La lignée de Melinda Gordon

Chapitre 2 : Fin de l'enquête généalogique et révélations inattendues

Chapitre final

4239 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/09/2025 21:11




Le 25 mai 2008, 10 h 15.



Melinda obtint la copie de son acte de naissance. Elle le lit en la présence de son mari, qui l’écoutait attentivement. Ils étaient au salon, assis sur un canapé.

— Jim, sur l’acte de naissance, il est indiqué que je suis née à l’Hôpital Mercy de Grandview, s’exclama-t-elle, étonnée. 

Elle déposa le document sur la table basse devant elle et soupira :

— Et que l’adresse de mes parents a été le 12, rue St-Andrew à Grandview… Pourtant, ils ne me l’ont jamais dit… D’ailleurs, je n’ai aucun souvenir d’y avoir habité…

— Mel, avant de t’inquiéter, tu pourras vérifier l’adresse mentionnée, pour savoir un peu l’historique de la maison de tes parents, suggéra son époux.

— Tu as raison !

Et elle fit une recherche sur son ordinateur portable pour trouver que la maison en question avait été inhabitée depuis sa dernière vente en juillet 1985. Des rumeurs disaient même que la maison était hantée et que des phénomènes bizarres se produisaient la nuit. 

— Ça veut dire que mes parents avaient habité à Grandview jusqu’à mes cinq ans ! s’exclama la jeune femme, indignée. Pourquoi avons-nous quitté notre ville ?

Son époux haussa les épaules et répondit :

— Je ne le sais pas, Mel… Le plus simple serait de leur demander…

— À ma mère, le corrigea-t-elle. Je ne veux pas brusquer mon pauvre père… Il se remet à peine d’une tentative de suicide…

Des larmes montèrent à ses yeux au souvenir de Thomas Gordon à l’hôpital.

Un peu gêné de son malaise, Jim s’empressa d’ajouter d’une voix chaleureuse :

— Tu as compris ce que je voulais dire…

Sa femme approuva silencieusement.

— Tu pourrais alors demander à ta mère de parler avec nous demain ou après-demain ? suggéra-t-il d’une voix douce.

— Oui… Je connais l’adresse de son magasin où elle travaille…

— Alors, va-y ! J’en ai marre de tout ce mystère ! l’encouragea Jim.


La brunette se rendit aussitôt au magasin de fleuriste de sa mère, Elizabeth.

Cette dernière, étonnée de la voir, l’interrogea sur la raison de sa visite.

— Serais-tu disponible demain ou après-demain pour discuter avec moi ? l’interrogea Melinda.

— De quoi ?

— De votre maison à Grandview…

— Comment l’as-tu su ?

— Je l’ai lu de mon certificat de naissance…

— Mais pourquoi ?

— Parce que je veux comprendre mon rapport avec notre ville…

— Qui te l’a dit ?

— Papa et un Observateur… Ce dernier m’a dit que ma lignée est noble… 

La jeune femme haussa les épaules et ajouta : 

— Sauf que je ne comprends pas du tout en quel sens… Qu’est-ce que tu en penses ?

Sa mère cligna des yeux, perplexe et murmura :

— Ainsi dit, c’est en effet vraiment bizarre… À moins que la « noblesse » inclut ton don…

— Notre don, la corrigea Melinda d’une voix douce.

— En fait, tu as compris ! s’exclama Elizabeth d’un ton bourru.

— Aussi, as-tu entendu le nom de Paul Eastman ? demanda l’antiquaire après un silence.

— Non, répondit sèchement la fleuriste. Pourquoi revenir sur le passé ?

Elizabeth pensa, le cœur frappant très fort dans sa poitrine, lui donnant l’impression d’entendre son pouls « Ah ! Pourquoi Melinda veut-elle comprendre la raison de notre départ de Grandview ? On vivait tellement mieux à Piermont… Loin de tous ces souvenirs douloureux, des cœurs brisés et du sang versé… Pourquoi raviver ces moments ? Pourquoi se rappeler de Paul ? Moi qui voulais l’oublier ! »

Melinda répondit : 

— Pour mieux me comprendre.

Sa mère se dirigea vers un bouquet de lys, qu’elle arrangea un peu, puis s’emporta d’un ton sévère après un long silence :

— Tu sais qu’il ne sert à rien de revenir sur le passé ! Ne cherche pas à le déterrer ! Il vaut mieux oublier certains épisodes de vie !

— Je le sais, mais quand je dois comprendre, je veux savoir maintenant, pas dans un an ou dans dix ans… C’est une urgence, tu comprends ?

Un silence lourd s’installa entre elles.

La mère pensa « Comment dire sans le dire ? Je n’aurai qu’à improviser une explication… »

La fille pensa « On dirait que maman cache quelque chose, mais quoi ? »

Elizabeth murmura à contrecœur, sans même regarder sa fille : 

— D’accord, j’accepte demain, en après-midi, de discuter avec toi.

— Entendu ! À demain !


****


Le lendemain, en route vers le domicile de sa fille, Elizabeth passa près d’une terrasse d’un café. Là, elle vit clairement Paul Eastman entrer dans le corps d’un client qui buvait une tasse de café. Sous l’impulsion de l’esprit, se tournant à trois quarts vers Elizabeth, le possédé ordonna sévèrement :

— Il faut qu’elle sache la vérité sur ses origines !

La mère de Melinda pensa « Paul, je sais que tu veux qu’elle le sache, mais je ne peux pas le dire ainsi… Ce serait trop brusque pour elle… Par ailleurs, qu’est-ce que ça changera pour elle de le savoir ? Rien ! »

Paul cessa la possession et disparut aussitôt de sa vue. Elizabeth soupira et se rendit jusqu’à la maison de sa fille et de son gendre. Ce dernier la reçut et l’invita dans leur cuisine à s’asseoir sur l’une des chaises. Elle s’y assit. Melinda, vêtue d’un large chandail blanc, s’assit sur l’autre chaises en face d’elle, calepin et stylo en main. Jim se tint debout à la droite de son épouse.


La jeune médium demanda à sa mère d’une voix calme :

— Je voudrais savoir quelle est la raison pour laquelle tu as quitté Grandview, alors que j’y suis née ?

— C’était à cause du travail de ton père… un poste qui lui avait été proposé à Piermont.

« Étrange, alors que papa a été rarement à la maison… » pensa Melinda. « Plus au travail et à l’extérieur qu’avec maman et moi… Du moins, de ce que je peux me souvenir… »

— Pourquoi m’as-tu caché mon lieu de naissance ? Tu auras pu me le dire plus tôt…

— Je ne voulais pas t’ennuyer avec cette information sans importance.

L’antiquaire demanda, après un bref silence :

— Maintenant, passons à un autre élément qui m’intéresse : Paul Eastman…

Elizabeth pensa : « Encore lui ! Mais que veut savoir ma fille ? Je n’ai pas grand-chose à dire ! »

Elle toussota puis demanda, les mains jointes :

— Melinda, que veux-tu savoir au sujet de Paul Eastman ?

« Moi qui pensais ne plus jamais prononcer son nom de ma vie ! » songea-t-elle en son for intérieur.

— Je veux savoir, reprit Melinda, pourquoi il hante père ? Selon ce qu’il m’a dit, il semble que ce policier t’a aimé… De plus, il vient souvent dans mes rêves… Est-ce vrai qu’il était un prétendant ?

— Oui, Paul m’aimait…

Elizabeth continua en baissant la tête : 

— Et je l’aimais…

— Quoi ? s’exclamèrent d’une seule voix Jim et Melinda.

— En fait, Paul et moi, nous étions fiancés…, précisa-elle en relevant la tête.

Sa fille pensa « Quel est alors le prochain détail ? Comment en était-elle venue à marier papa ? »

La mère de Melinda poursuivit, le regard dans le vide, fixant le mur devant elle :

— Nous étions fiancés au moment où Paul avait été arrêté… Il était l’amour de ma vie… J’avais essayé d’expliquer au procureur adjoint…

— Mon père, l’interrompit  la jeune femme.

— Oui, reprit sa mère. Je voulais lui expliquer que Paul était innocent… Pour le convaincre, je lui avais décrit l’esprit errant qui était dans son bureau… Thomas m’avait confirmé que c’était son prédécesseur, le procureur adjoint John McLaughlin… Comme il m’avait cru, il m’avait assuré de faire de son possible pour disculper Paul de l’accusation d’homicide…

— Pourtant, intervint Melinda, papa m’avait dit que Paul Eastman était un homme dangereux… qui avait même tué un homme en prison… Et qu’il était amoureux de toi…

« Mais qui, finalement, se révèle être l’ancien fiancé de ma mère… » pensa-t-elle en soupirant. 

— Il y a clairement une version qui n’est pas la vérité, intervint Jim en fixant sa belle-mère. Il est impossible que Monsieur Paul Eastman soit à la fois coupable et innocent.

— En réalité, murmura Elizabeth en jouant avec son alliance, Paul était innocent. Il faisait seulement partie de l’équipe policière qui recherchait Michael Wilkins… Il était le seul à l’avoir retrouvé…

— Nous l’avons compris, intervint Jim d’un air assuré.

— Alors, pourquoi père le considère comme dangereux lorsque je l’ai interrogé ? Pourquoi ne l’a-t-il pas disculpé, comme il te l’a dit ? demanda Melinda, dont son sang ne fit qu’un tour.

— Il m’avait promis d’essayer, mais il avait échoué, parce qu’il lui manquait la preuve finale. Sans oublier que ses autres collègues n’ont pas été convaincus de ses arguments…

Tout à coup, Paul Eastman apparut brièvement à la gauche de Jim et entra aussitôt dans son corps, le possédant temporairement.

Il intervint d’un ton sévère :

— Pourtant, ceci n’explique pas pourquoi tu l’as laissé croupir en prison ? Lui as-tu écrit des lettres ?

Étonnées, les deux femmes tournèrent leurs têtes vers lui.

Melinda murmura, les yeux écarquillés de frayeur : 

— Jim, qu’est-ce qui t’arrive ?

— Rien, rien, répondit l’interpellé.

Le fantôme cessa sa possession et disparut de leur vue.

Elizabeth pensa « Paul, pourquoi me fais-tu ce coup-là ? Au lieu de posséder mon gendre, dis-le directement, si tu y tiens tant ! »

Elle confirma à contrecœur après un long silence :

— Il est vrai que Paul et moi avions échangé quelques lettres lorsqu’il était en prison… Les siennes étaient de plus en plus amères et fatalistes. Je m’étais alors rapprochée de Thomas, qui me réconfortait avec son air sûr et sa gentillesse. Puis je me suis mariée à lui, car j’avais compris que mon fiancé n’avait aucune chance de sortir de prison… Surtout depuis qu’il avait tué un autre prisonnier…

— Tu as en quelque sorte enterré ton amour pour Paul Eastman ? demanda Melinda, perplexe.

Elle pensa « un peu comme moi pour oublier Kyle… Celui-là, il m’avait vraiment blessé… À la différence que l’ex-fiancé de maman voyait aussi les esprits et acceptait sans doute son don… L’erreur est humaine avant tout… »

« Je trouve que ma belle-mère se console un peu trop rapidement », pensa ironiquement Jim. « Ma mère aussi est veuve de mon père et elle ne s’est jamais remariée ».

— Oui, en quelque sorte, reprit Elizabeth. Tu peux très bien comprendre que je n’avais pas le choix…

— Ouais, mais ne t’inquiète pas, je ne te juge pas… murmura d’une voix douce sa fille. C’est ta vie… Je peux très bien comprendre qu’un choix soit déchirant dans une telle situation…

— Oui, reprit la mère de Melinda. C’était en effet une période difficile, mais au moins, j’avais Thomas, puis toi, pour me réconforter…

La femme de Jim griffonna quelques informations dans son calepin, puis, après un long silence, demanda, en fixant sa mère, lueur d’étonnement dans ses yeux noisette :

— Mère, permets-moi une dernière question…

— Oui…

— Je t’ai déjà dit que je recevais la visite de Paul Eastman dans mes rêves ces derniers temps…

— Oui… Et alors ?

— Et bien, à plusieurs reprises, il me dit « Ma fille »…

Elizabeth eut des sueurs froides et pensa « Aurait-elle compris ? »

Melinda poursuivit : 

— Je ne comprends pas pourquoi… Surtout que je ne peux pas être sa fille… Puisque Thomas Gordon est mon père… Cependant, j’ai parfois l’impression que Paul Eastman pourrait être mon père… Comme une impulsion en moi qui me dit : « Voilà ton papa »… De sorte que je suis vraiment confuse… De plus, il m’a dit qu’il a versé son sang pour me protéger de quelqu’un, mais j’ignore de qui… Aurais-tu une explication ?

Sa mère fixa le mur devant elle et tourna son alliance entre le pouce et l’index de sa main droite. Elle répondit après un très long silence :

— Je t’assure que Thomas est ton père… Peut-être que Paul réagit ainsi car il aurait préféré que tu sois sa fille…

— Merci de l’explication, commenta Jim.

Il pensa : « Voilà que ma belle-mère fait de la psychanalyse à trois sous… Il me semble qu’elle est fleuriste et non psy… À moins qu’il s’agit de son métier secret ? »

— Aussi, un autre détail, reprit Melinda en jouant avec son stylo. Mon époux m’assure que Paul porte un masque de réhabilitation des grands brûlés… Un masque transparent…

Jim approuva ses propos.

La jeune femme continua :

— De sorte que je suppose qu’il a survécu à un feu… Peux-tu me préciser ce qui s’est passé ? En lisant le seul article de l’époque, soit en mai 1993, je sais qu’un incendie a été déclaré dans la prison où Paul Eastman a été détenu… Or, depuis cette date, il est porté disparu… De sorte que je conclus qu’il est sans doute mort au cours de l’année…

— Paul s’était probablement évadé de prison, en profitant de l’incendie… commenta la fleuriste.

— Par contre, un détail me laisse perplexe quant à sa cause de décès…

Elizabeth pensa : « J'espère seulement qu’elle n’a pas tout compris… »

— Lequel ? demanda la mère de Melinda.

— Dans mes rêves, j’ai vu que sa tête était salie de sang séché… 

— Aurait-il connu une mort violente ? intervint Jim.

Elizabeth ne répondit pas. Elle pensa « Ah ! Pourquoi doivent-t-ils me ramener la scène de la mort de Paul ? »



Un souvenir lui revint à l’esprit.


C’est une nuit de mai 1993, vers minuit. Elle entend des bruits de pas à l’extérieur. Thomas lui murmure :

 — Va dormir, Beth, je vais aller voir qui est-ce.

Il se lève de leur lit et s'habille en vitesse, puis sort sur le seuil.

Elizabeth, elle, curieuse, écarte un peu les rideaux pour regarder depuis la fenêtre de leur chambre en contrebas. Son cœur faillit arrêter de battre lorsqu’elle voit l’homme qui est arrivé devant leur maison. Un jeune homme, aux cheveux châtain clair et aux yeux noisette, est face à son mari. Sur son visage, au teint légèrement rougeâtre, un masque transparent. Il est vêtu d’un manteau brun moyen déboutonné, laissant voir dessous un chandail bleu marine, et d’un pantalon jeans. Elle le reconnaît d’entre mille.

Elle pense, perplexe « Paul ? Pourquoi es-tu revenu ? Comment m’as-tu retrouvé ? »

Elle voit que Thomas et Paul discutent, puis son époux saisit une grosse branche d’arbre qui traîne près du chêne devant leur maison. Paul le maîtrise, mais l’autre le frappe d’un coup de pied dans la cheville, de sorte qu’il le lâche. Puis son époux saisit deux grosses branches pour frapper l’ancien policier sur la tête. Paul s’écroule sur le sol.

Elle tire les rideaux en pensant tristement : « Il est mort ! »

Elle revient dans le lit et jette les couvertures sur elle, les yeux grands ouverts. Thomas entre en traînant quelque chose au sol. « Sans doute le corps de Paul », pensa-t-elle, les larmes qui perlent le coin des yeux.



Elle revint au moment présent en pensant « Comment lui dire ? »

Elle balbutia, en fixant ses mains : 

— J’ignore tout de sa mort… Peut-être qu’il s’était frappé la tête contre un objet ou un mur… À moins qu’il s’était battu avec je ne sais qui…


À ce moment précis, un esprit apparut soudainement à la gauche de Jim. C’était un vieil homme vêtu comme un aristocrate du XVIIIe siècle.

Étonnées, les deux passeuses tournèrent leur regard vers lui. Melinda reconnut aussitôt l’Observateur qu’elle avait aperçu au début du mois dans sa boutique.

Elle commenta :

— Voilà qu’un Observateur est là… C’est lui qui m’a dit que je dois comprendre de toute urgence mon rapport avec Grandview…

Elizabeth et Jim confirmèrent leur compréhension d’un mouvement positif.

L’Observateur dit d’un ton sérieux :

— Madame Melinda Gordon, vous devez savoir que votre mère a omis plusieurs détails…

L’interpellée, les sourcils levés, pensa : « Le mystère s’épaissit encore plus… En espérant ne pas entendre de mauvaises surprises ! »

— Je n’ai rien oublié, protesta l’épouse de Thomas Gordon.

— Mère, veux-tu le laisser parler ? demanda sa fille.

— Désolée, balbutia l’autre, en baissant la tête.

Elle pensa « Zut ! C’est certain qu’avec un tel esprit qui sait tout, elle finira par comprendre la vérité ! »

L’Observateur foudroya du regard Elizabeth.

Jim, dont le regard se promena de sa femme à sa belle-mère, intervint d’un ton cordial :

— Est-ce que, Mel, tu peux m’expliquer ce qui vient de se passer pour que ta mère réagisse ainsi ?

— Jim, répondit la jeune femme, l’Observateur a dit que ma mère a oublié plusieurs détails…

— Lesquels ? demanda-t-il d’un air étonné.

— C’est ce que j’attends…

L’Observateur reprit d’un air sérieux, en regardant Melinda, qui ramena son attention vers lui :

— Vous devez savoir que votre mère était enceinte de vous au moment de l’arrestation de son fiancé.

— Quoi ? s’exclama l’épouse de Jim.

Des larmes coulèrent sur ses joues. Dépassée par ce qu’elle venait d’entendre, choquée, elle hurla, en se levant :

— Pourquoi ? Pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ? Pourquoi cacher mon vrai père ?

Aucune réponse. Jim s’approcha d’elle pour l’enlacer.

— Paul Eastman serait… mon père ? demanda-t-elle après un long silence, incrédule, en promenant son regard de sa mère à l’esprit.

— Exactement, confirma l’Observateur.

— Il me semble, Mel, que je viens de rater une information importante, commenta Jim.

— L’Observateur a dit que ma mère était enceinte… de moi… au moment de l’arrestation de son ancien fiancé… l’informa l’interpellée d’une voix tremblante.

Elizabeth demeura silencieuse, gardant sa tête baissant, car elle n’osait pas affronter le regard de sa fille et de son gendre.

La révélation soudaine tourna le sang de Melinda. 

Elle pensa : « J'aurai bien pu m’en douter ! À quoi m’attendre de ma mère, qui m’a caché qu’elle voyait les esprits errants ? Il ne faut pas s’attendre à ce qu’elle me dise la vérité sur son rapport avec Paul Eastman… »

L’Observateur continua sans se départir de son sérieux :

— Vous devez aussi savoir que votre mère sait comment est mort son ancien fiancé…

La jeune femme était complètement dépassée par ce qu’elle entendit.

— … car elle a vu l’affrontement entre les deux hommes… affirma-t-il.

— Comment Paul Eastman a pu retrouver ma mère ? demanda Melinda.

— Il s’est évadé de l’hôpital où il a été en réhabilitation à la suite de l’incendie qui s’est déclaré dans la prison. Monsieur Paul Eastman a repéré l’adresse dans l'annuaire. Thomas l’a frappé d’un coup fatal avec deux grosses branches de chêne, puis il a enterré son corps dans le sous-sol de la maison.

— Ça expliquerait pourquoi la maison est hantée, murmura la jeune femme.

Son interlocuteur confirma d’un mouvement positif et ajouta :

— C’était aussi la raison pourquoi votre mère et votre beau-père ont quitté Grandview, car l’esprit de Paul Eastman a erré dans la maison et s’est manifesté de plus en plus bruyamment.

Melinda pensa, perplexe. « Ça explique pourquoi Thomas Gordon était plus absent que présent à la maison… Puisqu’il se moquait complètement de moi, étant donné que je ne suis pas sa fille… Pourquoi alors je porte son nom de famille ? »

L’Observateur continua, petit sourire au coin des lèvres : 

— Madame Melinda Gordon, vous devez savoir qu’en raison de ce noble lignage de deux passeurs d’âmes, vous ête une sang bleu, une passeuse d’âmes de pur sang. 

« Voilà le sens de ma lignée noble ! Vraiment surprenant ! », songea la jeune femme en son for intérieur.

Il poursuivit toujours aussi calme :

— C’est pourquoi vous avez ce don dans le sang. Et c’est en raison de cette noble ascendance que vos fils pourront voir plus que vous et seront importants pour l’équilibre du Monde des Esprits.

L’épouse de Jim cligna des yeux, perplexe.

« Comment ça, des fils ? » pensa-t-elle.

Elle répliqua :

— Pourtant, je ne suis pas enceinte !

— Je le sais bien, lui répondit d’une voix douce son interlocuteur. Mais lorsque vous serez mère, vous comprendrez pleinement le sens de mes paroles.

Ainsi parla l’entité qui disparut aussitôt de sa vue. À sa place apparut un autre revenant que les deux femmes reconnurent.

Elizabeth et Melinda s’exclamèrent à l’unisson : 

— Paul Eastman ?

— Oui, répondit-il. Je suis content que ma fille sache enfin la vérité… 

Il se tourna vers la jeune femme et ajouta en soupirant :

— Seulement, je regrette de ne pas t’avoir vu de mon vivant…

— Au moins, tu cesseras de hanter Thomas ? demanda Elizabeth d’une voix inquiète.

— Oui, je me suis assez vengé de lui… Je sais que notre fille n’est plus en danger…

Le front de la mère de Melinda se dérida, rassurée.

La jeune femme pensa : « Ainsi, mon père voulait me protéger de mon beau-père ! Voilà un mystère résolu ! »

— De toute façon, continua Paul avec un faible sourire. Je me dis que son sang versé ne m’abreuvera pas…

Les deux passeuses d’âmes, émues, remarquèrent que la trace de sang sur sa tête avait disparu.

Il continua d’un air un peu plus joyeux : 

— Maintenant que ma colère est tombée, cette rage qui a fait bouillir mon sang pendant des années. Depuis que j’ai entendu dans la ville souterraine l’appel du sang, ce cri de notre fille, je me suis souvenu d’elle. De sorte que je pense que j’ai assez passé de temps dans la vallée de larmes…

Il regarda autour de lui et fixa particulièrement un point à sa droite. Il murmura :

— La Lumière… Tellement belle, pure et rayonnante… Après en avoir tant parlé, à mon tour d’y aller !

L’esprit se retourna une dernière fois vers son ex-fiancée et sa fille, qui le suivirent du regard, et s’exclama d’un air enjoué :

— Adieu ! Je pars !

— Bon voyage, papa ! répliqua Melinda, les larmes qui perlèrent ses yeux.

— Bon voyage, Paul ! murmura Elizabeth en clignant des yeux pour retenir vainement ses larmes.

Et il s’avança vers la lumière blanche et pure jusqu’à disparaître complètement.

Mère et fille se jetèrent dans les bras l’une de l’autre, pour se réconforter.


Une fois leurs larmes séchées, Melinda résuma à son époux ce qui s’était passé, puis ils raccompagnèrent Elizabeth jusqu’à la porte d’entrée. Celle-ci revint chez elle, où Thomas l’attendait. Elle lui rapporta que sa fille connaissait la vérité au sujet de sa lignée. Il comprit qu’il n’avait servi à rien de cacher ses origines.


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