Les belles et bonnes histoires d'Aziraphale&Crowley

Chapitre 5 : The Unforgiven

4007 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 27/07/2023 09:55


Prompt 5 : Personne A calme Personne B qui fait un cauchemar.


Personnages : Aziraphale et Crowley

Figuration : Gabriel, Samaël, Michelle, Uriel, Baraquiel, Hastur, Ligur et… Tous les Anges du Paradis!  

Narration : Crowley


~The Unforgiven~


Un sentiment de plénitude et d’amour inconditionnel enveloppe toute chose et tout être, comme chaque jour que Dieu fait ici, au Paradis. Et comme chaque jour depuis ma création, je prends soin de mon apparence : je peigne mes longs cheveux blonds vénitiens, j’en tresse même quelques mèches sur le côté. Je suis le seul à le faire, mais il faut dire que j’ai toujours aimé me démarquer du troupeau… Je lisse soigneusement les plumes blanches de mes trois paires d’ailes, j’aime qu’elles soient impeccables avant de me présenter, avec les autres Séraphins, au Seigneur. Une fois que mes plumes sont parfaites, je m’assure que ma dalmatique est bien cintrée à l’aide d’un mince foulard gris argenté que je noue sur ma hanche et je rejoins Samaël, comme j’en ai pris l’habitude depuis un certain temps. Avant d’aller adorer Dieu et chanter pour Lui, nous sommes désormais nombreux à nous réunir autour de l'Étoile du Matin pour débattre et lui poser des questions. Poser des questions n’est pas très bien vu au Paradis, pour une raison qui m’échappe, mais que les Archanges Supérieurs ne cessent de nous rappeler. Samaël m’a expliqué qu’être curieux finissait toujours par remettre en question les certitudes, les acquis et in fine, l’autorité. L’Étoile du Matin n’aime pas beaucoup l’autorité…

À l’inverse des Archanges Supérieurs, il nous encourage à nous questionner et tente de nous apporter des réponses, il sait se montrer convaincant... Lorsque je lui ai demandé pourquoi il existait trois Triades d’Anges et si cela signifiait que Dieu nous aimait différemment, il s’est lancé dans une diatribe passionnée sur l’injustice d’une telle classification, en insistant sur l’autorité absurde des Archanges Supérieurs. Toutes ces réflexions me perturbent, j’aimerais poser mes questions directement au Seigneur, mais Samaël m’a dit que je serais puni si je le faisais. Apparemment, les Anges peuvent être dégradés sur décision des Archanges Supérieurs et je n’ai aucune envie d’être dégradé ! Nous, les Séraphins, louons et adorons Dieu ; ce qui est la meilleure façon, à mon sens, d’essayer de rendre tout l’amour qu’Il nous porte.

Je n’ai jamais croisé de Chérubins, ni de Trônes, alors qu’ils font, eux aussi, partie de la Triade Supérieure. Nous ne nous mélangeons pas, nous n’en avons pas le droit, bien que Samaël ait pris le gauche… Il m’a dit avoir bravé les interdits pour répondre à leurs questions, ainsi qu’à celles des Vertus, des Dominations, des Puissances et même des Principautés, des Archanges et des Anges ! Il nous a dit : "Tous les Anges ont droit à des réponses, sans exception et je les leur donnerai". 

Je me demande toutefois s’il n’a pas été repéré par Michelle, qui le surveille de près ces temps-ci, même si ça n’a pas l’air de l’inquiéter… Je fais moi-même l’objet de la déplaisante vigilance de Gabriel, qui est venu me voir hier encore : 


"— Tu devrais surveiller tes fréquentations ! m’a-t-il dit.

— N’est-ce pas la mission que tu t’es donnée, Gabriel ? Tu passes plus de temps dans l’ombre de mes ailes qu’à… Archanger le Paradis, ces derniers temps ! Serais-tu jaloux ?

— De ta verve ? Méfie-toi, ton espièglerie peut se retourner contre toi. Un peu comme tes amitiés… Vous, les Séraphins, pensez à tort que vous pouvez tout vous permettre, mais n’oublie pas que je te suis supérieur et en tout, mon ami… 

— Est-il possible d’être à la fois mon ami et mon supérieur ? 

— Encore des questions… 

— Vois-tu Gabriel, tu n’es pas mon ami, tu es plutôt… Un tyran ! C’est bien comme ça qu’on appelle ceux qui exercent leur autorité supérieure sans tolérer la moindre objection, n’est-ce pas ? 

— Toujours des questions ! Si tu continues sur cette voie, tu découvriras ce qu’est réellement un tyran…  

— À la bonne heure ! Toi qui es le garant du respect de la hiérarchie, tu comprendras que je ne peux faire attendre le Tout-Puissant plus longtemps pour Ses louanges ! Si tu me le permets, bien sûr… "


*~*


En arrivant ce matin à l’endroit où nous nous réunissons d’habitude, je remarque qu’ils sont beaucoup plus nombreux aujourd’hui autour du Porteur de Lumière, ce qui m’étonne. 

— Nous t’attendions, mon ami ! m’interpelle Baraquiel, le visage grave.

Me faufilant dans la cohue, je rejoins celui qui m’avait, autrefois, enseigné l’astronomie : 

— Pourquoi sommes-nous si nombreux ?

— Samaël affirme que Michelle, Gabriel et Uriel sont en chemin pour nous punir… 

Fébrile, je rejoins les autres autour de Samaël, qui nous harangue : 

— Nous n’avons rien fait de mal, restez unis derrière moi et je vous protégerai !

Alors que l’Étoile du Matin tente de nous rassurer, dans mon dos, Baraquiel se met à hurler : 

— ILS ARRIVENT ! Les cohortes des Archanges Supérieurs, regardez ! 

L’instant de nous tourner vers eux, ils nous encerclent déjà ! Chaque Archange est suivi de son bataillon de guerriers ; jamais je n’ai vu autant d’Anges et jamais je n’en ai vu qui soient armés… Or, ils portent tous une armure étincelante et des armes. Beaucoup ont des épées dont certaines sont enflammées ! La panique nous envahit, mais bientôt, la voix de Michelle résonne plus fort que le tumulte : 

— Samaël, toi qui prétends connaître tous les mystères Divins pour répondre à toute question, qui prétends connaître la différence entre le Bien et le Mal, ta désobéissance est un acte impardonnable ! Un Ange doit se soumettre aux Lois qui s’imposent à sa condition !

— Qu’en est-il du libre arbitre, Michelle ?

— C’est un Don fait à l’Humanité, Samaël. Il ne nous concerne pas…

— Dieu ferait un cadeau aux Hommes, qu’il refuserait aux Anges ? Nous qui ne faisons que Le servir ?

— Les Anges se doivent de se prosterner devant l'Humanité, comme devant toute création du Tout-Puissant ! Seul Dieu est supérieur à tout être. Tout être, Samaël… 

Jamais je ne me prosternerai devant l’Humanité ! Nous leur sommes supérieurs, en tant que créatures éthérées et je refuse de me soumettre à l’iniquité de ton jugement, Michelle ! 

— Oserais-tu te rebeller contre la volonté de ton Créateur ?

— Je peux faire mieux que Lui… 

— BLASPHÈME ! hurle l’Archange Supérieure.

Nous nous tournons vers l'Étoile du Matin. Aucun de nous ne souhaite la guerre. Aucun de nous, sauf lui, comme nous pouvons le voir à son visage résolu, animé d’une haine toute nouvelle… 

— Nous sommes Légion ! répond-il, avec hargne.

— Ainsi soit-il...

À peine a-t-il dit répondu que Michelle dégaine son épée, à l’instar des cohortes qui fondent sur nous, en déchaînant leurs forces ! Nous n’avons d’autre choix que de combattre, sauf que nous ne sommes pas armés, sans parler du fait que les Séraphins, comme moi, n’ont jamais été destinés à se battre… Un sentiment nouveau m’envahit. La peur. 

Je supplie Dieu d’intercéder pour stopper la bataille, mais le Seigneur a déjà choisi son camp et je n’en fais pas partie. Mon cœur se serre à cette idée. Je n’ai jamais voulu ça ! Je n’ai jamais voulu me détourner de Lui, Il est tout pour moi. Il est Celui qui m’a créé et je ne vis que pour Le servir ! Je vis par et pour Lui… C’est ce que je crie contre mes assaillants, mais ils n’écoutent pas. Ils hurlent et frappent sans discernement ! Jamais je n’ai vu, ni subi un tel déchaînement de violence. Jamais je n’aurais même pensé qu’autant de violence pouvait exister, encore moins au Paradis… Je vois les autres Anges, mes amis, s’effondrer, toujours plus nombreux sous les coups. L’un d’eux m’est destiné et je m’écroule à mon tour ! Portant une main sur ma tempe blessée, j’observe, effaré, la scène qui m’entoure. Des milliers d’Anges implorant une miséricorde dont ils ne bénéficieront jamais… 

Luttant contre la sidération, je tente de me redresser et une fois debout, chancelant, je constate que Samaël et Michelle s’affrontent juste en face de moi ! Samaël est à bout de forces, il combat depuis des heures à mains nues contre Michelle et son épée. Alors que l’Archange lui assène un énième coup, l’Étoile du Matin s'effondre et Michelle le bloque au sol avec son pied. Elle brandit son épée au-dessus de lui et tandis que je détourne le regard, elle abat sa lame, sans qu'aucun bruit, ni qu’aucun cri n’en résulte ! J’ouvre à nouveau les yeux, pour constater qu’elle a fendu les Cieux pour y créer une béance, par laquelle elle pousse le corps meurtri de Samaël : 

— Tu seras désormais connu sous le nom de Satan, Premier Ange Déchu et tu règneras sur l’Enfer, où tes Démons te serviront jusqu’au Jugement Dernier ! Puisse le Seigneur vous pardonner un jour… 

J’entends le hurlement de Samaël s’éloigner à mesure qu’il chute, toujours plus bas. Toujours plus loin du Paradis… Stupéfait, je regarde Michelle s’éloigner, victorieuse, acclamée par ses cohortes. Je ne comprends pas ce qui se passe. Des Anges approuvant le sang, la destruction et le bannissement de l’un des leurs ? Mais où donc est Dieu ? Dieu qui nous avait assuré de Son amour ineffable… Sommes-nous perdus à Ses yeux ?

Je ne reconnais pas le Paradis dans la désolation qui m’entoure. Tandis que je cherche partout un blessé à aider, je vois Gabriel s’approcher de moi, enjambant les corps inanimés qui nous séparent. Je lui tends mes paumes, en signe d'apaisement : 

— Je t’en prie, Gabriel, il faut cesser cette folie ! 

— Oh, mais cela va cesser, ne t’en fais pas… 

Épuisé, je baisse les bras et soupire de soulagement, mais Gabriel me frappe de toutes ses forces au visage et je m’écroule à genoux, le souffle coupé. Mon sang coule le long de mes longues mèches qui se teintent de rouge, roule sur mon visage et termine sa course sur les fils d’or de ma tenue d’apparat. Je me laisse tomber ventre à terre et tente de m’éloigner en me traînant au sol, pour échapper à la peur et à la douleur, mais Gabriel empoigne violemment mes cheveux pour me stopper. Il me force à me redresser sur mes genoux et se place juste au-dessus de moi, me cachant le Ciel, que j’aimerais tant admirer une dernière fois : 

— Toi qui voudrais te soustraire à la colère Divine en rampant, tu seras désormais connu sous le nom de Crawly (1)… 

Tandis que je fixe, effrayé, les pupilles violettes de l’Archange, les miennes se mettent à me brûler atrocement ! Gabriel me jette au sol et j’en profite pour me frotter les yeux afin de faire cesser cette douleur, qui semble ne jamais vouloir faiblir… Lorsque j’ouvre à nouveau les paupières, mes pupilles se reflètent dans la lame d’une épée abandonnée au sol. Avec horreur, je constate qu’elles sont fendues verticalement et que mes iris sont devenus jaunes ! Je réprime un cri, que ma détresse empêche de franchir la barrière de mes lèvres, scellées par l’infamie. Avec un sourire sardonique, Gabriel m’agrippe à nouveau les cheveux d’une main pour redresser mon visage et applique son pouce sur ma joue, devant mon oreille droite. Immédiatement, une nouvelle onde de souffrance me transperce et cette fois-ci, je ne peux empêcher un hurlement de s'échapper de ma bouche, en même temps qu’une gerbe de sang… Lorsque l’Archange me lâche enfin, je porte une main devant mon oreille, ma peau est brûlante ! Je me penche à nouveau sur la lame et ne peut que découvrir avec effroi que je suis marqué par la silhouette d’un serpent stylisé à l'endroit où Gabriel m’a touché. Avant que je n’aie le temps d’esquisser le moindre mouvement, l’Archange me traîne au bord de la béance ouverte par Michelle. 

— NOOOOON ! Pitié, Seigneur, pitié, épargne-moi ! J’ai juste… J’ai juste posé des questions, je t’en supplie… imploré-je, alors que mes nouveaux yeux s’emplissent de larmes.

Une odeur de soufre me parvient depuis les profondeurs qui m'attendent plus bas. Loin en bas. Toujours plus loin du Paradis… 

— Abandonne tout espoir, toi qui entre ici (2)… me susurre Gabriel, tandis que d’un coup de pied dans les côtes, il me jette dans le gouffre.

Pendant que je chute, je découvre une nouvelle forme de terreur et de tourment alors que mes trois paires d’ailes brûlent dans mon dos. Elles laissent une traînée de plumes blanches carbonisées dans mon sillage, qui remontent vers les Cieux, emportant avec elles mon humiliation. La Chute est interminable. Les ténèbres m’engloutissent tandis qu’un indescriptible sentiment d’abandon me comprime le cœur, si tant est que j’en aie toujours un…

Dieu m’a abandonné ! À moins que ce ne soit moi… Je ne sens plus Son amour m’envelopper. À la place, il n’y a plus qu’un vide glacial. Il ne m’a plus jugé digne de Lui et je devrais vivre dans Son désaveu pour l'éternité, désormais.  

Lorsque mon calvaire se termine enfin, je m’écroule sur le sol de l’Enfer sous la forme d’un énorme serpent. L’endroit est vide. Pas vide de gens, ça non ! Les autres Anges Déchus sont tous là. Leurs regards sont éteints alors qu’ils déambulent dans cet abîme impitoyable. 

L’Enfer est vide. Vide de toute lumière. Vide de tout amour. Vide de tout espoir.

L’Étoile du Matin est là, au milieu du néant de son nouveau Royaume. Vaincu, il irradie de colère et de ressentiment. Ce n’est plus le Porteur de Lumière, c’est le Prince des Ténèbres dorénavant… Lorsqu’il m'aperçoit, il s’approche à grands pas ; j’aimerais m’éloigner, mais je ne contrôle pas encore ce nouveau corps. Je reste donc immobile quand il pose une main sur ma tête. Aussitôt, je reprends ma forme angélique, avec quelques modifications toutefois… Samaël me tend ce qui reste d’un bouclier pour que je puisse voir mon reflet. Mes yeux sont restés ceux d’un serpent et la marque de Gabriel est toujours présente sur mon visage. Mes cheveux ont définitivement pris la couleur de mon sang. Je suis dépossédé de tout ce qui faisait mon identité. Je ne suis plus un Séraphin. Je ne suis plus… Rien ! Samaël écarte le fragment argenté de mon visage : 

— Je ne peux aller à l’encontre de la volonté de Gabriel… me dit-il, d'un ton vaguement désolé.

— Je n’ai plus d’ailes… murmuré-je, accablé.

Il me sourit alors, d’un sourire qui me glace le sang, puis claque des doigts. Aussitôt, la douleur me déchire. Encore. Je tombe à genoux et hurle comme jamais je n’ai hurlé et comme j'espère ne plus jamais hurler ! Lorsque le supplice cesse enfin, je pleure silencieusement et reste à genoux, incapable de bouger tant mon corps est à l’agonie. 

— Ligur ! Hastur ! Aidez-le à se relever ! ordonne-t-il.

Une fois debout, tenu à bout de bras par les deux autres Déchus, je les sens dans mon dos ! Je me retourne, plein d’espoir, mais là où il y avait trois paires d’ailes immaculées, il n’y a plus qu’une paire d’ailes, dont les plumes sont aussi noires que les ténèbres de cet endroit. 

— Pourquoi, Samaël ? 

Le Prince des Ténèbres s’approche et me gifle d’un revers de main : 

— Le temps des questions est terminé, Crawly ! Maintenant, tu vas m'obéir, comme vous tous et sans poser la moindre question… Je ne suis plus Samaël, je suis Satan, ton Maître ! Et vous êtes mes Démons, destinés à répandre la Tentation et le Mal pour contrecarrer les plans du Dieu qui nous a bannis ! rajoute-t-il, à l’adresse de tous les autres.

Il a raison, Dieu nous a bannis, abandonnés, et cette vérité est tellement plus douloureuse pour mon cœur que tout ce que mon corps a subi…

Les deux autres me relâchent et je m’effondre à nouveau. Prostré au sol, je replie mes genoux contre moi et les entoure de mes bras. Alors que Satan, dans un râle de colère, fait signe à Hastur et Ligur, qui s’approchent derechef, je déploie mes nouvelles ailes autour de mon corps, dans l’espoir vain de me protéger d’un nouveau châtiment. 

Lorsque je sens une main se poser sur moi, je me fige et me mets à crier : 

- PITIÉ !


*~* 


— Crowley ! Crowley, mon cher, ce n’est que moi ! 

Cette voix. Si douce et si angoissée en même temps. Ce n’est pas celle de mon Maître, ni celle d’aucun Démon ! C’est la sienne. Dans un hoquet, j’écarte mes bras de mon visage et à travers le voile qui recouvre mes yeux aux pupilles fendues, je l'aperçois enfin.

Aziraphale

Ses yeux clairs m’observent avec tristesse et désarroi. 

— Crowley, tu… Tu criais si fort ! Je suis venu voir et… Tu faisais un mauvais rêve… 

Alors que je me perds dans son regard si doux, je constate que je ne suis plus sur le lit, mais prostré au sol. Aziraphale est accroupi à mes côtés, en robe de chambre et en Charentaises. Un coup d'œil par la fenêtre me confirme que la nuit est tombée : 

— Depuis quand je dors ?

— Deux jours… 

Je regarde ma montre Devon Works Tread 1 qui m’indique vingt-trois heures trente et quarante secondes. Dans ma confusion, je reconnais la voix familière de Freddie Mercury, en provenance de la petite chaîne hi-fi qui joue en sourdine Heaven for everyone... 

Je tente de me donner une contenance en passant une main dans mes cheveux et bredouille :  

— Tu… Qu’est-ce que tu faisais ? 

— Je me préparais un chocolat chaud avant de venir m’allonger près de toi pour lire… Tu es sûr que ça va ?

En effet, l’odeur de chocolat envahit la chambre cependant qu’Aziraphale continue de m’observer, le visage marqué par l’inquiétude. Je constate qu’il a posé une main sur mon épaule, qu’il fait remonter le long de mon cou, jusqu’à mon visage. Alors qu’elle arrête sa course au niveau du serpent qui orne ma joue, je détourne le visage et ferme les yeux.

— Qu’y a-t-il, Crowley ? 

Nous nous connaissons depuis plus de 6000 ans, mais nous n’avons jamais abordé ce sujet, beaucoup trop pénible pour moi. La douleur est toujours aussi vive. Ancrée dans ma chair, comme dans mon âme. Je me relève péniblement, à la surprise de l’angelot, qui tente de m’aider alors que je suis déjà assis au bord du lit. Après s’être assuré que je ne retombe pas tête la première, il s’éclipse de la pièce et revient avec un gant d’eau froide, qu’il me passe délicatement sur le front. Je ne me rends compte qu’à cet instant que je dégouline de sueur et que mon cœur s’est calqué sur le tempo d’I can’t stand it de Velvet Underground ! C’est pas vrai, je fais une crise d’angoisse, nom de D… Malgré mes protestations, Aziraphale dénoue mon mince foulard gris argenté, puis m’ôte ma chemise et me rafraîchit avec le linge mouillé. Après m’avoir forcé à m’allonger, il vient s’asseoir près de moi : 

— Tu veux qu’on en parle ? ose-t-il enfin me demander.

— Parler, c’est un truc d’anges ! 

— Comme tu voudras… Je vais lire alors.

— Fais ce que tu veux…

— À voix haute ! s'enthousiasme-t-il.

Je le fixe avec un regard mauvais, en principe, ça suffit à stopper ses ardeurs. Mais comme je suis maudit… 

Le Paradis perdu de Milton ! poursuit-il, avec un petit sourire exaspérant.

— Pourquoi pas la Bible, tant que tu y es ?  

— Je vais te faire un massage alors, pour te détendre ! 

— Un massage ? J’ai l’air d’une femme enceinte ou quoi ?

— Tu pourrais faire un effort, mon cher…

— Je fais de mon pire ! 

Jane Eyre, dans ce cas. Avec une tournée de chocolat chaud ! 

— Tout, mais pas ça ! Je me passerai de cette torture, si tu veux bien, Aziraphale… La clémence, ça te dit quelque chose ? 

— Je t’ai entendu l’implorer… 

— Tu es impitoyable pour une Principauté ! 

— Pas tant que ça ! Si tu acceptes de me raconter ton cauchemar, je pourrais te miraculer un verre de Châteauneuf-du-Pape… 

— La bouteille, mon ange ! protesté-je.

Avec un sourire espiègle et après avoir fait apparaître une bouteille de Château Rayas de 1996 sur ma table de chevet, Aziraphale pose ses petites lunettes de lecture sur sa pile de livres et tend ses paumes vers moi, pour m’indiquer que j’ai toute son attention. Ce geste me fait frémir et je descends la bouteille de vin directement au goulot avant d’entamer mon récit : 

— Il était une fois un Séraphin, dans la Cité de Dieu. Il s’appelait…  



(1) En VF, c’est simple. Au départ, il s’appelle Rampant, puis, plus tard, il change son nom en “Rampa”. La subtilité est la même en anglais. Au départ “Crawly”, du verbe ramper “to crawl”, littéralement ça donne “Rampant”, tout pareil ! 


(2) C’est volontaire, j’ai fait le choix d’inverser les deux prépositions parce que je trouve que c’est plus joli comme ça !


Ce prompt est dédicacé à Alresha, pour ton amour du triple Hurt, sans Comfort 😜😅


Je remercie OldGirlNoraArlani pour sa patience et sa disponibilité angélique et l'aide précieuse qu'elle m'a apportée dans l'élaboration de ce chapitre. Merci, mon ange 👼!





***** J'espère que je n'aie pas perdu trop de monde avec ce chapitre un peu difficile... J'ai voulu vous faire part de certaines de mes théories fumeuses 😂. Place à l'art sur le forum 😉

Enfin, pour la musique :

- The Unforgiven, de Metallica naturellement, je recommande en particulier la version YT du concert de San Fransisco de 2018 !

- Heaven for everyone, de Queen

❤️❤️❤️ ***** 

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