Mad Love (Jerome Valeska)

Chapitre 10 : Le goût de la mort

1469 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/12/2016 18:14

Lila Valeska était soûle. Elle cherchait désespérément à attraper le bras de Jérôme, qui s’échappait toujours en tournant autour de la table.

-         Tiens-toi tranquille, dit sa mère en abattant sa main dans le vide une énième fois.

Jérôme l’attendait et lorsqu’elle s’apprêtait à l’attraper, il se reculait rapidement. N’en pouvant plus de jouer au chat à et la souris, Jérôme sortit rapidement par la porte, en attrapant sa veste qui trainait sur une chaise. Jérôme prit le chemin de la caravane de Kaysha. Il marchait vite et avec beaucoup d’assurance lorsqu’il était seul. Il se tenait droit, les yeux regardant loin devant lui. Il ne savait pas pourquoi, mais lorsqu’il apercevait quelqu’un arriver dans sa direction, il baissait instinctivement la tête. C’était sûrement la seule façon qu’il avait pu trouver pour se faire oublier du monde et se garder en sécurité.

Il toqua à la porte de la caravane. Cette dernière s’ouvrit brusquement sur un corps grand et puissant, ce qui fit reculer Jérôme très légèrement. Impressionné, il n’arriva pas d’abord à sortir des mots clairs de sa bouche.

-         Tu veux quoi, gamin ?

-         Juste… juste voir Kaysha, répondit-il en enfonçant sa tête dans ses épaules, et courbant sa colonne vertébrale.

Christopher le regarda quelques instants, et tourna la tête vers l’intérieur de la caravane.

-         Kaysha ! appela-t-il.

Il laissa le seuil vide, offrant à Jérôme un aperçu de l’intérieur. Il vit Kaysha qui portait seulement un long t-shirt, les jambes à moitié nues. Il baissa immédiatement les yeux, ne sachant pas s’il ne voulait pas la gêner, ou si lui-même était gêné. Elle enfila un pantalon et attrapa une veste pour rejoindre le garçon.

-         Je sors !

Son père ne répondit pas, et elle semblait d’ailleurs ne pas attendre de réponse. Elle ferma la porte sans précaution et sourit en rencontrant le visage de Jérôme. Elle l’étudia rapidement, comme elle avait l’habitude de le faire, et remarqua les quelques griffures qu’il avait écopé sur ses avants bras.

-         Allez, viens Valeska, on va trouver un truc à faire, dit-elle sans demander plus d’explication.

Elle lui passa devant avec un balancement d’épaule arrogant, qui ne lui était pas adressé, et qu’il comprenait comme l’un des nombreux réflexes qu’avait adopté Kaysha. Ce jour-là, quelque chose avait du la contrarier, car elle marchait avec plus de mépris pour ce qui l’entourait qu’à l’usuel. Jérôme essayait de suivre sa démarche rapide, en trottinant de temps en temps.

-         Redresse-toi, dit-elle avec prévenance.

Elle posa une main à plat sur son dos en ralentissant son rythme. Au contact, Jérôme obligea sa colonne vertébrale à se mettre pus droite.

-         C’est mieux, non ?

Elle n’attendit pas de réponse, et reprit son avancée. Ils prirent le temps d’errer dans le cirque.

-         Wow, regarde ! s’exclama Jérôme en se dirigeant sous la grande roue qui était vide.

Curieuse, Kaysha le suivit. Il s’accroupit devant le cadavre d’un rat mort, éventré, les entrailles s’étalant sur le sol tiède. Kaysha grimaça.

-         C’est dégueulasse, dit-elle.

Mais Jérôme ne l’écoutait plus.

-         T’as vu ça… se fascinait-il. Regarde… y a du sang de partout.

-         Berk, Valeska, c’est dégueu, viens on dégage !

-         Attends un peu…

Il attrapa une branche pour remuer le cadavre. Des mouches s’envolèrent, et l’odeur nauséeuse de la bête s’éleva dans l’air. Kaysha plaqua le revers de sa main sur son nez. Les entrailles se déversèrent un peu plus sur le sol poussiéreux. Jérôme les défit lentement avec la branche pour les étaler un peu plus, et les discerner. Son visage éprouvait un intérêt certain pour le cadavre. Kaysha ne pu patienter plus, elle attrapa la branche et l’arracha des mains de Jérôme.

-         C’est dégoutant Valeska, laisse ce truc tranquille, on y va.

Il leva des yeux surpris vers elle. Il semblait que s’intéresser à la mort n’était pas éthique. Il laissa le cadavre de rat derrière lui à contre cœur et suivit Kaysha. Elle ne releva pas le comportement de Jérôme. Mais l’image du rat suivit Jérôme le reste de la journée, il avait envie d’y retourner, seulement pour l’observer, et de sentir une nouvelle fois la mort.

Il était curieux, voilà tout.

 

Les deux enfants finirent par rentrer à la fin de la journée. Kaysha accompagnait Jérôme jusqu’à sa caravane, rieurs d’abord. Mais leurs visages réjouis furent bien vite défaits. Christopher sortait de la caravane de Jérôme, les mains sur sa boucle de ceinture, qu’il s’efforçait de rattacher. En apercevant les deux enfants, Christopher s’arrêta.

Les trois restaient ainsi immobiles, Jérôme confus et embarrassé, Kaysha retenant sa fureur en serrant les poings, et Christopher était presque interrogateur, son regard demandant aux enfants pourquoi ils étaient là. Jérôme se rapprocha imperceptiblement de Kaysha. Christopher avala sa salive en bouclant parfaitement sa ceinture. Il enjamba rapidement les escaliers, passa devant les deux enfants en ébouriffant les cheveux de Jérôme, et ignorant presque Kaysha.

Jérôme se retourna sur le passage de Christopher pour le regarder partir. Kaysha restait immobile. En la regardant, Jérôme cru d’abord qu’elle allait s’effondrer. Elle fit tourner son regard dans le sien, en le regardant comme si elle le voyait pour la première fois. Jérôme entre-ouvrit la bouche, comme s’il allait dire quelque chose, mais rien n’en sortit. Il sentait son cœur s’accélérer dans sa poitrine, en même temps que Kaysha gardait ainsi le silence. Il la regardait lui aussi, faisant jouer ses pupilles sur chacune des parties de son visage aux traits troublés. Sans qu’il s’y attende, elle posa une main sous son oreille et caressa sa joue d’un mouvement du pouce.

-         Tu perds tes tâches de rousseur, Valeska, dit-elle la voix tremblante, la bouche asséchée et le regard perdu.

Elle retira sa main en battant des cils, confuse.

-         Je suis désolé, dit Jérôme la voix incertaine.

Elle eut un faux rire qui se résumait à un souffle souriant.

-         Moi aussi, dit-elle comme si poitrine était pressée par un étau puissant.

Les deux enfants se regardèrent, comprenant le malaise de l’autre. Ils voulaient se consoler, mais ils n’en trouvaient pas la force, ou le courage. Brusquement, elle colla son front à celui de Jérôme, leur deux nez se touchèrent rapidement, et ils purent se sentir en sécurité. Ils posèrent leurs mains sur les épaules de l’autre.

-         On est les mêmes, dit Jérôme, prenant pour la première fois l’initiative de s’apaiser tous les deux.

-         Les mêmes, continua Kaysha.

Il colla plus fort son front contre celui de la jeune femme, presque à s’en faire mal. Mais ils en avaient tous les deux besoin à ce moment-là. Ils avaient besoin de sentir l’autre vivant et présent.

 

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