Blaireaux : sorciers de l'ombre

Chapitre 17 : Les sorciers de l’ombre

5628 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 01/11/2021 16:17

Si le souvenir de s’être battus physiquement avec un criminel, qui n’était pas seulement un de leurs professeurs mais aussi l’un des serviteurs du mage noir le plus puissant de leur ère, lui-même étant présumé mort depuis une décennie, qui de surcroît avait fait irruption dans leur scolarité en essayant de tuer trois élèves encore mineurs, allait longtemps rester gravé dans la mémoire de Pete et d’Arthur, ces derniers convinrent plus tard que le traumatisme avait totalement valu le coup, pour la seule satisfaction d’avoir pu faire le trajet en sens inverse aux côtés de leur directeur.

Celui-ci n’eut qu’à lever sa baguette pour effacer le désordre de la pièce dévastée et faire disparaître ce qui restait du corps de Quirrell. Ayant à peine quitté les lieux, les barrières ardentes de la salle aux potions s’affaissèrent à ses pieds comme par obéissance tandis que des bandages blancs jaillissaient de sa main pour aller panser les plaies du troll qui grognait de douleur une salle plus loin. Arrivé près de l’échiquier géant, précédé des deux Poufsouffle et du brancard où Harry reposait toujours, il fit s’évanouir toutes les pièces d’échec dans les airs. En une seconde, l’immense pièce au dallage noir et blanc se retrouva entièrement vide et baignée d’une lugubre obscurité. Pour éclairer leur passage, les garçons murmurèrent « Lumos », presque honteux d’avoir à utiliser des mots pour réussir leur sortilège devant celui qui semblait maîtriser les éléments par la pensée.

Au moment d’ouvrir la dernière porte, ils protégèrent instinctivement leur tête avec leurs bras pour éviter l’attaque des clés volantes. Mais la porte eut à peine le temps de grincer que les clés qui s’étaient élancées sur eux se volatilisèrent sans un seul bruit. Il ne restait plus que les balais.

- Si vous voulez bien remonter par vos propres moyens, lança Dumbledore d’une voix soudainement joyeuse, j’ai déjà fait prévenir Hagrid que Touffu, son admirable chien de garde, méritait une bonne promenade dans la forêt interdite pour le bon service qu’il nous a rendu.

- Quel bon service ? grommela Arthur tandis que Pete lui mettait des coups de coude pour le faire taire. Il a laissé passer la moitié de l’école et un criminel de guerre !

- Préférez-vous que nous gardions ce chien captif et enchaîné ? interrogea Dumbledore, un regard ironique derrière ses verres en demi-lune.

- Ah ! Parce que la cruauté animale de cette école, ça va être de ma faute en plus ! s’offusqua Arthur.

- Comment allez-vous remonter sans balai, professeur ? coupa Pete.

- Oh, j’ai plus d’un tour dans mon sac, lança le directeur. Allez-y, remontez ! Je serai sur vos talons.

Ils s’exécutèrent sans plus attendre et, en effet, quand ils rejaillirent du puits sous la trappe et qu’ils reposèrent pied-à-terre dans la salle désertée du cerbère, leur protecteur fit irruption derrière eux avec Harry, toujours allongé sur son brancard, avant qu’ils n’aient pu battre des cils. Ils se demandèrent encore longtemps par quel mode de transport il avait bien pu effectuer une telle prouesse, mais ils savaient tous les deux que certaines choses étaient encore trop magiques pour faire sens à leurs yeux. C’est pourquoi ils ne lui demandèrent rien et se rendirent à son bureau en attendant qu’il revienne de l’infirmerie où il transportait le Gryffondor.

C’était la troisième fois qu’ils se retrouvaient dans cette pièce circulaire au bureau majestueux et aux bibelots enfantins. Il leur sembla que ceux-ci étaient encore différents de ceux qu’ils étaient venus épier sous le châle d’invisibilité lors de leur dernier passage.

- Argh ! Lâche-moi Fumseck ! s’écria Pete en secouant ses cheveux à deux mains.

- Qu’est-ce qu’il te veut, celui-là ? s’étonna Arthur.

A peine le seuil du bureau franchi, l’oiseau s’était jeté sur Pete et tentait à présent de lui asséner des coups de griffes inoffensifs mais emprunts de colère.

- Avant, il te saluait comme sa propre mère et maintenant il te refait le brushing ! constata Arthur.

- MAIS LÂCHE-MOI ! cria Pete en le repoussant plus vivement.

Le phénix finit par retourner à son perchoir tout en continuant de lui jeter des coups d’œil furieux.

Ce ne fut qu’une fois le calme revenu que les deux garçons se rendirent compte qu’ils étaient seuls et qu’ils allaient devoir reparler de ces événements incroyables et terribles. Mais pour la première fois depuis leur rencontre, l’un et l’autre n’osèrent rien se dire. Et pour la première fois, Arthur, que ni la foudre ni les trolls dans les cachots n’avaient jamais retenus d’un bon mot, ne trouva rien à déclarer. Un silence lourd s’abattit sur eux, et ils préférèrent détourner le regard en faisant mine de contempler les alentours. 

Ce ne fut que lorsqu’il se rappela que, dans sa main, la petite pierre pourpre brillait toujours d’un éclat indéfinissable, que Pete brisa le silence. « Tout ça pour ça. » murmura-t-il.

Arthur eut un mouvement de surprise :

- Ah ! Mais… Tu l’as toujours ?

- Ben oui, j’allais pas la laisser au sous-sol. 

- Je vais t’avouer une chose, confessa Arthur. A la minute où on est sortis de la pièce, j’ai complètement oublié ce qui venait de se passer. J’ai pas du tout fait exprès, mais mon cerveau a littéralement changé de sujet. Pendant qu’on ressortait, je me suis mis à penser à des vieux trucs. Ma sœur en train de chanter ; mon père qui nettoie la voiture ; un garçon de ma classe qui m’échangeait des pogs contre des billes parfois… Le black-out total. Y a qu’en arrivant ici qu’une chose m’est revenue : le moment où tu t’es mis à déblatérer dans une langue super angoissante où je comprenais plus rien. Non, non, me coupe pas. J’ai besoin de parler, mais pas comme d’habitude. Oui, cette année a été pour le moins surprenante, pleine de difficultés… et de moments hyper sympas en même temps ; pleine de grandes joies, de petites déceptions, de trouille et puis de grande quiétude… Mais quand toi, tu t’es mis à parler un langage qui ne me disait rien du tout… Je sais pas… J’ai ressenti un vide que j’avais jamais ressenti avant. Je préférais encore les moments de terreur. Est-ce que c’est ça, Pete ? C’est ça le fameux « Tu comprendras quand tu seras plus grand ? » ? Encore qu’on ne m’ait jamais vraiment dit ça, enfin pas mot pour mot, mais… Est-ce que ce moment où on finit par comprendre pourquoi les guerres existent et les familles éclatent, c’est celui où on se rend compte qu’on ne comprend plus les autres ? Qu’on ne les a peut-être jamais réellement compris ? Ce moment où, on a beau écouter, on reste complètement sourd, incapable de comprendre et incapable de se mettre à la place de l’autre parce qu’on ne sait pas ce qu’il fait, ni pourquoi, ni comment ? Je crois que oui, parce que je m’étais jamais senti aussi… Vide… Et désœuvré. Pas triste, hein. Mais juste ailleurs. Loin. Trop loin de la réalité.

Il marqua une pause, le regard absent. Quand Pete fut certain qu’il n’allait plus rien ajouter, il lui répondit : 

- Mon vieux, t’es plus déprimant qu’une pièce de Shakespeare, quand tu t’y mets !

Arthur éclata alors de rire et son visage se ralluma tout d’un coup.

- Mais qu’est-ce que tu me racontes ? poursuivit Pete qui avait aussi retrouvé le sourire. J’ai rien compris ! Tu me parles comme un Dumbledore… Regarde, t’as déjà de la barbe qui a poussé !

Arthur riait toujours mais ne répliquait rien. Pete finit par ajouter plus sérieusement :

- Je suis vraiment désolé si je t’ai fait peur, tout à l’heure. En fait, je t’avoue que j’ai moi-même très peur, parce que je n’ai aucune idée de ce qui m’est arrivé et qui m’arrive sûrement encore. Mais je ne t’ai rien caché. Tu es mon ami et la seule chose que je sais, c’est que même dans ma… Transe, si on peut appeler ça comme ça, je n’étais pas prêt à te lâcher !

- Tu as une idée de comment fonctionne cette pierre ? demanda soudainement Arthur.

- Non, aucune. Si t’as un petit écrou sous la main, on peut essayer de le changer en or.

Ils restèrent immobiles une seconde le temps de réaliser ce que venait de proposer Pete puis se mirent à fouiller frénétiquement leurs poches et les alentours.

- La clé de mon cadenas ! s’écria Arthur en ressortant une petite clé rouillée du fond de sa poche. Vas-y, essaye de la changer en or, vite !

Ils tentèrent désespérément de faire fonctionner la pierre mais la voix chantante du propriétaire des lieux vint les rappeler à l’ordre :

- Messieurs, voilà une soirée que nous ne sommes pas près d’oublier !

Arthur cacha précipitamment la clé derrière son dos tandis que Pete affectait un air détaché, la pierre toujours serrée dans son poing.

- Puis-je récupérer ceci, M. Doe ? demanda Dumbledore d’un ton enjoué.

- Bien… Bien sûr Monsieur, balbutia le jeune homme.

Il lâcha la petite pierre rouge dans la paume du Directeur et la suivit des yeux jusqu’à ce qu’il l’ait rangée hors de sa vue.

- Messieurs, la discussion qui s’annonce va être un peu étrange. D’un côté, je devrais vous dire que votre attitude désinvolte et vos actes de rébellion étaient extrêmement dangereux et répréhensibles… Mais en même temps je vous dois une fière chandelle. Sans votre acte de folie, qui requérait un extrême courage, il faut l’admettre, les Gryffondor auraient peut-être perdu un camarade ce soir. Si le mot n’est pas trop juste à votre goût, il semble donc qu’un « merci » soit de meilleure mise.

- Merci de quoi ? demandèrent Pete et Arthur d’une même voix.

- D’être arrivés en bas avant moi ! Monsieur Potter et ses amis ont voulu protéger l’école avec beaucoup de bravoure, mais ils se sont élancés un peu tôt. Si vous n’aviez pas été là les premiers, je ne sais pas si je serais arrivé à temps pour protéger Harry.

- On n’était pas censés être là non plus, marmonna Pete en détournant les yeux. Vous n’allez pas nous sanctionner ?

- Je pourrais, mais vous êtes libres. Votre sanction a été de découvrir le prix de la curiosité. Or c’était à moi de m’assurer que ce prix n’était pas trop élevé pour votre âge. C’est donc plutôt moi que l’on devrait punir dans cette histoire !

Il avait beau se blâmer, Pete ne lui trouvait pas un air d’affliction particulièrement sincère. Il semblait même plutôt amusé de la situation.

- Professeur, pouvez-vous nous expliquer toute cette histoire ? demanda timidement Pete. Qu’est-ce que Harry, Ron et Hermione faisaient au sous-sol aujourd’hui ?

- Et puis surtout, qu’est-ce qui a pris à Quirrell ? rajouta Arthur. Vous embauchez souvent des dingos comme ça pour enseigner à vos élèves ?

- Je comprends vos interrogations, répondit calmement Dumbledore, et vais tenter d’y répondre avec clarté. Toutefois, je ne vous garantis pas que toutes ces réponses vous plairont. Je l’ai découvert en même temps que vous ce soir, le professeur Quirrell était en réalité au service d’un sorcier au service de la magie noire que vous connaissez déjà, et qui s’est surnommé lui-même Lord Voldemort du temps de son règne de terreur. Il y a onze ans, en essayant de tuer le très jeune Harry Potter, son attaque s’est retournée contre lui et il a disparu du monde magique sans que l’on sache exactement ce qui lui était arrivé. Aujourd’hui, il semble évident qu’il n’était effectivement pas mort. Et je crains que malgré votre vaillance de ce soir et la défaite de Quirrell…

- Vous voulez dire sa désatomisation et son décès traumatisant ? précisa Arthur.

- …le Seigneur des Ténèbres soit toujours parmi nous, et qu’il tentera probablement de revenir au pouvoir un jour ou l’autre, acheva Dumbledore. La Pierre Philosophale qui donne l’immortalité à son propriétaire aurait en tout cas bien accéléré ses plans et votre intervention a été salutaire.

- On a contre-carré les plans d’un chef mafieux criminel qui veut à tout prix retrouver le pouvoir, conclut Arthur. Je vais encore hyper bien dormir ce soir.

- N’ayez crainte, le réconforta Dumbledore, il est très affaibli. La justice magique aura le temps de se préparer à une prochaine attaque.

- Mais que faisait Harry avec la Pierre ? interrogea Pete.

- Il l’a récupérée par le biais du miroir du Rised, expliqua Dumbledore. Je voulais qu’elle ne soit remise qu’à quelqu’un qui ne souhaitât pas s’en servir, c’est pourquoi le miroir la lui a confiée.

- Il était venu récupérer la Pierre pour vous ? fit Pete en haussant les sourcils.

- Non, il est venu de son propre chef. Je pense qu’il a senti que quelque chose se produirait ce soir, et il a eu raison. Sachez que sa rencontre avec Voldemort dès son plus jeune âge a laissé une trace profonde en lui. Faites toujours confiance à l’instinct de Harry Potter à ce sujet. A présent, si vous m’expliquiez à votre tour comment vous vous êtes retrouvés au sous-sol à point nommé, ce soir ?

En quelque mots, les deux garçons lui racontèrent leur propre histoire. Comment ils avaient d’abord vu le chien par hasard, puis leurs doutes à propos de Quirrell suivie de leur angoisse concernant les potions de feu vides, et enfin, le hasard des calendriers.

- Vous avez pris une succession de décisions extrêmement dangereuses, constata Dumbledore. Cela dit, il est sûrement préférable que vous soyez deux groupes d’élèves dissidents ; vous veillerez ainsi les uns sur les autres. Restez extrêmement prudents, mais faites-vous toujours confiance. Vous êtes probablement complètement fous tous les deux mais cela ne vous empêchera pas d’être brillants, bien au contraire. Nul doute que vous deviendrez tous deux de grands sorciers.

A ces mots, Pete sentit une vague de fierté lui parcourir le corps ; à côté de lui, Arthur se mit à renifler bruyamment, retenant ses larmes avec des grimaces de douleur.

- Sachez qu’à présent, poursuivit Dumbledore, toute l’école va vous considérer comme des héros au même titre que le jeune Harry. Si c’est là votre souhait, bien sûr, ajouta-t-il avec un air mystérieux.

A ces mots, leur sang se glaça et ils se regardèrent mutuellement sans savoir quoi répondre.

- Heu… hésita Arthur.

- Qu’y a-t-il ? interrogea le Directeur.

- Et bien… commença Pete.

- Non… Il ne faut pas que ça se sache, déclara Arthur qui réfléchissait en même temps. Je ne crois pas qu’il faille se venter de s’être mis cet Hitler magique à dos.

- A priori, vous seul êtes au courant, affirma Pete. Ron et Hermione ne nous ont pas vus en repartant et Harry était évanoui quand nous sommes arrivés, ou presque. A part le professeur Quirrell et vous-même, personne ne sait que nous nous sommes battus avec Voldemort. (Pour la première fois, il frémit en prononçant ce nom, puis il reprit : ) Tout ça nous est arrivé totalement par hasard. Nous nous sommes mis en danger sans le savoir. Enfin, sans savoir à quel point !

- Ouais, ce Voldemort a l’air sacrément taré ! vociféra Arthur. Pas question qu’il vienne s’en prendre à ma famille ou à nos amis.

- Ou à nous ! ajouta Pete.

- Il ne connaît pas nos noms, dit Arthur, il n’a vu qu’une partie de nos visages et en grandissant il ne pourra pas nous reconnaître aussi facilement. Il ne faut surtout pas qu’en interrogeant des personnes de l’école, il puisse se souvenir de nous et nous retrouver !

- Parce qu’on est d’accord qu’il n’est pas mort, de toute manière ? interrogea Pete d’un ton presque accusateur en regardant Dumbledore droit dans les yeux.

- Je crains que la question soit en effet plus complexe, répondit-il simplement.

- Alors, surtout, ne dites rien à personne, supplia Arthur. Ni aux élèves, ni aux professeurs, ni à nos parents… Personne. Pas de points pour Poufsouffle, pas de récompenses, et pas de bas-relief de nous racontant nos exploits avec « Aux grands élève l’école reconnaissante » en légende.

- On préfère rester dans l’ombre, quitte à donner un coup de main discret quand il y en a besoin, acheva Pete.

- Entendu, messieurs, répondit Dumbledore. Vous avez ma parole. Cette histoire ne sortira jamais de ce bureau car Fumseck est peu bavard. A présent, j’aimerais m’entretenir un moment seul à seul avec vous, Pete, si vous le permettez.

Arthur sortit sans rien ajouter, ce qui ne fut pas sans surprendre son ami.

- J’aurais besoin de comprendre ce qu’il s’est passé tout à l’heure quand vous avez protégé votre ami Arthur, alors que vous étiez tous les deux blessés.

- Je… Je ne sais pas quoi vous dire, Monsieur. Je n’ai aucune idée de ce qui m’a permis de me battre avec autant de force, ou de jeter des sorts directement depuis mes mains… Ou de voler…

- Peux-tu me parler de ton rapport aux oiseaux ? demanda Dumbledore avec douceur.

- Il n’a rien de très particulier, même si je me suis toujours bien entendu avec eux. Parfois, j’ai même l’impression que certains me saluent mais… C’est sûrement mon imagination.

- Tu as cette impression depuis peu de temps ?

- Heu… Non… D’aussi loin que je me souvienne, ça a toujours été le cas.

- Et tes parents ? Ils n’ont pas de pouvoirs magiques, il me semble. Peux-tu me parler d’eux ? Te souviens-tu d’un événement de ton enfance qui aurait pu avoir un rapport quelconque avec tes pouvoirs de sorcier ?

- Hum…

Il réfléchit quelques secondes qui lui parurent interminables, se sentant totalement idiot de ne pouvoir apporter une réponse simple à cette question.

- La seule chose pertinente qui me vienne à l’esprit c’est… Ma maladie…

- Ta maladie ?

- Oui, ou plutôt ma guérison, enfin… Voilà. Quand j’étais tout bébé, il paraît que j’avais une maladie très grave, et même incurable d’après les médecins. Ça s’appelle la maladie de Krabbe, mais je ne sais pas vraiment ce que c’est. Je crois que c’est neurologique. Ca a commencé quand j’avais six mois, à peu près, et apparemment jusqu’à mes un an j’étais en train de perdre l’usage de mon système nerveux. Je commençai même à devenir aveugle. Mais un jour, alors que nous étions chez ma grand-mère, il s’est produit un miracle. Du jour au lendemain, j’ai recouvré la vue et l’usage de mes membres : j’ai guéri en quelque jours, et je n’ai gardé aucune séquelle. Bien sûr, depuis que je suis à Poudlard, je suis convaincu que c’est la magie qui m’a sauvé, et je crois que c’est ce que pense ma mère aussi, même si on n’en a pas vraiment parlé.

Dumbledore resta silencieux quelques instants avant d’ajouter :

- Cela peut arriver, en effet, que la magie fasse muter un génome, mais… C’est tout de même assez rare, et peu documenté… Et je ne suis pas sûr que cela aurait pu agir sur une maladie aussi grave…

- En tout cas, c’est le seul événement marquant de ma vie qui pourrait avoir un lien avec mes pouvoirs étranges…

- Tu avais un an quand tu as guéri, c’est bien ça ?

- Je crois que oui, plus ou moins. Cette histoire est assez floue pour moi car mes parents n’en parlent presque jamais.

- Et où vit donc ta grand-mère ?

- Oh, un village minuscule, perdu dans le nord de l’Angleterre… Vous ne connaissez sûrement pas. Godric’s Hollow, ça s’appelle.

Dumbledore ne répondit rien mais Pete jura que ses sourcils avaient tressailli de manière très éloquente à l’évocation de ce nom.

- Je suis désolé de ne pas pouvoir vous aider plus que ça, Monsieur.

- Ça ne fait rien, Pete, répondit Dumbledore avec un sourire. Nous avons tous des pouvoirs magiques bien à nous. Les découvrir et les maîtriser fait partie du bonheur de la vie. Tout comme les vacances scolaires après les examens ! Arthur et toi devriez sortir profiter de votre temps libre, à présent !

Pete sourit. Il salua le directeur et sortit retrouver Arthur qui l’attendait l’oreille collée à la porte du bureau.

Il lui raconta ce qu’il venait d’échanger avec Dumbledore mais Arthur fut simplement étonné de n’avoir jamais rien su de sa maladie jusqu’alors.

Ils finirent par se rendre discrètement à leurs dortoirs. Il se faisait tard et ils tentèrent de ne pas attirer l’attention sur eux à leur retour. Ils dormirent d’un sommeil profond, et passèrent les jours suivants à enfin profiter de leur école en toute liberté, sans plus aucun tracas pour Quirrell, les potions ou les examens, qu’ils avaient d’ailleurs réussi haut-là-main, garantissant leur retour à Poudlard l’année prochaine. Ils apprirent également avec plaisir que tous leurs amis resteraient à l’école l’année suivante.

Le départ soudain du professeur de défense contre les forces du mal ne passa pas inaperçu : très vite, toute l’école apprit que Harry Potter, accompagné d’Hermione Granger et de Ron Weasley, s’étaient rendu au sous-sol pour tenter de protéger la Pierre philosophale que Quirrell avait tenté de dérober ; qu’ils s’étaient tous les trois vaillamment battus, et que Quirrell avait été mis hors d’état de nuire. Tout comme la quasi-totalité des élèves, Pete et Arthur se rendirent au chevet du pauvre Harry qui passa près de trois jours dans le coma. Il se remit toutefois entièrement de ses blessures et fut accueilli en héros par toute l’école à sa sortie de l’infirmerie.

Chaque fois que le sujet était évoqué, Pete et Arthur ressentait un trac terrible, craintifs que leurs propres noms ne surgissent dans les bruits de couloir, mais cela ne se produisit jamais. Harry n’avait absolument pas pris conscience de leur présence avec lui dans la salle du miroir, et Dumbledore avait tenu parole. Aucun élève ni aucun professeur ne semblait être au courant de leur duel face à l’enseignant enturbanné.


L’année scolaire se clôtura par le diner de fin d’année et la remise de la coupe des quatre maisons. Grâce aux points accumulés sur l’année, Serpentard était arrivé en tête du classement et, pour l’occasion, toute la grande salle avait été redécorée de tentures vertes, couleur de la maison vainqueur. Dumbledore profita de son discours de fin d’année pour attribuer des points de dernière minute aux trois Gryffondor pour leurs actions héroïques dans le sous-sol de Poudlard. Quand il entama sa distribution, à commencer par Ron Weasley jusqu’à Harry Potter, en passant bien entendu par Hermione, les deux Poufsouffle prirent tellement peur qu’il ne termine par les citer eux-mêmes qu’ils en eurent le souffle coupé.

- Le courage peut prendre de nombreuses formes, déclarait Dumbledore en poursuivant l’énumération des récompenses. Il faut beaucoup de bravoure pour faire face à ses ennemis mais il n'en faut pas moins pour affronter ses amis. Et par conséquent…

- C’est pas vrai ! Il va parler de nous ! s’écria Arthur en secouant Pete par la manche. Ça me fait penser que j’aurais pas dû te gifler pour te réveiller ! Pardon !

- …J'accorde dix points à Mr Neville Londubat ! conclut Dumbledore tandis qu’un tonnerre d’applaudissement éclatait à la table des Gryffondor.

- C’est qui Neville ? demanda Pete pendant qu’Arthur, de soulagement, s’écroulait de tout son corps sur la table.

Complètement rassurés, ils entamèrent le dîner sans plus prêter attention à la cérémonie, quoiqu’un peu déçus que les Serpentard aient, une fois de plus, remporté la coupe des Quatre Maisons, alors que pas une personne au château ignorait qu’ils constituaient la maison la plus tricheuse et la plus fourbe de toute l’école.


- Drago va beaucoup me manquer ! soupira Arthur en descendant son sac-à-dos du porte-bagage du Poudlard Express.

Ils avaient pris, pour la dernière fois, le train écarlate qui les ramenait à leurs maisons moldues. Par la fenêtre, Pete pouvait déjà apercevoir sa petite sœur, dix centimètres plus grande que la dernière fois qu’il l’avait vue, lui faire des grands signes de la main en sautillant sur le quai 9 ¾ de King’s Cross.

- Et si on faisait se rencontrer nos familles ? proposa Pete.

- Super idée ! approuva Arthur.

Ils descendirent avec enthousiasme et partirent chacun rejoindre leurs parents.

Pete fut à nouveau le plus heureux des hommes lorsqu’il embrassa sa mère et sa sœur et échangea une longue et affectueuse étreinte avec son père et son frère.

- Venez, il faut que je vous présente Arthur, et sa famille. Il faut absolument que vous fassiez sa connaissance !

Excité à l’idée d’enfin rencontrer la rock’n’rollesque famille de son meilleur ami, Pete ne fut pas déçu et les reconnut au premier coup d’œil. Les deux parents d’Arthur étaient immenses, et leurs cheveux étaient blonds comme les blés, identiques à ceux de son ami.

Sous une chevelure épaisse et recourbée au-dessus du front en une mèche défiant toutes les lois de la gravité, son père portait un t-shirt noir moulant et un jean serré à la taille par une ceinture cloutée. A travers les manches ouvertes de sa veste à carreaux noire et rouge, Pete pouvait voir dépasser des tatouages jusqu’aux poignets de ses deux bras. Il n’avait encore jamais vu d’adulte tatoué et en fut extrêmement intrigué. Sa mère portait une robe fleurie à bretelles par-dessus un t-shirt blanc, et des collants rose fuchsia rentrés dans une paire de bottines de dix centimètres de haut, qui, additionnée à son mètre quatre-vingts, la faisaient dépasser facilement d’une tête toutes les autres femmes à quai.

- Alors c’est toi, Pete ? lança gaiement le père d’Arthur. Moi c’est Stef. Ravi de faire ta connaissance.

Après une poignée main qui faillit lui démettre l’épaule, Pete fut présenté à la mère d’Arthur, Jenny, qui dut s’accroupir entièrement pour lui faire la bise.

- Mais papa, elle est où Sydney ? s’indigna Arthur face à l’absence manifeste de sa grande sœur.

- Désolée, mon lapin, répondit Jenny, elle est restée dans le jardin à parler avec grand-père. Elle a trouvé un flux cosmique qui lui permet de l’entendre comme s’il était juste à côté. Mais elle t’attend à la maison. Elle t’a fait un gâteau.

- Oh, grommela Arthur à l’attention de Pete, j’aurais tellement aimé te la présenter !

- Vous devez être M. Doe ? ajouta Stef en tendant la même poignée de main vigoureuse au père de Pete.

- Ravi de vous rencontrer. Voici ma femme, ma fille et mon deuxième fils.

- Vous aussi vous êtes retrouvés avec l’affectation scolaire la plus inattendue possible, pour votre collégien ? s’esclaffa Stef.

- Ouais, z’auriez vu ça, ajouta Jenny, mon mari a écrit au moins huit chansons sur la magie juste au cours de l’été dernier. Ma p’tite fille, elle, est restée cool. Elle le savait déjà.

- Vous habitez loin ? Venez donc prendre un thé quand vous en aurez le temps ! proposa joyeusement Christine. 

- Avec plaisir ! répondit Stef. Ca serait bien de se souder, entre parents non-sorciers, et nos p’tits gars si spéciaux.

- Oui, on pourrait même proposer à d’autres parents dans le même cas de se joindre à nous, ajouta John.

- Génial ! On formerait une communauté d’outsiders ! s’écria Arthur en brandissant le poing.

- Ouais ! lança Pete en essayant d’ajouter quelque chose. Et on s’appellerait les… Les… Heu…

- Les blaireaux ! conclut Arthur avec ferveur. En référence à notre animal totem si charismatique et si travailleur !

Un silence gêné suivit sa remarque.

- Pourquoi pas, tenta de justifier Christine. Après tout, le blaireau est un animal loyal et très porté sur la famille. Il creuse des galeries souterraines immenses pour que toutes les familles de blaireaux puissent communiquer entre elles et partager leur nourriture.

- C’est un coup de chance total mais ça COLLE ! conclut Arthur dans un cri de joie.

- Blaireaux, les sorciers de l’ombre, murmura Pete tandis qu’ils ressortaient ensemble du quai neuf trois quarts. C’est vrai que ça nous correspond bien, finalement.

- T’as pas un peu plus rock’n’roll comme animal ? demanda Stef à Arthur.

Ils continuèrent de discuter joyeusement jusqu’à la sortie de la gare où ils se retrouvèrent aussitôt inondés du plein soleil de juillet qui luisait au-dessus de Londres.

Ils finirent par se séparer, en se promettant de se revoir très bientôt chez les uns et les autres.

Arthur et Pete échangèrent une étreinte maladroite, ne sachant pas bien comment se dire au revoir.

- Bon ben, on va sûrement se revoir rapidement vu que ça colle bien entre nos familles, se rassura Arthur.

- Oui, et puis quoiqu’il arrive, on se retrouve en septembre pour de nouvelles aventures, ajouta Pete.

- Holala… J’en reviens pas de l’année qu’on a vécue. Heureusement qu’il ne peut plus rien nous arriver de pire !

- J’en suis pas si sûr. Poudlard garde son lot de surprises !

- Et elle n’est pas la seule, lança Arthur, un sourire appuyé à son ami.

A ce moment précis, un corbeau lança un coassement aigu depuis le lampadaire qui lui servait de perchoir. Les deux complices échangèrent un regard et, comme à leur habitude, éclatèrent de rire.

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