Blaireaux : sorciers de l'ombre

Chapitre 5 : Une place de choix

3112 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 04/05/2020 18:50

Armé d’un nouvel ami et revêtu de sa belle robe noire de sorcier, Pete ressentait tout à coup une incroyable confiance en lui. Alors qu’il descendait du Poudlard Express, il pensa pour la première fois sans terreur à sa nouvelle école et commença à apprécier ce qu’il découvrait.

- Les première année, par ici ! cria une grosse voix rauque

- HA !

Arthur avait poussé un cri de stupeur en découvrant l’individu qui venait de les appeler. C’était un homme à la large barbe noire et hirsute, affublé de vêtements larges et en assez mauvais états, et chaussé de grandes bottes de jardinage. Le plus surprenant concernant son apparence était sa taille. L’individu était immense, plus grand que n’importe quel homme qu’Arthur ou Pete aient vu de leur vie. Et de sa largeur, on eut pu croire que ses ancêtres étaient d’immenses armoires à glaces.

- Pete, j’ai peur, murmura Arthur. Il va nous manger, tu crois ?

- Mais non, mais non, mentit machinalement Pete tout en réchauffant ses mains qui étaient devenues glacées sous le coup de l’effroi.

Il était en effet très inquiet à l’idée de se retrouver, lui et tous les autres plus jeunes élèves du train, sans défense face à ce géant colossal aux allures de chasseur.

- Il est encore plus grand que Michael Jordan s’extasia Arthur, tandis que les élèves s’attroupaient autour de lui.

- Vous êtes tous là ? reprit le géant, alors en route. Et regardez bien où vous mettez les pieds.

Ils suivirent l’homme qui leur fit traverser un bois sombre, via des chemins tortueux. La nuit était maintenant si obscure que Pete voyait à peine devant lui. Des cris d’oiseaux et des craquements de branches faisaient régulièrement sursauter le petit groupe d’enfants et tous se demandaient où l’on pouvait bien les emmener, quand le chasseur les rassura de sa grosse voix :

- Au prochain tournant, vous allez apercevoir Poudlard !

Et un tournant plus tard, en effet, ils avaient rejoint la rive d’un grand lac noir, surplombé par une haute montagne, au sommet de laquelle une ombre étincelante s’élevait majestueusement vers les étoiles. C’était un somptueux château en pierre, parsemé de fenêtres illuminées et de tours qui pointaient le ciel de leurs toits fléchés.

Pete en resta bouche bée. C’était la plus belle construction et le décor le plus féerique qu’il ait contemplés de sa vie.

Il était tellement occupé à admirer le flanc de la montagne qu’il ne s’était pas aperçu que des barques s’étalaient sur la berge, et que certains élèves commençaient à y prendre place. Arthur dut l’appeler trois fois avant qu’il ne détache ses yeux du paysage et ne monte à bord de son embarcation.

- Tout le monde est prêt ? interrogea le géant de sa grosse voix, tout le monde a son crapaud ? Alors en avant !

Les barques se mirent en mouvement sans aucun coup de rame et entamèrent la traversée du lac. Pete n’était pas le seul à être subjugué par la magie de ce trajet nocturne. Dans un même silence admiratif, les enfants fixaient le château de pierre sans pouvoir le quitter des yeux.

Mais le silence se crispa peu à peu lorsqu’ils s’engouffrèrent dans un tunnel encore plus sombre que la nuit, où l’on ne voyait plus rien. Ils y naviguèrent quelques instants, jusqu’à ce qu’ils découvrent une petite grotte où ils accostèrent.

Pete eut l’impression que le trajet n’en finirait jamais. Après la traversée en bateau, ils gravirent un couloir rocheux à travers la montagne. Le couloir déboucha à l’extérieur, dans le parc du château qui semblait maintenant tout proche, mais ils durent encore en traverser la pelouse, ce qui lui sembla durer des heures. Enfin, ils gravirent le perron de l’école, de hautes marches au pied d’une porte en chêne massif, et, quand le géant y frappa trois fois, Pete estima qu’il pouvait enfin reprendre son souffle. Ils étaient arrivés.


La porte s’ouvrit et une vieille dame en robe vert de jade et au visage pincé les accueillit.

- Professeur McGonagall, les élèves de première année sont là.

- Merci, Hagrid, répondit le professeur.

La sorcière qui les avait accueillis tourna les talons et le petit groupe d’élèves se remit en route à sa suite. Le château était si grand que Pete craignit un nouveau trajet interminable. De plus en plus en proie à la fatigue, il remarqua à peine les décors somptueux du château, comme le sol dallé, les colonnes de marbres, ou encore l’immense escalier qui menait aux étages supérieurs.

Le Professeur McGonagall les fit entrer dans une toute petite pièce où elle leur expliqua la cérémonie de la répartition. Comme Arthur le lui avait brièvement expliqué plus tôt, chaque élève allait être réparti d’office dans l’une des quatre maisons de l’école : Gryffondor, Serdaigle, Poufsouffle et Serpentard. Chaque maison avait son identité propre, et ses élèves devaient tout mettre en œuvre pour lui faire gagner des points par une attitude correcte et de bons résultats en cours. Ces efforts seraient récompensés en fin d’année par la coupe des Quatre Maisons, remise à la confrérie ayant accumulé le plus de points tout au long de l’année.

Mais la question qui subsistait après son départ était : en quoi consistait donc l’épreuve de la répartition ?


- Psst, regarde ça !

D’un coup de coude, Arthur attira l’attention de Pete vers un groupe de personnes pour le moins inattendues qui avaient fait irruption juste derrière eux. Il s’agissait de fantômes, en pleine conversation, et visiblement irrités par quelque chose que Pete n’eut pas le temps de saisir.

Ils avaient traversé le mur tout en poursuivant leur dispute comme s’il ne s’agissait que d’une promenade au parc. Ce ne fut qu’au bout d’une minute que l’un d’eux remarqua la présence de tous les élèves de première année.

- Que font-ils ici, ceux-là ? lança-t-il d’un air hautain

- Ce doit être les nouveaux élèves ! répondit l’un des autres fantômes avec un sourire.

Grand et maigre, le premier fantôme était endimanché comme un noble du XVIème siècle avec une fraise en guise de col, tandis que le second, plus trapu et avec un fort embonpoint, portait une robe de moine. Avec leurs accoutrements, on les aurait crus tout droit sortis d’un conte pour enfant.

- Vous attendez la répartition ? demanda le moine. J’espère vous voir à Poufsouffle ! C’était ma maison, autrefois.

Arthur lui répondit d’un sourire.

- Je l’aime bien, celui-là ! lança-t-il à Pete alors que les fantômes faisaient demi-tour. Il a l’air d’un bon-vivant.

Pour la première fois, Pete eut un peu de mal à sourire car il s’inquiétait de plus en plus de la répartition entre les maisons. Le professeur McGonagall fit irruption au même moment et les conduisit dans une nouvelle salle, celle où la cérémonie devait avoir lieu.


- Oh ! C’est ça, regarde ! s’écria frénétiquement Arthur en pointant du doigt le plafond étoilé, parsemé de chandelles volantes qui flottaient au-dessus d’eux. C’est le plafond magique dont m’a parlé Miss Crapaud !

- Ah oui, et qu’est-ce qu’elle a dit, alors ?

- Qu’il avait été ensorcelé pour ressembler au ciel ! s’exclama Arthur

Pete leva les yeux vers le plafond qui était clairsemé de nuages et d’étoiles.

- Heu… Oui, c’est évident, fit-il remarquer. Mais pour quelle raison ?

Arthur sembla vouloir dire quelque chose, mais ne trouva rien à répondre.

- Il faut que je lui emprunte ce livre… marmonna-t-il, déçu de son anecdote.

Tandis qu’ils parlaient, le professeur McGonagall avait, très solennellement, posé un tabouret en plein milieu de l’estrade, et déposé dessus un étrange objet. C’était un vieux chapeau, usé et fripé, qu’on aurait cru récupéré dans le fond d’une benne à ordures.

Or, après quelques instants, l’une des plissures du chapeau s’étira en une large bouche, et le chapeau se mit à parler – ou plus exactement à chanter. Il s’élança dans un dithyrambe, expliquant qu’il n’était pas un simple couvre-chef, mais un « Choixpeau » : un chapeau pensant dont les décisions faisaient autorité à Poudlard. Il lui suffisait d’être posé sur la tête d’un élève pour décider dans quelle maison il enverrait celui-ci.


A propos des maisons, il n’apporta que la description suivante :


Si vous allez à Gryffondor

Vous rejoindrez les courageux,

Les plus hardis et les plus forts

Sont rassemblés en ce haut lieu.

Si à Poufsouffle vous allez,

Comme eux vous s'rez juste et loyal

Ceux de Poufsouffle aiment travailler

Et leur patience est proverbiale.

Si vous êtes sage et réfléchi

Serdaigle vous accueillera peut-être

Là-bas, ce sont des érudits

Qui ont envie de tout connaître.

Vous finirez à Serpentard

Si vous êtes plutôt malin,

Car ceux-là sont de vrais roublards

Qui parviennent toujours à leurs fins.


Lorsque le Choixpeau eut fini son éloge, toute la pièce applaudit, et le Professeur MacGonagall commença à appeler les enfants par ordre alphabétique. La première élève, Hannah Abbot, fut envoyée à Poufsouffle.

Tandis que la répartition commençait, Arthur se mit à chuchoter précipitamment et avec inquiétude à l’oreille de Pete :

- Si je résume bien, les Gryffondor partent du principe qu’ils sont courageux, donc ils sont forcément prétentieux ; les Poufsouffle sont sensés « aimer travailler », donc c’est sûr qu’ils doivent se faire bizuter par les autres maisons ; les Serdaigle, eux, aiment vraiment travailler, mais sont considérés comme « érudits » donc… ils doivent être beaucoup trop sûrs d’eux aussi ; et les Serpentard, c’est…

- Des « roublards », acheva Pete, qui n’était pas non plus très rassuré par cette description.

Mais avant qu’il n’ait pu prononcer un mot de plus, Arthur Clay était appelé au Choixpeau.


- Tiens, tiens… fit le Choixpeau une fois posé sur la tête d’Arthur, mais qu’avons-nous là ? Un jeune sorcier, le premier d’une longue lignée de moldus… Pourtant, je sens une puissante force magique en toi.

- Ma sœur Sydney est télépathe ! répondit joyeusement Arthur, ragaillardi à la pensée de sa sœur. Vous savez qu’elle s’appelle comme ça à cause de…

- De Syd Barrett, je vois… Beaucoup de musique, et de créativité. Tes années ici seront longues, mon garçon. Les sorciers sont rarement réceptifs à la magie des moldus. Mais tu es courageux. Tu pourrais te plaire chez les Gryffondor…

- Oh non, pas ces prétentieux ! Je vais être avec Madame Je-sais-tout de la librairie !

- Ha-ha ! Je me doutais que tu dirais ça… Je voulais m’en assurer… Pour toi, c’est donc clair que ce sera… POUFSOUFFLE !

La classe des Poufsouffle éclata en applaudissements tandis qu’Arthur partait les rejoindre joyeusement. Quand il redescendit de l’estrade pour rejoindre sa table, Pete chercha à croiser son regard, mais Arthur n’y prêta pas attention. L’estomac de Pete se noua à nouveau. Arthur était le premier vrai ami qu’il avait réussi à se faire depuis des années. Ils s’étaient liés d’amitié si vite que cela lui avait paru couler de source. Le train lui avait semblé être une épreuve sociale incroyable, mais maintenant qu’il se trouvait dans cette immense école, pris entre quatre maisons, à devoir faire un choix crucial, il était absolument convaincu qu’il ne saurait ni s’intégrer, ni s’habituer à ce nouveau monde, si étrange et si inconnu, tout seul. Il lui fallait un ami pour l’aider, il le savait.


Son rythme cardiaque accélérait exponentiellement à chaque nouvel élève appelé au Choixpeau et ses mains étaient de plus en plus moites.

Quand Crabbe, l’acolyte de Drago, fut envoyé chez les Serpentard, Pete se mit à observer les élèves des différentes maisons, chacune à une table différente.

Les Serpentard présentaient tous des caractéristiques physiques très similaires. La plupart d’entre eux étaient très bien coiffés et bien habillés. Beaucoup arboraient des bijoux de famille ou des chevalières aux doigts et semblaient être de classes sociales aisées. Beaucoup avaient des regards durs, des airs narquois, et lui évoquaient facilement l’aventure d’Arthur au Chemin de Traverse.

Les Gryffondor étaient ceux qui attiraient le plus rapidement l’œil. Très tapageurs, en tenues plus décontractées, c’était ceux du rang desquels on entendait monter le plus de rires étouffés et de bavardages. Ils avaient des carrures plus sportives et semblaient en moyenne plus grands que les élèves des trois autres maisons.

La classe des Serdaigle semblait très réservée, ce qui l’attira partiellement. Mais en les regardant, il repensa tout à coup à David.

David avait été dans sa classe durant toute sa scolarité. Il était très intelligent et avait toujours d’aussi bonnes notes que lui, sinon de meilleures. Mais il s’était toujours montré étonnamment réservé et hautain avec les autres élèves, y compris Pete. Avec le temps, son attitude suffisante lui avait donné une réputation d’enfant prétentieux.

Pete eut alors l’impression de voir une centaine de David assis à une même table.

Enfin, les Poufsouffle présentaient le moins d’éléments distinctifs. Les élèves semblaient s’intéresser sincèrement à la répartition et n’avaient l’air ni renfermés, ni tapageurs. Or, tout en les observant, il croisa soudain les yeux Arthur qui le regardait avec un large sourire.

Aucune des quatre maisons ne lui donnait spécialement envie. Mais il aurait donné n’importe quoi pour garder son ami.


- Pete Doe !

Son estomac se noua et il avança vers l’estrade avec peu d’assurance. Il s’assit, laissa le Professeur MacGonagall poser le Choixpeau sur sa tête, et sursauta en entendant une soudaine voix grave dans sa tête :

- Bonjour, Pete Doe.

- B… Bonjour…

- Que vois-je ? Mhh… De la peur, beaucoup de peur et d’insécurité. Oh, Godric n’aurait pas aimé ça…

- Godric… ?

- Mais il y a aussi… la bonté et l’intelligence… Même beaucoup d’intelligence… Tu es un garçon brillant, réservé… Tu te plairais, je pense, chez les Serdaigle…

- Heu… Ah bon ?

- Tu n’es pas d’accord ?

Il redressa un peu le Choixpeau qui lui cachait la vue et posa son regard sur la table des Serdaigle. Quelques élèves au premier rang lui jetaient un œil vaguement curieux. Les autres semblaient plus préoccupés par les décors du plafond ou par leurs propres mains. Il regarda alors vers la table des Poufsouffle où Arthur, cramponné à la table, observait la scène sans un battement de cils.

- Je… Je peux aller à Poufsouffle, plutôt ?

- Poufsouffle ? Pour t’affirmer, ça n’est pas la meilleure maison, tu sais… Tu risques de t’enfermer sur toi-même. Les moldus ont brisé quelque chose chez toi… Tu n’es pas le premier enfant à qui ça arrive. Si tu veux pouvoir trouver ta place, tu vas devoir t’imposer en t’appuyant sur tes qualités profondes, et te battre avec elles. Tu es trop brillant pour aller à Poufsouffle. Ton intelligence n’y sera pas valorisée à sa juste valeur.

Arthur le regardait toujours et levait à présent les deux mains bien haut, les doigts croisés de toute ses forces.

- C’est facile, de reconnaître quelqu’un d’intelligent. Reconnaître un ami d’un ennemi, ça, c’est vraiment dur. Et un vrai ami est une bien meilleure arme qu’une qualité idiote. Je m’en fiche, moi, d’être valorisé ou non.

Il n’avait pas réellement prononcé ces mots ; il les avait plutôt articulés avec beaucoup de conscience dans son esprit. Pourtant, bien que toute la conversation ait été mentale, il avait eu des instants de véhémence, puis d’hésitation, ne sachant pas bien s’il pouvait ou non se faire gronder pour insolence par un chapeau.

- S’il vous plaît, acheva-t-il, donnez-moi Poufsouffle.

- Mhh ? (Le choixpeau aurait pu lever un sourcil, s’il en avait eu). Tu sembles bien sûr de toi, tout à coup.

- Je ne veux pas me faire apprécier de gens comme Drago. Je n’en ai rien à faire, d’une place au milieu de ces gens-là. Arthur est la seule personne à m’avoir soutenu.

- Loyauté, fidélité… articula lentement le Choixpeau, et forte combativité, oui… Nul doute que tu seras chez toi à… POUFSOUFFLE !


Pete ne sut jamais si c’était son imagination ou non, mais il eut l’étrange impression que les applaudissements étaient plus forts, plus enjoués, à l’annonce de sa propre maison. Et quand il s’approcha des Poufsouffle, qui lui tendaient la main et l’accueillaient chaleureusement, il sut qu’il ne regretterait jamais son choix. Quelle que fut sa destinée dans le grand monde, sa place actuelle, au moins, était tout indiquée : Arthur en avait gardé une près de lui, dès l’instant où il était allé s’asseoir.

Laisser un commentaire ?