Le Temps de la Nuit

Chapitre 11 : Time Out

5252 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 15/11/2016 17:23

Ainsi, Galavan montait, incontestablement. Il allait surpasser toutes les puissances de la ville, sans que Gotham ne s'aperçoive de sa tromperie. Cette ville regretterait bientôt les méchants, lorsqu'elle verrait le véritable visage de son héros.

Jérôme avait raison, seuls les monstres ne sont reconnus par cette société. Elle voyait son ancien protecteur se pavaner avec une modestie feinte devant les télévisions de toute la ville. Et tous croyaient en ses paroles travesties. L'admirer était tout à fait légitime. Et même si Annie l'avait quitté, Galavan restait un excellent mentor, aux ressources inconsidérées.

Selon les dires de Cat, Sarah Essen avait été remplacée par un homme, et il semblait que l'inspecteur Gordon commençait à se méfier de Galavan. Si Gordon s'en mêlait, l'imposteur serait rapidement démasqué.


-        Pingouin à envoyé Butch pour surveiller Galavan, lui apprit Cat.


La féline gardait désormais ses distances avec Annie, connaissant les risques qu'elle prenait en braquant les commerces. Elle finirait par se faire arrêter, mais elle ne semblait pas s'en soucier, ou alors elle cachait parfaitement ses inquiétudes. Aussi, le changement de personnalité qu'avait subit Annie en quelques temps la rendait instable et peu fiable.


-        Il va retrouver sa mère par tous les moyens, et il finira par tuer Galavan.

-        J'espère que ce sera vite fait. J'ai hâte de voir la déception nourrir cette ville pendant un bout de temps.


Cat ne répondit pas, c'était inutile. Annie haïssait Gotham. Elle avait hérité de la passion pour le chaos. Ce qui était incroyable c'était de voir ce qu'était devenue Annie. Elle avait grandit, et ne cessait pas de continuer. Elle était passée de gamine maladroite et effrayée à l'une des personnalités les plus crainte de la ville, titre bien peu honorable, mais dans lequel elle se complaisait. Et en tant que complice de Jérôme Valeska, l'inspecteur Gordon ne cesserait de la chercher.

C'est pour cela que la jeune Annie se préoccupait de son départ prochain. Elle ne pouvait plus rester au même endroit, se sachant surveillée.

À chaque nouveau jour, elle prenait son sac à dos, et partait, peu importe où. Il fallait qu'elle reste dissimulée, par n'importe quoi. Son ombre même ferait l'affaire. Elle vagabondait, tout en sentant la ville en pleine effervescence. Elle la voyait bouger d'une autre manière, avec plus de précipitation qu'à l'usuel. Elle sentait les rues encore moins sûres que ce qu'elle avait connu. Les dires de Cat semblaient se confirmer : encore une fois, les puissances de Gotham se fracasseraient les unes contre les autres. Aucun ne pouvait échapper à ce mouvement de vie qu'était celui de Gotham. Pas même les fous. Tous étaient égaux sur ce point de vue.


Son errance lui avait fait prendre connaissance de la moitié de la ville par cœur. Mais voilà qu'un soir, elle aperçu de la lumière se dégager d'un sous sol. Des gens entraient, bien peu en sortaient. Une légère musique en sortait, rythmée, violente.

Annie entrait dans le club underground dont le rythme des sons lancinants lui traversait le corps. Les mains sur les sangles de son sac à dos, elle fut assourdie par la musique, et la tête lui tournait en même temps que tous ceux qui dansaient autour d'elle, vénérant une chose qu'elle ne saisissait pas. Au bout de tous ces corps, elle vit une femme chanter dans son micro, sans se fatiguer, faisant balancer son corps. En forçant sur ses yeux pour se concentrer sur ce qui était autour d’elle et en essayant d’ignorer cette insupportable lumière mouvante qui lui blessait les yeux, elle remarqua des gens portant des vêtements qui ressemblaient à ceux que portaient Jérôme et ses acolytes lorsqu'ils l'avaient prise avec eux.


Elle comprit alors. Ces gens-là étaient des partisans du chaos, séduis comme elle par les paroles de Jérôme. Elle jeta une nouvelle fois son regard sur la scène et vit défiler derrière la chanteuse des images de Jérôme et des Maniax. Petit à petit, les mouvements autour d'elle cessèrent, et les regards la fixèrent. Elle observait ces hommes et ces femmes en sursit, pendant que les danseurs chuchotaient en faisant d'infimes gestes pour la désigner. Même la voix de la chanteuse diminuait d'intensité. Une image d'elle derrière Jérôme apparut, comme une révélation soudaine qui l'aveugla. Elle tournait lentement sur elle même, en s'enfonçant dans la foule pour tous les voir. Le monde entier s'était arrêté.


-        Mesdames et Messieurs, souffla la voix dans le micro comme si elle était fatiguée, Annie Henderson.


Les murmures s'élevèrent dans la salle pour devenir des hurlements interminables, effrayants. Annie se sentit frémir. Ces gens-là faisaient survivre Jérôme et les Maniax avec passion. La chanteuse descendit de scène, et se dirigea directement vers elle pour lui lever un bras, rendant la foule tout à fait euphorique. Annie put remarquer le maquillage délirant de la femme aux cheveux courts et blanc. Elle ressemblait à un clown, sa bouche était agrandit par un léger trait noir, et ses yeux assombrit par du maquillage rouge. Elle semblait ainsi toujours sourire.


-        Maniax ! Hurla-t-elle par dessus les voix.

-        Maniax ! Maniax ! Maniax ! Scandèrent-elles dans un même élan exalté.


Annie souriait. Le spectacle aurait pu être beau, mais les visages qui le menaient le rendait terrible. Annie avait cette vague impression d'avoir retrouvé un chez elle. Elle ne pouvait que se contenter de cet endroit, qui faisait encore vivre l'âme de celui qui avait été son amant. Des mains s'abattirent sur elle, pour la toucher, pour s'assurer qu'elle était bien là, en vie, comme si elle avait été une relique vivante. Elle se sentait transportée par eux, ils l'emportaient, ici et là, croisait les regards impressionnés. Elle sentait les effluves de transpirations se mêler, sans que cela ne gêne personne, fusionnant avec la musique. Une autre voix prit la place de la chanteuse, et cette dernière emporta Annie dans sa loge, après avoir fait le tour de la salle. L'endroit était rouge, et chaleureux. La femme maquillée se tourna vers elle, et prit son visage entre ses mains pour l'inspecter.


-        Alors ça, je peux pas y croire, dit-elle. Annie Henderson, en chaire et en os. Tu es encore plus belle que sur les photos ! Qu'est-ce que tu fais là ?

-        Disons que... j'ai eu quelques problèmes avec un homme surpuissant.

-        Les Maniax ont pas survécu, hein ?

-        Ça dépend de qui tu veux parler, dit-elle en attrapant une sucrerie posée dans un bol avec d'autres. Moi j'ai survécu. Barbara, a survécu. Helzinger a probablement survécu aussi. Jérôme...

-        Oui, on a tous au moins eu vent de ce terrible moment, dit-telle sans la laisser finir. Tout ça à cause d'un héros stupide.


Annie sourit rapidement.


-        Galavan est pas un héros, rétorqua-t-elle en touchant les accessoires posés sur la toilette. Un tricheur, un menteur, et un excellent mentor. Mais un héros, ça non. Il a tué Jérôme, par traîtrise.


Elle vit le visage surpris et perplexe de la chanteuse.


-        Cette ville ignore beaucoup trop de chose, continua Annie en avalant le bonbon.

-        Je crois que tu en as beaucoup à me raconter, alors, répondit-elle.

-        Prends une chaise,… elle laissa sa phrase en suspend en observant la chanteuse.

-        Jeri, informa-t-elle.


Elles se sourirent, et les deux femmes prirent place dans la loge, comme si elles étaient de vieilles amies qui s'étaient soudainement retrouvées. Jeri fut impressionnée par le parcours d'Annie, même si elle ne le faisait pas voir ouvertement. Son visage restait la plupart du temps impassible. Elle voyait bien l'admiration faire briller les yeux d'Annie lorsqu'elle évoquait Jérôme et les Maniax. Elle lui parlait de son aventure avec lui, non pas pour exhiber sa vie personnelle, mais pour se rappeler, pour revivre ces intenses moments qu'avaient été les leurs. Jeri savait qu'elle ne parlait pas pour elle, à ces moments-là, mais elle la laissait continuer sans broncher. Annie restait une adolescente, au sourire désarmé et à la force décuplée, certes, mais une adolescente abusée. Ce qu'elle lui apprit sur Galavan ne la surprit qu'à moitié, connaissant l'hypocrisie des gens de cette ville. Elle lui parlait même de la mère de Pingouin, et du chantage qu'il menait sur ce dernier.

Jeri fut bien heureuse d'apprendre tout cela. Car après l'argent, le bien le plus recherché est l'information et le secret. Si l'un est l'autre sont constamment cachés, c'est qu'ils ont une valeur capitale. Annie ne se déchargeait aucunement en racontant tout ça à Jeri, bien au contraire, elle aggravait son cas. Mais au point où elle se trouvait, rien ne pouvait être pire.


* * *


Annie restait avec Jeri dans son club underground. Elle se mêlait à la foule, dansait d'un même mouvement avec le reste du monde. Les peaux se frôlaient, et chacun était perdu dans un monde qui était le sien, bien que relié à celui des autres par un sentiment de haine et de passion. Rien n'était plus logique de ce suivre cette perpétuelle allure, qui emportait tout avec elle, les hommes, les femmes, les souvenirs, les souffrances. Le début de la danse est encore commandé, puis arrive ce moment ou le cerveau et le cœur ne sont plus en connexion, et les danseurs sont comme sous l'effet d'une drogue qui les fait se balancer dans tous les sens. Annie sentait ce privilège, et se laissait bercer par la musique et tous ces corps invisibles. Arrivait toujours cet instant où elle se retrouvait seule à danser sur la piste, les autres l'observant avec une admiration profonde pour celle qui avait été une Maniax et la maîtresse de son leader.

Ils voyaient en elle le dernier espoir qui les avait fait vivre pendant un court instant. Dans les yeux d'Annie, ils voyaient le regard fou de Jérôme, dans sa bouche entre-ouverte, ils entendaient le rire maladif du jeune homme. Puis, ils se rejoignaient à elle, doucement. Elle faisait courir ses longs cheveux sur ses épaules, levait ses mains, les baissait, s'approchait d'un autre, s'en détachait.


C'était une vie de mort. La vie de ceux qui vivaient la nuit, qui n'avait plus rien à faire du soleil. Elle attirait les filles et les garçons, les repoussant ensuite, n'ayant que faire de leur corps suant. Elle tournait la tête de temps en temps, apercevant Jeri chanter, mais pour voir surtout les images de Jérôme et des Maniax défiler derrière elle. Elle ne voulait pas de filles ou de garçons, elle voulait Jérôme. Elle voulait le voir danser ici avec elle. Les yeux à demi clôt, elle pouvait encore sentir le souffle du jeune homme s'étaler sur sa peau, au rythme des va et vient de l'amour, elle ne pouvait s'empêcher de revoir ses doigts s'agripper à sa peau, la meurtrissant sans qu'il ne le sente.

À chaque fois, les images disparaissaient lorsqu'elle rouvrait les yeux, pour se sortir de cette foule, et rejoindre la loge de Jeri.

Là, elle s'asseyait en face du miroir, pour prendre conscience de son propre physique, l'ayant oublié après en avoir vu tant d'autre. Sa tête tournait encore, comme si elle avait été sur un bateau remuant. Lorsqu'elle se voyait sans que ses yeux se flouent, elle prenait le maquillage et se l'appliquait sur le visage.


Étonnamment, elle avait retenu les mots de Pingouin : « petit Arlequin ». Finalement, ce surnom la représentait bien. Elle avait hérité de Jérôme ce rire maladif, devenu naturel. Sur son œil droit, elle appliquait un far à paupière rouge, sur l’œil gauche, un far à paupière noir, qu'elle soulignait ensuite par un trait d'eyeliner sur chaque œil. Elle ajoutait son rouge à lèvre rouge éclatant sur la lèvre du haut, et noir sur la lèvre du bas. Elle s'habituait ainsi à son nouveau titre. Comme lui avait dit Jeri, les héros et les méchants se rejoignent sur un point : ils ont tous deux besoin d'un titre qui les caractérise. Ils nécessitent en effet un nom facile afin que tout le monde se souvienne d'eux. Elles avaient aussi réfléchi à un nouveau style pour la jeune femme, toujours dans l'idée de l'Arlequin.

Elle portait toujours un débardeur noir, surmonté par un large t-shirt rouge avec un losange au centre, un short d'un côté rouge et l'autre noir, des bas à grésille noir et rouge, le tout terminé par des bottines rouge et noir, de sorte à ce que les couleurs se croisent. Elle portait un épais collier qui lui recouvrait le cou, et qui était relié à son débardeur par de fines chaînes, et de larges bracelets noirs à piques argentées aux poignets. Jeri l'avait ensuite mise devant le miroir, et lui avait coupé les cheveux. Elle avait rasé une grande partie du côté droit, la laissant nue, et avait taillé une immense mèche sur le côté gauche, lui couvrant son œil. Ses cheveux avaient prit du volume, et la coupe lui allait à merveille. Elle avait fait des mèches rouge et noir sur ses cheveux blonds. Personne n'aurait pu reconnaître Annie, ce qui lui rendait un grand service. Néanmoins, il lui faudrait se faire connaître sous son nouveau visage. Mais ce n'était absolument pas une priorité. Les battements lointains de la musique revenaient, et lui faisaient vaciller le cerveau, son cœur s'accordait inconsciemment au rythme, qui semblait alors enlacer tout son corps. Elle retournait tout de suite sur la piste de danse, pour s'y perdre une nouvelle fois. Elle avait l'impression d'abandonner une vie entière sur cette piste, de revivre à chaque fois qu'elle y était à nouveau, sans pour autant entendre son cœur battre, ou sentir l'adrénaline sillonner ses veines.


Et rien, dans cette euphorie contrôlée, dans cet entrain général, n'avait laissé prévoir à Annie la mort de celui qu'elle haïssait désormais le plus.

Elle était assise, avec Jeri, toujours autant maquillées l'une que l'autre, devant le poste de télévision lorsque la terrible annonce fut donnée. Le milliardaire et homme de justice Théo Galavan avait été assassiné. Annie avait un peu plus serré son emprise sur le verre qu'elle tenait, gardant les yeux branchés aux images du journal télévisé.


-        « L'un des potentiels suspect du meurtre de Théo Galavan est l'Inspecteur de police James Gordon [...] »


Elle ne laissa pas finir, et se leva en jetant son verre contre le mur, alors qu'elle aurait voulut exploser l'écran. Le verre se brisa et les morceaux s'éparpillèrent dans la pièce. Jeri sursauta imperceptiblement en voyant Annie agir avec tant de violence.


-        Calme toi ! S'écria-t-elle.

-        C'était à moi ! J'aurais du le tuer ! Galavan était à moi ! Pourquoi James Gordon l'aurait-il tué ? Il ne tue pas, il fait payer ! hurla-t-elle.

-        Et qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ? Tu n'avais qu'à arriver avant lui !

-        Pingouin, réfléchit Annie à toute vitesse.

-        Quoi ?!

-        Il faut que j'aille voir Pingouin.


Elle attrapa sa veste en cuir, et se précipita dehors sans entendre les paroles de Jeri. Elle avait cette vague impression de se réveiller d'un sommeil qui avait trop longtemps duré, et dont il fallait s'extirper avec force et persévérance. Elle inspira une grande bouffée d'air en sortant, réalisant qu'elle n'était pas sortie du club underground depuis bien longtemps. Elle en avait oublié Gotham et ses rues, ses odeurs, et ses ombres. Elle avançait d'un pas décidé en direction de la planque de Pingouin.

 

L'homme la regarda entrer, sûre d'elle, accompagnée de deux de ses hommes de main. Un rictus amusé se dessina lentement sur son visage.


-        Voilà un joli petit Arlequin au complet. Quelle prestance, tu es très charismatique, complimenta-t-il.

-        Galavan ! Hurla-t-elle presque.


Il pinça rapidement ses lèvres


-        Tu es au mauvais endroit, ma chère.

-        Ne te fiche pas de moi.


Elle s'approcha du Pingouin, assis sur sa grande chaise, comme s'il était sur un trône, et abattit ses mains sur la table.


-        James Gordon a tué Galavan ?


Pingouin s'irrita.


-        Qu'est-ce que j'en sais ?

-        J'en sais qu'il retenait ta mère, et que tu aurais tout fait pour tuer Galavan de tes propres mains, Pingouin.

-        Je t'interdis de parler de ma mère ! Grogna-t-il.

-        Qui a tué Galavan ?


Il sourit sans cacher sa jubilation.


-        Et tu crois, que moi je vais te raconter comment Galavan à été tué, un soir sans lune, refroidit par la brise hivernale ? Tu crois trop en tes maigres capacités, Arlequin. Tu as beau avoir un

joli costume saillant, tu ne reste qu'une minable gamine battue par son père. Tu crois que venir ainsi, en imposant ta stupidité, tu vas obtenir tout ce dont tu as envie ? Tu n’avais qu'à bien choisir tes amis dès le début. C'est un peu tard à présent, tu es ce genre de personne en qui on ne peut pas avoir confiance. Tu as trop changé, petite girouette. Et ton sourire n'y pourra rien changer. Tu es, et tu resteras celle que nous avons tous connu.


Plus Pingouin parlait, plus ses dents se resserraient, jouissant de la douleur qu'il voulait transmettre à Annie. Il s'approchait d'elle au fur et à mesure, afin qu'elle ne le quitte pas des yeux.

Lorsqu'il eut terminé, elle le regarda quelques instants, décernant les rides qui composaient son visage réjouit.


-        Bien parlé, Pingouin, dit-elle enfin. J'espère quand même pour toi que ta mère va bien, essaya-t-elle.


Le sourire de l'homme en face d'elle se transforma en une grimace affectée.


-        Oh... murmura-t-elle. Je comprends... Elle n'a pas du survivre. C'est vrai, Galavan, était très… radical. Mais maintenant que tu n'as plus ta « môman » pour veiller sur son petit poussin, tu vas peut-être pouvoir te trouver une fille ? J'ai cru comprendre qu'elle était assez envahissante en ce qui concernait tes rapports de couple...

-        Est-ce que tu as vraiment envie de mourir ce soir, Arlequin ? C'est le seul souhait que je pourrais te satisfaire.

-        Non, ce soir je dois rentrer, dit-elle en s'écartant de son visage. Si j'ai quelques soucis pour crever, je ferai appel à tes services, promis, dit-elle en s'éloignant, sachant qu'elle n'obtiendrait rien de Pingouin.


Pingouin n'avait pas l'intention de la tuer tout de suite, sinon il lui aurait déjà maintenu sa tête pour la noyer dans son sang. Annie n'était pas dangereuse. C'était une enfant idiote, qui avait des rêves plus grands qu'elle. Pingouin ne s'en méfiait pas, et ne la prenait même pas au sérieux. Annie se perdrait toute seule, et finirait par mourir sans qu'il n'ait besoin de gâcher une seule balle. Elle cherchait désespérément sa place dans ce monde qui ne lui en destinait aucune. La seule chose qu'avait réussit Annie, était de devenir un monstre et de se faire haïr de tous. Pingouin n'avait que faire de ce genre de gamine arrogante.

La seule chose qu'il espérait pour ce type de personne était de les voir se détruire elles-mêmes.


* * *


Perdue dans ses pensées, la jeune femme reprenait le chemin du club underground, pour retrouver Jeri. Cette dernière l'attendait tranquillement, sans s'inquiéter. Annie s'était comportée comme une enfant. Et elle se dit que finalement, c'était ce qu'elle était. Une enfant, qui avait mal grandit, et trop vite. Bien sur, cela n'excusait pas son comportement puéril qui finirait par lui faire défaut. Mais Jeri n'était pas la pour superviser les actions d'Annie, et encore moins pour la surveiller. Elle la laissait faire, n'émettant aucune remarque, essayant simplement de lui donner conseil. Ce qu'Annie acceptait, mais surtout qu'elle n'acceptait pas. C'était une étrange fille.


Annie se sentait lucide en certains instants, et à d'autre, tout a fait étrangère. Elle regardait Jeri dans les yeux et se mettait à rire, sans aucune raison. La femme en face d'elle ne répondait que très rarement à ses délires, ne les détestant pas pour autant. Annie Henderson était la parfaite expression de la folie et elle portait en elle les dernières reliques des Maniax, et bien entendu les derniers souvenirs de Jérôme Valeska.

Elle l'avait gardé avec elle, parce que ce n'était pas n'importe qui. C'était une étrangère de renom, une étrangère qu'on avait envie de garder dans son salon.

Mais les désirs de vengeance d'Annie étaient trop dangereux. Ils la consumaient, sans qu'elle ne s'en aperçoive. Elle était une victime, alors qu'elle se faisait passer pour le prédateur. Sa propre victime finalement. Elle semblait être deux personnes à la fois : le loup, et le gibier, le prédateur et la proie. Elle courrait pour s'échapper, pour revenir à un même chemin pour se rentrer dedans, de la même façon que le Serpent-Monde se mort la queue.


-        Je suis bête, dit-elle en entrant dans la loge, Pingouin ne voudra jamais rien me dire ! Je ne suis même pas sûre de qui à tué Galavan. Gordon est trop protégé, et Pingouin, n'en parlons pas... Toujours entouré par ses pantins.

-        Laisse passer un peu de temps, les choses pourraient s'éclaircir.


Annie ne l'écoutait pas.


-        Tous autant qu’ils sont, ils me croient capable de rien.

Elle ne finit pas sa pensée à voix haute. Mais elle avait de l’ambition pour elle-même. Elle voulait les voir se plier devant elle, rien qu’une fois. Mais sa volonté semblait l’anesthésier. Elle ne faisait pas les choses comme elle espérait les entreprendre. Mais il lui fallait continuer, au moins pour arriver au bout de ces choses qu’elle ne comprenait pas toujours, et qu’elle désirait comprendre plus tard.


* * *


Gotham ne se souvenait pas des visages, Gotham se souvenait des noms. Jérôme Valeska ne serait pas oublié. Annie Henderson non plus. Mais le visage de la jeune femme se fondait dans la masse. Il était inscrit dans la ville, au milieu de tous les autres. Elle pouvait ainsi déambuler le jour et la nuit, changée et oubliée. Elle essayait de sortir du club underground plus souvent, pour reprendre ses marques, et ne plus se laisser aller dans la débauche qui la guettait. Elle avait décidé de reprendre en main le cours de sa misérable existence. Elle ne cherchait pas à en faire quelque chose de meilleur, mais bien quelque chose de plus stable, même si son psychique ne le permettrait sûrement pas sur le long terme. Elle courrait sur les toits, redonnait de la vie à son existence.


Les jours passaient, continuellement, car le temps ne se lasse jamais d'avancer. La cénesthésie d'Annie alternait entre la piste de danse et la rue, le tout couronné par un manque de sommeil qu'elle ne ressentait même plus. Elle aimait la sensation que ce rythme insoutenable lui procurait, elle se sentait vivante, mais aussi tout à fait dépossédée d'elle-même. C'était comme si ses actions ne lui appartenaient pas, mais qu'elles étaient la possession d'une autre. Annie se sentait pourtant plus morte que vivante, elle doutait parfois même à savoir si elle respirait. Elle s'arrêtait quelques secondes, et inspirait profondément pour sentir l'air entrer et sortir, jusqu'à ce que le geste redevienne naturel.

Son maquillage sur les yeux coulait, son rouge à lèvre colorait le tour de sa bouche et laissait même parfois une longue trace rouge sur sa joue. Ses cheveux n'avaient plus de forme, ses mèches tombaient dans tous les sens, chatouillaient ses yeux, et entraient sous ses paupières. Et les jeunes hommes et les jeunes femmes qui investissaient le club underground à longueur de nuit la trouvaient que plus envoûtante. Elle dansait comme une flamme, noire et rouge, et sentait les regards la fixer inlassablement.


-        Annie ? Interrogea une personne qui dansait sur son côté.


Elle se tourna lentement vers elle, n'abandonnant pas le rythme qu'elle menait avec ses hanches, et observa la jeune femme qui l'attendait. Elle lui passa sa main sur sa joue pour effacer une trace de transpiration.


-        Seulement Ann, rectifia-t-elle en avalant du rouge à lèvre.


Elles dansèrent l'une en face de l'autre.


-        T'es vachement sexy dans cette tenue, complimenta la jeune femme en face d'elle.

-        Comment tu t'appelles ?

-        Alex.


Elle était très belle, les yeux bleus profonds, mais rendu gris pas les lumières du club, les cheveux rouge foncés. Elle avait la démarche masculine, mais le regard et le sourire féminin. Alex posa ses bras sur les épaules d'Annie après un moment, et les deux filles fermèrent leurs yeux. Alex faisait entièrement confiance à Annie, alors que cette dernière ne se posait même pas la question. Elle continuait son balancer de hanche et son lent pas sans prendre garde à sa partenaire. Pourtant, elle finit par entourer sa taille. La chanson que menait Jeri s'arrêta brusquement, réveillant Annie. Celle ci délaissa Alex sans dire un mot, lui tournant le dos sans précaution, et se réfugia inconsciemment dans la loge.

Elle effaça le rouge à lèvre qui lui donnait un air torturé, et le noir qui la gratifiait d'une expression plus que fatiguée. Avant qu'elle n'ait pu effacer l'autre œil qui se mélangeait au maquillage rouge, on frappa à la loge. À contre cœur, elle se leva pour ouvrir, et redécouvrit le visage d'Alex, comme si elle l'avait déjà oublié.


-        Tu m'as laissée seule sur la piste de danse, s'excusa-t-elle.


Annie souleva un sourcil.


-        Je peux entrer ? Insista Alex.

-        C'est la loge de Jeri. T'es pas sensée être ici. Tu devrais retourner sur la piste de danse.


Elle ferma la porte sur le visage d'Alex sans ménagement, et prit le temps de redonner forme à son visage. Elle ajouta un tout petit losange au crayon sous son œil droit, simplement pour perdre du temps.

Elle retrouva néanmoins Alex au bas des escaliers, qui semblait l'attendre. Elle lui passa devant sans la regarder.


-        Ann, appela-t-elle.


Elle se retourna.


-        Tu voudrais bien qu'on re-danse ensemble, toutes les deux ?


Annie haussa les épaules. Alex aborda un mince sourire et la suivit sur la piste de danse. Alex ne la laissait pas s'éloigner, elle se collait à elle comme un aimant. Annie n'y prenait pas garde.

C'est à la fin de la nuit, alors que les misérables danseurs du chaos s'en allaient, qu'Alex regarda longuement Annie. Sans aucun sentiment, cette dernière lui soutenait son regard insistant. La jeune femme en face d'elle sourit et lui laissa un baiser aérien sur sa joue, pourtant bien proche de sa bouche. Elle s'en alla. Jeri posa une main sur l'épaule d'Annie.


-        Fais attention à cette fille, confia-t-elle. Elle aime posséder.

-        Elle a pas l'air dangereuse.

-        Tu n'as pas l'air bien méchante non plus.

-        Il faudrait pourtant qu'elle se méfie.

-        Les gens ne se méfient pas, Annie. Surtout pas elle. Elle pourrait coucher avec toi un soir, et te planter un poignard dans le dos au matin.

-        Ça a déjà été fait. Mais dans l'ordre inverse.


Jeri observa Annie quelques instants, avant de la laisser pour rejoindre sa loge. Elle n'avait aucune considération pour Alex. Et si c'était vrai, elle ne lui laisserait pas l'occasion de gâcher une place dans son dos. Il y avait des poignards plus importants que le sien.


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