Contre tout espoir
- Non, non, non, non ! Pas ça !
Harry se pencha sous le lit, mais il n’y avait bien sûr aucun médaillon. Eperdu, il sortit en trombe de sa chambre, pour se retrouver dans le petit salon de l’appartement. Séverus était déjà réveillé et feuilletait un vieux livre poussiéreux. Il lui adressa un regard interrogateur et légèrement agacé.
Là, Harry sentit qu’il était mal. Encore pire que de perdre un objet contenant un morceau d’âme de Voldemort, se retrouver face à face avec Snape ne présageait rien de bon. Le salon commençait à danser devant ses yeux alors qu’il hyperventillait. Mais pourquoi avait-il si peur d’annoncer la vérité à Snape ? Après tout, il le détestait, et il n’allait quand même pas le tuer ! Serait-ce la peur de… Décevoir l’homme ? Depuis qu’il s’était retrouvé bloqué avec lui, il devait reconnaître que Séverus ne se comportait pas de la même façon qu’avant. Il avait essayé de l’aider dans sa mission, peut être dans un but égoïste, mais il avait essayé. Et en plus, il avait fait en sorte de l’aider, de lui apprendre à se débrouiller tout seul. D’accord, avec beaucoup de réflexions acides et autres moqueries, mais il lui était déjà redevable. Il ne l’avait pas abandonné.
- Potter, qu’est-ce qui se passe ?
- Je… Euh…
- Potter, parlez !
- L’h… L’h… L’hor…
- QUOI, L’HORCRUXE ?
- Il… a…
- IL A QUOI, POTTER ?
- Disparu.
- COMMENT CA, DISPARU ?
- Il… Est plus là !
Snape se leva d’un bond et sembla sur le point de crier. Au lieu de ça, il s’approcha de Potter et le saisit au col. Harry le regarda d’un air terrifié et profondément coupable.
- Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?
- Hi… Hier soir, monsieur. Je l’ai posé sur ma table de nuit.
Snape soupira. Ce gamin était vraiment un amateur qui ne connaissait rien à rien. Bien sûr qu’Albus ou quelqu'un d’autre avait pénétré dans l’appartement lorsqu’ils dormaient. C’est ce que lui-même aurait fait en tant qu’espion. Et cet idiot de Gryffondor trouvait le moyen de faciliter la tâche au voleur en lui laissant l’objet désiré juste sous le nez. Il relâcha le col du jeune homme, dégouté, puis alla dans la chambre de droite. Là, il parcourut le sol et la table de nuit du bout de sa baguette dans le but de repérer une trace de magie appartenant au voleur. Il se fustigea intérieurement. Albus était venu ici.
Comment avait-il pu ne pas prévoir que le vieil homme qui ne l’était pas tant que ça à cette époque allait fouiller leurs affaires ? Il s’était senti si fatigué la veille au soir, qu’il s’était endormi immédiatement. Il n’avait rien entendu. Quel idiot. Surement Albus avait-il glissé une légère potion de sommeil dans leurs verres dans le but de fouiner en toute impunité. Maintenant fallait-il encore réparer les dégâts. Il se tourna vers le jeune homme qui semblait totalement paniqué, sur le point de fondre en larmes. Agacé, Séverus essaya de ne pas s’emporter. Hors de question qu’il réconforte Potter.
- Potter, reprenez-vous. Vous ne serez d’aucune utilité en pleurnichant comme un gamin. On s’est fait avoir tous les deux. C’est Dumbledore qui a pris l’horcruxe. Son empreinte magique est un peu partout dans la pièce. Sans doute aussi nous a-t-il fait boire à notre insu une potion de sommeil. Avez-vous d’autres choses à cacher ?
Harry prit le temps de réfléchir. Toutes ses affaires étaient dans le petit sac d’Hermione ; non, il n’avait rien, excepté…
- Ma cape d’invisibilité, monsieur. Je l’ai toujours dans la poche de ma robe.
- Faites en sorte que cela ne change pas. Et ne laissez plus rien sur votre table de chevet, c’est presque de l’incitation pour un éventuel voleur. J’ai rendez-vous avec le professeur Dippet, c’est indispensable pour notre couverture. Débrouillez-vous, mais récupérez l’horcruxe !
- Ou… Oui, monsieur… Mais… Comment ?
- Débrouillez-vous, Potter ! Prouvez-moi que vous servez à quelque chose ! Je ne suis pas à votre disposition ! Vous avez commis une terrible erreur en laissant cet objet à découvert, maintenant, vous en payez les conséquences ! Comportez-vous comme si tout allait bien, allez déjeuner à la Grande Salle, passez à la bibliothèque pour faire semblant de travailler, et essayez de trouver un livre sur les horcruxes si vous arrivez à disparaître discrètement sous votre maudite cape.
Harry acquiesça. Oui, ça, il pouvait le faire. Il avait fait bien plus dur au cours de ses six années d’études. Mais l’enjeu n’était pas le même. Ah, si seulement Hermione était là ! Et puis les paroles de Snape lui revinrent en tête : il devait apprendre à se débrouiller seul, sans que quelqu'un d’autre ne lui mâche tout le travail. Il prit la poudre d’escampette et partit dans le couloir. Là, il s’efforça d’adopter un visage neutre et se dirigea vers la Grande Salle. Il prit garde à emprunter strictement le même chemin que la veille : s’il prenait des raccourcis alors qu’il était censé débarquer pour la première fois à Poudlard, leur couverture tomberait. Il devait agir avec autant de précision que Séverus, ne rien laisser au hasard, ne…
- Harry ?
Il se retourna brusquement, la bouche grande ouverte. Albus se tenait derrière lui et l’observait avec un doux sourire malgré son regard perçant. Il se rendit compte qu’il dévisageait l’homme comme s’il ne l’avait jamais vu. Dire qu’avant il trouvait sa barbe ringarde, alors ses rouflaquettes châtain…
- Tout va bien, mon garçon ?
- Euh, oui, bonjour professeur Dumbledore, je descendais à la Grande Salle…
- Je t’accompagne, moi non plus, je n’ai pas encore déjeuné ce matin. J’ai vu ton maître remonter, tout à l’heure.
- Oui, il se lève toujours bien avant moi, inventa Harry.
- Cela fait longtemps que tu étudies avec lui ?
- Non, seulement quelques semaines. Je ne savais même pas qu’il avait des problèmes avant qu’il ne me fasse transplaner avec lui dans la forêt.
- Tu n’as pas vu les hommes qui vous ont agressés ?
- Non, j’ai juste entendu un craquement, et une alarme se déclencher, improvisa Harry. Au départ j’ai cru que c’était un client venu acheter une potion, mais monsieur Prince m’a pris par le bras et on a transplané.
Il espérait ne pas avoir donné matière à Dumbledore à les soupçonner. L’homme sembla perdu dans ses pensées, puis se reprit et regarda Harry avec un petit sourire bienveillant.
- Laissons de côté ces mauvais souvenirs, et allons manger, veux-tu ?
- Avec plaisir, professeur !
Harry se reprit en se demandant s’il n’avait pas paru trop enclin à changer de sujet, mais Albus prit ça pour une faim dévorante et lui adressa son plus beau sourire. Ils prirent place à la Grande Table et se servirent du bacon et des œufs.
- Moi aussi, quand j’avais ton âge, j’étais aussi enthousiaste à l’idée d’un bon repas. Aujourd’hui, je suis passé aux friandises moldues. Je les ai découvertes en allant expliquer sa nature à un élève d’origine moldue.
- Vraiment ? demanda Harry avec un sourire aux lèvres.
- Oui, il venait d’une grande famille qui lui offrait dès qu’il le demandait des kilos entiers de bonbons ! As-tu déjà goûté des friandises moldues, Harry ?
- Seulement des bonbons au citron, répondit-il ingénument, sans se souvenir que c’était Albus lui-même qui les lui offrait quand il venait dans son bureau.
- Oh ! Ce sont justement mes préférés ! Je sens qu’on va bien s’entendre, toi et moi. Dans quelle école as-tu étudié ?
Harry tourna la question dans sa tête. Il devait faire comme Séverus, inventer quelque chose de plausible immédiatement, mais, et s’il se trahissait ?
- En fait, j’ai étudié avec ma mère jusqu’à l’an dernier, puis après, elle est décédée, et le professeur S… Prince m’a proposé de devenir son apprenti. Il habitait dans le même village que nous.
- Toutes mes condoléances. De quoi ta mère est-elle décédée, si ce n’est pas trop indiscret ?
- Elle était malade, personne ne savait exactement ce qu’elle avait.
- C’est très triste. Et ton père ?
- Il est décédé quand j’étais tout petit, répondit précipitamment Harry.
- C’est très gentil à monsieur Prince de t’avoir pris sous son aile.
- Il faut dire que c’était le seul autre sorcier du village, alors forcément…
- Ah, tu vivais dans un village moldu ?
- Oui, c’est exact, monsieur.
Il pria pour qu’Albus ne lui demande pas comment s’appelait ce village, car il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il aurait répondu. Heureusement, à cet instant précis, une chouette effraie fondit sur Albus et celui-ci se désintéressa d’Harry pour lire son courrier. Finissant rapidement son petit déjeuner, Harry fit mine de se lever.
- Tu me quittes déjà, Harry ? demanda Dumbledore, relevant la tête de sa lettre.
- Euh, si ça ne vous dérange pas, professeur, mon maître m’a demandé de travailler les sortilèges informulés, est-ce que je peux aller à la bibliothèque ?
- Oui, bien sûr, mon garçon. Si tu veux bien attendre quelques minutes, je vais te montrer le chemin.
Harry se maudit. Bien sûr, il n’était pas censé savoir où était la bibliothèque. Il se rassit donc sagement. Quelques minutes plus tard, Albus finissait de boire son café et se levait pour l’accompagner.
Arrivé à la bibliothèque, Albus lui montra les livres correspondant à sa recherche et Harry commença à les feuilleter distraitement, espérant sincèrement que Dumbledore allait enfin le laisser seul. Quelques minutes plus tard, son souhait fut exaucé : Albus s’excusa et retourna dans son bureau, en raison dit-il des élèves à qui il devait écrire une lettre en prévision de leur première année à l’école.
Harry attendit que le son de ses pas dépasse le bout du couloir et disparut sous sa cape d’invisibilité, laissant sur place ses livres. Il se glissa alors dans la réserve dont il força l’entrée à l’aide d’un alohomora, et leva sa baguette au-dessus de sa tête.
- Accio livres sur les horcruxes, chuchota-t-il.
Aussitôt, trois livres s’échappèrent d’une étagère et atterrirent entre ses mains. Il les réduisit et les glissa dans la poche de sa robe, puis retourna dans les rayonnages autorisés. Là, il enleva sa cape et fit mine de chercher un autre livre. Il se dit qu’il avait eu raison d’agir ainsi lorsqu’il vit Albus reparaître à la porte.
- J’avais oublié mes lunettes, expliqua-t-il en désignant une grosse monture ronde posée sur la table de travail.
Harry lui adressa un petit sourire crispé, et se remit au travail.
Une heure plus tard, il quitta la bibliothèque et retourna vers l’appartement déposer les livres à l’attention de Snape. En entrant, il eut la surprise de voir son compagnon d’infortune assit sur le canapé, feuilletant le même livre abîmé que le matin. Pourquoi passait-il son temps à lire au lieu de l’aider à retrouver l’horcruxe ? Mais au lieu de s’énerver, il lui tendit sans un mot les livres récupérés à la bibliothèque. Snape haussa un sourcil et lança un assurdiato sur la pièce.
- J’ai été engagé.
- Ah, euh, très bien, je veux dire, félicitations…
- Suffit, Potter. Où en êtes-vous ?
Harry lui raconta sa discussion avec le professeur Dumbledore le matin, afin que les deux hommes se mettent d’accord sur la version des faits.
- Si je comprends bien, vous n’avez pas avancé. Au moins vous n’avez causé aucun dommage irréparable.
Harry sentit la colère l’envahir de nouveau. Comment Snape pouvait-il lui reprocher de ne pas avoir avancé alors qu’il avait passé la matinée à lire ?
- Moi, au moins, je vous ai rapporté les bouquins, vous, vous n’avez fait que lire un stupide livre !
- Comment pouvez-vous juger ce que j’ai fait ou que je n’ai pas fait, Potter ? J’ai travaillé toute la matinée pour gagner la confiance de Dippet et en apprendre davantage sur notre sujet.
- Vraiment ?
- Oui, Potter, vraiment. Et vous, qu’avez-vous fait ? Lancer un accio sur une bibliothèque ? Rien de plus facile. Maintenant laissez-moi être utile et allez faire ce que je vous ai demandé de faire ce matin.
Harry sortit en claquant la porte. Il ne se laisserait pas parler sur ce ton sans montrer son mécontentement. Snape apprendrait à le respecter. La porte s’ouvrit à nouveau à la volée.
- Harry, revenez ici tout de suite !
- Pourquoi ? Pour que vous m’insultiez à nouveau ?
- J’ai dit, ici ! Vous ne croyez pas que je vais vous laisser vous comporter comme ça, peut être ?
- Comme si VOUS, vous vous gêniez !
- ICI, Harry ! Tout de suite !
Harry obéit, les jambes tremblantes de colère. Il claqua de nouveau la porte derrière lui, sans voir la silhouette d’Albus se faufiler dans le couloir. Comment le garçon se permettait de parler ainsi à son maître ? La relation entre ces deux là n’était décidément pas celle d’un maître à son apprenti. Et pourquoi avoir volé trois livres de magie noire dans la bibliothèque ? Albus essaya d’en savoir plus, mais apparemment un sort l’empêchait d’y parvenir. Qui était cet homme qui connaissait des sorts si complexes et où les avait-il appris ?
- Arrêtez de vous énerver pour rien, Potter, et apprenez à reconnaître lorsque je vous taquine ! Si vous prenez tout mal, on est pas sorti de l’auberge !
- Alors, vous voulez dire…
- Oui, Potter, je vous provoquais ! Et comme d’habitude, vous avez tout pris au premier degré sans réfléchir ! Vous nous avez beaucoup aidé en trouvant ces livres, et vous avez bien agit avec Albus.
Harry le regarda bouche bée. Le monstre des cachots venait-il vraiment de lui faire un compliment ?
- Oui, je suis content de votre travail, mais ne vous attendais pas à ce que je passe mon temps à vous le dire. Maintenant, vous retournez dans le bureau d’Albus et vous me ramenez l’horcruxe, le temps que je trouve les informations permettant de le détruire !
Sans un mot, Harry se sentit gentiment mais fermement poussé dans le dos par l’homme, et se retrouva sans trop savoir pourquoi dans le couloir. Alors… Snape faisait tout ça dans le seul but de l’embêter ? Il ne pensait pas vraiment ce qu’il disait ? L’homme avait vraiment un sens de l’humour spécial, se dit-il. Mais quelque part, il se sentait profondément soulagé. Peut être allait-il survivre à son séjour forcé avec Snape. Au détour d’un couloir, il vérifia qu’il n’était pas suivi et se couvrit de sa cape d’invisibilité. Il se dirigea ensuite jusqu’au bureau d’Albus et colla l’oreille contre le portrait. Comment allait-il entrer sans le mot de passe ?
Il eut apparemment de la chance car à ce moment précis, Albus apparut au bout du couloir, et se dirigea vers son bureau.
Harry se poussa le temps que l’homme passe la porte et le suivit en se contorsionnant pour ne pas laisser transparaître sa présence. Une fois dans le bureau, il alla se placer le plus loin possible d’Albus et commença à regarder tout autour de lui, à la recherche du médaillon. Il entendit soudain le bruit caractéristique d’un verrou qui se fermait et se retourna brutalement. Dumbledore venait de fermer la porte à clef du bout de sa baguette. L’homme mit la main dans sa poche et en sortit une chaîne à laquelle pendait un lourd médaillon.
- C’est cela que tu cherches, Harry ?
De surprise, Harry en laissa glisser sa cape, découvrant son visage figé dans une expression de stupeur mêlée de terreur.
- Maintenant, tu vas me donner ta baguette, t’asseoir calmement et m’expliquer comment tu es entré en possession de cet objet.