Le Temps de la Nuit

Chapitre 10 : The Joke Was On You

6494 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 19:54

Annie regardait avec fierté les informations qui affichaient les visages des personnages les plus craints de la ville. Les têtes d'Aaron, Jérôme, Barbara, et la sienne s'enchaînaient les unes à la suite des autres.


-        « Ces personnes sont extrêmement dangereuses, pour toute information veuillez contacter le département de police de la ville dont le numéro s'affiche au bas de votre écran. Nous répétons, Aaron Helzinger, Jérôme Valeska et Barbara Kean sont des personnes psychologiquement déséquilibrées aux antécédents meurtriers. Le dernier suspect reste inconnu, mais potentiellement violent. Ne tentez rien si vous les apercevez».

-        Comment tu me trouve ? S'exclama Jérôme en entrant dans la pièce en ouvrant les bras comme s'il allait danser.


Elle se tourna vers lui, assise en tailleur sur le fauteuil, pour regarder le jeune homme.


-        Presque effrayant, complimenta Annie.


Jérôme sourit avec prétention.


-        Trop aimable.

-        Je regrette quand même les cheveux, dit-elle en désignant la tignasse aplatie sur son crâne.

-        Oui, je comprends, c'est décevant, mais il faut que je sois le moins reconnaissable possible, tu comprends bien, ou ces imbéciles de la police me sauteront dessus sans que je n’aie pu commencer mon show. D'ailleurs !


Il sortit une fausse barbe et une fausse moustache dans la foulée, et plaça les postiches devant son visage.


-        Tu as devant toi la future star de Gotham : Rodolfo le Magicien !

-        Pauvres gosses, soupira Annie.

-        Oui, confirma Jérôme, le costume n'est pas tout à fait terminé, il faut que j'accroche ces trucs sur mon visage, et je serai un magicien avéré. Regardez, mesdames et messieurs ! Imita-t-il, cet homme est en vie ! et... POUF ! Il est mort !


Il ricana à sa propre blague.


-        Tu peux m'aider ? Demanda Jérôme en tendant les postiches à Annie.


Elle se leva, attrapa les postiches et les plaqua tant bien que mal sur le visage de Jérôme, essayant d'atteindre l'illusion parfaite. Lorsqu'elle eut fini, elle prit du recul et observa Jérôme qui adopta une pause de faux bourgeois, aux allures aristocratiques.


-        Tu es la perfection de l'horreur.

-        Tu sais parler aux hommes, toi, dit-il avec une mimique moqueuse.


Enfin, il sortit de son dos un masque noir, qui lui couvrait les yeux. Tout à fait invisible. Tabitha entra à son tour.


-        Jérôme, on y va, dit-elle avec négligence, pour sortir aussi rapidement.


Il se sentit autrement vivant, peut-être même un peu anxieux d'enfin se rendre à la soirée de sa vie.


-        Le devoir nous appelle, dit-il avec une voix qu'il voulait héroïque, mais qui ne résonna que plus glaçante et impitoyable.


Il se détourna, fit quelques pas mais s'arrêta en faisant semblant de réfléchir.


-        Tu as déjà embrassé un homme avec de la barbe ? Demanda-t-il en se retournant pour se diriger à nouveau vers elle.


Il s'empara de sa bouche avant qu'elle ne réponde. Elle se retira, et essuya ses lèvres d'un revers de main.


-        C'est ignoble !

-        Tant mieux.


Cette fois-ci, il disparut de sa vue. Elle l'entendit échanger avec Tabitha, et les deux sortirent de l'appartement pour se rendre à la soirée de charité. Elle se rendit compte qu'elle commençait à s'habituer à ce garçon, bien qu'il ne soit pas de ceux dont il faut s'habituer. Il fallait garder des soupçons envers les gens comme Jérôme, trop imprévisibles. Faire confiance à Jérôme, c'était faire confiance à la mort elle-même.

Galavan et Barbara ne les rejoignirent que longtemps après, lorsque la nuit était totalement tombée, et qu'il était l'heure pour les enfants de retrouver leur lit. L'appartement était tout à fait vide, silencieux et sans vie, bien que cette dernière n'était pas tout à fait présente avec les autres. Le massacre ne tarderait pas, Jérôme ferait son show, puis abattrait quelqu'un. Elle ralluma le poste de télévision, et le laissa parler dans le vide en attendant des images spéciales d'avertissement. Elle s'allongea sur le fauteuil, et ne trouvait rien d'autre à faire que de jouer avec son arme. Elle était lourde et pesait sur ses bras en les engourdissant, mais elle ne cessait de la décharger et de la recharger sans arrêt, essayant d'être plus rapide à chaque fois. Le pistolet semi-automatique laissait son armature se faire ainsi maltraiter, sans une fois faillir.

Elle ne savait pas combien de temps elle avait reproduit la manœuvre avant que les journalistes laissent voir les images du direct, filmées par les hommes de Galavan. Elle s'assit, oubliant son arme, et se laissa absorber par les images qui, en ce moment même, devaient retourner la ville toute entière. Leslie, la petite amie de Gordon étaient attachée sur une roue « magique ». Jérôme avait prit en otage tous les grands de la ville. Et quelle fierté reflétait sur son visage. Alors que tout semblait perdu pour le jeune Bruce Wayne prit en otage, Théo Galavan le nouveau héros, entra en scène. Il poignarda Jérôme, lui enfonçant profondément la lame dans la gorge, l'empêchant de parler, de respirer, ou même de rire. Le cœur d'Annie s'arrêta subitement, pendant qu'une brume épaisse envahissait ses sens. Elle mit du temps avant d'y croire totalement. Elle se leva prudemment du fauteuil, pour s'assurer que c'était bien du sang qui coulait de la bouche de Jérôme. Elle sentit une colère démesurée s'emparer d'elle. Elle posa ses doigts sur l'image.


-        Traître, murmura-t-elle lorsque sa voix refit surface.


Ses yeux s'humidifièrent, sans qu'une once de tristesse n'en soit la cause, mais la haine dans son état le plus pur.


-        Traître ! Répéta-t-elle en hurlant presque. Théo Galavan, tu n'es qu'un menteur !


Elle se leva tout à fait. Si Galavan tuait ses propres monstres, et l'un en lequel il croyait le plus, il n'aurait pas de mal à la liquider elle. D'autant plus que Jérôme était encore là pour le persuader qu'elle lui était fidèle. Ce qu'elle était, finalement. Les menteurs sont les pires des criminels. Ils ne sont ni vrais, ni faux. Galavan ne s'assumait pas comme un monstre. Et les monstres qui n'acceptent pas leur condition sont les plus dangereux, on ne sait jamais lorsqu'ils feront du mal. Mais les monstres qui s'admettent comme tel, sont définitivement plus sûrs : ils feront inévitablement du mal, c'est dans leur nature. Jérôme était un monstre, oui, un vrai. Elle le savait être un danger, pour elle, pour la ville, pour lui. Mais Galavan était sans appel le pire. Le joueur avait été joué.

Elle attrapa un petit sac à dos noir, emporta avec elle différentes affaires, dont de nombreuses recharges pour son arme. Elle enfila son pull par dessus son débardeur, posa sa veste sur ses épaules, et enfin, cala son arme à l'arrière de son jean, entre le pantalon et sa peau. Elle quitta le luxueux appartement, avec la conviction de ne plus jamais y revenir.

Elle n'était à la merci de personne, vivre en sursis ne l'intéressait pas. Annie plaqua son foulard sur sa bouche et son nez, en montant dans l'ascenseur, puis rabattit sa capuche. Annie se sentait aussi durcie qu'un mur. Rien n'aurait pu la faire tomber à cet instant, prise d'une rage folle qu'elle contenait sans broncher. C'est lorsqu'on croit avoir ne plus rien à perdre, que tout disparaît réellement.

 

Elle s'enfonça dans la ville sombre. Gotham avait eut une soirée de répit, soulagée de voir mourir celui qui la terrifiait tant. Elle marchait sans voir où elle allait, aveuglée par les sentiments puissants. Si Jérôme aimait le chaos, il était le premier à l'avoir fait se sentir aussi vivante. Il était un paradoxe qui l'avait séduite. C'est le vide et le silence qui la ramenèrent à la réalité du monde. Elle était devant l'ancien immeuble qu'elle avait investit. Son esprit l'avait ramené ici, n'ayant d'autre choix. Elle se sentait défaite, jouée, abusée. Elle n'aurait jamais du quitter cet endroit. Peut-être même qu'elle n'aurait jamais du quitter l'appartement de son père. L'ironie la fit sourire, lorsqu'elle se rappelait avoir tué ce dernier l'après-midi même. Non, il n'avait pas été possible de rester là-bas. Elle s'assit dans le coin où elle avait prit l'habitude de dormir, pour fixer le mur loin en face d'elle. Elle resta ainsi durant des heures, son arme entre ses mains, à revoir Jérôme se mourir entre les mains de Galavan. Ou à les revoir, elle et lui, enlacés l'un avec l'autre. Gotham était un piège.

Elle posa doucement le canon de l'arme sur sa tempe. Elle se figea quelques secondes, croyant en son acte. Elle aurait aimé avoir un miroir à ce moment là, pour se voir se menacer elle même. Elle engagea la cartouche, appuyant avec lenteur sur la culasse de son arme.


-        Vraiment ? Demanda-t-elle dans le vide.


Elle était juste désorientée et fatiguée. Elle laissa l'arme retomber sur le sol, et la désarma. Elle se mit à rire avec transport, sans pouvoir s'arrêter, ressentant la détresse qu'elle endurait, alors que des larmes salées se mêlaient à son hystérie.

Elle laissa son corps s'allonger sur le sol, à bout de force, et s'abandonna à sa névrose.


***


Lorsqu'elle se réveilla, son visage lui paraissait entièrement bouffi. Le soleil était déjà bien haut dans le ciel.


-        J'ai presque failli croire que tu étais morte.


Si elle avait bu la veille, elle aurait dit qu'elle avait la gueule de bois. Elle ne savait pas qui parlait, pourtant, elle connaissait bien cette voix. Celle d'une fille, avec qui elle avait déjà parlé. Elle se posa sur ses coudes, pour se soulever lentement. Elle se laissait le temps de reprendre ses esprits. Un éclair lui passa au travers de la figure, et elle comprit que c'était le reflet du soleil sur le canon de son arme.


-        Jérôme, commença-t-elle à mi-voix.

-        Lui, par contre, il est bel est bien mort, répondit la voix féminine.

-        Le traître...

-        Non, pas vraiment, il est mort en faisant ce qu'il aimait : faire chier le monde. Et il l'a fait, jusqu'à la fin, jusqu'au dernier rire.

-        Non, Galavan.

-        Le nouveau héros de Gotham, tu veux dire.

-        Je vais lui arracher le cœur...

-        Y a que dans les films qu'on peut faire ça. Tu pourrais te lever, et arrêter de délirer ? Tu me fais presque pitié.


Elle vit deux pieds chaussés de bottes noires se rapprocher d'elle, sans voir ce qu'il y avait au dessus des genoux, alors que son regard se floutait de temps en temps.


-        T'as déconné, Ann. Tous les policiers de la ville sont à ta recherche. Et Jim Gordon n'arrêtera pas de te chercher pour venger le capitaine Essen. Tu sais, celle que Jérôme à tué en direct.

T'aurais jamais du sortir de chez toi.


Elle reconnu Cat.


-        Qu'est-ce que tu veux ? Demanda Annie en appuyant son dos contre le mur, en posant une main sur son ventre.


Elle avait mal de partout, la douleur la lançait dans tout le corps.


-        Tu es venue me dire que tu avais raison ? Que je suis devenue complètement tarée ? Et que c'est bien fait pour moi ? Je sais tout ça, laisse moi tranquille, t'as pas besoin de jouer à la maman.

-        Ils t'ont complètement démolie... remarqua Cat. J'étais juste venue vérifier que t'avais compris que ce n'était pas pour toi, tout ça, après la spectaculaire mort de Jérôme. Je pensais te trouver ici, et j'avais raison. Faut croire qu'il te reste un peu d'intelligence. Je t'ai amené ça aussi, dit-elle en lui lançant une brique de lait.


Elle allait partir, avant de se retourner.


-        Tu sais, t'as de la chance que Jérôme ait rien fait à Bruce.


Sa voix était devenue étonnement dure et distante. Annie leva les yeux vers elle.


-        Il ne l'aurait pas fait, dit Annie. Il ne devait rien faire à Bruce.


Cat hocha la tête de haut en bas, imperceptiblement, en serrant les lèvres. Cette épave n'était pas la Annie qu'elle avait aidé. Son nez se retroussa de dégoût et de pitié en voyant ce qu'elle était devenue. Elle s'éloigna.


-        Merci, Cat, lança Annie avant de la voir disparaître.

-        Ne fait rien de stupide avec cette arme, prévint la féline.


Sa présence l'avait rassurée, en un sens. Elle ne la considérait plus comme une alliée, ou comme une amie, mais c'était justifié. Annie ne voulait pas d'amis, si c'était pour qu'ils finissent ainsi. Elle ne savait pas exactement comment. Mais elle était certaine d'une chose : Gotham n'offrait pas de véritables amis. Elle ne le permettait pas. Pas tant que les monstres seraient dominant.

Elle examina la brique de lait, et en bu une gorgée.

Elle demeura le reste de la journée allongée sur le sol, ne se levant sous aucun prétexte. Elle se divertissait avec les restes de la brique de lait, parfois son arme. Étirait ses jambes, s'endormait pour se réveiller quelques minutes après. Elle ne ressentait aucun besoin. Encore moins celui de vivre. Mais l'âme est si bornée, qu'elle s'accroche à la vie, alors que le cœur ne peut plus la supporter. Pas une seule fois elle ne retentait l'essai de la veille.

Ce n'est que le lendemain qu'elle se décidait à se lever. Elle cacha son visage dans son foulard – acte tout à fait indispensable désormais – accrocha son sac à dos, et rangea son arme au dos de son jean. Elle sortit d'un pas décidé de son immeuble aux odeurs de moisi. Première étape : reprendre du service. Elle ne savait pas encore ce qu'était la seconde, mais la première semblait tout à fait logique. Elle se rendit immédiatement en ville, vers les commerçants. Plus question de voler comme une débutante. Avant d'y arriver, elle aperçu un étrange dessin sur un mur. Deux grands yeux, ouverts, soulignés par de longs « Hahahahaha », formant une sorte de bouche démente.

Gotham n'était pas prête d'oublier le rire étrangement communicatif du grand Jérôme Valeska.

Sur cette vision Annie entra dans une boutique de téléphonie. L'endroit était pratiquement vide, et le vendeur se trouvait dans l'arrière boutique pour une cliente. Elle s'approcha de la dame.


-        Sortez, dit-elle sans la regarder.

-        Je vous demande pardon ? Demanda-t-elle avec un air outré.

-        Sortez, répéta Annie en tournant les yeux vers elle.

 

Elle délivra son nez et sa bouche, et la femme en face d'elle pu découvrir son visage. Elle battit plusieurs fois des cils, se disant que ces traits lui étaient familiers. Elle mit une main sur sa bouche, n'arrivant pas à crier. Elle se cogna à une vitrine, et ne put s'en décoller. Le vendeur entrait au même moment.


-        Je vous ai trouvé ceci, j'espère que ça corresp...


Il n'eut pas le temps de finir, croisant les yeux sombre d'Annie au lieu de ceux apaisants de la femme. Il reconnu Annie à son tour.


-        Sortez de mon magasin, ou j'appelle la police ! S'écria-t-il, la voix légèrement tremblotante.

-        Non, non, dit Annie en fronçant les sourcils, je veux pas la police...


Elle se pencha sur le comptoir, et sortit l'arme de son jean, qu'elle plaqua contre sa tempe, lui agrippant sa chemise de l'autre main pour le rapprocher d'elle.


-        Je veux du fric, finit-elle.

-        Combien vous voulez ? Dit-il sans résister.

-        Quel courage. Et quelle question stupide. Je veux ce que tu as, je vais pas vérifier ce que tu vas me donner, je voudrai partir avant que la dame, là, dit-elle en la désignant de la tête, n'appelle les flics.

-        L'argent est là-bas, ne me tuez pas, par pitié, j'ai une famille...

-        Je veux pas ta famille, donne-moi l'argent.


Elle le lâcha et suivit ses mouvements de son arme. Il lui laissa l'argent sur le comptoir, qu'elle enfouit tout de suite dans son sac.


-        Parfait, maintenant tourne toi vers ta vitrine là, et garde tes mains sur ta tête. Tu as compris ?


Il enchaîna quelques « oui », en hochant vivement la tête de haut en bas, et s'exécuta. Elle tendit ensuite son arme vers la dame, toujours immobile contre sa vitrine, dans un mouvement élancé et assuré.


-        Prends ton téléphone.


Elle chercha frénétiquement dans son sac.


-        Écoute-moi bien, dit-elle avec une voix qui se voulait rassurante et douce mais qui était rendue impitoyable par sa réputation. Tu vas prendre ton téléphone, tu vas appeler les flics, je vais m'en aller, et tu vas leur dire que je suis Annie Henderson, et qu'on ne m'attrapera que lorsque j'aurais décidé qu'on m'attrape. C'est compris ?


Elle hocha la tête en attrapant son téléphone. Annie dissimula une nouvelle fois son visage, et rangea son arme en remettant son sac à dos.

 


Revenue à sa planque, elle reçu une nouvelle fois la visite de Cat.


-        On a entendu parler de toi aujourd'hui, sur la fréquence policière.

-        C'est normal, répondit Annie en sortant un hamburger de sa boite. T'en veux ?


La féline fit la grimace, pour finalement s'asseoir à côté d'Annie et partager le sandwich.


-        T'es venue pour me dire ça et partager ma bouffe ? Demanda Annie en mordant dedans.


Cat avala sa bouchée.


-        Pas vraiment, je suis venue te mettre en garde.

-        Encore ? Je vais t'engager comme garde du corps.

-        Le Pingouin est ultra furax contre toi.


Annie tourna son visage vers elle avec surprise.


-        Tu sais ici mieux que personne ce que veux vraiment Galavan ? C'est pas être le héros de cette ville...

-        Comment tu sais ça ?

-        J'ai surpris une conversation chez Pingouin. Galavan retient sa mère, et il va lui faire faire toutes les crasses afin de le crédibiliser en tant que nouveau maire de Gotham. Pingouin sait que tu étais dans les secrets de Galavan, il t'as vu à la télé avec ce Jérôme. Et il est persuadé que tu sais où Galavan cache sa mère. Il a ordonné à ses hommes de t'arrêter, sans te tuer, forcément, tu as un peu de sursis. Mais je te conseil vivement de partir de cette ville.

-        Non, je peux pas.

-        C'est comme tu veux Ann, dit-elle en se levant, mais évite de trop te promener. Si Pingouin découvre ta planque, t'es fichue.

-        Tu ne vas pas lui balancer ?

-        Tu me prends pour qui ? Je suis pas une balance. Et je sais que tu ne sais pas ce qui est arrivé à la mère de Pingouin. Il va falloir que tu te démerde pour sortir de là.

-        Tu pense que si je vais le voir directement, il pourrait essayer de m'écouter ?

-        J'en sais rien. T'as qu'à essayer. Tu t'es foutue dans la merde, sors-toi en seule.

-        Ce sera fait, répondit-elle la voix plus basse, comme pour elle-même. Mes compliments à Bruce, lança Annie à l'intention de Cat.


Annie sentait l'étau se resserrer contre elle. James Gordon, Le Pingouin, et peut-être même Galavan étaient en train de la tracer. La priorité était le Pingouin. Galavan, elle ne pouvait pas se confronter à lui, auquel cas il lui réserverait sûrement le même destin que Jérôme. James Gordon, lui c'était une autre histoire. Il fallait qu'elle l'évite à tout prix. S'il l'arrêtait, il l'enverrait à Blackgates. Ou pire, à Arkham. Elle devrait se faire discrète pendant plusieurs jours, histoire d'éviter les ennuis. Néanmoins, le soir même, elle se rendit à la vitrine qui affichait les télévisions qui passaient les informations en boucle.

Elle put voir des images de Galavan en train de parler au peuple de Gotham, et se faire tirer dessus par des hommes dans une voiture. Ils remontrèrent les images de la mort de Jérôme, pour lesquels elle resta impassible. La presse semblait soupçonner le Pingouin. Galavan était vraiment doué. Il paraissait si vrai, son visage si confiant. S'ils savaient. Elle attendait le moment où Gordon découvrirait la vérité sur cet homme. Gordon paraissait stupide, mais il avait toujours un coup d'avance. Ou du moins, arrivait à se faire un coup d'avance. C'est ce que n'avait pas comprit Jérôme. Il ne fallait faire confiance en personne, et sa seule erreur fut d'espérer en un homme qui croyait en lui pour la première fois. Il fallait simplement que James Gordon fasse parler le Pingouin. Les informations reprirent leur défilé, et elle se vit. Son appel avait affolé le média. « Danger : Annie Henderson menace le département de police ». Elle sourit. Ils en faisaient des tonnes.


Du coin de l'œil, elle aperçu une ombre se glisser derrière elle. Sans qu'elle n'eut le temps de réagir, il passa un bras autour de son cou, et de l'autre main lui plaqua une lame sur la gorge. Elle ne quitta pas la vitre des yeux, pouvant discerner la taille, la forme et spéculer sur la force de son agresseur.


-        T'as du fric ? Sinon on peut s'arranger...

-        Dis moi, demanda-t-elle, tu entends quoi par « s'arranger » ?

-        Je sais pas, on peut voir ça ensemble...

-        Tu crois que j'en vaux vraiment le coup ?

-        J'en ai rien à foutre.

-        Tu devrais, pourtant.


Elle se tourna dans ses bras, laissant au couteau le loisir de lui faire une fine ouverture sur la peau de sa gorge. Elle lui enfonça le coude dans la clavicule, il lâcha son couteau et recula de quelques pas. Elle sortit immédiatement son arme et la pointa vers lui. Geste qui devenait beaucoup trop instinctif à son goût.


-        Dégage, dit-elle.


Il leva les mains, vaincu, et s'enfuit en courant. Annie regarda autour d'elle, et plaqua sa main sur la légère blessure qui faisait perler du sang sur sa gorge. Voilà une cicatrice qui aurait du mal à partir.

Les jours qui suivirent, Annie se fit plus discrète. Même si elle n'arrêtait pas de mener son petit rythme de braqueuse. Se faire discrète, oui, mais sans donner raison à ceux dont il fallait se cacher. Et plus ça allait, plus Annie prenait plaisir, elle se sentait indestructible. Les gens n'avaient aucune bravoure, et se laissaient commander par une arme. La puissance est un sentiment éphémère et périssable, qu'il faut renouveler régulièrement, à intervalle de plus en plus court à chaque fois. Annie avait développée une véritable addiction à la puissance. Et comme avec toutes les addictions, Annie était aveuglée. Son monde n'admettait pas le chagrin, ou tout autre sentiment de faiblesse. Elle avait dès lors retenu les seules enseignements que la vie avait daigné lui délivrer : la souffrance est inévitable ; le pouvoir n'est obtenu que pas les meilleurs, quelque soit le domaine de ces derniers ; et la folie était l'ultime voie qui menait à la fois à la fatalité et à la réussite. La jeune Annie marchait d'un pas décidé dans ce chemin déjà tracé, sans voir l'impasse qui l'attendait au bout et qui avait piégé Jérôme.

La seule amie qu'elle possédait était l'arme, qui lui étai étrangement devenue fidèle. Tout devenait plus simple avec elle. Elle l'aidait à entrer dans son rôle, vite et bien, sans qu'on n'eut besoin de superviser ses actions. Son autonomie dans le crime ne l'effrayait même plus. Elle faisait tout pour oublier la peur et l'appréhension, et sa thérapie marchait à merveille. Cat, Jérôme, Galavan, et les autres n'avaient été que les rouages de constructions de la personne qu'elle était ainsi devenue. Personne qu'elle n'avait vraisemblablement pas désiré, mais qu'elle avait finalement accepté comme étant son essence propre, bien que profondément influencée.

Mais les fuyards n'échappent que très rarement à ce qu'ils fuient. Persécutés par le souvenir de leur prédateur, ils le craignent, sans s'en méfier réellement. Et Annie fut rattrapée par ses démons.


* * *


Elle était pourtant sortie de nuit, afin d'éviter de croiser les ombres du jour. Elle marchait, lentement, et un groupe de quatre hommes passèrent à côté d'elle, sans la remarquer d'abord. Mais, elle sentit une agitation se réveiller derrière elle. Invisible dans les ténèbres, elle glissa discrètement ses doigts sur la crosse de son semi-automatique. Les hommes revirent sur leurs pas. En les entendant arriver, Annie attrapa son arme pour la tourner vers eux. Ils s'arrêtèrent dirigeant leurs mains avec lenteur à l'intérieur de leur veste. Sans plus attendre, Annie se mit à courir, comprenant la mauvaise position qu'était la sienne. Ils engagèrent la poursuite. Elle montait sur un conteneur qui lui aurait permis de sauter un grillage qui barrait la ruelle, quand une main s'abattit sur sa cheville, la faisant lourdement tomber sur le sol. Elle gémit de douleur avant qu'un homme la tire vers lui par le col de sa veste. Elle observa le regard bleu et globuleux de l'homme chauve à quelques centimètres de son visage.


-        On l'embarque, ordonna-t-il, avant qu'un sac ne s'abatte sur le visage de la jeune femme qui n'eut pas le temps de crier.


Elle se débattit, en vain. Elle fut transportée pendant un long moment, portée par l'un des hommes, les mains attachées dans le dos. Ils entrèrent dans un espace plus clôt, sans aucun doute. Elle fut assise sur une chaise sans ménagement, puis attachée à cette dernière. Elle comprit qu'elle était devant une table. Elle entendit le tintement d'un verre, comme si on se servait quelque chose. On lui libéra la tête.


-        Bonsoir Annie. Ou seulement Ann ?


Elle leva les yeux pour découvrir le Pingouin qui buvait un verre de vin. Elle secoua sa tête pour dégager ses cheveux brouillés par le sac.


-        Seulement Ann, confirma-t-elle.


Le Pingouin sourit.


-        Qu'est-ce que tu veux ? Fit-elle semblant de demander.

-        Je pense que tu as déjà fait connaissance avec mon homme de main, Victor, dit-il en désignant le chauve.


Elle l'observa rapidement.


-        Plus ou moins, oui... Si tu voulais me présenter tes pantins, fallait juste m'envoyer une lettre.


Pingouin rigola faussement.


-        Quelle impertinence ! Frissonna-t-il. C'est ça qui a plu à ton cher ami Galavan, petit Arlequin ?

-        C'est pas mon ami.


Pingouin se leva sans perdre son sang froid, même si ses yeux laissaient parler son immense manque de patience.


-        Vos... relations ne m'intéressent pas. Vois-tu, dit-il en passant son doigt sur le bord de son verre à pied, ce même Galavan m'a récemment contacté. Cet imbécile m'a demandé de remplir t

toutes les sales besognes pour qu'il soit élu maire de Gotham. Et, tu t'en doutes, j'ai commencé par refuser.


Annie l'écoutait attentivement, sans le lâcher des yeux. Elle savait exactement où il allait en venir. Il reprit :


-        Mais voilà que ça se complique.


Il plaça son visage juste devant celui d'Annie, de sorte à ce que leurs deux nez puissent se toucher.


-        Cet enfoiré retient ma mère, cracha-t-il les dents serrés, alors que son visage se teintait de rouge et laissait apercevoir ses veines.


Elle reçut quelques postillons qu'elle prit soin d'ignorer.


-        Le problème, dit-il en se relevant et en reprenant un visage naturel, c'est que je ne sais évidemment pas où elle est enfermée. Alors voilà, je te laisse une chance de me dire où elle est et quels sont les plans de Galavan et je te laisserai partir. Sinon... Victor va devoir te faire parler. Et il n'est pas du genre très doux, tu sais.

-        Je ne sais pas ce que veux faire Galavan, j'...

-        Ne me mens pas ! Hurla-t-il sans se contrôler en cassant son verre.


Elle éleva la voix.


-        Je te le jure ! Je ne suis pas restée avec lui ! Il y a des jours que je suis partie !

-        Bute-la, ordonna Pingouin d'une voix blanche.


Victor afficha un sourire qui découvrit toutes ses dents parfaitement alignées sur son visage de lune. Il lui asséna une première gifle, qui fit tourner la tête d'Annie.


-        Dis moi, intima Pingouin.

-        Te dire quoi ?! J'en sais rien ! Persistait Annie.

-        Recommence.


Victor leva sa main en l'air, mais Annie lui envoya son pied dans le genou pour le faire tanguer. Il se redressa, sans perdre son visage contenté et envoya son poing dans le visage d'Annie, lui faisant cracher du sang.


-        Encore une fois, et t'as plus de rotule, menaça-t-elle en se refusant d'avaler son propre sang.

-        Quel aplomb, on t'a bien dressé, répondit Pingouin. Mais les menaces ne suffisent pas dans le monde que tu as choisi.

-        Je n'ai pas choisi, siffla-t-elle en crachant du sang.


Coppelbot se courba immédiatement, pour poser ses mains sur la chaise.


-        On choisit toujours, rétorqua-t-il sur le même ton. Tu perds ton sourire, petit Arlequin ?

-        Je sais pas ce qu'il a fait de ta mère, articula-t-elle.


Oswald passa un doigt sur le sang qui coulait sur le menton d’Annie, pour le regarder longuement, geste qu’elle comprit comme étant une menace. Avant que Pingouin ne puisse répondre, une autre personne intervint.


-        Elle dit la vérité, confirma Cat. Je l'ai vue dans la rue, quand Galavan t'avais déjà fait demander. Et puis, je pense pas que Galavan soit du genre à révéler ses secrets à une gamine stupide, osa ajouter la féline.

Pingouin observa les visages des deux jeunes femmes, celui détaché et indifférent de Cat, et celui convaincu et meurtri d'Annie.


-        Ce n'est pas faux, finit par dire Pingouin, estimant sûrement que les coups reçu par Annie l'avaient dissuadé de mentir. Tu peux la détacher, dit-il négligemment à Victor qui s'exécuta avec un levé de sourcil. Je suis un homme généreux, continua-t-il en s'adressant à Annie, tu peux récupérer tes affaires.


Surprise, la jeune femme essuya le sang sur son menton en massant sa mâchoire. Sans attendre que Pingouin ne change d'avis, Annie s'empara de son sac à dos et prit le chemin de la sortie. Quand elle fut sa hauteur, Pingouin lui attrapa la gorge pour la plaquer contre le mur, l'empêchant de respirer.


-        Si j'apprends, par mégarde, que toi et ton petit ami vous reprenez contact, ou que tu m'as caché ne serait-ce qu'une seule information à propos de ma mère, même un petit détail, je te promets que je te ferai mourir lentement, et que je me délecterai de chacun de tes gémissements de douleurs.


Elle tentait de le repousser avec ses jambes, mais le manque de souffle la paralysait. Il finit par la lâcher. Elle tomba à ses pieds.


-        N'oublie pas, Arlequin, je suis le nouveau roi de Gotham, et rien ne m'échappe. Je t'aurais bien engagée pour espionner Galavan, mais si tu as quitté cet homme, ce n'est sûrement pas en très bons termes.


Elle frotta sa gorge ankylosée, sentant la cicatrice laissée par l'homme dans la ruelle.


-        On a au moins un ennemi en commun, dit-elle alors que sa voix déraillait.


Elle s'éloigna à la hâte, sentant encore la main de Pingouin enserrer sa gorge, tout comme l'écume laisse sa trace blanche sur le bleu de la mer.

Malgré tout, les choses avançaient pour Galavan. Il fallait que quelqu'un l'arrête, ce qui serait fait dans les prochaines semaines, sûrement. Les tricheurs sont souvent bien vite démasqués. Et Galavan était le plus grand tricheur qu'elle eut l'occasion de rencontrer.



Et voilà ! Encore un loooong chapitre x') Je ne vous cache pas que le personnage d'Annie commence peu à peu à devenir totalement indépendant, son tracé de vie m'échappe au fur et à mesure. J'espère en tout cas que ça vous plait, et tout et tout :') je pense d'ailleurs poster prochainement une nouvelle fanfic, toujours sur Jérôme, ce personnage est décidément devenu une obsession x) Il faut se le dire : avec lui rien n'est jamais fini ;) (j'fais un clin d'oeil, pour pas que vous croyez que cette fic en a fini avec le personnage JE SPOILE PAS PLUS ) zoubi :3




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