La lignée de Melinda Gordon
Avertissement : Les personnages de Ghost Whisperer peuvent paraître différents par rapport à la manière dont ils sont présentés dans la série.
La nuit du 8 au 9 mai 2008, chambre de Jim Clancy et de Melinda Gordon.
Le couple dormait, enlacé, les couvertures jetées sur leurs corps. Depuis plusieurs nuits, Melinda faisait le même rêve.
Dans le parc de la ville de Grandview, un jeune homme, aux cheveux châtain clair salis de sang caillé et aux yeux noisette, est devant elle. Sur son visage, au teint légèrement rougeâtre, un masque transparent. Il est vêtu d’un manteau brun moyen déboutonné, laissant voir un chandail bleu marine, et d’un pantalon jeans. Il s’approche d’elle, l’air bienveillant.
Étonnée, elle demande :
— Qui êtes-vous ?
Il répond par un faible sourire en secouant sa tête.
Après un certain temps silencieux, le jeune homme murmure d’une voix émue, les yeux brillant d’une joie indescriptible :
— Ma fille… Ne me reconnais-tu pas ?
— Mais, comment ? demande-t-elle, étonnée.
Le jeune homme soupire ; elle le regarde de la tête aux pieds et recule de quelques pas. Il s’avance vers elle, la dépasse et continue à déambuler dans le parc. Elle se retourne pour le regarder jusqu’à le perdre de vue.
Melinda se réveilla, perplexe et intriguée de l’identité du jeune homme. Elle se demanda bien quel esprit venait visiter ainsi ses rêves et ce qu’il attendait d’elle.
« Sans doute un père qui veut retrouver sa fille », pensa-t-elle, émue.
Elle câlina le bras musclé de son mari, ce qui le réveilla. Il murmura d’une voix ensommeillée :
— Qu’est-ce qui se passe, Mel ? Un mauvais rêve ?
— Pas tout à fait... Le même rêve qu’hier et qu’avant-hier.
— L’homme avec un masque ? Peux-tu préciser le genre de masque, car hier tu as perdu un temps fou à chercher sur ton ordi…
— Ouais… C’est une sorte de masque transparent qui recouvre tout le visage… Son visage a un teint rouge…
— Selon la description…
Jim s’interrompit lui-même, pensif pendant quelques minutes, avant de dire d’une voix sérieuse :
— Je sais que ce genre de protection est portée par les grands brûlés en réhabilitation. Ce masque transparent permet de protéger la plaie de tout contact avec l’air…
Il fit une courte pause puis reprit d’un air chaleureux :
— De sorte que nous avons au moins un indice, à savoir que cet homme a survécu à un feu…
La brunette se retourna vers son époux et murmura :
— Serait-ce Paul Eastman, l’homme qui avait retrouvé le corps du petit Michael Wilkins dans la forêt ? Pourtant, j’ignorais qu’il avait survécu à un incendie… Qu’est-ce que tu en penses ?
Jim haussa les épaules pour toute réponse et l’embrassa sur les lèvres.
****
Après le petit-déjeuner, la passeuse d’âmes se rendit dans sa boutique d’antiquités, The Same As It Never Was Antiques, pour essayer de réfléchir sur le cas de Paul Eastman. Les récents événements l’avaient quelque peu bouleversé : son père, Thomas Gordon, qu’elle n’avait pas vu depuis vingt ans, était hospitalisé après une tentative de suicide avec son arme à feu dans sa chambre d’hôtel hier soir. Son époux qui travaillait à l’hôpital lui avait rendu visite. Et voilà ce mystérieux Paul Eastman, comme venu de nulle part, qui se manifestait dans ses rêves. Il était apparemment un passeur d’âmes qui avait retrouvé le corps du petit Michael Wilkins dans les bois. Visiblement, la jeune femme se dit qu’il lui manquait une partie importante de toute cette histoire. Mais quoi ? Elle ne saurait le dire.
« Pourquoi, après une longue absence, père fera une tentative de suicide ? » pensa Melinda, les yeux larmoyants. « À moins qu’il soit influencé, voire possédé, par un esprit ? Mais qui ? Et pourquoi ? »
Un esprit apparut devant elle, à quelques centimètres du comptoir. Elle leva les yeux vers lui. C’était un vieil homme vêtu comme un aristocrate du XVIIIe siècle.
Étonnée, la brunette extraordinaire pensa, en clignant des yeux.
« Encore un autre esprit ! Ce n’est pas du tout repos ! »
Elle s’éclaircit la gorge, mais avant qu’elle ne dise un seul mot, l’entité affirma d’un ton sérieux, ce qui allait très bien avec son visage inexpressif :
— Je ne suis pas un esprit ordinaire, mais un Observateur. Et vous devez en toute urgence comprendre votre rapport avec Grandview.
La passeuse d’âmes, moue dubitative, pensa « De quel rapport est-il question ? J’y habite depuis mon mariage avec Jim… Et quoi alors ? »
L’Observateur poursuivit :
— Monsieur Thomas Gordon vous l’a déjà dit dans la ville souterraine…
— C’est vrai… murmura Melinda. C’est pourquoi je pensais alors que mon père était…
Émue, les larmes aux yeux, elle n’osa pas terminer sa phrase.
Son interlocuteur poursuivit, sans sourciller :
— Votre raison d’être ici est beaucoup plus profonde que vous ne pouvez le penser de prime abord. Vous devez comprendre qui vous êtes et quelle est votre noble lignée.
La jeune femme, perplexe, pensa « Moi, d’une lignée noble ? Pourtant mon père n’est qu’un simple procureur adjoint à la cour… Et ma mère n’est qu’une fleuriste… Ce qui n’est rien de particulier ou de noble… »
L’Observateur continua, toujours aussi immuable :
— Vous devez savoir que si vous avez vu l’âme de Thomas Gordon dans la ville souterraine, c’est parce qu’il était possédé par Paul Eastman. Par ailleurs, vos rêves sont les éléments-clés concernant ce dernier !
Ainsi parla l’Observateur et disparut aussitôt de sa vue, laissant Melinda perplexe.
Les pensées se bousculèrent : « Paul Eastman, un esprit errant d’un passeur d’âmes de Grandview, suit mon père ? Pourquoi ? Quel est le rapport de cet esprit avec mon père ? D’ailleurs, qu’est-ce que ce numéro que Carl a écrit sur le dossier de Michael Wilkins ? »
Un souvenir lui revint en mémoire.
Elle est dans le cadre de porte, attendant de prendre le document que son ami le détective Carl Neely lui tend. Un esprit flou apparaît derrière et passe au travers lui, comme s’il veut prendre possession de son corps. Secoué d’un léger tremblement, Carl inscrit frénétiquement quelques lettres ou chiffres — elle ne peut pas le dire exactement — sur le dossier puis l’esprit sort de son corps et disparaît aussitôt. Le policier tend le dossier à Melinda qui l’interroge d’une voix douce :
— Carl, es-tu certain que tout est correct ?
— Oui, oui, balbutie-t-il. J’ai seulement eu froid tout à coup… Ce n’est rien de grave…
Elle murmure d’une voix chaleureuse :
— Merci, Carl !
— Merci à toi, Melinda !
Elle prend le dossier et ferme la porte d’entrée de sa maison.
De retour à la réalité, elle pensa « C’était le dossier du cas de Michael Wilkins, dont le numéro était composé de la date du procès, soit le 3 avril 1979 — si ma mémoire ne me trompe pas — et de deux chiffres aléatoires. Il mentionnait un certain Paul Eastman qui avait été accusé de la mort du pauvre garçon… Mais que je revienne aux propos énigmatiques de l’Observateur… Je dois comprendre ma lignée… Qu’a-t-elle de particulier ? Du côté maternel, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère et mon arrière-arrière-grand-mère étaient aussi des passeuses d’âmes… Et quoi alors ? Du côté paternel, je ne sais rien… Peut-être que c’est ce que je dois chercher ! Mais avant, je commencerai à chercher sur Paul Eastman… »
Melinda abandonna ses réflexions pour reprendre son travail d’antiquaire, saluant poliment au passage un client. Rien de particulier. Une fois le client sortit, elle prit son ordinateur portable de l’arrière-boutique pour commencer sa recherche sur Paul Eastman. Elle découvrit qu’il était un policier de Grandview qui avait été porté disparu depuis 1993.
« Sans doute est-il mort en 1993 », pensa-t-elle tristement. « Pourtant, il me semblait qu’il avait été impliqué dans le cas de la disparition du petit Michael Wilkins en 1979… Le cas dont mon père s’était occupé… Et si je continuais à chercher ? »
Elle griffonna quelques informations sur une feuille vierge d’un calepin qu’elle apportait toujours avec elle. C’était son calepin qui lui permettait de prendre des notes sur les différents esprits errants qu’elle voulait aider à quitter définitivement le monde ici-bas. Avec le temps, elle traitait de cas si différents qu’elle ne parvint plus à se souvenir de tous les détails.
Melinda continua pendant quelques heures sa recherche sur l’ordinateur, de temps en temps interrompu par l’arrivée de clients dans sa boutique. Ensuite, elle essaya de trouver plus d’informations sur la branche paternelle, mais en raison des nombreux homonymes de son père, Thomas Gordon, elle dut vite abandonner. Une fois que le dernier client était sorti et qu’elle plaça l’écriteau « Fermé » sur la porte de sa boutique, l’antiquaire revint chez elle, où son mari l’attendait.
Une fois assis sur leurs chaises dans la cuisine, la jeune femme demanda d’une voix blanche :
— Comment va mon père ?
— Assez bien… Malgré l’atteinte du centre vital, il s’en sort assez bien, répondit Jim, lueur d’inquiétude dans ses yeux bleus. Selon le médecin, les vingt-quatre prochaines heures seront déterminantes…
— Oh, non ! Surtout qu’il ne meurt pas ! gémit-elle en pleurant.
— Je t’assure qu’il va bien aujourd’hui… Pour l’avoir vu, je pense qu’il devrait être correct demain… Et je te propose de venir avec toi… Puisque tu tiens tant à parler à ton père…
Melinda sécha les quelques larmes qui coulaient sur ses joues. Elle murmura d’une petite voix :
— Pourtant, je dois comprendre… mon rapport avec… notre ville… et pourquoi… Paul Eastman hante mon père…
— Comment sais-tu qu’il est suivi par un esprit ? demanda Jim, les sourcils levés d’étonnement, en caressant doucement le dos de la main droite de son épouse.
— C’est un Observateur qui me l’a dit lorsque j’étais dans la boutique… Il m’a aussi confirmé que Paul Eastman est l’homme au masque qui vient dans mes rêves…
Elle termina en faisant un mouvement désespéré des bras :
— Mais pourquoi ?
Jim se leva de sa chaise, se plaça derrière celle de son épouse pour l’enlacer entre ses bras. Il murmura à son oreille d’une voix chaleureuse :
— Et j’imagine alors que tu as commencé ta recherche ?
— Exactement…
Moue boudeuse au visage, la brunette extraordinaire ajouta :
— Sauf que je n’ai pas trouvé grand-chose…
Elle sortit son calepin de son sac à main et poursuivit :
— Il semblerait que Paul Eastman est porté disparu depuis 1993, en voulant s’échapper de prison après un feu qui s’est déclaré… Si je me souviens bien de ce que Michael Wilkins m’a dit, je comprends que Paul Eastman a été celui qui a retrouvé son corps… Ce qui veut dire qu’il voyait les esprits errants ?
Jim confirma silencieusement ses propos.
Melinda continua, en lisant à nouveau quelques notes sur son calepin :
— Ça, c’est une chose… Maintenant, le rapport entre mon père et Paul Eastman… À part que Paul soit accusé de…
— … d’avoir tué le petit Michael Wilkins ?
— Oui… En tout cas, c’est ce que j’ai compris. Et comme mon père a été le procureur adjoint qui s’est occupé de ce cas-là, voilà le rapport !
Jim approuva discrètement ses propos.
— Mais ce qui me laisse perplexe, avoua Melinda en serrant la main de son époux, c’est la mention de profondeur…
— De ton rapport avec Grandview ? demanda-t-il.
— Oui… L’Observateur m’a aussi dit que je dois connaître ma noble lignée, ce que je trouve bizarre… Car ni un procureur adjoint ni une fleuriste ne sont des nobles… Je déduis donc qu’il s’agit de mes ancêtres…
Jim opina de la tête silencieusement.
— Comme je connais déjà ceux du côté maternel, continua-t-elle, il ne me restera plus que du côté paternel…
— Logique, approuva-t-il.
Un silence plana entre eux pendant plusieurs minutes. Les deux réfléchissaient.
L’ambulancier murmura :
— Mel, as-tu pensé à jeter un coup d’œil à ton certificat de naissance ?
— Je dois t’avouer que non… Mais c’est une bonne idée… À mes yeux, Grandview n’est que la ville où travaillent mes parents…
Elle soupira d’un air exaspéré puis ajouta :
— Je pense plutôt que je dois essayer avant tout de comprendre la raison de Paul Eastman à suivre mon père… Je… je…
La jeune femme ne termina pas sa phrase, car elle éclata en sanglots.
Jim caressa doucement les épaules de son épouse, ce qui la calma quelques minutes plus tard.
— Je comprends, murmura-t-il d’une voix chaleureuse, que tu considères Paul Eastman comme un esprit qui se venge pour une raison obscure de ton père… Peut-être parce qu’il est fâché d’être condamné… Mais la question demeure s’il est vraiment coupable…
— C’est logique… Selon les archives, Paul Eastman est coupable… À moins qu’à ses yeux, la peine de prison soit une injustice…
— Possible…. Ton père pourrait t’en dire davantage…
— Ouais…
— De sorte qu’il serait terrible, en effet, que tu perdes ton père avant la fin de ton enquête, si je peux le dire ainsi…
Elle confirma silencieusement, n’ayant pas la force de dire un « oui » tellement sa gorge était nouée par l’émotion.
— Au moins, Mel, ajouta son mari en la regardant droit dans les yeux, tu peux toujours essayer de parler avec tes parents pour mieux comprendre cette histoire avec Paul Eastman, n’est-ce pas ?
— Exactement, surtout que j’ai lu tous les articles possibles des archives de Grandview autour du procès de 1979… C’était quand même un an avant ma naissance…
« Au moins », songea-t-elle,« j’espère ainsi que je vais enfin comprendre cette histoire compliquée… »
****
Le soir, Melinda eut une fois de plus le même rêve. Elle se réveilla en pensant « Paul Eastman, pourquoi me considérez-vous comme votre fille ? C’est impossible puisque je suis la fille de Thomas Gordon ! »
****
Le lendemain matin, Melinda fit la demande pour obtenir une copie papier de son acte de naissance. Ensuite, le couple se rendit à l’Hôpital Mercy, pour rendre visite à Thomas Gordon. Ce dernier, un quarantenaire aux yeux bleu glacial et aux cheveux châtains, était allongé dans le lit d’hôpital. Il avait un bandage blanc autour de sa tête. Une infirmière était assise sur une chaise, un peu en retrait et regardait discrètement le malade. Elle était attentive à la moindre variation du moniteur à côté du lit, sur une petite table.
Melinda, en entrant dans la chambre, lâcha la main de son mari, puis s’assit sur le bord du lit, les larmes aux yeux tellement elle était heureuse et émue de revoir son père.
Elle murmura :
— Papa, tu vas mieux ?
— Oui, répondit Thomas.
Il se releva à moitié et continua d’une voix rauque, faible sourire aux lèvres :
— Melinda, le docteur a dit que je devrai bientôt sortir…
— Ce qui est une bonne nouvelle, commenta Jim, debout derrière sa femme.
— Papa, demanda la brunette d’une voix vibrante, en clignant pour retenir en vain des larmes qui coulèrent silencieusement sur ses joues. Pourquoi ? Pourquoi ?
Thomas haussa les épaules, pour dire « Je ne le sais pas, mais ça me trouble aussi. »
Elle continua à mi-voix :
— Hier, un esprit, plus précisément, un Observateur, m’a dit que Paul Eastman t’a possédé pour commettre…
Melinda n’osa pas terminer sa phrase.
Son père soupira en pensant « Pourquoi Melinda doit-elle revenir sur Paul Eastman ? »
Il s’éclaircit la gorge pour garder son sang-froid puis demanda :
— Melinda, sais-tu quel est son motif d’action ?
— Je l’ignore, répondit-elle en haussant les épaules.
— C’est pourquoi elle est venue, la défendit Jim d’un air assuré.
Thomas regarda alternativement sa fille et son gendre, puis demanda froidement après un long silence :
— Que voulez-vous savoir au sujet de Paul Eastman ?
— Comment l’as-tu rencontré ? Pourquoi semble-t-il chercher vengeance ? dit Melinda
— Si tu l’as vu, répliqua-t-il, pourquoi ne l’as-tu pas interrogé ?
— Parce que je ne l’ai pas encore vu en tant qu’esprit errant, mais seulement dans mes rêves…
— Je comprends…
Le père de Melinda pensa « Merde ! J’espère seulement qu’elle n’a pas compris ! »
Thomas se tut pendant plusieurs minutes avant de poursuivre :
— Et tu veux savoir si je sais qui est Paul Eastman ?
La brunette confirma silencieusement.
— Depuis quand suis-je censé le connaître ? protesta-t-il en agitant ses mains.
— Parce que tu as été le procureur adjoint qui s’était penché sur son cas en 1979, insista Melinda d’une voix douce. Es-tu certain de ne pas te souvenir de lui ? J’ai lu que ce procès avait fait la une des journaux à l’époque…
« Il faut bien que je trouve quelque chose à dire… Je n’aurais jamais dû lui dire qu’elle essaie de comprendre sa raison d’être… Elle a pris trop au sérieux… A moins que j’improvise une quelconque explication ? Bonne idée… » pensa-t-il.
— Ah, oui !, s’exclama Thomas avec un grand geste des bras. Merci du rappel ! Tu ne peux pas imaginer combien de cas différents j’avais réglé tout au long de ma carrière… Je ne peux pas me souvenir de tous les détails…
— Je comprends, répliqua-t-elle avec son plus beau sourire. Moi non plus, je ne me rappelle pas avec précision tous les cas des esprits errants que j’ai rencontrés…
— Surtout que le cas de Paul Eastman était au tout début de ma carrière… Il me semble qu’il était un homme dangereux… Je me corrige : un policier dangereux… Il avait tué un gamin dont je ne me rappelle plus du nom…
— Michael Wilkins, précisa Melinda.
— Ça, nous le savons déjà, intervint Jim. N’aurais-tu pas quelques autres informations plus révélatrices à ajouter ?
— Euh… Tout ça pour dire que Paul Eastman a du sang sur les mains… Pas seulement d’un gamin…
« Paul Eastman, un policier criminel ? » pensa le couple, étonné.
— Sérieux ? demanda Jim d’un air inquiet.
— Oui, oui, affirma son beau-père. Il a même tué un homme en prison.
Cette information glaça le sang de Melinda, qui pensa, épouvantée, « on peut s’attendre à tout d’un tel homme… Étant un policier, Paul Eastman savait très bien manier les armes à feu… Pour verser du sang ou pour pousser mon père à se vider du sien… »
— Aussi, ajouta Thomas d’un air jaloux, je le soupçonnais d’être amoureux de Beth, qui était alors venue au palais de justice lors de l’audience…
Melinda murmura :
—Cela pourrait expliquer pourquoi Paul Eastman te suit…
— Peut-être que oui, concéda Thomas à voix basse.
— Ça pourrait expliquer son acharnement, commenta Jim en serrant la main de sa femme.
— N’as-tu pas quelque chose d’autre à ajouter, papa ? questionna Melinda en regardant d’un air inquiet le quarantenaire.
— Non, répondit sèchement l’interpellé.
Thomas fit une pause puis reprit d’un air plus cordial :
— Un conseil : ne te fait pas du mauvais sang pour ce Paul Eastman. Laisse-toi le temps de bien comprendre ce qui s’était vraiment passé avant de tirer des conclusions.
— Une autre question, demanda Melinda. Avons-nous des comtes ou je-ne-sais quel autre membre de noblesse dans la famille ?
— Pourquoi ? fit Thomas, étonné.
Il pensa : « Je me demande bien comment elle a pu parvenir à formuler une telle question… Qui est vraiment bizarre… »
— Parce que l’Observateur m’a aussi dit que je dois connaître ma noble lignée.
— D’accord… Je comprends…
Il répondit après un long silence :
— À ma connaissance, aucun de mes ancêtres était un noble… Mon père, Andrew, était procureur à la cour. Mon grand-père paternel était un simple agriculteur… Mon grand-père maternel était tailleur… Après, j’ignore tout du métier qu’exerçait mon arrière-grand-père paternel…
— Merci de l’info, susurra Melinda.
— Sur ce, passe une bonne journée !
— Pareillement, répliqua la brunette en serrant la main gauche de Jim, qui salua son beau-père d’un geste de main.
Le jeune couple sortit de l’hôpital pour revenir dans leur salon. Ce qui restait à faire, c’était d’attendre la copie de l’acte de naissance de Melinda Gordon et de discuter avec sa mère, au cas où elle révèlera des informations pertinentes. Pour l’instant leur conclusion était la suivante : Paul Eastman, un criminel en uniforme, avait la ferme intention de se débarrasser de Thomas Gordon à cause d’Elizabeth. Un schéma comportemental dont Melinda fit un rapport avec son ex-copain, Kevin McCall, qui était venu à elle, il y a deux ans. Il était un esprit errant qui avait semé le désordre dans le placard de son époux. Elle pensa « Heureusement que Kyle n’était pas si violent au point que Jim fasse une tentative de suicide. »
****
Durant les nuits suivantes, Melinda faisait le même rêve.
Dans le parc de la ville de Grandview, un jeune homme, aux cheveux châtain clair salis de sang caillé et aux yeux noisette, est devant elle. Sur son visage, au teint légèrement rougeâtre, un masque transparent. Il est vêtu d’un manteau brun moyen déboutonné, laissant voir dessous un chandail bleu marine, et d’un pantalon jeans. Il s’approche d’elle, l’air bienveillant.
Étonnée, elle dit :
— Vous êtes Paul Eastman ?
Il répond par un faible sourire en hochant lentement la tête.
En le dévisageant attentivement, elle sent une sorte de familiarité avec lui, comme si la voix du sang résonne en elle.
Paul murmure :
— Ma fille…
— Le suis-je vraiment ? demande-t-elle, sur la défensive. J’ai l’impression que oui… Mais c’est impossible ! Mon père ne peut pas être autre que Thomas Gordon ! Ma mère ne peut pas lui avoir été infidèle !
L’homme ravale sa salive, secoue légèrement sa tête et murmure :
— Pourtant, j’ai donné mon sang pour te protéger…
— De qui ?
Il ne répond pas, la dépasse et continue à déambuler dans le parc. Elle se retourne pour le regarder jusqu’à le perdre de vue.
Melinda se réveilla, très perplexe de son rêve. Elle ne parvenait à s’expliquer cette attitude contradictoire de l’esprit errant. Pourquoi un homme qui avait versé du sang se faisait protecteur tout à coup ? Surtout, elle ne comprenait pas de qui il voulait la protéger.