Non Déclaré

Chapitre 9 : Chapitre Neuf

5841 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/01/2020 10:45

Harry était parvenu à prendre sa douche et à retourner dans la chambre sans rencontrer un seul de ses amis. Il n'était pas difficile de déduire qu'ils se trouvaient encore tous à la bibliothèque pour réviser. Harry voyait cela comme une opportunité, cependant, puisque ça lui permettrait de devenir le Chat sans avoir à expliquer à qui que ce soit qu'il voulait faire une promenade, seul. Une fois de l'autre côté du portrait de la Salle Commune, il se métamorphosa, et se dirigea immédiatement vers les cachots. Il se rendit compte, aussi, que c'était la première fois qu'il allait volontairement dans les cachots en tant que Chat pour aller voir Snape. Mais ce n'était pas important. Ce qui l'intéressait tellement, c'était la perspective d'en apprendre plus sur le "vrai Snape", comme il avait commencé à surnommer le Snape qu'il pouvait voir en tant que Chat. Ça ne l'embêtait pas le moins du monde que son comportement envers Snape change. En fait, il était plutôt intrigué – et aussi un peu flatté – que quelqu'un d'autre que Ginny puisse avoir ce genre de sentiments pour lui. Il ne s'était jamais vraiment considéré comme particulièrement séduisant, et il était évident que Cho n'avait pas vraiment de sentiments romantiques pour lui ; elle l'avait seulement approché pour savoir ce qui s'était passé à la mort de Cédric. Romilda ne l'avait pas vraiment aimé lui, mais seulement sa réputation et sa célébrité. Et, s'il prenait le temps d'y penser, il n'était pas tout à fait sûr de ce que Ginny voyait en lui. Il supposait qu'elle le trouvait agréable à regarder, mais il n'était pas excessivement intelligent comme Hermione. Il était un bon Attrapeur, mais est-ce que ça avait de l'importance pour Ginny ? Peut-être, mais pas au sens romantique. Il supposait qu'il était assez bien pour elle, mais il ne s'était jamais comporté, ni en séducteur, ni en gentleman avec elle. Il était raisonnablement sûr qu'il ne s'était jamais démarqué des autres garçons que Ginny connaissait. La seule chose qui le faisait sortir du lot, c'était qu'un fou l'avait pourchassé depuis qu'il était bébé, et l'avait transformé en un petit triangle des Bermudes à pattes. Peut-être que c'était pour ça que ça n'allait pas entre lui et Ginny. Peut-être qu'elle avait été trop attirée par le danger qui l'entourait constamment (même s'il trouvait ça un peu bizarre, et légèrement stupide), et maintenant que tout était terminé, il était devenu trop ennuyeux. Peut-être qu'elle lui avait sorti toutes ces suppositions lorsqu'ils avaient rompu seulement pour qu'il se sente mieux. Il secoua la tête pour se sortir de ses pensées. Il était déjà arrivé devant le bureau de Snape, mais il était tellement dans sa bulle qu'il ne l'avait pas réalisé.

Il fixa la porte, incertain quant à ce qu'il allait faire maintenant. Finalement, il leva une patte et la griffa légèrement (sans vraiment y mettre les griffes cependant ; il n'osait pas imaginer la colère de Snape s'il abîmait le vernis). Il attendit pendant quelques instants, avant de se résigner à se rouler en boule en face, dans le couloir, jusqu'à ce que Snape entre, ou sorte.

Il n'eut pas à attendre longtemps. Il n'avait même pas encore eu le temps de s'installer confortablement quand il entendit la porte s'ouvrir et la voix de Snape s'adresser à lui avec un soupir feint.

« Chat. » Il écarta suffisamment la porte pour qu'Harry puisse se glisser à l'intérieur. « J'ai créé un monstre. »

Harry ne suivit pas Snape dans la cuisine alors qu'il lui préparait un peu de nourriture. Non, au contraire, Harry alla directement s'installer dans le salon et sauta sur le sofa, se pourléchant déjà les babines. Il espérait qu'il aurait à nouveau du saumon.

« Tu es vraiment trop gâté, mais tu le sais, ça, hein ? Méchant Chat ? » Snape eut un sourire malicieux alors qu'il posait l'assiette, juste avant de le grattouiller rapidement.

Harry se disait qu'après tout ce qu'il avait traversé, il avait le droit d'être un peu gâté, même si pour cela il devait être sous sa forme de chat.

« Oh, Chat… » Snape eut un long soupir alors qu'il s'asseyait sur le canapé à côté d'Harry. « Ça a été une sacrée journée, je tiens à te le dire. »

Harry fit une pause entre deux bouchées pour lever brièvement un regard interrogateur vers Snape, qui était complètement écroulé sur le canapé, le regard tourné vers le plafond, et ses mains couvrant son visage.

« Je ne sais pas à quoi j'ai pensé, gémit Snape. » Sa voix sonnait étouffée, à cause de ses mains. Il se redressa finalement, et caressa Harry pendant qu'il mangeait. « Je n'aurais jamais dû accepter de surveiller la petite séance de révisions de potions cet après-midi. Peut-être que j'aurais dû juste les laisser se débrouiller tout seuls. »

Harry leva à nouveau la tête, lançant ce qu'il espérait être un regard sceptique.

« Non, bien sûr, tu as raison. Les cachots auraient été rayés de la carte. » Sa main se figea au-dessus de la tête d'Harry, et il la retira. « Mais que devais-je faire alors ? Je ne peux pas non plus leur interdire de préparer leurs examens. Et tout le monde à part Granger en a désespérément besoin, s'ils veulent avoir un espoir de continuer à suivre mon cours. »

Harry termina de se lécher les babines, et prononça un « Miou » face à son assiette vide.

Snape leva un sourcil. « Je t'en prie. » Il fit une pause. « Je dois admettre que j'ai été surpris que Potter puisse répondre à ma question aujourd'hui. Je suppose qu'il s'est beaucoup appliqué ces derniers temps. » Snape grogna puis remit sa tête entre ses mains, penché contre ses genoux. « Pourquoi est-ce que j'ai supervisé sa retenue ce soir ? Pourquoi est-ce que je ne l'ai pas simplement envoyé chez Rusard ? Je savais que ce serait une mauvaise idée, je savais que ça allait être une vraie torture. » Il leva les yeux vers Harry. « Tu ne me connais pas très bien, Chat, mais je suis convaincu qu'il m'arrive souvent de rechercher l'auto-flagellation. » Il envoya l'assiette dans l'évier, et tapota ses genoux en guise d'invitation pour qu'Harry vienne s'y installer. « Vraiment, Chat, ce garçon est un tel incapable que je me demande comment il arrive à accomplir quoi que ce soit correctement. Si je ne savais pas que c'était impossible, j'aurais juré qu'il faisait exprès de se comporter de cette manière, pendant sa retenue ce soir. » Snape commença à caresser le dos du Chat sans y penser. Au bout d'une poignée de secondes, Harry ronronnait fortement. « Mais hélas, soupira à nouveau Snape, rien ne doit se passer. Je vais juste devoir continuer à souffrir jusqu'à la fin de l'année, et ensuite, il sera parti. Et ensuite, je pourrais enfin connaître un peu de paix. Si je peux. Je ne sais pas. »

Il y eut quelques instants de silence, et Harry sentit Snape faire un mouvement de la main. De la musique classique s'éleva dans les airs, quelques secondes plus tard, un feu s'alluma dans la cheminée.

« Oh, Chat, dit Snape alors qu'il étirait ses longues jambes et les croisait devant lui, tenant Harry pour qu'il ne tombe pas de ses genoux. Parfois, je donnerais tout ce que j'ai pour avoir une vie comme la tienne. Pour pouvoir me débarrasser de ce sentiment de… d'inutilité. Que devons-nous faire, Chat ? Je parie que ta mère t'aimait sans doute un peu plus que la mienne ne m'aimait. Est-ce que tu as connu ton père ? Je suppose que la plupart des chats ne le peuvent pas. J'aimerai ne jamais avoir connu le mien. Il ne m'aurait jamais laissé t'avoir. »

Harry bougea et se roula en boule un peu plus contre Snape, toujours sur ses genoux. Le feu et le professeur étaient chauds, mais il était déterminé à rester éveillé et à entendre ce que Snape avait à dire, peu importe de quoi il s'agissait. Il avait l'impression que depuis ces derniers mois, il en avait appris plus sur cet homme, que pendant les sept dernières années réunies.

« Et tu n'as jamais eu l'obligation d'aller à l'école. Tu n'as jamais eu à subir tes camarades de classe. Est-ce que les chats ont des amis ? Est-ce que tu as des amis, Chat ? songea Snape. Tu n'avais sans doute pas déjà ruiné ta vie alors même que tu étais encore trop jeune pour vraiment savoir ce que c'était que de vivre. Non ? » Snape remonta ses mains vers la tête et les oreilles d'Harry. « Peut-être que tu t'es enfui de chez toi. Est-ce que tu avais une petite vie de péteux et que tu t'es enfui ? Est-ce que tu vivais dans la forêt parce que tu ne pouvais pas te trouver un autre endroit où vivre ? » Snape resta silencieux pendant quelques instants. « Je suis sûr que tu leur manque, dit-il avec une pointe de tristesse dans la voix. Et donc, je ne serais jamais en mesure de comprendre ce que tu ressens. La seule raison pour laquelle on ait tenu à moi, c'était pour que je sois utile. J'ai servi un Maître qui ne m'acceptait que parce que j'avais un certain talent pour les potions. Et puis j'ai servi deux Maîtres, qui ne voulaient que les informations que je pouvais leur fournir l'un sur l'autre. Pourquoi est-ce que les gens ont besoin d'un chat ? Tu sais que tu donnes du réconfort, Chat ? » Les mains de Snape se stoppèrent.

Harry réconfortait Snape ? Son estomac se tordit autour d'un sentiment de pitié – de culpabilité ?

« Mais maintenant, je n'ai plus aucune utilité. Je ne peux plus rien offrir à personne. Je n'ai plus rien pour négocier. Et donc je suis là, à faire la seule chose que je sais faire. Je me demande si je vais avoir de nouveau un but dans ma vie, un jour. Peut-être que ça n'en vaut pas la peine. Je suis un Maître de Potions, tu sais. J'ai des breuvages dans ma réserve qui pourraient mettre fin à tout ça avant même que j'ai eu le temps de terminer la bouteille. »

Harry dressa les oreilles soudainement, et se releva d'un bond. Il fit un tour sur lui-même, et se leva sur ses pattes arrière, plaçant ses coussinets sur le torse de Snape.

« Rowrr ! grogna-t-il. » Snape voulait se tuer ? Il voulait mourir ? Après tout ce qu'il avait fait ? Avec tout ce qui l'attendait encore, devant lui ?

« Tu as raison, Chat. » Snape baissa les yeux vers Harry et lui fit un sourire grimaçant. « Je deviens dramatique. » Il souleva Harry et le regarda droit dans les yeux. « Peut-être que je devrais quitter l'Angleterre. J'ai entendu dire que la Méditerranée était agréable en été. Peut-être qu'une fois que l'année scolaire sera terminée, je pourrais voyager.

— Mrowr. » Harry était d'accord avec lui. C'était un bien meilleur plan.

« Peut-être que je pourrais rencontrer quelqu'un qui me ferait oublier Potter. » Snape semblait s'être découragé, il replaça Harry sur ses genoux et recommença à le caresser. « Je ne sais pas ce que je vais faire s'il parvient à obtenir un "Efforts Exceptionnels" à ses examens. Chaque jour, il devient de plus en plus difficile à ignorer. »

S'il avait dit cela trois semaines plus tôt, Harry aurait pensé avec certitude que Snape exprimait encore sa haine à son encontre. À présent, il avait appris ce qu'il y avait derrière ces mots. Mais pourquoi est-ce que Snape l'aimait, lui ? Ça n'avait pas de sens.

« Tu ne serais pas le seul à te poser la question, tu sais, rit Snape. Enfin, si quelqu'un d'autre savait. Qu'est-ce qu'il y a de plus chez lui ? Tu ne le connais pas, Chat ; tu ne le connais pas comme je le connais. Nous avons tellement en commun. Je suis lié à lui depuis ma jeunesse, quand j'ai connu ses deux parents. J'étais très proche de sa mère, tu sais. »

Harry savait à quel point ils avaient été proches. Snape avait été amoureux de sa mère. Ou du moins, c'était ce qu'il avait cru jusqu'à maintenant. Il n'était plus si sûr de lui-même, tout à coup.

« Et après ça, je l'ai protégé en pénitence pour mes péchés. Et je sais que tu ne le croirais pas, Chat, parce que tu ne m'as jamais vu très longtemps en dehors de mes appartements, mais j'ai vraiment été un affreux connard envers lui pendant les cinq premières années qu'il a passées ici, et je n'avais aucuns regrets. »

Harry souffla.

« Et puis, pendant nos leçons privées, j'en ai appris beaucoup plus sur lui. J'ai réalisé qu'on avait traversé des épreuves similaires, tous les deux. J'ai réalisé que j'avais eu tort à propos de beaucoup de mes suppositions, et que j'étais lié à lui, d'un certain point de vue. »

Harry se repositionna sur les genoux de Snape.

« Mais je ne pouvais pas laisser qui que ce soit savoir, et je savais – je savais après avoir tué Albus, que peu importe ce qui se passerait, il ne me pardonnerait jamais. Peut-être qu'il m'a pardonné maintenant, je ne sais pas. Et puis… » Snape laissa sa phrase en suspens.

Le feu crépitait joyeusement dans l'âtre.

« Et puis je l'ai vu cette nuit-là, près de l'étang. J'avais déjà placé l'épée dedans pour qu'il puisse la récupérer. Je ne m'attendais pas à ce qu'il retire autant de ses vêtements. Même dans le noir, Chat, je pouvais le voir, voir sa… beauté. Elle est à la hauteur de son esprit – de son âme. Et c'était fini pour moi. »

Beauté ? Snape pensait que Harry était… beau ? C'était complètement fou. Est-ce que Ginny pensait qu'il était beau ? Est-ce que Cho l'avait pensé ? Il pensait que seules les filles pouvaient être belles ? Est-ce que les garçons pouvaient être beau, eux aussi ?

« Et maintenant il est là. Et il n'est plus un garçon, Chat. Si tu l'avais vu il y a sept ans et si tu le voyais maintenant, tu ne le reconnaîtrais pas. Il est… » Snape sembla être à court de mots.

« Mrowr, fit Harry pour combler le silence.

— Tu as raison. Je suis ridicule. Dans quelques mois, il sera parti et je pourrais commencer à oublier. À tout oublier. La Méditerranée, ce ne sera que le commencement. Ensuite, j'irais en Australie. Je ne penserais plus à lui. Peut-être que si je donne un examen suffisamment dur, personne ne parviendra à le passer, et alors je n'aurais plus à faire cours du tout pour cette classe, fit Snape avec envie. Bien sûr, Granger serait la seule à obtenir un "EE", et alors je devrais lui donner des cours particuliers. Je ne suis pas sûr que je pourrais le supporter, Chat. Cette fille est vraiment énervante. »

Harry grogna légèrement.

Il sentit le corps de Snape être animé d'un rire. « Non, vraiment, Chat, tu ne la connais pas. Elle est réellement énervante. » Il caressa vigoureusement la colonne d'Harry. « Brillante, c'est certain, mais énervante. »


— O —


Harry était allongé dans son lit, occupé à fixer le plafond. Il était resté avec Snape un peu plus longtemps, mais était parti suffisamment tôt pour avoir tout le temps qu'il voulait pour rentrer à la Salle Commune avant le couvre-feu. Tout le monde était déjà endormi – ou du moins prétendait de l'être. Mais il ne tenait pas en place.

Snape pensait qu'il avait beaucoup en commun avec lui ? Harry avait envie de dire qu'il se trompait. Il n'était en rien comme ce méchant connard. Il ne traiterait jamais quelqu'un comme Snape l'avait traité lui. N'est-ce pas ? C'est vrai qu'il s'était déjà plutôt mal comporté envers Malfoy, mais seulement en cas de légitime défense. Il n'avait jamais été à l'origine de ces situations. À moins que Snape ait pensé qu'il devait se défendre… Harry se dit que, lorsqu'il était venu à Poudlard pour la première fois, Snape aurait pu ressentir exactement cela. Peut-être que Snape s'était senti menacé parce qu'il lui avait rappelé toutes ces mauvaises choses qui lui étaient arrivées par le passé. Et puis, une fois qu'il avait commencé… à apprécier Harry, peut-être qu'il avait eu l'impression que continuer à le traiter ainsi était le seul moyen de se défendre, et d'empêcher les gens de comprendre, ce qui aurait certainement été une catastrophe, Harry en était sûr. Donc peut-être que lui et Snape n'étaient pas si différents l'un de l'autre de ce point de vue-là. Snape semblait dépasser un peu les bornes malgré tout ; et il était trop dramatique.

Mais ils semblaient partager un certain nombre de similarités, si on se concentrait sur leur jeunesse. Il avait vu les souvenirs de Snape. Il savait que sa vie chez lui avait été difficile. Et Harry n'était pas étranger à cela. Il savait déjà que s'ils parvenaient à établir une relation civile un jour, ils pourraient faire un plutôt joli concours de celui qui a la plus grosse, catégorie "choses terribles que m'ont fait subir mes tuteurs légaux".

Et bien sûr, ils avaient aussi été liés par Voldemort. Ils avaient tous les deux contribué (de manière différente, bien sûr) à sa chute. Ils avaient tous les deux joué un rôle clé. Harry était celui qui avait mis le point final à la guerre, mais il n'en aurait jamais été capable sans l'aide de Snape. Et il comprenait ce qu'il voulait dire, quand il parlait de se sentir inutile, perdu. Harry ressentait exactement la même chose. Il savait ce que c'était que d'avoir un but ultime, et tout à coup, de n'avoir plus rien du tout. Il savait ce que c'était, lui aussi, de ne plus rien avoir à offrir à personne. Bien sûr, ses amis tenaient à lui. Il savait que leur relation tenait sur plus que le rôle qu'il avait joué contre Voldemort, mais il se sentait toujours seul. Il y avait des choses qu'il avait vécu que la plupart des personnes ne comprendrait jamais. Mais Snape, oui. Il ressentit soudainement l'envie de parler avec lui, sous sa véritable apparence, à propos de toutes ces choses. Mais, se réprimanda Harry, Snape ne pourrait pas comprendre pourquoi je voudrais soudainement me confier à lui.


— O —


Pendant les quelques semaines qui suivirent, Harry prit le temps de descendre régulièrement jusqu'aux appartements de Snape. Il appréciait bien plus sa compagnie, maintenant qu'il savait que le professeur ne le détestait pas et qu'ils avaient beaucoup en commun. Il apprenait beaucoup sur le potionniste, et beaucoup sur ce que celui-ci aimait chez lui. Dès qu'il obtenait une petite bribe d'information, il en jouait autant que possible. Il n'avait jamais su qu'il mordillait sa lèvre inférieure quand il se concentrait, ni même que Snape trouvait cela presque irrésistible. Harry fit en sorte de mordiller ses lèvres plus souvent, et s'arrangeait toujours pour que Snape le regarde quand il le faisait. Il n'avait jamais su, non plus, qu'il sentait bon (Ginny ne lui en avait jamais rien dit, et il ne portait pas de parfum), ni que Snape aimait son odeur. Il lui avait fallu une longue réflexion pour accepter que qui que ce soit puisse sentir comme un rayon de soleil, pour tout dire. Harry faisait donc en sorte de se tenir juste un tout petit peu plus près de Snape quand il lui rendait ses copies. Il avait aussi cru que son rire n'avait rien de particulier, mais apparemment, Snape appréciait l'entendre. Harry faisait donc également en sorte que, s'il riait et que Snape était dans le coin, il le fasse assez fort pour être sûr d'être entendu.

Et il avait appris que Snape était jaloux. Ça le rendait fou quand Harry était un peu trop amical avec Ginny. Apparemment, le Serpentard n'avait pas encore eu vent de leur séparation. Et il était également jaloux du Professeur Belfacia. Harry trouvait cette idée totalement hilarante.

Snape avait déblatéré là-dessus auprès du Chat après le dîner, un soir, alors que Belfacia avait approché Harry dans la Grande Salle.

« Bonsoir, Harry, avait-il salué, avec un grand sourire sur le visage.

— Oh, bonsoir Professeur, avait répondu Harry poliment. » Il l'appréciait, non pas parce qu'il était bel homme (bien qu'Harry trouve étrangement facile d'admettre qu'il le soit), mais parce qu'il enseignait de manière très encourageante. Il n'aurait pas été jusqu'à dire qu'il était meilleur que McGonagall, mais il était certainement différent. Il avait une approche beaucoup plus pratique, et toute la classe réussissait admirablement. Donc, Harry ne voyait pas de problème à discuter avec lui en dehors des cours.

« Si vous en avez le temps, j'aimerais avoir une discussion avec vous à propos de ce que vous avez prévu de faire après vos ASPICs, lui dit Belfacia. Seriez-vous en mesure de venir à mon bureau, après dîner ?

— Bien sûr, monsieur, avait accepté Harry. » Il se demandait de quoi Belfacia pouvait bien vouloir parler avec lui.

« Cet espèce d'idiot empoté ! avait crié Snape une fois que lui et Harry (Chat-Harry) avaient été dans ses quartiers. » Son cri avait fait sursauter le Chat. « Demander à Potter s'il veut faire un apprentissage avec lui ? Comme s'il allait renoncer à sa grande carrière d'Auror pour passer du temps avec ce nigaud. »

Snape avait ensuite enchaîné suffisamment de commentaires voilés pour que Harry comprenne qu'il avait peur que le jeune homme qu'il aimait trouve Belfacia séduisant et commence une relation avec lui.

Harry fit donc en sorte d'être exceptionnellement amical avec Belfacia dès que Snape était dans les parages.

Et puis, une nuit, Snape dit quelque chose qui prit Harry de court.

« Ce garçon, avait-il grogné en s'asseyant, s'il avait le moindre iota de sens commun, il aurait déjà réalisé qu'il est en train de flirter de manière éhontée avec moi. »

Harry s'était figé en plein saut vers le canapé et avait donc atterri la tête la première, ce qui avait provoqué un fou rire chez Snape.

« Il n'a pas la moindre idée… » Snape se redressa et son rire prit fin. « Pas la moindre idée de la tentation qu'il incarne pour moi. Il est tellement naïf que ça en devient comique. Si ce n'était pas lui, mais n'importe qui d'autre, alors je serais certain qu'il le fait exprès pour me tourmenter. Vraiment, Chat, j'ai de la chance de porter des robes, termina Snape alors qu'il se passait une main sur le visage. »


— O —


Il ne restait plus qu'une semaine avant les examens. C'était la nuit du Vendredi et le château s'était empli du son des plumes grattant les parchemins, et de groupes d'étudiants qui s'interrogeaient les uns les autres, calmement dans chaque recoin disponible de l'école. Après le dernier cours de la journée, mais avant le dîner, Harry, Ron et Hermione s'étaient installés dans une alcôve recluse de la bibliothèque, repassant sur chaque détail auquel ils pouvaient penser. Alors qu'ils changeaient de matière, Harry saisit l'opportunité de poser une question à Hermione.

« Hermione, demanda-t-il doucement, comment est-ce que tu flirtes avec quelqu'un ? »

Elle et Ron se tournèrent soudainement vers lui, avec de grands yeux écarquillés.

« Tu – Tu veux flirter avec quelqu'un ? chuchota-t-elle en réponse.

— Tu as enfin trouvé quelqu'un qui t'intéresse alors ? » Ron lui donna un petit coup de coude.

« Non, ce n'est rien de tout ça, c'est juste… comment est-ce que tu sais si quelqu'un est en train de flirter avec toi ? C'est quoi, flirter ? essaya-t-il d'expliquer.

— Eh bien… » Hermione referma le livre qu'elle était en train d'ouvrir. « En général, tu trouves des choses que tu sais que l'autre personne apprécie, et tu les fais pour obtenir son attention. C'est pour ça que certaines femmes portent des hauts moulants avec des décolletés plongeants pour flirter avec les hommes parce que la plupart des hommes aiment – enfin, tu sais, quoi.

— Ouais, intervint Ron, tu agis de telle sorte à ce que l'autre te remarque. Si la personne aime ce que tu fais, alors elle va flirter en retour. Et ensuite, vous vous mettez ensemble. »

Harry était pensif.

« Est-ce qu'elle a flirté en retour ? demanda joyeusement Ron.

— Quoi ? » Harry se tourna rapidement vers lui, sentant ses joues rougir. « Non, non. Ce n'est pas ça.

— Eh bien, si tu ne comptes pas nous en dire plus, on ferait mieux de retourner à nos révisions. » Hermione remit le livre devant elle et l'ouvrit.

Alors qu'elle commençait à leur poser des questions à tous les deux, Harry était pris d'un drôle de cafard. J'ai flirté avec Snape, pensait-il. Et il se rendait compte qu'il ne se sentait même pas mal à ce propos.

Une heure plus tard, Hermione annonça qu'il était temps qu'ils prennent leurs affaires et partent pour dîner dans la Grande Salle.

« On reprendra avec les Sortilèges au retour, annonça-t-elle.

— Oh. » Harry frotta sa nuque. « Je pensais que je pourrais aller faire une petite promenade après.

— Harry, tu devrais vraiment faire de ton rythme de sommeil une priorité, fit-elle sur un ton de reproches. Je sais que tu ne rentres pas dans ta chambre avant bien plus tard que le couvre-feu, toutes les nuits. »

Harry lança un regard de trahison vers Ron.

« C'est pas moi ! répondit-il en levant les mains en l'air.

— Harry, je m'inquiète pour toi. Je sais que tu as eu des problèmes cette année – avec ce que tu ressens pour tout ce qui s'est passé, mais – peut-être qu'il est temps que tu parles à Madame Pomfresh pour avoir de l'aide d'une personne qualifiée.

— De quoi ? couina Harry. Pourquoi est-ce que je – je n'ai pas besoin – une aide qualifiée pour quoi ?

— Oh Harry. » Hermione le regarda avec pitié. « C'est évident que tu déprimes. Tu t'en vas toujours pour être tout seul. Tu as des problèmes pour dormir. Tu ne sais plus quoi faire de ta vie. Je comprends. Mais on ne peut rien faire pour t'aider. Je suis sûr que Madame Pomfresh aura des idées pour t'aider à reprendre pied. Je m'inquiète que tu partes comme ça tous les soirs.

— Mais je ne me fais jamais attraper, se défendit Harry.

— Ce n'est pas une question de points de maison, Harry. » Hermione mit une main sur son épaule. « On s'inquiète tous pour toi. »

Harry lança un regard noir à Ron.

« Tu n'es jamais dans ton lit, tu sais. Tu veux toujours être tout seul, et te promener, argumenta Ron.

— Je vais bien, protesta Harry. Je promets, ça n'a rien à voir avec tout ça. »

Les yeux d'Hermione scintillaient. « Peut-être pas. » Elle serra son épaule. « Mais s'il te plaît, promets-moi que tu parleras à quelqu'un si – si les choses semblent devenir trop dures.

— Trop dures ? » Harry était confus.

« À gérer, clarifia-t-elle. »

Harry comprit soudainement. « Hermione, non ! » Il secoua la tête et jeta un regard suppliant vers Ron. « Non, ce n'est pas ça, je le jure. Je ne ferais jamais – jamais – je promets, je ne compte pas…

— C'est bon Harry. » Ron lui sourit et lui fit une tape sur l'épaule. « Je t'ai dit que tu dramatisais pour rien, fit-il à Hermione.

— S'inquiéter pour la santé mentale de quelqu'un, ce n'est pas dramatiser, Ronald, répondit Hermione sur un ton acerbe.

— Allez. » Ron fit un geste de la tête vers les portes de la bibliothèque. « Allons manger avant que quelqu'un ne trouve le moyen de faire en sorte qu'on puisse étudier pendant les repas aussi. »

Ils sortirent tous les trois de l'alcôve, mais s'arrêtèrent abruptement quand ils manquèrent de percuter une grande silhouette sombre.

« Qu'avons-nous là ? » Au ton qu'employait Snape, on aurait dit qu'il était une araignée venant de capturer une mouche particulièrement juteuse. « Quelles choses intéressantes on peut entendre quand on sait où écouter. »

Harry sentit son estomac se serrer. Qu'est-ce que Snape avait entendu ?

« Il me semble qu'il faudra organiser plus régulièrement des… contrôles dans les dortoirs… de la tour de Gryffondor, termina Snape sur un ton de menace. » Il s'écarta ensuite et s'éloigna du trio.

Ron se pencha vers lui. « Je dirais que tu ferais mieux de rester à l'intérieur pendant quelques nuits, Harry, murmura-t-il. »

Hermione, quant à elle, semblait tout autant terrifiée que contente d'elle.


— O —


Après le dîner ce soir-là, tout le monde retourna à la Tour pour étudier.

« Je suis tellement fatigué. » Harry imita un bâillement. « Je pense que je vais juste monter pour la nuit.

— Tu es sûr ? lui demanda Hermione. Il nous reste encore beaucoup de choses à voir.

— Je sais, mais ça ne servirait à rien si je tombe de sommeil, justifia-t-il.

— Eh bien, au moins cette fois-ci on est sûr que tu ne manqueras pas le couvre-feu. » Hermione hocha la tête. « À demain. »

Un fois qu'il fut dans sa chambre, Harry sortit sa cape d'invisibilité et la tira sur lui. Il allait voir Snape, et Hermione ne pourrait rien faire pour l'arrêter. Une fois qu'il fut de l'autre côté du portrait, il fit un petit bout de route jusqu'à ce qu'il trouve une armure dissimulée dans un coin. Il retira sa cape et la plia avant de l'enfoncer derrière l'armure. Il se transforma ensuite en chat et commença à faire le chemin jusqu'aux cachots.

Le château était entièrement vide. Les élèves étaient tous retournés dans leurs maisons, puisque même le couvre-feu spécial des huitièmes années était dépassé. Il était à mi-chemin des cachots quand il tourna à un coin et se figea immédiatement devant la scène qui se jouait.

« Et, Sir Nicholas, qu'avez-vous découvert ? » Snape parlait avec le fantôme de Gryffondor.

« Le jeune monsieur Potter n'est pas dans son lit, Professeur, répondit gravement Nick Quasi-Sans-Tête. Dois-je le chercher dans le château ?

— Oh, non, Sir Nicholas, ce ne sera pas la peine, fit Snape d'un ton faussement doux. Je tiens à m'en occuper personnellement. »

Le fantôme de Nick hocha la tête, avant de flotter jusqu'à traverser un mur.

Oh, merde, pensa Harry. Si je cours, je peux être de retour avant lui. À moins qu'il n'y ait une sorte de passage secret spécial comme privilège pour les professeurs ou quelque chose du genre.

« Oh, Potter. » Snape avait un sourire purement diabolique inscrit sur son visage. « Même ta cape ne pourra plus t'être d'aucune utilité maintenant. » Et sur ces mots, Snape tira sa baguette et la posa sur sa paume ouverte. Harry pouvait seulement observer, paralysé par la peur, lorsqu'il entendit Snape prononcer ces quelques mots : « Montre-moi où est Harry Potter. »

Et la baguette tourna sur elle-même jusqu'à montrer l'endroit où Harry se tenait.

Ohhhhh non. Harry pensa qu'il allait être malade. Est-ce que je peux toujours être plus rapide que lui ? Non. Qu'est-ce que je vais faire ?

Harry était incapable de formuler la moindre pensée, cependant, parce que Snape s'avançait à grands pas juste devant lui. Il tenait à nouveau sa baguette dans sa main et utilisait un Lumos pour éclairer son chemin.

« Chat. » Harry savait que Snape ne pouvait pas le rater, même si sa fourrure était noire. « Voudrais-tu partir à l'aventure avec moi ce soir ?

— Mrowr, miaula Harry d'un air abattu.

— Suis-moi alors. Tu vas enfin pouvoir rencontrer le célèbre Harry Potter. » Snape replaça sa baguette sur sa paume, et elle tourna à nouveau juste en face de lui, où se trouvait Harry.

Snape se remit à marcher, suivant le point indiqué par la baguette. Harry essayait de tenir le rythme, mais ses petites pattes étaient courtes et Snape faisait de grands pas rapides. Il ne fallut pas longtemps pour que le professeur soit contraint de s'arrêter abruptement tous les quelques pas.

« Quoi ? » Il s'arrêta finalement et saisit sa baguette, en la secouant. « Qu'est-ce qui ne va pas avec toi ? » Il la remit sur sa paume et ordonna avec force. « Montre-moi Harry Potter. » La baguette tourna et pointa encore une fois exactement l'endroit où Harry se trouvait, c'est-à-dire, juste derrière Snape. Celui-ci fit demi-tour, et avant même qu'Harry ait pu essayer de corriger sa position, il fit trois pas, mais s'arrêta à nouveau quand la baguette se retourna vers l'endroit où se trouvait Harry. Il avança rapidement dans cette direction, mais avant qu'Harry ait pu bouger, Snape s'arrêta net, encore une fois, alors que la baguette se tournait à nouveau vers Harry. À la lumière du lumos, Harry put voir sur son visage que Snape avait compris.

Dans un mouvement trop rapide pour que Harry ait même pu le voir, Snape lança un Petrificus Totalus sur lui, et Harry bascula sur son flanc, bien que ses yeux restassent ouverts. Il pouvait donc voir Snape alors que celui-ci s'approchait de lui.

Le professeur laissa sa baguette posée sur sa paume et prononça d'une voix lente, distincte et glaciale : « Montre-moi. Harry. Potter. »

La baguette pointa droit vers Harry. Snape fit trois pas vers la gauche, gardant sa main tendue devant lui. La baguette pointa droit vers Harry. Snape fit trois pas vers la droite, revenant devant lui. La baguette pointa droit vers Harry. Snape recommença encore une fois la manœuvre vers la droite et la baguette conserva le même comportement.

Harry était sûr qu'il n'avait jamais vu personne marcher plus lentement que Snape lorsque celui-ci revint se placer juste en face de lui.

De là où il se trouvait, Snape était de profil, mais son visage, et son expression, étaient claires comme de l'eau de roche.

À cet instant, Harry savait qu'il allait mourir. Et bien qu'il ait survécu aux Sortilèges de Mort de Voldemort deux fois, il ne pensa pas que le moindre pouvoir inconnu puisse le protéger de ceux de Snape. Il priait juste pour que le potionniste fasse ça rapidement et sans douleur. Mais il se dit que c'était sans doute en vain.

Alors que Snape se baissait vers lui, la seule chose à laquelle Harry pouvait penser c'était de savoir si quelqu'un allait retrouver un jour sa cape d'invisibilité.

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