plus optimiste depuis qu’elle veille sur nos enfants », songe la jeune mère. « Je ne l’ai jamais vu aussi radieuse que le jour de notre mariage ! Je suis bien contente pour elle ! »
— Belle-mère, je te laisse surveiller mes enfants pour les sept prochaines heures, je serais à ma boutique, donc s’il y a une urgence, tu sais à quel numéro m’appeler !
L’interpellée opine du chef et s’assit sur le canapé beige, observant ses petits-enfants avec joie, tout en ajustant le veston vert de son complet et en buvant tranquillement une tasse de thé.
Mélinda sort de sa demeure et arrive à pied jusqu’à sa boutique. En entrant, elle remarque des boîtes de cartons près du comptoir. Elle demande à son associée :
— Delphine, que font ces boîtes au sol ? Des acquisitions ou des ventes ?
Se retournant, la mentionnée lui réplique posément :
— C’est une acquisition d’une maison mise en vente récemment !
Delphine arrête son regard sur la porte et s’exclame :
— D’ailleurs, voilà les propriétaires qui arrivent !
La médium se retourne pour remarquer un couple devant la porte et une petite fillette qui les suit. Ses parents l'ignorent ; elle est défunte.
Mélinda se dépêche d’ouvrir la porte au couple et de l’aider à transporter les lourdes boîtes. Elle fixa furtivement du regard l’esprit errant. Ce dernier, yeux agrandis, lui chuchota, ondulant ses cheveux brun clair au rythme de sa tête :
— Me voyez-vous ?
La petite fille agite sa robe vert foncé en levant sa main vers l’une des boîtes, puis disparaît.
Ramenant son attention sur le couple, Mélinda constate que les parents de la fillette sont tristes, yeux cernés, malgré leurs efforts pour ne rien laisser paraître.
« Cette petite est, sans l’ombre d’un doute, la fille de ce couple. Que c’est triste qu’un enfant meurt avant ses parents ! Quel douleur en leur âme ! »
Elle retient ses larmes en clignant des yeux pour ne pas subir le regard interrogateur des parents de la petite. Son cœur se serre à cette pensée.
Après un court silence.
— Ainsi, s’informe Mélinda en sortant un calepin pour prendre des notes, vous mettez toutes ces trois boîtes avec des objets de grande valeur en enchères, n’est-ce pas ?
— Oui, répond le père, un homme de trente ans aux cheveux bruns et aux yeux bleu-gris.
— En fait, ajoute son épouse en s’accrochant au bras de son mari, nous avons aussi trois meubles dans la maison. Donc si vous pouvez venir les chercher, nous serons ravis !
— Oui, s’empresse de répondre la femme extraordinaire. Sinon, vous répondez à quel nom ?
— Désolé, s’excuse le mari, je suis Jean Petit et mon épouse, Madeleine, complète-t-il en désignant d’un geste de la main sa femme.
— Enchantée !
Un silence lourd règne dans la pièce, avant que l’antiquaire extraordinaire ne le rompt :
— Par curiosité, sans vouloir être indiscrète, pensez-vous quitter définitivement notre ville ?
— Oui, répond le couple à l'unisson, et même le pays ! Nous allons de l’autre côté de l’Océan, au Canada, au Nouveau-Brunswick, dans la ville d’Edmundston, une fois que toute la vente de la maison sera réglée. Dans deux mois, nous quitterons la France.
— Serait-ce…
Mélinda hésite à poser sa question. Elle laisse planer un silence oppressant sous le regard scrutateur de Jean avant de reprendre la parole.
— … En raison de… la mort… de votre… fille ?
— Oui, soupire Madeleine en pleurant. Notre petite Charlène hante cette maison ! C’est frappant tout ce qui s’y passe, surtout le soir ! Effrayant ! Tellement qu’à minuit, je ne parviens pas à dormir ! Trop de bruit !
La médium baisse les paupières, retenant avec difficulté des larmes qui lui montent aux yeux. Un torrent roule sur ses joues, trop sensible qu’elle est.
— Je… Je ne voulais pas raviver… votre douleur.
— Non, non, aucunement, ma femme et moi comprenons bien pourquoi vous posiez la question… souffle le mari. Vous ne pouvez tout savoir, rien d'inhumain à demander ! Mais chérie, tais-toi ! Tu sais bien que des revenants, c’est pour faire peur aux enfants !
Jean s’excuse auprès des femmes et revient dans la voiture.
La médium, gênée, demande à la mère de Charlène :
— Je ne voulais pas avoir l’air indiscrète ou …
— Non, non, l’interrompt Madeleine avec un sourire compatissant. Aucunement, rien ne vous permet de le déduire.
— D’ailleurs, des défunts qui hantent le dernier endroit de leur vivant… Ce n’est pas étrange, commente la médium en fixant le vide.
Jean revient avec une autre boîte, la déposant sur le comptoir.
— Je vais venir demain pour récupérer les meubles, les avise la petite brunette en lançant un regard entendu à l’épouse, cela vous convient-il ?
— Oui !
Et les parents de Charlène quittent le magasin, revenant chez eux. Delphine prend une boîte et la range dans l’entrepôt. Mélinda ouvre l’une d’elles et trouve un miroir à manche au cadre doré. Une arabesque représentant une fleur y est gravée sur son dos, ajoutant une élégance des temps anciens à l’objet qui intrigue l’antiquaire.
Un léger souffle, à peine perceptible, que la médium pense être une hallucination, effleure ses mains. Elle n’y prête pas attention et retourne le miroir pour s'y mirer. Elle sursaute lorsque son reflet n’est pas visible, mais celui du visage d’une petite fillette, très pâle, aux cheveux brun clair et aux yeux bleu-gris perçant. Charlène apparaît dans un halo de brume et lui murmure :
— Tenez-vous loin de la maison !
— Pourquoi ?
Et la fillette disparaît, laissant Mélinda le cœur emballé de ses hypothèses qui se succèdent dans sa tête, contemplant son reflet aux yeux agrandis d’effroi et aux traits tendus.
« Et si la maison était réellement hantée par des esprits errants très méchants et sombres comme le pense Madeleine ! Ou pire par des entités quasi démoniaques ! Si la maison est maudite, que puis-je faire ? Cela me dépasse ! Mais comment puis-je aider Charlène ? »
— Pourquoi ? répète-t-elle, confuse.
La médium range l’artefact à sa place et fouille dans ses papiers pour retrouver l’adresse des Petit.
Quelques minutes plus tard, une idée surgit dans son esprit. Un petit sourire s’esquisse sur son visage délicat. Elle crie à son associée :
— Delphine, je reviens dans quelques minutes !
L’interpellée arrive jusqu’au cadre de porte de l’entrepôt, avant les escaliers. Le regard interrogateur et brillant, elle demande :
— Pourquoi ?
— Je vais nous acheter un café et tu pourras m’expliquer ce que tu sais à propos de cette maison où ont vécu les parents de Charlène. Je veux en savoir plus.
— D’accord, soupire-t-elle en faisant demi-tour pour terminer d’ordonner les acquisitions, intriguée par l’intérêt soudain de la propriétaire.
***
Une heure plus tard, dans la boutique, près du comptoir.
Mélinda, café à la main, écoute son associée avec attention, prenant des notes.
— Ainsi, lui explique Delphine, pensive, sirotant son café. La maison des Petit a longtemps été inhabitée. Depuis 1952, personne n’y vit. Et seul Jean Petit a acheté cette maison à un prix dérisoire il y a six mois de cela. Les rumeurs affirment que c’est un lieu hanté.
— Rien de plus ?
— C’est tout ce que je sais, répond l’agente immobilière en haussant les épaules. Je ne crois pas trop à toutes ces histoires farfelues de maison hantée et de revenants, mais bon ! Les gens sont crédules !
— Je n’en suis pas si certaine ! murmure pour elle-même Mélinda. J’ai bien eu maintes occasions de le confirmer !
— Que disiez-vous ?
— Rien, rien ! … bredouille-t-elle en évitant de croiser le regard de son interlocutrice. Je suis curieuse de connaître ces rumeurs… Mais je sais déjà qui consulter pour plus de détails ! … J’ai bientôt terminé l’inventaire ! Allons, au travail !
La médium se lève et prend la boîte dans laquelle sommeille le miroir et l’amène dans l'entrepôt.
Une fois arrivée pour la déposer au pied d’un meuble rococo, un souffle d’air s’agite. La médium se retourne et demande d’une voix chaleureuse, malgré la lueur d’inquiétude dans ses sombres yeux :
— Qui est là ? Je peux vous aider ? N’ayez crainte !
Personne ne se manifeste, mais elle ressent un courant d’air froid la traverser. La température de la pièce semble beaucoup plus froide que d’habitude. Mélinda balaye furtivement du regard la salle, mais ne voit rien et l’ampoule s’éteint soudainement. Elle sort une lampe de poche d’un meuble près de l'interrupteur et éclaire son environnement, les mains tremblantes.
— Je peux vous aider ! … Vous … Vous n’avez pas de raison de vous cacher !
Soudain, Charlène, toujours aussi triste, se matérialise sous ses yeux, près du meuble rococo. Elle murmure à la Mélinda :
— Les Ombres ! Elles vous ont repéré !
— Que me veulent-elles ? Quel lien avec toi, Charlène ?
Le fantôme ne répond pas à sa question, lueur d’angoisse dans ses yeux clairs, et se dissipe dans les airs.
L’antiquaire extraordinaire laisse la boîte où elle est et revient au comptoir, essoufflée.
***
Au même moment, à la maison aux esprits de Gabriel Lawrence.
Le fils illégitime de Thomas fait le ménage, mine inquiète, front plissé. Il est pensif de la meilleure des manières pour recruter le plus d’esprits errants pour les préparer à l’ultime combat.
« Je n’aurai qu’à demander à ce petit militaire d’entraîner les troupes pour amener ces défunts à bloquer la lumière ! Quelle bonne idée ! »
Il sourit à cette pensée et continue à balayer avec plus d’énergie la cuisine.
Soudain, Charlie Luc Wogel, sourire sardonique au visage, se matérialise à sa gauche. Il affirme :
— Monsieur Lawrence, j’ai trouvé une puissante alliée, Greta Hansen ! Elle permettra de rallier à notre cause les âmes des enfants !
Il dépose son balai contre la table et commente :
— Wow ! Effectivement à ne pas négliger !
« Au moins, elles seront faciles à manipuler » songe Gabriel en se frottant les mains d’anticipation.
— Et ce n’est pas tout, mon cher !
Le chuchoteur lance un regard interrogateur au médecin collaborateur.
— Non seulement vous aurez des esprits errants d’enfants, mais les Ombres pourraient être les gardiens de votre maison !
Le vivant déglutit et murmure :
— J’ignore qui sont ces Ombres, comment puis-je leur faire confiance ? J’ignore leur identité, leur apparence et leur raison d’être !
— Des fidèles serviteurs du Mal ! Je leur suis redevable !
— Comment ?
Une sueur froide coule dans le dos du médium, angoissé à collaborer avec des entités si mystérieuses et imprévisibles.
Une pensée traverse l’esprit de Gabriel : « Si elles se fâchent, j’ignore comment elles réagiront ! Me tueront-elles ? Me rendraient-elles fou ? Me retiendront-elles prisonnier de ma maison ? »
— Une longue histoire, l'échappé de l’asile !
Le vivant baisse son regard et se tait.
— À bientôt avec du renfort !
Le médecin collaborateur disparaît pour arriver dans la demeure des Petit. Il salue la défunte Greta Hansen, lui lançant un regard entendu.
***
Dans la boutique d’antiquité, plusieurs heures plus tard.
Mélinda finalise son inventaire, immense cahier entre ses mains, et s’assied derrière le comptoir pour tout entrer dans le système informatique. Puis, elle appelle Richard Payne à son bureau universitaire :
— Professeur, pouvez-vous m’aider au sujet d’une malédiction de la demeure de Jean Petit, située au 9669 rue Saint-Victor, à Grandeville ?
— Oui, je ferais ma recherche, Mélinda Gordon. Un peu d’anthropo-ethnologie folklorique locale ! Un peu de changement de la Grèce antique ! Par contre, je ne pourrais que vous accueillir à mon bureau après-demain à 14 h 00. Cela vous convient-il ?
— Oui, Richard Payne !
— À après-demain !
Et chacun raccroche son téléphone.
La jeune femme soupire et se masse les tempes, sentant venir un mal de tête.
Mélinda revient chez elle, accueillie par Alexis qui a une mine inquiète. Il lui demande :
— Maman, la maison est dangereuse ! Les Ombres, les formes noires, y sont !
Lueur d’étonnement dans ses yeux, elle bredouille :
— De quoi parles-tu, mon ange ?
— De la maison du Diable !
Il lui montre deux dessins, l’un des boîtes dans son entrepôt et du miroir, et l’autre d’une petite maison avec des formes ténébreuses qui sont aux fenêtres à côté des personnes qui ont l’air tristes. Sa mère demeure bouche bée, promenant son regard de son fils au premier dessin.
— Comment sais-tu pour ces objets ? s’écrie-t-elle. C’est ceux que j’ai recensé dans l’inventaire aujourd’hui même ?
— Un ami me l’a dit, répond-t-il en haussant les épaules. La seule manière de te protéger est d’avoir tout ce qui brille avec toi !
Elle fronce des sourcils.
— D’où te vient cette connaissance ? Comment peux-tu être si certain ?
— Mon ami, le Lumineux.
Mélinda est perplexe.
Soudain, les paroles de l’Observatrice prononcées cinq ans plus tôt lui reviennent à la mémoire : « Ton aîné sera exceptionnel. Il verra plus que tu ne le peux pas. Soutiens-le dans son don et ne lui soit pas une embûche, tout difficile que ce puisse être pour toi ! Tu ignores encore tout ce qui existe dans notre monde, le monde des esprits et l’au-delà ! Ce que tu perçois, ce n’est qu’une infime partie ! Lorsque tu ne connais pas les règles du jeu, prête foi à ceux qui les connaissent ! »
La jeune mère demeure silencieuse pendant quelques minutes avant de répliquer :
— Alex, laisse tout cela ! Ne te fais pas de souci pour moi ! Viens à table !
Et la petite famille s’attable dans un silence oppressant.
Un peu plus tard en soirée, une fois que Jim et Mélinda sont seuls assis l’un à côté de l’autre au salon. Son épouse lui explique le cas de Charlène Petit. L’ambulancier commente :
— Mél, as-tu pensé que l’avertissement d’Alex était sérieux ? Après tout, que savons-nous par-delà le monde physique ? Je ne sais rien ! Et même être Gardien du Livre me permet de comprendre que le monde est bien plus complexe que ce que je ne le pensais dix ans plus tôt. Je suis toujours étonné !
— Parlant du Livre, peux-tu m’aider à élucider le cas de Charlène Petit et des Ombres ?
Mine sérieuse, Jim fronce des sourcils puis grommèle :
— Je ne sais pas si j’outrepasserais mon rôle de Gardien en consultant régulièrement le Livre, mais je pourrais toujours y jeter un coup d’œil.
Il se lève et repère le Livre des Changements. Cette fois-ci il a l’apparence d’un livre pour enfants. Il l’ouvre et sursaute.
— Mél, le Livre refuse de répondre ! Il ne fait que montrer une image, celle d’un corbeau ! Et lorsque je lui demande plus d’informations sur les Ombres, il n’est écrit qu’une phrase : « En chaque heure son temps ! La curiosité à tuer le chat ! » Donc ça veut dire qu’il faut accepter des mystères, mais l’image est perturbante ! Que vient faire un corbeau dans le Livre ? Que signifie-t-il ?
— Un présage funeste ! s’alarme-t-elle.
— Je crains pour le futur ! Un Mal est en train de se tramer, mais quoi et qui ? Je ne saurais te le dire !
La chuchoteuse d’esprits se blottit contre son mari, soupirant, pour calmer ses mains et jambes qui tremblent devant la menace.
— Mél, je viens avec toi ! s’exclame-t-il, lueur de détermination dans le regard. Je vais porter les meubles, mais aussi te seconder avec le Livre ! J’ai l’impression que je pourrais t’aider ! Et suis le conseil d’Alex ! Amène des objets scintillants avec toi !
Un silence aussi lourd que les ans plane entre eux.
— Jim, articule-t-elle avec difficulté après quelques minutes, allons dormir ! Il est tard !
Il approuve d’un geste de tête. Le couple s’endort rapidement d’un sommeil agité.
***
Le lendemain matin, à la demeure familiale des Petit.
Mélinda, Jim et Delphine arrêtent leurs voitures devant la maison, une charmante bâtisse en brique. Avec le jardin rempli de fleurs et d’arbustes, un aspect chaleureux et accueillant appelle les visiteurs à entrer. Les fenêtres, tels des grands yeux d’enfants curieux, ne réveillent pas les soupçons sur une possible activité surnaturelle ou maléfique.
Mélinda chuchote à son mari, jouant nerveusement avec ses bracelets en or :
— C’est cette maison que notre fils a qualifié de maison du Diable… On ne le dirait pas… C’est inquiétant…
— Oui, semble-t-il. Les apparences sont trompeuses !
— Mais on y va, Jim !
Mélinda s’approche doucement de la porte pour l’ouvrir. Un grincement des gonds résonne dans toute la maison, avant de dévoiler Charlène qui les attend, angoissée, dans la noirceur, plus sombre que les ténèbres elles-mêmes. La femme extraordinaire est tétanisée.
— Mélinda, affirme d’une voix puissante Delphine, je vais voir au salon, je te laisse l’étage. On se rejoint à l’entrée ?
La médium sort de son état premier en murmurant d’une voix éteinte :
— Oui, oui, allons-y !
Et Delphine s’éloigne du couple, insouciante. L’épouse de Jim suit du regard Charlène. Cette dernière disparaît pour réapparaître au sommet de l’escalier. Elle s'époumone :
— Ils ne sont pas encore venus ! La voie est libre, mais pas pour longtemps ! Vite !
Mélinda fait un signe discret à son mari pour la suivre. Ils arrivent devant une porte. Le fantôme montre de la main droite une porte barricadée.
— C’est derrière cette porte que beaucoup de mystères se manifestent !
Et elle traverse la porte avec aisance. La médium rapporte à son mari les paroles énigmatiques de la défunte.
— Jim, que doit-on faire ? Accéder à l’autre côté ou non ?
— Bonne question ! Si c’est barricadé, j’aurais du travail à retirer les planches !
Jim s’approche de la porte et s’arrête net lorsqu’il discerne un dessin à la lumière de l’ampoule qui éclaire la pièce.
— Le même dessin que dans le Livre ! s’exclame-t-il.
— Un corbeau ? s’étonne-t-elle en s’approchant pour mieux observer.
Il approuve d’un geste de la main.
— Je doute que ce soit une bonne idée de forcer cette porte ! Parcourons les pièces pour trouver les meubles ! Et on verrait une autre fois pour ce cas !
— Oui, allons-y !
Le couple parcourt les pièces et trouve deux meubles, l’un dans le style de la Restauration, l’autre rococo.
En touchant la rampe de l’escalier pour descendre, Mélinda a une vision.
Elle a l’impression que des entités menaçantes l’entourent. Elle leur murmure :
— Non, s’il vous plaît soyez cléments envers moi ! J’ai fait tout ce que vous vouliez ! Pitié !
Elle se tourne de toutes parts pour n’entendre que de froids murmures.
— Pourquoi ? interroge une voix désincarnée et caverneuse qui lui donne un frisson dans son dos.
Cette voix, amplifiée par d’autres, laisse Mélinda en sueurs. Et elle ressent qu’une force invisible la pousse derrière le dos, provoquant une chute. Elle tombe en bas des escaliers.
Ouvrant les yeux pour revenir de la vision, la médium constate que son mari la tient délicatement par la taille, lui évitant de perdre son équilibre. Le cœur de Mélinda bat comme un tambour, sous le choc de ce qu’elle a vu et des sombres impressions qui l’habite. En balayant du regard son environnement avec sa lampe, elle constate une vieille femme en bas qui la fixe avec insistance : une octogénaire aux cheveux gris dans un fauteuil roulant. Ses vêtements, une large robe blanche et un long pull brun tricoté, demeurent sagement à ses côtés et retombent avec une certaine élégance.
— Qui êtes-vous ? chuchote l’antiquaire.
— Vous êtes chez moi ! C’est plutôt à moi de vous poser la question ! réplique-t-elle en se déplaçant de côté avant de se dissiper dans la noirceur ambiante quelques minutes plus tard.
La médium pense :
« Cette défunte est arrogante, mais en un sens, elle a raison ! »
— Jim, j’ai eu une vision, certainement la mort de la propriétaire qui est en bas à notre gauche.
— On ramène les meubles et ce sera tout pour aujourd’hui, suggère le grand homme avec une lueur d’angoisse dans ses yeux clairs.
— Oui, répond son épouse dans un souffle.
Et le couple attend que Delphine le rejoigne pour quitter cette étrange demeure.
***
Quelques heures plus tard, à la boutique.
Mélinda et Jim, l’un en face de l’autre devant le comptoir, ne disent point un mot depuis le départ de Delphine.
— Mél, commence son mari. Tu devrais faire attention ! Ce corbeau qui se retrouve sur cette porte ne signifie rien qui vaille !
— Oui, et cette défunte en fauteuil roulant n’est guère rassurante non plus ! Elle n’inspire pas confiance !
Elle tambourine sur le bord de la table avec une certaine rapidité.
— Laissons cette énigme pour une autre fois ! déplore-t-elle. Le professeur Payne saura répondre et éclaircir des aspects obscurs de cette maison et de cette défunte !
— Tu verras demain ! Ne t’inquiète pas pour l’instant, mais j’ai l’impression que cette vieille femme qui est morte d’une chute dans les escaliers est beaucoup plus sombre qu’elle ne le paraît. J’ai eu froid à plusieurs reprises, comme si ma température interne avait chuté ! C’est angoissant ! Mais pourquoi ?
— Demande au Livre, lui conseille son épouse. Il saura te répondre.
Réticent, il fait une petite grimace. Une petite moue se dessine sur son visage, alors qu’il réfléchit.
« Dois-je écouter Mél ou non ? Ce Livre n’est pas anodin… Mais le consulter trop souvent reviendrait-il à perdre la capacité de le lire ? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non ! Que sais-je ! Il est plus sage d’attendre et de l’user en dernier recours. »
— Mél, je ne dérangerais pas le Livre pour si peu. Patientons demain et tout deviendra plus clair. Rentrons à la maison !
— Très bien, soupire-t-elle. Revenons à la maison et nous verrons demain !
Le couple demeure silencieux le reste de la soirée en revenant chez lui.
***
Le surlendemain, à l’Université Reims Ardenne Champagne, au bureau de Richard Payne.
Mélinda s’assied sur une chaise en bois en face du professeur. Ce dernier, toujours aussi sérieux dans son complet beige, sort un immense porte-document rempli de feuilles.
— Enchanté, Mélinda Gordon-Clancy. J’ai mené mes recherches ethno-folkloriques locales comme je me plais à nommer votre requête…
« Richard Payne est toujours aussi sarcastique ! » pense Mélinda en demeurant impassible.
— Voilà les résultats ! s’exclame-t-il. Cette maison, bâtie en 1920, est la propriété, depuis 1940, d’une femme, une certaine Greta Hansen.
Il sort une image en noir et blanc où une femme en fauteuil roulant est assise, large sourire au visage devant la maison. Mélinda devient blême. Elle bredouille :
— Cette femme…
Son interlocuteur lui lance un regard interrogateur.
— … C’est elle… que j’ai vu hier ! Elle est morte dans une chute des escaliers, poussée par une force invisible !
— Comment le saviez-vous ?
— Une vision lorsque je suis venue avec Jim et mon associée pour récupérer des meubles !
— Oh ! s’étonne-t-il. Et ce n’est pas tout !
Il sort d’autres photographies.
— Celle-ci est prise en 1942 où elle est entourée d’un couple avec la mention en bas « Pour les services rendus ».
— De quels types de services ? s’étonne la médium en griffonnant des notes.
— Selon les rumeurs, elle serait une voyante, spécialisée pour retrouver les personnes perdues et pour communiquer avec les défunts ! On la disait sorcière, retenant les âmes auprès d’elle.
Charlène se manifeste à côté de la jeune mère. Cette dernière lui lance un regard interrogateur.
— Je confirme cette information. Greta Hansen retient des âmes dans la maison, surtout des enfants ! Et c’est derrière la porte que je vous ai montré que se cache ce mystère. Il faut briser la malédiction que cette vieille sorcière a engendrée ! Il faut délivrer les morts !
Elle promène un regard affolé autour d’elle.
— J’ai trop dit ! Je dois partir !
Le fantôme s’éclipse en un claquement de doigt, laissant Mélinda très perplexe.
« Que signifient ces prisonniers ? », pense-t-elle. « De l’art occulte ? De la magie noire ? Je suis dépassée par tout cela ! Mais comment une défunte peut retenir d’autres semblables ? Je ne peux y croire ! Ce doit être une erreur ! »
— Madame Gordon, venez-vous, à l’instant, de rencontrer un revenant ? lui chuchote-t-il poliment, affichant un petit sourire discret.
— Oui ! L’une des prisonnières de cette sorcière ! Une malédiction !
Une lueur s’allume dans les yeux du professeur.
— Oh ! D’ailleurs, en parlant de cela. Les rumeurs affirment qu’il y aurait des manifestations bruyantes à minuit dans la maison, même en l’absence de personne. Et la malédiction proviendrait d’une boîte à bijoux où les cheveux des défunts sont gardés, les liant à tout jamais à la demeure.
Son interlocutrice prend en note d’une main tremblante les informations.
— Et Greta Hansen aurait tenu des séances spirites en secret depuis 1942 jusqu’à sa mort en 1949, continue-t-il. En 1945, un incendie s’est déclaré, mais Greta Hansen n’était pas dans la maison cette journée, mais en visite touristique à Provence. L’incendie aurait une origine accidentelle, pense-t-on, mais les rumeurs locales affirment que c’est le résultat des entités démoniaques avec lesquelles elle aurait passé un pacte.
— Je commence à avoir une migraine, commente l’épouse de Jim. Et j’ai froid…
Elle remet son manteau, grelottante.
— … Sinon, pas d’autres informations ?
— Attendez ! Un dernier détail ! Cette maison n’a pas été habitée depuis 1952, jusqu’à l’achat du dernier propriétaire en juillet 2005 par Jean Petit. C’est tout pour les informations les plus pertinentes. Je vous laisse le dossier.
— À la prochaine, professeur.
Mélinda quitte le bureau et revient chez elle, lisant attentivement les documents et observant minutieusement les photographies.
***
Un peu plus tard en soirée, à la demeure familiale de Jim et Mélinda.
La jeune femme affirme à son mari, une fois qu’elle lui a expliqué ses lectures des recherches du professeur :
— Jim, je dois revenir dans cette maison pour délivrer ces esprits ! Je ne pourrais tolérer des pauvres défunts prisonniers pour toujours.
Un bruit de pas s’entend depuis leur droite. Alexis marche jusqu’à ses parent et leur dit :
— Papa, maman ! Faites attention ! Mon ami a dit que les Ombres sont fâchées, très en colère… Il faut de la lumière et des objets brillants pour se protéger du corbeau et le chasser !
Les parents clignent des yeux avant de s’entre observer, fronts plissés. Mélinda se ressaisit et se lève pour enlacer maternellement son fils en le rassurant :
— Alex, va dormir ! Il est tard ! Ne t’inquiète pas pour papa et maman ! Je sais ce que je fais.
— Mais maman, continue-t-il d’une petite voix, fais attention, les Ombres sont fâchées !
— Oui, mon ange, je ferai attention ! Papa sera avec moi aussi !
Et le gamin fait demi-tour et revient dans sa chambre.
Après un silence gênant de plusieurs minutes, Mélinda informe son mari de sa décision :
— Jim, j’irai demain comprendre ces âmes perdues et les délivrer ! Je ne peux pas les laisser ainsi !
— Je viendrai avec toi !
Charlène apparaît devant le couple.
— Faites attention ! Greta Hansen est très en colère ! Elle vous guette dans la maison maudite ! Je connais un passage depuis la porte secondaire.
— Charlène, pourquoi tu restes parmi les vivants ?
— Je suis retenue par la sorcière ! Je ne peux pas partir ! Mes cheveux sont cachés dans cette boîte !
Le visage de la médium perd toutes ses couleurs.
— Qu’est-ce qu’il y a Mél ? demande son mari avec prudence.
— La petite Charlène, la fille du propriétaire de la maison à vendre, …
Elle éclate en sanglots.
— … est prisonnière de cette sorcière Greta Hansen, gémit-elle.
Le fantôme affiche un triste sourire avant de quitter le salon.
— Mél, chuchote de sa puissante voix calmante son mari après plusieurs minutes qui semblent être une éternité. Viens dormir, nous verrons demain.
Le couple part dormir.
***
Au même moment, à la discussion de Jim et Mélinda, dans la demeure des Petit.
Greta Hansen attend son ami le médecin collaborateur. Dès qu’elle le voit, elle s’exclame :
— Mon ami Charlie, tu arrives à point nommé !
— Notre plan est mis en danger à cause de Mélinda Gordon ! Il faut préparer la riposte ! Mais le problème est que…
Il met une main sur le menton, adoptant une attitude pensive. Un sourire s’étire sur ses lèvres.
— … Et si on le contourne ! J’ai une idée !
Ses yeux brillent d’une folie démentielle.
— Quoi ? interroge la pseudo-voyante.
— Tu attends la médium devant la porte et tu manipules le corbeau pour qu’il l’attaque de ses griffes ! Moi, je vais tenir un discours pour amener les autres âmes dans un endroit plus sécuritaire.
— Très bien ! approuve la vieille femme. Ce sera facile de posséder cet animal ! J’ai des années d’expérience !
— Alors à plus tard et à demain !
Et Charlie Luc Wogel s’estompe dans la noirceur de la nuit.
***
Après-après-demain, à midi, devant la maison des Petit.
Mélinda et Jim attendent la venue de Madeleine qu’ils ont informé hier de venir à leur ancienne demeure pour qu’elle les aide à comprendre la dernière volonté de sa fille et assiste au départ de son enfant. Hésitante au début, elle s’est laissée convaincre à la suite des explications de Jim et doit venir à chaque instant.
Quelques minutes plus tard, Madeleine arrive, se tenant derrière le couple. Mélinda remarque la présence d’un corbeau dans l’arbre feuillu. Charlène se manifeste subitement devant elle et lui crie :
— Non, pas par là ! À votre droite !
Et la médium se dirige vers la direction mentionnée, évitant de justesse un coup de griffe de l’oiseau. La porte est difficile à ouvrir. Jim la force et fait voler en éclat la petite porte en bois. Une douce lumière éclaire l’intérieur de la demeure toujours sombre malgré l’heure.
Un frisson prend la médium.
— Dépêchons ! ordonne-t-elle aux deux autres. On n’a pas une seconde à perdre !
Son regard s’arrête sur Charlène qui approuve d’un signe de tête, observant frénétiquement son environnement.
— C’est vrai que c’est sinistre ! murmure la mère de la défunte fillette, yeux grands comme des soucoupes.
Ils montent rapidement à l’étage et, devant la même porte que lors de leur dernière visite, celle au dessin de l’oiseau funeste, Jim la défonce en quelques coups solides. Charlène les attend debout, près d’une table en cerisier.
À peine Mélinda fait un pas vers la table qu’une voix rêche derrière leur dos leur ordonne :
— Attendez un peu !
La médium se retourne et remarque Greta Hansen suivie de Charlie Luc Wogel.
— Ne pensez pas faire comme bon vous semble dans ma maison ! continue la pseudo-voyante. Je décide des règles en vigueur !
Le médecin collaborateur disparaît pour être près des défunts, attroupés dans un coin. Mélinda remarque particulièrement deux défunts qui encadrent Charlène, un homme de taille moyenne aux cheveux bruns et aux yeux de même couleur vêtu comme un prisonnier d’un camp de concentration avec un numéro du côté droit de la chemise rayée. La femme, elle, est grande et élégante dans sa robe à la mode des années 1940. Ses yeux noirs expriment une tristesse vertigineuse qui laisse Mélinda émue. La défunte femme demeure immobile et suit du regard toutes les interactions avec une lueur d’espoir.
Jim s’avance d’un pas certain vers l’interrupteur et allume l’ampoule qui éclaire la pièce et chasse les ténèbres ambiantes. Il s'approche de la boîte et essaie de l’ouvrir. Il s’évertue, mais en vain.
— Petite, hurle Greta, n’oublie pas que tu m’appartiens !
Elle se tourne vers les défunts.
— Vous m’appartenez tous !
La femme et l’homme fantômes tremblent de frayeur et enlace Charlène dans un geste protecteur.
— Non, nous n’avons rien fait ! Nous n’avons rien fait, répètent-ils comme une mantra dans un murmure.
L’ampoule éclate, plongeant la pièce dans une noirceur angoissante. Les Ombres, invisibles de tous, encerclent les esprits errants, semant une panique parmi eux. Mélinda allume prestement les nombreuses lampes de poche qu’elle a amenées avec elle, ainsi que divers objets brillants, allant d’un bracelet en or en passant par des ustensiles sous le regard étonné de Madeleine.
— Cette pseudo-voyante raconte n’importe quoi ! affirme la médium avec force. Partez dans la Lumière ! N’écoutez pas ces sombres entités !
Et Jim, dans un ultime effort, ouvre la boîte. Il la vide de son contenu sur la table même : des cheveux divers de plusieurs personnes entrelacés et enduits d’une substance gluante.
Ce geste engendre un soupir de libération des défunts. Charlie Luc Wogel quitte l’endroit, comprenant qu’il perd une bataille et peu désireux de se confronter à la colère des Ombres.
— Attendez ! hurle la pseudo-voyante, s’agitant sur son fauteuil en ressentant les Ombres qui l’encerclent de plus en plus menaçantes. Ne partez pas dans la lumière, vous y êtes indignes !
— Ne l’écoutez pas, réplique posément la médium, malgré un rythme cardiaque accéléré.
Et tous les défunts, sauf Charlène, tournent leurs regards vers un point lumineux invisible à droite, petit sourire sur leur triste visage.
— N’abandonnez pas, allez-y ! murmure doucement la médium.
Tous les fantômes, comme un seul homme, se dirigent vers ce point lumineux qui grossit en intensité. Ils se dissipent de plus en plus, légers et rassérénés, jusqu’à ce qu’ils disparaissent totalement de la médium, telle une brume matinale. Seule Charlène reste encore parmi les vivants.
— Non ! Non ! hurle Greta Hansen entourée des Ombres qui deviennent même perceptibles physiquement pour Madeleine, Jim et Mélinda sous forme de fumée noire. Les Ombres emportent la pseudo-voyante dans le monde souterrain en un seul mouvement, semblable à une vague qui engloutit un maladroit surfeur.
La médium fixe le dernier endroit où a été la collaboratrice du défunt médecin, secouée de tremblements.
Quelques minutes plus tard, Jim rompt le silence.
— Voilà qui est fait ! Charlène pourra partir en paix !
— Je ne…, bredouille Madeleine. Je ne comprends pas ce qui vient d’arriver, mais c’est étrange ! Et j’avais raison ! C’est un lieu maudit !
— Maintenant, il ne l’est plus ! s’exclame la médium en versant des larmes de joie. Et votre fille est heureuse. elle est à côté de vous maintenant.
— Dis à maman et à papa que je les aime beaucoup ! s'extasie l’enfant en enlaçant sa mère dans un geste d’adieu.
— Oui, je leur dirais, murmure Mélinda en serrant la main de son mari.
Charlène marche calmement vers sa droite, yeux rivés vers cette Lumière qu’elle seule voit, visage irradiant de bonheur. Sa robe scintille d’une lueur irréelle devenant plus claire, avant de disparaître définitivement, tel un doux zéphyr qui apporte fraîcheur après les chaleurs estivales. La femme extraordinaire pleure doucement, toujours émue des dénouments avec les défunts.
Une fois les adultes devant la maison, Mélinda rapporte les paroles de Charlène à Madeleine qui la remercie et revient chez elle. Jim et Mélinda retournent également à leur domicile.
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Au même moment, à la demeure de Gabriel.
Le médium est ravi de sa journée, parvenu à convaincre trois esprits à venir à son domicile. Il s’allonge sur son canapé.
— Monsieur Lawrence au repos ? le nargue le défunt médecin. Alors que nous avons perdu une bataille !
L’interpellé se redresse rapidement et fixe le fantôme. Il lui demande :
— Quoi ? Comment ? Où ?
— Nous avons perdu une bataille avec Greta Hansen, mais pas encore le combat final. Nous sommes dépossédés, certes, d’une source importante de guerriers, mais pas encore de nos principaux combattants !
Lueur de folie furieuse dans le regard, un mince sourire se profile sur son visage.
— La grande finale est encore à venir !
Sur ces paroles qui donnent des sueurs froides à Gabriel, le médecin s’évapore dans les airs.
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Un peu plus tard en soirée, à la demeure des Clancy.
Mélinda et Jim, l’un en face de l’autre, observent leurs garçons jouer, lorsque Alexis s’approche d’eux.
— Qu’y a-t-il mon ange ? l’interroge la médium, intriguée de son air triste.
— Maman, mon ami Lumineux m’a dit que les Ombres sont fâchées ! Très en colère !
— Ne te fais pas de souci Alex. Rien ne peut t’arriver !
— Et mon dessin ?
Il court chercher le dessin qu’il a fait aujourd’hui. Mélinda le prend et sursaute en constant que l’arbre est tâché de sang qui dégouline sur le tronc.
— C’est une menace ! murmure-t-elle pour elle-même. Très sérieux ! Alex, reprend-elle d’une voix plus audible en essayant de se contrôler pour ne pas trembler, je comprends ton souci, mais fais plutôt attention à toi, mon ange ! Maman s’en sortira bien !
Un ricanement que seul le garçon entend fuse dans la pièce. Les Ombres se meuvent autour de la famille. Alexis tremble de froid et s’éloigne de ses parents pour monter dans sa chambre.
Ses parents aussi regagnent leur chambre, angoissés.
À suivre