Hot Church

Chapitre 1 : La bicyclette biscornue

3906 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 06/04/2024 20:06

Note : Cette fanfiction est née suite à un échange à haute teneur intellectuelle avec un petit démon dont je tairais le nom. Encouragée par ce démon, j'ai fini par écrire quelques lignes qui sont devenues des chapitres.


Cette fanfiction est ma petite récréation, ma bouffée d'oxygène pendant l'écriture de Love Ineffably. Si je devais décrire Hot Church, je dirais que c'est un mélange improbable de Good Omens, Hot fuzz et Broadchurch. Mais ne vous attendez pas à une enquête aussi sérieuse et pesante que celles menées par Alec Hardy : je ne compte pas sacrifier l'un des Eux pour les besoin du scénario.


Les personnages et l'univers de Good Omens appartiennent à Neil Gaiman (qu'il me pardonne cette ineffable sottise) et Terry Pratchett.

Le scénario du film Hot fuzz qui sert d'inspiration à cette fanfiction, appartient à Simon Pegg et Edgar Wright.


Je dédie cette fanfiction au démon angélique @Bucky1984 et à l'angélique démon @TheBlueOne



Dans l’esprit de nombre de nos concitoyens, la police de Londres est l’une des meilleures du monde : dans les faits, elle est surtout composée de quelques agents exceptionnels, d’une majorité de personnes effectuant correctement leur service – mais ne comptez pas sur eux pour les heures supplémentaires – et d’une infime, enfin espérons-le, poignée d’incompétents occupant les postes les plus intéressants.


L’agent Anthony J. Crowley – ne me demandez pas à quoi peut bien correspondre cette initiale, lui-même l’ignorait –, appartenait à la première catégorie : titulaire d’un double Master en sciences politiques apolitiques et Droit en sécurité intérieure et extérieure, il avait accumulé les tableaux d’honneur à l’Académie de Police d’Édimbourg et était sorti Major de sa promotion. Excellent tireur, expert en déminage, il avait été récompensé à ce jour, de neuf distinctions pour actes de bravoure, avait reçu les félicitations du Premier Ministre en personne pour son implication dans l’Affaire de l’Inquisition et avait été gratifié de trois cicatrices fort bien dissimulées – mais rassurez-vous, dans la suite de cette histoire, ces cicatrices se dévoileront à vos yeux curieux –, attestant de son incroyable courage. Ceinture noire de karaté et apnéiste de talent, il était arrivé troisième lors du Marathon de New-York ; parlait couramment l’écossais, le français et l’araméen, ainsi que le dialecte de l’île de Jersey et avait de solides connaissances en russe, mandarin, japonais et maori de Nouvelle-Zélande.


Avec tous ses dons, en cette journée pluvieuse de printemps typiquement britannique, notre héros aurait dû se trouver n’importe où dans la capitale, mais sans doute pas sur ce chemin boueux le menant vers la petite ville de Tadfield. Il n’existe que trois raisons pouvant expliquer votre présence au Pays de Galles : la poursuite de votre âme sœur, des démêlés avec la justice ou le Fisc ou l’envie d’en finir avec toute forme d’existence. Anthony J. Crowley, capitaine de police et plus jeune champion d’échecs de la charmante ville de Hellven, n’était pas le genre d’homme à devenir le héros d’une comédie romantique champêtre et il n’avait nullement l’intention d’en finir avec la vie. Il avait toujours veillé à payer ses impôts avant la date limite et n’avait à son actif que quelques contraventions pour des excès de vitesse et stationnements interdits, les stops grillés et autres sens interdits empruntés avaient tous miraculeusement disparu de son casier judiciaire. Une seule raison pouvait vous être donnée, la pire pour un homme n’ayant jamais connu l’échec : l’erreur. La bourde. La bavure. En l’occurrence, celle d’Anthony J. Crowley se nommait L’Affaire des Nonnes Satanistes de l’Ordre Babillard de Sainte-Béryl. Pourtant, cette affaire aurait dû lui permettre de se couvrir d’honneur, d’obtenir un poste clef ou une belle promotion … mais l’espoir s’était envolé en même que le couvent des Soeurs parti en fumée, enterrant à jamais, les preuves de leurs activités illicites impliquant l’Antéchrist, l’Ambassade américaine et des nouveaux-nés enterrés dans le potager de la Mère Supérieure.


La Chute, aussi rapide qu’imprévue, l’avait conduit ici, avec pour compagnons de misère, sa précieuse Bentley, une plante verte et un serpent prénommé Junior qui se prélassait en ce moment-même dans un terrarium placé dans le coffre de la voiture. Crowley consulta son GPS dont le signal avait été perdu depuis qu’il s’était aventuré sur cette route qui n’avait de route que le nom ; et alors que la situation n’aurait pas pu être pire, un épais brouillard se leva et la pluie redoubla d’intensité, rendant impossible cette traversée infernale. L’autoradio s’était tu, l’abandonnant seul avec la singulière idée de se lancer dans le crime et de devenir un expert en ce domaine, afin de se venger de ses supérieurs hiérarchiques. Il s’empara de son téléphone et voulut envoyer un texto à un ami, avant de se rappeler qu’il n’en avait aucun. Seulement des collègues qui n’avaient pas essayé de lui filer un coup de main et qui avaient accueilli la nouvelle de son exil forcé avec bonheur. Il avait même entendu dire qu’une sauterie, à laquelle il n’avait pas été convié, avait été organisée dans les bureaux de la Metropolitan pour fêter sa « promotion »


Perdu dans ses pensées, incluant les pires sévices et autres délicieuses tortures à infliger à ses supérieurs lorsqu’il deviendrait le baron du crime britannique, Crowley n’entendit pas le cliquètement d’une sonnette, pas plus qu’il ne vit la bicyclette à laquelle il venait de griller la priorité en beauté. Le choc de l’impact et la vision d’un vélo volant devant son pare-brise mirent un coup de frein à ses plans diaboliques. Pestant et éructant, Crowley coupa le moteur de la Bentley et se précipita à l’extérieur pour constater l’étendue des dégâts : par chance, le capot ne souffrait d’aucune égratignure ! Il tourna la tête vers la bicyclette agonisante, ses deux roues cabossées tournant dans le vide en émettant une série de grincements. Il essuya la pluie glissant de son visage et aperçut une forme humaine pataugeant dans une flaque. Il hésita à reprendre la route, mais ne voulant pas ajouter le délit de fuite à la liste de ses méfaits, il s’approcha du cadavre bien vivant. Un bout de soulier bougea, tandis qu’un bras commençait à se mouvoir.


– Un coup de main ? proposa Crowley avec amabilité en s’accroupissant face au chauffard à deux roues.

– Je crois que vous m’avez heurté, répondit l’être humain dont le visage était dissimulé sous un hideux chapeau mou dégoulinant de pluie.

– Erreur, mon vieux, fit Crowley en rangeant son portable dans la poche de son pantalon. Vous m’avez heurté.


Il tendit une main charitable au délinquant à bicyclette qui s’en saisit de sa main gauche. Les doigts humides et boueux de l’individu lui échappèrent et, tout en essayant de le retenir, il lui arracha presque l’alliance que celui-ci arborait. Il fut surpris par la douceur de sa peau. Crowley retira ses doigts avec précipitation avant d’examiner – déformation professionnelle – l’individu époussetant son manteau maculé de boue. Un menton se redressa et Crowley fit face à une paire d’yeux clairs. Il examina son vis-à-vis avec davantage d’intérêt et crut avoir été aspiré par une faille spatio-temporelle : le chauffard à vélo était vêtu comme un personnage de détective de vieille série policière, mais un héros tenant plus du gentil Hercule que du vulgaire poireau. L’homme se pencha pour ramasser son chapeau, l’essora avant de le reposer sur sa tête dont un abus de gel retenait avec grand peine un amas de bouclettes frissonnantes et frisottantes.


L’homme, une fois vêtu avec ce qu’il semblait considérer comme la plus élémentaire décence, se rapprocha de sa bicyclette et la releva avec précaution. Il fit tinter la sonnette mais n’obtint qu’un silence mortel.


– Pourriez-vous me déposer en ville ? demanda-t-il avec une certaine anxiété.

– Désolé, mon coffre est déjà occupé, répondit Crowley en s’appuyant contre le capot de la Bentley. Rien de cassé ?

– Non, je ne pense pas… Peut-être pourriez-vous la mettre sur la banquette arrière ? suggéra le chauffard d’un ton poli.

– Votre vélo…

– Bicyclette, corrigea l’inopportun.

– Dans ma Bentley, jamais de la vie ! Pas de palpitations ? Vomissements ? Vertiges ? Hallucinations ? Maux de tête ?

– Non, mais ma bicyclette…

– Elle s’en remettra, quelques coups de marteau, un ou deux tours de vis, un peu d’huile de coude et le tour est joué ! fit Crowley en reprenant place derrière son volant.


Il referma la portière et redémarra en trombe, aspergeant le chauffard ringard d’un nuage de terre. Il jeta un regard dans le rétroviseur et vit que le petit désagrément de la matinée, le fixait, bouche bée. Il fut tenté de faire demi-tour pour lui porter secours mais se rappelant qu’il se trouvait dans l’un des coins les plus odieux du Royaume-Uni, et qu’il n’avait aucune envie de fraterniser avec l’un de ces maudits Gallois – il avait déjà fricoté avec l’un de ses semblables et en conservait un très mauvais souvenir –, il renonça à cette bonne action et reprit la route. Par chance, le signal GPS avait été retrouvé et il put quitter le chemin solitaire pour regagner une route beaucoup plus praticable.


♠♠♠


Si l’Enfer se trouvait sur Terre – d’éminents spécialistes se penchent encore sur cette épineuse question –, il se situerait sans nul doute à Tadfield, Pays de Galles. Lorsque la Bentley pénétra dans la rue principale faite de maisons parfaitement alignées, toutes dotées de jardins aux haies bien coupées ; et de bâtiments fleuris et colorés, Crowley vint à se demander s’il n’avait pas passé l’arme à gauche en franchissant les derniers kilomètres de la M25.


La Bentley trouva une place, sans tenir compte de l’indication « réservée aux livraisons », devant le café / pub / hôtel qui lui ferait office de point de chute durant ce terrible chemin de croix. Lorsqu’il descendit, Crowley fut assailli par la chanson iconique de la Mélodie du Bonheur diffusé par les haut-parleurs accrochés aux lampadaires. Tout en vouant l’âme de Julie Andrews aux flammes infernales, Il leva les yeux vers la façade d’un bleu criard et déchiffra le nom, indubitablement trop long, de l’établissement : Donnez-moi du café ou donnez-moi la mort. À cet instant, Crowley hésita entre les deux options proposées. Il s’approcha de son coffre et s’apprêtait à l’ouvrir, lorsqu’il perçut un sifflement admiratif à travers les notes grésillantes.


– Chouette voiture !

Il se retourna et fit face à un homme vêtu d’une tenue de jogging gris ne portant nulle trace de transpiration.

– Bienvenue à Tadfield, poursuivit l’individu dépourvu de sueur tout en lui décochant un sourire tout en dents étincelantes. Vous devez être notre nouveau capitaine de police !

– Non, je suis un prisonnier en cavale, bougonna ledit nouveau capitaine de police fort contrarié.

– Blagueur, hein ? Ça tombe bien, nous avons beaucoup d’humour ici ! s’exclama son interlocuteur en éclatant d’un rire sonnant tout aussi faux que la sonnerie d’un portable ancienne génération.


L’homme se lança dans un monologue sur les beautés de sa « chère Tadfield » et les améliorations qu’il faudrait lui apporter afin d’attirer davantage de touristes – il évoqua la future installation d’un complexe hôtelier, d’une marina et d’un centre commercial –, tandis que Crowley, nullement intéressé par ces projets d’urbanisme, ouvrait son coffre pour en retirer un sac de sport noir, son terrarium et l’heureuse élue végétale – un Monstera deliciosa – qui l’accompagnerait dans ce calvaire. Tout en pérorant sur la « nécessité d’une expansion économique raisonnée », l’homme jeta un regard au serpent aux écailles noires. Il s’interrompit et s’en approcha :


– Nom d’une pipe en bois, c’est un vrai serpent ?!

– Non, c’est un jouet en plastique… marmonna Crowley en refermant le coffre d’un coup de talon.

– Il est dangereux ? s’enquit l’homme en se penchant vers Junior qui ouvrit un œil paresseux avant de replonger dans un bienheureux sommeil.

– Seulement avec les Gallois.

L’homme éclata d’un rire aussi maîtrisé que sa raie impeccable. Il sortit une carte de visite de la poche de son haut de jogging et la tendit à Crowley.

– Je suis agent immobilier, si vous cherchez quelque chose de bien mieux que ce galetas, faites-moi le plaisir de m’appeler ! fit-il en lui décrochant un clin d’oeil.

Les Portes du Paradis ? lut Crowley à voix haute.

– Le nom de notre agence à moi et à mon épouse. Nous mettons tout en œuvre pour assurer le bonheur immobilier de nos clients.


Il esquissa à nouveau l’un de ses sourires factices, tritura sa montre connectée et repartit dans sa course matinale en esquissant de petites foulées. Crowley porta la carte à sa bouche, la déchira d’un coup de dents maîtrisé, avant d’en éparpiller les morceaux sur le trottoir.


Son sac sur l’épaule, son terrarium coincé sous un bras et sa plante verte sous l’autre, Crowley franchit la porte de l’établissement désert à cette heure avancée de la matinée. Il fut accueilli par le tintement d’une clochette et le « bonjour » cordial d’une femme blonde essuyant une table. Il s’approcha du comptoir et examina la salle dont les murs d’un bleu aveuglant étaient couverts de slogans anarchistes et de dessins probablement exécutés par un adolescent en pleine crise de puberté. Un écran de télévision, qui avait sans doute assisté à la Chute du mur de Berlin, diffusait en boucle des clips datant d’une autre époque sans aucun son. Une femme d’âge moyen vint à sa rencontre :


– Bonjour, que puis-je faire pour vous ?

Crowley se retourna vers elle et, sans ôter ses lunettes de soleil, répondit d’une voix oscillant entre la nervosité et l’agacement :

– Je suis votre nouveau locataire.

– Ah oui, reprit-elle dans une grimace, le voleur de promotion… Anthony J. Crowley. C’est pour quoi, le J ?

– C’est juste un J.

– Je vous fais le forfait trois mois, repas compris. Vous comptez rester longtemps ?

– Le temps de me reconvertir en tant que cordonnier pour me tirer d’ici…

Elle le fixa d’un curieux regard avant d’apercevoir Junior qui, indifférent, roupillait en toute quiétude.

– Votre serpent, c’est un vrai ? Les animaux sont interdits ! l’apostropha sa future ex- propriétaire en pointant l’affiche posée sur le comptoir.

– C’est un clébard qui est dessiné, pas un serpent !

– Nina, intervint la femme blonde, peut-être pourrions-nous faire une petite exception pour monsieur Crowley…

Elle s’approcha du comptoir et lui adressa un sourire amical.

– Chérie, la réprimanda sa compagne avec un regard énamouré, tu es bien trop gentille ! Elle se retourna vers le sinistre individu : il est venimeux ? Il ne se tirera pas de sa cage ?

– Non et non, et c’est un terrarium !

– C’est bon, vous pouvez le garder, mais faudra payer un supplément.


La femme blonde s’apprêtait à répliquer lorsqu’un regard de sa compagne la dissuada de tout commentaire. Crowley grogna, mais n’ayant aucune envie de dormir sur la plage ou d’avoir un quelconque contact avec l’agent immobilier qu’il considérait comme un suprême imbécile, il sortit sa carte bancaire afin de régler la taxe « reptile » que Nina venait tout juste de mettre en place. Une fois la somme réglée, elle sortit un trousseau de clefs du comptoir et invita son nouveau locataire à la suivre à l’arrière du café. Ils arrivèrent dans un petit vestibule donnant sur un escalier étroit. Sa future propriétaire désigna l’autre porte située à leur droite.


– Elle donne sur la cour extérieure, si le café est fermé, vous devrez passer par là. Ma compagne, Maggie, et moi-même vivons au premier étage, si vous avez besoin de quoi ce soit… mais faudra pas abuser non plus ! ajouta-t-elle en s’engageant dans l’escalier, talonnée par Crowley.

Parvenus au deuxième et dernier étage, Nina désigna les trois autres portes attenantes à celle devant laquelle elle s’était arrêtée.

– Je ne loue que quatre chambres, mis à part la vôtre, elles sont toutes vides à cette période de l’année. La saison ne commence que le mois prochain et se termine à la mi-septembre. Le reste du temps, c’est très calme, on a l’impression de vivre …

– Dans la Mélodie du bonheur ?

– Foutue musique ! s’écria Nina en déverrouillant la porte de la future chambre de Crowley, le maire la lance de plus en plus tôt !


Crowley découvrit sa suite composée d’une chambre minuscule et d’une petite salle de bains digne de celle d’un logement d’étudiant fauché. Nina lui conseilla de faire attention à sa tête lorsqu’il prendrait sa douche afin d’éviter tout traumatisme crânien. Il s’approcha de la fenêtre offrant une vue imprenable sur la rue principale.


– En vérité, fit Nina en croisant les bras, j’voulais vous refiler la chambre qui donne sur le local à poubelles, mais Maggie a eu pitié de vous ! C’est pas commun, un flic de Londres qui arrive ici.

Il dédaigna répondre et se retourna vers sa nouvelle propriétaire. Celle-ci lui lança le trousseau de clefs qu’il n’eut aucun mal à saisir au vol.

– La grosse clef dorée ouvre la porte extérieure, l’autre, c’est celle de votre chambre. Je ne vais pas vous fliquer, mais évitez de vomir dans l’escalier. Si vous ramenez des types, c’est dans votre chambre, pas dans l’entrée que ça se passe.

Elle l’examina des pieds de la tête, s’attardant sur son tatouage serpentant près de son oreille gauche, avant de reprendre :

– Mais vous allez avoir du mal à vous dégoter un petit morceau par ici… sont tous casés.

– Merci pour vos recommandations, madame…

– Nina suffira.

Avant de sortir, elle se tourna une dernière fois vers lui.

– Vous allez leur faire une drôle d’impression au Poste quand vous allez vous pointer avec votre pantalon trop serré et votre petite cravate ridicule… Personne ne s’attendait à voir débarquer un type dans votre genre.

– Un type dans mon genre ?

Aussi gay qu’un arbre chargé de singes gazés à l’oxyde d’azote.


Nina sortit de la chambre, abandonnant Crowley à son triste sort. Il déposa le terrarium et le plante verte sur la commode. Il fouina un peu dans l’armoire, eut la surprise d’y découvrir une boîte de Scrabble. En ouvrant le tiroir de sa table de chevet, sous un guide touristique datant de quelques années et une Bible encore sous blister, il dénicha en guise de cadeau de bienvenue, une boîte contenant divers préservatifs de tailles différentes. Nina savait comment choyer ses locataires… Il referma le tiroir avec précipitation, il n’avait aucune intention de faire usage de cette offrande, et ouvrit son sac de sport. Il fouilla parmi ses vêtements et sortit un brumisateur pour plantes en plastique vert. Il l’ouvrit et se dirigea vers la salle de bain. La plante replia ses feuilles à son passage et lorsqu’il revint, le brumisateur plein et les doigts mouillés, elle comprit que sa séance de torture allait débuter. Il commença par lui susurrer des mots doucereux mais le Monstera deliciosa , point dupe de ses minauderies, se mit à trembler. Crowley esquissa une moue désolée et l’aspergea de quelques coups de brumisateur. La plante se recroquevilla davantage, ce qui accentua la mauvaise humeur de son seigneur et maître. Il resserra ses doigts autour de son arme fatale et dans un déluge de gouttelettes, se mit à injurier la pauvre plante dans toutes les langues qu’il maîtrisait.


Son éclat colérique tira son serpent de sa sieste. Le reptile déplia ses écailles et se mit à siffler d’indignation. Crowley suspendit son geste et se tourna vers le terrarium.


– Oh, Junior… murmura-t-il d’un ton fort contrit. Je suis désolé.


Le serpent siffla à nouveau pour réitérer son mécontentement. Son propriétaire, que le reptile considérait avant tout comme son esclave personnel, tourna la tête, arborant un air boudeur. La voix de Crowley se fit plus caressante et, tel un chat réclamant le pardon de son maître après lui avoir assené un vilain coup de griffe, se mit à caresser la cage de verre tout en chuchotant des mots sucrés en guise de ronronnements repentants. Junior se redressa en frottant sa tête contre la paroi du terrarium, montrant par ce geste que tout était pardonné. Rassuré par cette réconciliation, Crowley retira de son sac, une petite glacière sur laquelle était collée la photo du meilleur profil de Junior. Il l’ouvrit, souleva un pain de glace et se saisit d’une souris morte. Il attendit quelques minutes qu’elle se décongèle avant de l’offrir au reptile guettant sa proie offerte avec une certaine impatience. Junior se glissa jusqu’à la petite souris, dont le pelage tirait sur le blond plutôt que sur le blanc immaculé, l’effleura de sa langue avant de la gober d’un seul coup. 


Blablas inutiles :

1. Le titre du chapitre La Bicyclette biscornue est un clin d'œil à un titre d'un roman d'Agathe Christie : La Maison biscornue.

2. Si la musique classique, Queen et The Velvet Underground sont la toile musicale de Love Ineffably ; la pop anglo-saxonne des années 80 accompagne l'écriture de la présente fanfiction. Je dois également remercier Donna Summer dont le mythique Hot Stuff tourne également en boucle lorsque j'écris Hot Church.

"I need hot stuff

Hot love

Looking for hot love"





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