Les belles et bonnes histoires d'Aziraphale&Crowley

Chapitre 2 : Everyday

2659 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/07/2023 10:26

Prompt 2 : Personne A et personne B partent en pique-nique


Personnages : Aziraphale et Crowley, Madame Tracy et le Sergent Shadwell 

Figuration : des gens

Narration : Dieu (gender-fluid, alors conjuguez comme vous voudrez !)


Everyday


L’été s’annonçait chaud bouillant à Londres ! Les températures étaient déjà très élevées pour un début de mois de juillet en Angleterre, aussi Crowley déambulait dans la librairie, son brumisateur à la main, pour prodiguer eau fraîche et menaces apocalyptiques à ses pauvres plantes. 

— Il va falloir faire mieux que ça, bande de feignasses ! Il n’y a pas de broyeur à ordures ici, mais c’est une librairie… Il y a donc un destructeur de papiers, alors… POUSSEZ MIEUX ! hurla le Démon, le visage déformé par la colère.

Crowley était plus ou moins toujours en colère. Un effet secondaire de la Déchéance… Cette agressivité effrayait toutefois moins Aziraphale que les projections d’eau sur ses précieux manuscrits : 

— Ahem, Crowley… Que dirais-tu de sortir pour manger, ce midi ? Il me semble avoir suggéré un pique-nique il y a de cela quelque temps déjà… 

— Et la librairie ? demanda vaguement le Démon, en faisant semblant de croquer une des feuilles de la Kentia qui tentait de se cacher derrière une des quatre colonnes, au centre de la librairie.

— Oh… Je ne suis bouquiniste qu’à temps partiel, mon cher ! 

— Bah tiens… 

— Garde tes sarcasmes, Crowley ! Ou je serais obligé de t’en faire à propos des selfishs !

— Des selfies, Aziraphale, des selfies, pour l’amour de Dieu… Ooooh, je peux pas croire que j’ai encore dit ça ! Les selfies, c’est une de mes meilleures inventions, l’angelot, l’instrument ultime du péché d’Orgueil… 

— Moui, c’est… Machiavélique, en effet ! Je vais demander à Madame Tracy et au Sergent Shadwell de se joindre à nous, qu’en dis-tu ? 

— Fais comme tu veux, Az’ ! Je prépare des sandwichs ?

— C’est pas un peu… Domestique comme activité, pour un Démon ?

— La junk food, c’est une invention des miens ; et puis comme ça, je m’occupe aussi des boissons… 

— Mmmm… Surprends-moi ! répondit Aziraphale, en se dirigeant vers son antique téléphone.


*~*


Saint Jame’s Park semblait être tout indiqué comme destination ; même si Soho Square aurait largement fait l’affaire, Aziraphale ne voulait pas priver son Démon d’une occasion de se promener en Bentley… Une fois n’étant pas coutume, l’Ange prit les clés de la voiture et s’y installa le premier, en attendant que Crowley ferme la librairie, un panier à pique-nique en main ! Il avait interdiction formelle de démarrer le moteur, mais ce véto arrangeait bien la Principauté ; depuis 1903 et l’obligation de détenir un permis de conduire en Angleterre, il n’avait jamais passé le sien… 

Aziraphale était beaucoup de choses. Personnification de ma volonté et de mon bras armé ; Guerrier du Paradis, porteur de l’aube, de la dalmatique et de l'épée flamboyante, il combattit lors de la Rébellion… Bien plus tard, il fut le Gardien de la Poterne d’Orient du jardin d’Éden, pour être, par la suite, Ange sous couverture auprès des Hommes. 

Aziraphale était courageux ! Courageux, mais pas trop téméraire non plus… Combattre l’Antéchrist, oui ; affronter Satan en personne, assurément ; défier ses supérieurs, toujours ! Mais conduire ? Déjà, il n’avait jamais aimé monter à cheval ; une créature pourtant bien vivante et intelligente, alors se fier à un engin motorisé sans âme… Jamais ! Bien sûr, il était obligé d’utiliser les moyens de transports modernes, mais il ne s’y sentait pas en sécurité, à l’exception peut-être des bus de ville et de leur vitesse très limitée. 

Les transports en commun étaient une invention de l’autre camp. Le manque d’hygiène, l’obligation des contacts rapprochés, les tarifs, les retards, les grèves… Tout était source de frustrations, de colère et de Pactes passés en douce avec l’Adversaire pour échapper aux épidémies saisonnières, ne pas rater son entretien d’embauche ou arriver chez sa maîtresse avant la sortie des bureaux… 

Crowley claqua la portière et posa le panier à l’arrière de la Bentley, sortant l’Ange de sa rêverie : 

— À quoi tu pensais, l’angelot ?

— Je devrais peut-être passer mon permis… Depuis quand as-tu le tiens ?

— Un permis ? Pffff… Manquerait plus que ça, c’est une invention de ton camp ! 

— Ah bon ? Je croyais que toute la paperasserie, ça venait de vous ? s’étonna l’Ange.

— Non… Nous, on gère le DVLA (1), c’est tout ! rétorqua Crowley, en posant ses lunettes sur le tableau de bord.

— Oh, je m’y perds, à force…

Crowley sourit, puis ouvrit la boîte à gants pour attraper un CD et l’insérer dans le lecteur de la voiture. Aussitôt, la voix de Freddie Mercury s’éleva dans l’habitacle, au son de You’re my best friend. En prêtant attention aux paroles, Aziraphale jetait des pans d'œil au Démon, tout de noir vêtu, qui faisait slalomer la Bentley à toute allure sur les routes bondées de Londres !  

Naturellement, il n’était pas inné pour le Déchu d’exprimer ses sentiments, du moins ses sentiments positifs, mais ses choix n’étaient jamais anodins, y compris en matière de musique… 

“Oh, you’re the best friend that I ever had

I’ve been with you such a long time

You’re my sunshine and I want you to know

That my feelings are true

Oh, you’re my best friend”

À la fin du morceau, Aziraphale était toujours captivé par la contemplation des yeux jaunes du Démon, qui fini par tourner la tête vers lui, lui offrant une pleine vue sur ses pupilles fendues :

— Il y a un problème, mon ange ?

— Non ! Je… J’aime bien cette chanson… Du rock affirmatif ?

Alternatif, Az’... Il n’y a que toi pour appeler ça du rock affirmatif… soupira le Démon, le ton cependant plus bienveillant qu’autre chose.

Une fois garés et les lunettes de soleil du Démon rechaussées, les deux Célestes rejoignirent Saint Jame’s Park, traversèrent le Diana Princess of Wales Memorial Walk, puis traversèrent l’étendue de pelouse sur leur gauche, jusqu’à trouver Madame Tracy, qui leur adressait de grands signes de main : 

Youhou, Aziraphale ! Monsieur Crowley, par ici ! hurlait la médium d’âge mûr aux cheveux roux bouclés.

Élégante, maquillée (un peu trop), aimable et souriante, elle contrastait avec l’homme assis à ses côtés ! L’air bougon, le cheveu hirsute et des vêtements d’un goût douteux sur le dos (toutefois plus propres depuis qu’il partageait la vie de son ex-voisine), le Sergent Shadwell buvait une Guinness aussi brune que les cheveux d’Aziraphale étaient blonds. 

Les Célestes s’assirent sur la grande couverture de Madame Tracy, au son des grognements et commentaires de Shadwell : 

— Y’ fallait qu’on mange avec les tantouzes sudistes, femelle ?

— Allons, monsieur Shadwell, un peu de tenu ! Ce sont nos amis, que Diab… s’emporta la médium.

— Ahem… le coupa Aziraphale, en toussotant poliment, tout en jetant un regard vers Crowley, lequel était occupé à sortir une bouteille du panier.

Armand de Brignac, rosé Gold ? proposa le Démon, imperturbable, en sortant des flûtes.

— D… Du champagne, mon cher ? s’étonna l’Ange.

— Il me semble que tu souhaitais que nous invitions Madame Tracy au restaurant pour te faire pardonner de l’avoir possédée, alors… 

— C’était un cas de force majeur… s’excusa Aziraphale. 

— Oh, ce n’est rien, c’est un peu mon rôle en tant que médium de servir d’intermédiaire entre le Plan Terrestre et… commença la rouquine.

— Diablerie ! commenta Shadwell.

— Vraiment pas, non… Une coupe, Sergent ? proposa Crowley, en versant négligemment le champagne à 430 £ (2) la bouteille dans une élégante petite flûte, vestige du dernier voyage en France de l’Ange.

— C’est point d’refus, l’ flambard ! Vas-y, verse… 

Madame Tracy avait préparé une salade de crudités et porté de la charcuterie, grâce à l’argent de la fornication et du tirage des cartes, comme le fit remarquer le Sergent à plusieurs reprises. Crowley, quant à lui, étalait ses bagels au saumon et ouvrait une bouteille de Tariquet, sous le regard attendri de l’Ange : 

— Tu as préparé des bagels au saumon, mes préférés ? 

— Je connais tes exigences, mon ange…

— J’ve point êt’ témoin de pédérastie, Jézabel, j’tavions prévenue ! ronchonna Shadwell, à l’adresse de Madame Tracy.

— Voyons, ils ne font rien de mal… rétorqua-t-elle, de sa petite voix perchée.

— Dieu sait combien y z’ont d’tétons ! 

— Dieu le sait très bien, c’est Lui qui nous a créés, grogna le Démon.

— Deux chacun, du moins sous cette forme, Sergent Shadwell, vous n’avez pas d'inquiétude à avoir ! ajouta Aziraphale, en faisant les yeux doux à son bagel.

— Mmmm… S’est quand même passé d’drôles de choses à Tadfield avec vous aut’ ! Heureusement qu’chui un combattant des Ténèb’ de Doigt Divin, brav’ femme… renifla fièrement l’homme, en regardant tour à tour son index et Madame Tracy.

— Vous avez pris votre retraite depuis, Sergent Shadwell ? demanda l’Ange.

— Oui da ! C’est l’petiot Pulsifer qu’a repris le flambeau, un brave petit gars que j’avions flairé le talent.

— Et comment occupez-vous votre temps, depuis ? demanda le Démon, vaguement intéressé.

Actuellement persona non grata dans les neufs Cercles de l’Enfer, Crowley n’avait plus aucune mission officielle et même si ce repos bien mérité, additionné à quelques tentations quasiment inoffensives perpétrées plus par habitude qu’autre chose le satisfaisait ; il se demandait quelques fois comment il allait s’occuper à l’avenir… Aziraphale avait ses précieux bouquins et sa librairie, pour laquelle il serait presque prêt à se damner, je suis bien placé pour le savoir, mais le Démon n’avait que peu de centres d’intérêt, en dehors de l’Ange lui-même ! 

— J’continue euh d’éplucher les journaux à la recherche de créatures avec plus d’tétons qu’nécessaire ! Et pis j’aide la Jézabel fardée… 

— Anathema et Newton m’ont demandé un petit coup de main pour leur mariage ! Vous serez présents, naturellement ? questionna la médium, en déposant l’empreinte de son rouge à lèvres sur son verre de vin.

— Bien sûr ! Ce sera l’occasion de revoir Adam et les enfants… Et puis, j’ai toujours aimé les mariages humains ! ajouta l’Ange, innocemment. 

— Quelqu’un veut une glace en dessert ? demanda précipitamment le Démon.

Autant demander à un aveugle… Enfin, vous avez compris ! Satisfait de sa diversion, Crowley se leva, épousseta son jean super slim et offrit une main à l’Ange, pour l’aider à se relever.

— Nous allons vous laisser prendre votre dessert ! Monsieur Shadwell et moi avons des, euh… Affaires en suspens ! Merci pour cette invitation, mes amis, nous nous reverrons à Tadfield, n’est-ce-pas ? 

Alors que Madame Tracy saluait Crowley, Aziraphale serrait la main hésitante de Shadwell, qui finit par avouer avec un clin d'œil : 

— La Jézabel m’impose un droit de cuissage ! 

— V… Vraiment ? rougit l’Ange.

— J’sais point trop ce qui s’pratique entre vous aut’, les pédérastes, mais la catin m’a appris deux ou trois p’tites choses si vous avez besoin d’conseils, proposa aimablement le Sergent, rendu plus tolérant par le mélange des alcools.

— Doux Jésus ! rétorqua l’Ange, embarrassé.

— On parle de moi ? demanda Crowley, venu serrer la main du Sergent.

— On cause d’accouplement ! répondit ce dernier.

— Ah oui… Vraiment ? s’étonna le Déchu, en fixant Aziraphale, avec un grand sourire.

La Principauté s’empourpra en fixant le sol tout en se triturant les mains, puis ses boucles blondes, puis encore ses mains : 

— Je… C’est… Enfin…

— Je rigole, mon ange ! Alors, on va se la chercher cette glace ?

Après avoir pris congés, la médium-ex-prostituée et l’Inquisiteur-chasseur de sorcières à la retraite partirent dans un sens et les amants Célestes, de l’autre. Plus exactement, dans le sens qui menait au glacier devant lequel ils étaient passés, près de marlborough gate ! Aziraphale se laissa tenter par un cône une boule à la vanille, tandis que Crowley opta pour un esquimau aussi rouge que ses cheveux. Tandis qu’il savourait la gaufrette de son cornet, l’Ange observait avec fascination le soleil danser dans les cheveux de Crowley. Le Démon aimait changer la couleur et la longueur de ses cheveux ! Aujourd’hui, ils étaient courts et rouge sang, Aziraphale se délectait de la lumière qui se reflétait dans chacune de ses mèches pour les éclairer et les réchauffer. L’Ange aimait s’imaginer comment Crowley avait dû être magnifique, coiffé de son auréole… Ils ne s’étaient jamais rencontrés lorsque Crowley était encore un Ange et c’était mieux ainsi. Le hasard, ou plutôt moi, avait fait en sorte qu’ils ne se combattent pas non plus lors de la Rébellion. Cela faisait partie de mon Plan. Pas le Plan Ineffable, non, mon Plan pour eux-deux ! 

Le plan qu’Aziraphale avait en tête, lui, était d’une nature beaucoup plus biblique dans l’immédiat… Crowley avait toujours été le premier à initier le rapprochement entre eux. Le premier à proposer l’entente qui avait régi leurs rapports durant des siècles. Le premier à lui proposer une fuite ensemble. Le premier à lui proposer de former leur propre camp. Le premier à mettre des mots sur leur toute nouvelle relation. Aziraphale voulait être le premier, pour une fois et malgré sa timidité, à proposer au Démon de passer la vitesse supérieure… 

— Comment est ta glace, l’angelot ?

La question sortie, une fois de plus, Aziraphale de sa rêverie : 

— Divine ! répondit-il, avec un sourire candide au Démon qui haussait un sourcil perplexe devant l’adjectif.

Crowley suçotait paisiblement son esquimau, sous le regard toujours plus lubrique de l’Ange, qui se découvrait une excitation toute nouvelle, et qui n’avait rien d’angélique : 

— Et si on rentrait ? demanda-t-il, nerveusement.

— Quoi, déjà ? Ne me dis pas que tu veux ouvrir la librairie à cette heure-ci ?

L’intérêt de l’Ange pour les livres aurait moins ennuyé le Déchu en cet instant s’il avait su qu'une étagère, particulièrement bien cachée de la boutique, comptait quelques ouvrages franchement subversifs qu’Aziraphale s’était procuré depuis que Crowley avait emménagé avec lui…

— Certainement pas, je pensais plutôt à quelque chose de plus… Capital ! s’enthousiasma Aziraphale.

— Comme quoi ? 

— Un péché capital ! 

— Si tu parles de la Gourmandise, l’angelot… commença le Démon, sur un ton moqueur.

— Je parle de Luxure, Crowley ! le coupa Aziraphale, le feu aux joues.

Le Démon balança ce qui restait de sa glace, qui atterrit miraculeusement dans la poubelle : 

— Fallait le dire tout de suite, mon ange ! 




(1) DVLA = Driver and Vehicule Licensing Agency. En gros, c’est la Préfecture. 

(2) = 500 euros, à la louche



***** Quelques photos sur le forum



Je recommande l'écoute de


Everyday de buddy holly

You're my best friend de Queen


Pour le fond musical ❤️ *****


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