Blaireaux : sorciers de l'ombre

Chapitre 10 : Le Directeur de Poudlard

5369 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 29/06/2020 16:44

La semaine qui suivit le match de Quidditch, la tension monta peu à peu entre les deux inséparables que de violentes disputes vinrent diviser pour la première fois.

Arthur estimait de plus en plus anormale la situation au château. L’irruption du troll aurait facilement pu conduire au décès de Harry Potter et de son ami – qu’ils avaient identifié par la suite comme étant Ron Weasley – ainsi qu’à la jeune fille coincée dans les toilettes. Le balai du même Harry Potter avait manifestement été enchanté par non moins que deux professeurs de l’école pour l’en faire tomber. Enfin, le couloir du deuxième étage renfermait des monstres à trois têtes et de potentiels dangers mortels pour une raison qui demeurait complètement inconnue aux étudiants. Quand ils avaient évoqué le sujet avec quelques Poufsouffle de sixième année, ceux-ci avaient concédé qu’il était très étrange que Dumbledore ait tu le motif de condamnation du corridor.

Pour toutes ces raisons, Arthur envisageait très sérieusement de quitter le château et de trouver une nouvelle école de magie.

Pete, quoique très inquiet également, ne souhaitait pas quitter Poudlard. Il s’était attaché à sa grandeur et à son mystère, aux différents professeurs et à leurs incongruités, et ne pouvait se résoudre à partir. De plus, il s’était bien trop plongé dans cette enquête pour quitter l’établissement sans aucune explication. Or, chaque fois que le sujet faisait surface, Arthur devenait irascible, soutenant qu’il était prêt à partir sur-le-champ sans le moindre remord – ce qui blessait profondément Pete – et la conversation tournait au vinaigre.

Cependant, les cours et les devoirs les maintenaient dans une telle routine que, passé le week-end, ses discours concernant son départ s’atténuèrent peu à peu. De plus, retournés à leur cours de Défense Contre les Forces du Mal, ils s’aperçurent qu’il était difficile de prendre le Professeur Quirrell, qui bégayait d’effroi au moindre coup de vent et ne semblait pas plus capable de repousser les forces du mal que d’écraser un insecte, pour un dangereux criminel. Ils en vinrent à se demander si leur obsession pour le « Mystère de Poudlard » ne les avait pas rendus paranoïaques. Avaient-ils, simplement, mal compris ce qu’ils avaient vu pendant le match de Quidditch ?

En dernier lieu, les potions s’étaient imposées comme la matière préférée d’Arthur dont il trouvait fascinants les propriétés et les procédés de fabrication – « Avant de connaître Poudlard, je voulais devenir Chef cuisinier » avait-il un jour confié à Pete – et il ne parvenait pas non plus à associer sa matière favorite à un potentiel assassin. L’attitude froide et calculée de Rogue ne collait pas à l’image de l’homme qui avait prononcé une formule magique et tenté de s’en prendre à un élève en plein jour, et à la vue de tous.

Rogue fut pourtant celui qui porta le coup de grâce aux émotions d’Arthur.

Pete et lui ne s’étaient presque pas disputés de la semaine lorsqu’ils prirent tous les deux place derrière leur chaudron, en cours de potion. Ce vendredi matin, Pete pensait alors que son meilleur ami ne parlerait plus de quitter Poudlard.

Ils devaient ce jour-là concocter une potion d’amnésie. Rogue leur avait livré les instructions de préparation tout en soulignant à maintes reprises la difficulté de cette mixture, et le peu d’espoir qu’il plaçait dans ses élèves pour la réaliser correctement du premier coup. Mais Pete pouvait sentir depuis sa place la détermination qui animait Arthur pour détromper son professeur.

- Deux gouttes d’eau du fleuve Léthé, murmura Arthur qui réalisait sa potion avec une précision méticuleuse.

Pete ne disait rien et tentait d’imiter soigneusement les gestes de son camarade, qui réussissait toujours les potions bien mieux que lui.

- Laisser chauffer pendant 51 minutes. Je vais commencer mon mortier.

- C’est ce que je déteste avec les potions, chuchota Pete. Ça prend des plombes à faire !

- Il faut être patient, répondit Arthur tout en commençant à écraser différents ingrédients pour en faire une fine poudre. Aujourd’hui, je sens que c’est mon jour. Je vais réaliser une potion parfaite du premier coup et Rogue arrêtera de bizuter les Poufsouffle.

- Ouais, c’était abusé d’enlever des points à Zacharias pour tenue incorrecte !

- Après, si ce gars savait se coiffer aussi, rétorqua Arthur les sourcils froncés. Qui porte encore le mulet de nos jours ?

- Ce n’est quand même pas Rogue qui peut faire des reproches en matière de coiffure !

Le Professeur Rogue avait en effet des cheveux noirs longs et gras, quasiment huileux, qui lui collaient au visage et lui donnaient un aspect extrêmement négligé.

Ils poursuivirent leur préparation en silence. Cinquante et une minutes plus tard, Arthur éteignit le feu sous son chaudron et saisit une pincée du mortier qu’il avait préparé.

- Le moment de vérité ! déclara Arthur en saupoudrant son chaudron.

- Professeur, appela soudain Mandy, ma potion a une couleur or, c’est normal ?

Mandy Brocklehurst se faisait toujours remarquer. Brillante élève de Serdaigle, elle enfonçait systématiquement des portes ouvertes et tous ses propos s’apparentaient soit à du fayotage soit à des insultes, mais elle ne s’en rendait jamais compte d’elle-même. Par ses maladresses blessantes, elle était la seule élève de l’école à réussir à mettre en rogne Pete, et plus particulièrement Arthur.


- Nia-nia-nia, je suis Mandy, toutes mes potions sont parfaites sauf que je ne sais pas la boucler, grommela Arthur en imitant une voix de filles tout en touillant sa potion. Quelle casse-pieds… Oh… Non ! NON !

- Qu’est-ce qu’il y a ? s’empressa Pete.

- J’ai remué ma potion dans le sens horaire… ! La recette dit anti-horaire ! Non, non, non !

Sa potion prit d’abord une couleur dorée semblable à celle de Mandy, mais un rais lumineux jaillit du chaudron, l’aveuglant au passage, puis s’assombrit en un vert marécageux. L’odeur qui s’en échappa devint rapidement insupportable, et tous s’éloignèrent d’un pas du plan de travail où trônait le chaudron nauséabond, à l’exception d’Arthur. La tête basse, ses deux poings serrés en appui sur la table, celui-ci tentait de masquer sous ses cheveux un rictus de colère et de réprimer l’ensemble des jurons qui lui venaient à l’esprit. Attendant l’assaut final, il savait déjà parfaitement l’humiliation qu’allait lui infliger le directeur de la maison Serpentard, qui connaissait depuis quelques temps déjà les ambitions de son élève vis-à-vis de sa matière.

En quelques secondes, les plis de la robe du professeur s’étaient glissés jusqu’à lui. D’un vif mouvement de baguette, le maître des potions avait redonné à la concoction une odeur et une apparence soutenables. Rogue serpenta ensuite autour de la table jusqu’à lui faire face, et le seul son de sa bouche s’étirant dans un sourire fit grincer des dents le jeune élève qui n’osait plus lever les yeux.

- Quel dommage, siffla-t-il, qu’une potion aussi épouvantable que la vôtre n’apporte même pas la satisfaction de l’oublier en la buvant.

Les yeux fixés sur les jointures de ses mains, Arthur garda le silence.

- Saisissez-vous l’ironie de la situation ? insista le professeur dans une articulation mielleuse.

- Bah je suis pas Socrate, répondit Arthur qui regardait maintenant Rogue droit dans les yeux, mais je suppose que votre remarque a un vague rapport avec le fait qu’il devait s’agir d’une potion d’amnésie ?

- C’est exact, répondit Rogue.

Arthur soutenait à présent son regard avec fureur.

- Dix points seront retirés à Poufsouffle pour votre insolence et votre ton. Vous apprendrez ainsi, Monsieur Clay, qu’arrogance n’est pas mère de succès, n’en déplaise à ce que vous pouvez lire dans les tabloïdes people que vous dévorez chaque matin tout en mangeant vos céréales.

Il termina sa phrase et la cloche sonna pour marquer la fin du cours, ajoutant une emphase dramatique à la situation qui nouait l’estomac des autres Poufsouffle et provoquait quelques rires étouffés parmi les Serdaigle. Pete était prêt à jurer que cette synchronisation avait été méthodiquement calculée.


La cloche n’avait pas fini de sonner qu’Arthur franchissait le seuil de la salle de classe. C’était la première fois qu’il partait sans prévenir Pete et celui-ci dû redoubler de vitesse pour ranger ses affaires et le rattraper. Ne l’apercevant pas dans la Grande Salle où ils devaient déjeuner, il retourna dans le couloir des Poufsouffle et trouva Arthur qui jetait violemment ses affaires dans une valise.

Quand il croisa le regard accusateur de Pete, il s’interrompit et déclara sèchement :

- Ne fais pas l’étonné. Fiche-moi la paix.

- Tu es vraiment sérieux, là ?

- Ecoute. J’ai pris cinq kilos en mangeant la bouffe volée des cuisines, mon professeur préféré est un potentiel tueur de petits garçons, et, pour finir, mon père m’a annoncé ce matin par hibou que Freddie Mercury était mort la semaine dernière. Je sais qu’il a besoin de moi près de lui. Le monde sorcier n’a rien à m’apporter, et pendant que je suis là le monde moldu s’écroule. Ma décision est prise.

- Freddie est… ?!

Pete ferma les yeux, repoussa quelque chose d'invisible vers le bas avec les paumes de ses mains et expira lentement pour dissiper cette nouvelle brutale. Puis il reprit d’une voix calme mais sévère :

- Je ne crois pas que tu aurais pu faire quoi que ce soit pour sauver le chanteur de Queen, et je suis sûre que ton père s’en remettra. Si tu pars maintenant, c’est par pur caprice !

- Ne parle pas de mon père !

Il lui jeta un regard furieux et sortit du dortoir. Les sourcils froncés, Pete le suivit dans la salle commune tout en l’interpellant :

- Tu vas t’en aller juste parce que tu t’es pris une tuile à ton cours préféré ?

- Une tuile de la part d’un prof qui a sans doute essayé d’assassiner un autre élè…!

- Bon ! Les garçons ! Ca suffit maintenant !

La voix qui s’était élevée avec véhémence appartenait à Susan Bones.

- Qu’est-ce qui se passe ? reprit-elle sèchement. Ah, non ! Ne me dites pas « rien » ! Tout le monde vous entend vous disputer depuis deux semaines, alors que vous ne vous quittez jamais ! C’est à cause de ce qui s’est passé avec Rogue, Arthur ? ajouta-t-elle avec plus de douceur.

- Non, non, c’est pas Rogue, grommela Arthur, même si ça n’a pas aidé. Et Pete et moi ne sommes pas fâchés. On n’est juste pas d’accord sur… quelque chose.

- Arthur n’est… hum… hésita Pete, Arthur ne se sent pas toujours très à l’aise dans ce château. Il dit qu’il serait peut-être préférable de… de…

- De m’en aller, conclut Arthur fermement.

A ces mots, Susan ne put masquer sa surprise.

- T’en aller ? répéta-t-elle d’un air interdit. Mais pourquoi ? Pourquoi tu n’es pas à l’aise ?

- Je ne suis pas mal à l’aise, répondit Arthur entre ses dents. Je ne me sens pas en sécurité. Je n’aime pas cette histoire de deuxième étage, et de trolls, et de…

Par égard pour Susan, il préféra taire la mention de Quirrell et de Rogue tentant d’ensorceler le balai de Harry Potter, mais il ne put cacher son inquiétude.

- Arthur, répondit Susan d’une voix à présent très douce, il n’y a aucune inquiétude à avoir, ici. Notre Directeur est Albus Dumbledore ! Vous ne devez pas connaître sa réputation parce que vos parents sont des moldus, mais c’est un des sorciers les plus puissants de notre époque, sinon le plus puissant !

Ils se mirent à l’écouter avec intérêt. Ils avaient en effet lu des choses à son sujet dans quelques livres, mais n’avaient pas saisis l’ampleur du personnage.

- S’il y a bien une personne auprès de laquelle tu peux te sentir en sécurité, c’est lui !

- Dumbledore… articula Pete. Susan, est-ce que tu crois qu’on pourrait lui parler ?

- A Dumbledore ? s’étonna-t-elle.

- Oui !

- Heu… Oui, je suppose. Après tout, c’est le directeur, je pense qu’il peut se rendre disponible pour ses élèves ; mais il doit être extrêmement occupé. Vous devriez en parler au Professeur McGonagall, d’abord.

A ce nom, les mots « minou-minou » résonnèrent comme un hymne funèbre aux oreilles d’Arthur et Pete dont les teints avaient viré au rouge tomate.

- Il n’y a pas… une autre directrice adjointe, par hasard ? interrogea Arthur.

- Non, aucune.


Réconfortés par le discours de Susan et rassurés par la perspective d’obtenir des réponses à leurs interrogations, Arthur et Pete cessèrent de se disputer. Ils avaient convenu de demander un entretien avec le Professeur Dumbledore par l’intermédiaire du Professeur McGonagall, et de lui poser toutes leurs questions sur Rogue, Quirrell ainsi que sur le deuxième étage.

Malheureusement, le Professeur McGonagall ne se montra pas d’une collaboration aussi bienveillante que Susan l’avait laissé espérer. Sèche et directive, elle avait rejeté leur requête avant même qu’Arthur n’ait pu finir sa phrase. Agacé par sa surdité, celui-ci avait fini par s’écrier avec colère :

- Je pense que si vous détenez un monstre sanglant au deuxième étage de mon école, et que je cours un risque mortel à chaque crise de somnambulisme, j’ai tout de même le droit à un minimum d’informations !

Bien sûr, la sorcière lui avait immédiatement retiré des points pour son insolence. Arthur fulminait tant contre elle qu’il n’évoqua ni le troll, ni ce qu’ils avaient vu lors du match de Quidditch. A partir de ce jour, il ne supporta plus la vue de McGonagall et prit les cours de métamorphose en horreur. Sa volonté de quitter l’école croissait de jour en jour et Pete dut redoubler d’efforts pour le convaincre d’attendre encore un peu.

- Arthur, laisse une dernière chance à cette école ! supplia-t-il. On arrivera à parler à Dumbledore, je te le promets ! Et si lui aussi refuse de nous écouter et qu’il nous laisse sans réponse comme cette harpie de Gryffondor, alors on s’en ira !

Arthur lui jeta un regard étonné :

- Rien ne t’oblige à me suivre, tu sais. Si tu veux rester à Poudlard, tu peux.

- Je sais, rétorqua Pete d’un ton irrité. Mais figure-toi que moi non plus, je ne raffole pas de courir un danger mortel !

- Bon. Mais comment tu comptes nous faire rencontrer Dumbledore, au juste ?

Avec un subtil camouflage, articula Pete.


- J’avoue que je ne m’attendais pas à ça, commenta Arthur.

Droits comme des « i », postés de part et d’autre d’une affreuse gargouille en pierre qui gardait l’accès au bureau du Directeur de l’école, Arthur et Pete attendaient l’arrivée de Dumbledore, affublés d’armures en carton et en papier mâchée telles que celle qu’Arthur s’était fabriquée pour Halloween. Cette fois, ils s’étaient procurés de véritables épées en bois et des fourreaux en plastique, ce qui rajoutait une touche de crédibilité à leur tenue.


- Tu es sûr qu’on ne va pas se faire virer, si on nous trouve ? chuchota Arthur.

- Qu’est-ce que ça change ? répondit Pete, sèchement. Tu voulais partir, non ?

Arthur ne répondit pas.


Immobiles et silencieux, ils attendirent patiemment dans le corridor. Ils guettaient l’arrivée ou la sortie d’un adulte, espérant croiser Dumbledore ou entendre l’un de ses collègues prononcer le mot de passe qui permettait d’accéder à son bureau, ce qui leur aurait permis d’entrer à leur tour. Mais une heure s’était déjà largement écoulée, et, hormis quelques élèves qui traversaient rapidement le couloir sans les voir, personne ne se montra.

- Pete ! appela Arthur de l’autre côté de la gargouille, je commence à avoir une crampe. On ne va pas passer la nuit ici, quand même ?

- J’ai un excellent canapé, si c’est votre projet, répondit une voix derrière lui.

- HA !


Arthur sursauta dans un cliquetis d’armure en carton. Derrière des lunettes en demi-lunes, le regard rieur du Directeur de Poudlard les fixait avec amusement.

Les deux Poufsouffle ne l’avaient jamais vu d’aussi près. Il devait mesurer près d’un mètre quatre-vingt-dix et avait une imposante stature malgré sa minceur. Ses cheveux et sa barbe tombaient jusqu’à sa ceinture dans une longue cascade capillaire. Malgré ses rides et sa chevelure argentée, il ne donnait pas l’impression d’un vieillard, et ses yeux bleus qui brillaient comme un ciel d’été méditerranéen trahissaient plutôt l’esprit d’un jeune adolescent vif et espiègle.

Subjugués par cette apparition, Arthur et Pete s’étaient approchés de lui mais n’osaient plus dire un mot.

- Et bien, mes amis, si nous allions boire un bon thé chaud ?


Quelques instants plus tard, sans comprendre ce qui leur arrivait, les deux garçons se retrouvaient dans le bureau du Professeur Dumbledore. Assis sur un canapé moelleux, un délicieux thé fumant entre les mains, ils ignoraient parfaitement s’ils seraient renvoyés avec le prochain train, ou si au contraire leur photo serait affichée à la page des lèche-bottes les moins populaires dans la prochaine édition de l’Histoire de Poudlard.

- Si votre thé n’est pas assez chaud, Fumseck se fera un plaisir de vous les réchauffer ! lança joyeusement Dumbledore qui rangeait alors des fioles dans un placard.

Pete ne comprit pas immédiatement l’allusion. Il tourna la tête et fut frappé de stupeur. Au beau milieu du bureau, trônant sur son perchoir, un majestueux oiseaux au plumage rouge et or les regardait avec le même amusement que son maître. Ses longues ailes et son bec aiguisé lui donnaient l’allure d’un rapace, mais ses yeux étaient très doux.

- Wouuuooooh ! s’exclamèrent les deux garçons en s’approchant du volatile.

- Il est trop beau !

- C’est quoi comme oiseau ?

- Vous l’avez eu comment ?

- On peut le caresser ?

- Ce Phénix est un oiseau particulièrement sociable, répondit simplement Dumbledore, mais je crains qu’il ne soit légèrement chatouilleux. Et s’il vous éternuait dessus, vous risqueriez d’y perdre un ou deux sourcils.

Les garçons éclatèrent de rire à cette remarque et revinrent s’asseoir face à lui.

- Mais je suppose que ce n’est pas pour admirer mon animal de compagnie que vous avez monté la garde en armure toute la soirée devant mon bureau ; je me trompe ? reprit Dumbledore.

Il avait une voix douce et un ton extrêmement bienveillant. A aucun moment il n’avait mentionné de punition et semblait prêt à les écouter. Jamais Pete n’avait connu pareille cordialité de la part d’une personne aussi haut placée.

Pourtant, Arthur avait retrouvé son air grave et lui expliqua la situation avec beaucoup de fraîcheur dans la voix.

- Professeur Dumbledore, expliqua Arthur, je voulais absolument vous parler parce que je me pose beaucoup de questions sur Poudlard. Je viens vous voir car je me demande si je ne dois pas quitter cette école.

- Vous voulez déjà nous quitter, Monsieur Clay, alors que vous n’avez pas encore goutté à votre premier pudding de Noël !

- Non, monsieur, répondit-il en tentant de masquer l’amusement que Dumbledore provoquait chez lui. Avec Pete, nous avons été témoins de scènes très étranges, ici, et… Et nous aimerions savoir ce qui se cache au deuxième étage. Nous sommes tombés par erreur sur une espèce de monstre à trois têtes…

- Par accident, ajouta précipitamment Pete. C’était complètement involontaire.

- C’est vrai ! insista Arthur. Quoiqu’il en soit, nous sommes tombés sur cet espèce de chien, et puis nous savons qu’une élève de Gryffondor s’est faite attaquer par un troll… Bref. Moi, je souhaite savoir si je suis en sécurité ici.

- De mon côté, compléta Pete, je ne suis pas rassuré parce que je pense que ce chien est là pour garder un prisonnier, et je pense même que ce prisonnier n’est autre que Voldemort !

- Chut ! Pete ! s’écria Arthur avec une soudaine inquiétude dans les yeux.

La dernière fois qu’ils avaient prononcé le nom de Voldemort, ils s’étaient retrouvés dans le bureau de McGonagall et s’étaient pris le savon de leur vie. Mais à leur grande surprise, Dumbledore ne s’offusqua pas le moins du monde de cette appellation.

- Vous avez tout à fait raison de nommer correctement les choses, Monsieur Doe, répondit Dumbledore. Je suis toutefois étonné que votre imagination vous ait transporté jusqu’à un scénario aussi terrifiant. Alors, laissez-moi vous rassurer tout de suite. Je peux vous assurer que le Seigneur des Ténèbres, si tant est que celui-ci soit toujours en vie, n’est pas gardé prisonnier dans ce château. Vous avez ma parole. Et je vous promets également que tant que vous resterez loin de l’aile est du deuxième étage, vous ne courrez absolument aucun danger. Le chien que vous avez rencontré, qui peut se montrer extrêmement affectueux par ailleurs, n’est pas ici pour empêcher quelqu’un de sortir, mais plutôt pour éviter à d’autres personnes de rentrer.

- Professeur, répondit Arthur, vous dites que nous ne courons aucun danger, mais vous devez être au courant de ce qui est arrivé à Harry Potter lors du match de Quidditch. Il aurait pu mourir !

Dumbledore le fixa de ses yeux bleus avec beaucoup d’attention et lui répondit :

- Vous avez raison. Des événements inattendus peuvent se produire. Mais nos professeurs sont là pour veiller sur vous, et comme vous le constatez, Mr. Potter est toujours présent parmi nous et en excellente forme.

Tous les professeurs… ? interrogea Arthur dans un quasi-murmure, tant il hésitait à poser cette question insolente.

- J’ai une confiance absolue dans la totalité de mon corps enseignant, Mr. Clay, lui répondit Dumbledore. Ce sont ces mêmes professeurs qui ont participé à la protection organisée au deuxième étage. Ils m’ont tous été d’une aide précieuse. Je sais que le Professeur Rogue peut se montrer enclin à ôter des points à ses élèves, mais jamais il ne mettrait la vie de l’un d’entre vous en danger.

- Terry Boot ne serait pas de votre avis ! répliqua Pete.

- La vie biologique, précisa Dumbledore. Pas la vie sociale.

Un silence suivit cette remarque et Arthur fixa le tapis à ses pieds tout en réfléchissant. Le thé chaud entre ses doigts et le regard du phénix sur son front lui redonnaient du courage, mais le contre-coup de sa colère se traduisit en une brusque fatigue.

Au bout de quelques instants, Dumbledore se leva et déplia le journal qui était posé sur son bureau. Pete fit signe à Arthur qu’il était temps pour eux de s’en aller. Ils finirent leur thé d’une traite et se levèrent.

Voyant leur mouvement, le Professeur Dumbledore replia rapidement sa gazette et leur dit :

- Monsieur Clay, je n’ai jamais forcé aucun élève à rester au sein de mon école. Mais nous serions extrêmement navrés de vous voir nous quitter si tôt. De plus, sachez que le monde extérieur est souvent rempli de dangers bien plus mortels, et souvent bien plus sournois qu’un chien à trois têtes, et qu’on ne peut pas toujours fuir ces dangers. On peut apprendre à les discerner, et même à les combattre, cependant. C’est ce que cette école cherche à faire.

- Je ne cherche pas à fuir, murmura Arthur en rougissant. Mais j’ai vraiment cru que des professeurs essayaient de s’en prendre à Harry durant ce match.

- Je pense plutôt que ce que vous avez vu, répondit Dumbledore, ce sont des professeurs venant en aide à Monsieur Potter pour lui éviter de tomber de son balai. Et je suis touché de votre sollicitude pour votre camarade. Mais tous les trois ne craignez rien, ici. Toutefois, si vous aviez d’autres soupçons, ou si vous aviez à nouveau l’impression que l’un de vos professeurs vous voulait du mal, vous pourriez revenir me voir sans la moindre hésitation. Après tout, personne n’est infaillible.

Ses tempes se ridèrent en un sourire et quelque chose dans son regard apaisa Arthur. Encouragé par cette dernière remarque, celui-ci répondit :

- Je suis d’accord avec ce que vous avez dit. Je ne pense pas quitter l’école, finalement, Monsieur.

- Je suis ravi de l’apprendre, lança Dumbledore d’un ton enjoué.

- Vous dites que personne n’est infaillible, mais vous n’avez pas l’air du genre à vous faire avoir facilement ! Je pense que tant que vous serez là, personne ne risquera jamais rien !

Dumbledore sourit sans répondre.

- Est-ce que vous avez déjà combattu un dragon ? reprit alors Arthur qui avait retrouvé toute sa bonne humeur.

- N’avez-vous pas peur de rater l’heure du dîner, tous les deux ? demanda Dumbledore avec un sourire.

Pete saisit le bras d’Arthur qui ne voulait pas bouger et le tira vers la sortie du bureau. Se tournant vers Dumbledore, il conclut :

- Merci de nous avoir reçus, Monsieur. Nous ne vous dérangerons plus, c’est promis.

- Vous ne m’avez pas dérangé, répondit Dumbledore. Et Fumseck aime bien les nouvelles rencontres.

- En tout cas, reprit Arthur que Pete essayait toujours de pousser vers la sortie, quoique vous gardiez au deuxième étage, ça doit être précieux pour qu’il y ait un chien à trois têtes devant !

- C’est plutôt précieux, en effet.

- Vous savez, je m’y connais un peu en sécurité. Avec mon père, on est venu en aide à ma tante Gigi pour renforcer la sécurité de sa maison, après son cambriolage. La pauvre avait mis tous ses bijoux précieux dans un coffre-fort électronique. Il suffisait juste de connaître le code pour pouvoir tout récupérer ! En même temps, pour garder quelque chose, mieux vaut utiliser un système qui reste simplement fermé, et pas quelque chose qui peut s’ouvrir avec la bonne technique, n’est-ce pas ?

L’expression de Dumbledore sembla alors se figer quelque part dans le vide, comme s’il venait tout à coup de se rappeler quelque chose de crucial.

- Mais oui, Arthur, le coupa Pete, je suis sûr que le Professeur Dumbledore a grandement besoin de toi pour faire garder ses colliers de perle. Allez viens, on va dîner. Merci, Professeur, à bientôt.

- Au revoir, les enfants, et bon appétit !

- Au revoir Fumseck, lancèrent les deux garçons.

Fumseck plongea alors dans une profonde révérence, dans un mouvement qui semblait maintenant si familier à Pete que celui-ci ne remarqua pas l’expression de surprise qu’affichait tout à coup Dumbledore.


Pete referma la porte et sentit un poids s’envoler de ses épaules. L’entretien s’était mieux déroulé qu’il ne l'avait imaginé. Il s’apprêtait à parler quand Arthur et lui eurent un même mouvement de surprise. A l’intérieur de son bureau, ils entendirent la voix de Dumbledore qui semblait être en pleine conversation avec quelqu’un.

- Mais avec qui est-ce qu’il parle ? demanda Arthur en collant son oreille contre la porte.

- Je n’ai pas vu de téléphone, dans son bureau ! ajouta Pete en collant l’oreille à son tour.

- Est-ce qu’il parle à Fumseck ?

- Non, j’entends quelqu’un lui répondre !

- Bon sang, je sais ! s’écria Arthur. Les tableaux ! Il doit parler avec les personnes qui sont dans les tableaux de son bureau ! Je les ai déjà entendus s’exprimer, dans les couloirs, mais je ne savais pas qu’ils pouvaient avoir des choses intéressantes à dire !

- Ah oui, ça doit être ça, conclut Pete en se redressant.

- Attends, j’essaye de comprendre ce qu’il dit !

- Mais t’as pas honte d’écouter aux portes comme ça, le gronda Pete.

Mais quelques instants plus tard, il ajouta :

- Alors, qu’est-ce qu’il dit ?

- « Pouvez-vous me rappeler où nous avons rangé le miroir ? » retranscrivit Arthur, l’oreille toujours collée à la porte. J’entends pas bien la réponse du tableau. « Nia-nia désaffectée… nia-nia bibliothèque…». Bon, bref, ils parlent chiffons. Viens, on va dîner.

Ils redescendirent l’escalier en colimaçon qui rejoignait le couloir, et Pete lança :

- Au fait, c’était pas trop classe quand il l’a appelé « Le Seigneur des Ténèbres » ?

- C’est ce qui m’a convaincu de rester, répondit Arthur. Notre dirlo est super fort en magie et en surnoms. Imagine tout ce qu’on va pouvoir apprendre de cet homme !


Et durant tout le repas du soir, ils transformèrent les aliments de leur table en un champ de bataille où Dumbledore affrontait seul quatre trolls monstrueux et un chien à onze têtes – et le directeur les réduisit tous en charpie en seulement deux coups de baguette magique.

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