Contre tout espoir
- Qui êtes-vous et comment avez-vous pu entrer dans le château ?
Séverus réfléchit à toute vitesse, les yeux rivés sur la baguette d'Albus pointée sur lui. Il fallait qu'il garde la tête froide malgré les sentiments contradictoires qui bouillonnaient en lui. Il se souvint qu'Albus n'était pas encore directeur de Poudlard, et donc qu'il ne connaissait pas l'existence du passage secret, ce qui lui éviterait pas mal d'explications. Il se lança.
- Je m'appelle Séverus Prince, et voici mon apprenti, Harry Anderson. Nous venons d'Ecosse où des mages noirs nous poursuivaient. Je suis venu trouver refuge à Poudlard et demander un poste au professeur Dippet. Pour ce qui est de notre entrée, nous avons transplané directement dans la forêt, et j'ai utilisé un sort de traçage pour qu'il m'indique le chemin le plus court pour entrer dans le château.
Albus jugea du regard les deux nouveaux arrivants, sans baisser sa baguette.
- Je ne savais pas qu'il y avait un passage dans la forêt. Qui sont les mages noirs qui vous pourchassent, et pourquoi?
- Je ne savais pas non plus que ce passage menait directement dans l'école, mentit Séverus. Le sort que j'ai utilisé indique seulement le chemin le plus court, sans explication.
- Vous me montrerez ce sort, j'espère, fit Albus. Je n'en avais moi-même jamais entendu parler. Mais pour en revenir à ma deuxième question, qui vous pourchassait ?
- Des mages noirs souhaitant s'approprier mon travail du moment.
- Et quel est ce travail ?
- Une potion destinée à permettre aux loups-garous de se transformer en gardant le contrôle. Mais elle n'est pas encore au point.
Séverus inventait au fur et à mesure, tout en restant dans des demi- vérités, afin de rester crédible. Harry admira la capacité de l'homme à inventer une histoire plausible dans une telle situation.
- C'est là une invention révolutionnaire, qui pourrait être redoutable si utilisée à mauvais escient. SI vous voulez bien me suivre, messieurs, je voudrais continuer cette conversation dans un endroit un peu plus approprié.
Les deux hommes suivirent Albus à travers les couloirs déserts à cause des vacances d'été. Ils se dirigèrent bientôt vers le futur bureau du professeur McGonagall. Là, Albus murmura un mot de passe à la porte qui s'ouvrit devant eux.
- Asseyez-vous, je vous en prie, messieurs, dit-il en prenant lui-même place derrière son bureau professoral. Alors, expliquez-moi qui sont les hommes qui vous ont agressés, et comment tout cela a commencé.
Séverus eut la même impression que lorsque Dumbledore lui demandait de faire le compte-rendu d'une réunion de mangemorts. L'impression d'être analysé aux rayons X par le regard bleu de son mentor. Mais il fallait jouer le jeu jusqu'au bout.
- J'ai d'abord reçu des lettres anonymes, qui me proposaient de l'argent pour que je leur vende mon invention. Comme je n'ai pas répondu, ils ont commencé à me menacer, ils m'ont donné un ultimatum. Je dois dire que je ne les avais pas trop pris au sérieux, surtout que mon projet est loin d'être achevé. Mais lorsqu'ils ont encerclé ma maison, il a fallu que je sauve le gamin, cracha-t-il avec un regard mauvais pour Harry. J'avais le projet de trouver une école qui m'accepte comme professeur afin de financer mes recherches, j'ai pensé à la meilleure école de Grande Bretagne. Je dois avouer que j'ai agi par réflexe, je n'ai même pas eu le temps de préparer mes valises.
- C'est très fâcheux. Nous avons déjà un maître de potions… Ce sont bien les potions que vous souhaitez enseigner, n'est-ce pas ?
- En fait, j'ai également une maîtrise en Défense, donc je peux enseigner les deux matières.
- Cela tombe bien, car nous avons déjà un professeur de potions, mais nous n'avons personne pour la rentrée 1939 en défense contre les forces du mal. Le professeur Dippet est actuellement absent, mais je vais lui envoyer un hibou afin de le prévenir de l'arrivée d'un candidat.
Harry tiqua en entendant la date. Snape n'avait vraiment pas été précis sur la date, il voulait revenir de cinquante ans en arrière, mais il était revenu de 58 ans. D'un autre côté, cela lui permettait de tuer Jedusor avant qu'il ne soit allé à l'école, donc avant qu'il ne soit puissant, mais s'il était si peu précis sur la datation, comment allait-il faire pour les ramener à la bonne époque ?
- Je vous remercie professeur ?
- Dumbledore. Albus Dumbledore. J'enseigne la métamorphose.
- Enchanté.
Harry regarda son professeur avec un air appréciateur. Lui n'aurait jamais pensé qu'il n'était pas censé connaître le nom du professeur.
- Le professeur Slughorn, notre maître de potions, est présent, par contre. Je vais vous le présenter, il vous permettra sans aucun doute de faire vos expériences dans son laboratoire.
- Très bien, c'est très aimable à vous.
- Il va sans dire que je vais vous faire préparer des appartements pour vous et votre… Apprenti. Préférez-vous qu'il soit logé avec les étudiants ?
- Non, avec moi, je préfère avoir un œil sur lui. Il débute et je ne lui fait confiance que pour provoquer des catastrophes.
Albus esquissa un sourire tandis qu'Harry prenait une jolie teinte rouge brique. De nouveau, Albus les précéda dans les couloirs du château, jusque dans les appartements de Slughorn.
- Horace, appela Dumbledore en frappant à la lourde porte de bois. C'est Albus, je voudrais te présenter quelqu'un.
Des pas précipités se firent entendre dans la pièce, et bientôt, la porte s'ouvrit. Habillé dans une robe de chambre verte à rayures, le professeur Slughorn apparut dans l'encadrement de la porte, tenant encore à la main une tranche d'ananas confit.
- Albus, je suis très occupé… Bonjour, messieurs ?
- Je te présente le nouveau candidat au poste de défense contre les forces du mal, Séverus Prince. Et son apprenti, Harry Anderson. Il se trouve que Séverus, je peux vous appeler Séverus, n'est-ce pas, mon garçon ?
Séverus acquiesça d'un air agacé.
- Séverus a également une maîtrise en potions, expliqua-t-il, et il fait quelques recherches actuellement. Peux-tu lui permettre d'utiliser ton laboratoire pour ses expériences ?
- Oh, euh, bien sûr, je vais vous aménager un endroit où travailler, monsieur…
Son regard se porta sur Harry qui regardait avec curiosité son professeur avec cinquante ans de moins. Rien à voir, mis à part le ventre bedonnant qui tendait au maximum sa robe de chambre aux couleurs serpentard.
- Alors, jeune homme. Comme ça vous étudiez les potions ?
- En fait, monsieur Prince m'a promis de m'apprendre à la fois les potions et la défense, je dois avouer que je préfère la deuxième.
Séverus fusilla du regard son « apprenti » qui paraissait très fier de lui. Stupide gamin. Alors comme ça il voulait apprendre ? Eh bien il allait s'en mordre les doigts.
- C'est sûr que c'est une chance d'avoir un maître polyvalent, jeune homme ! Je peux vos appeler Harry ? Où en êtes-vous, en potions ?
- Il en est à sa sixième année, répondit Séverus à sa place. Bien que son talent me soit encore invisible… Tout le monde n'est pas doué pour les potions, cela n'est réservé qu'à… Une élite.
- Je ne suis pas d'accord avec vous, Séverus. Si on pousse suffisamment un élève, il peut vous surprendre.
- Pas tous, hélas.
Albus pouffa de rire dans sa barbe et laissa les deux hommes avec Horace afin d'aller donner des instructions aux elfes de maison, en vue de préparer les futurs appartements de Séverus et Harry.
Horace, quant à lui, fit venir un elfe pour leur servir des rafraichissements et entreprit de sympathiser avec son confrère. Lequel semblait peu enclin à sympathiser, d'ailleurs. La conversation porta peu à peu sur les travaux de Séverus qui resta très vague. Après tout, c'était lui qui avait réussi à stabiliser cette potion, et il ne voulait pas qu'un serpentard s'approprie son travail – et Séverus était bien placé pour savoir qu'un serpentard ne s'embarrasse pas de remords.
Une heure plus tard, Albus revint pour leur annoncer que leur chambre était prête. Il les conduisit au quatrième étage, dans une aile isolée du passage des élèves. Ils s'arrêtèrent devant une porte de bois massif qui s'ouvrit sur un petit salon.
- De chaque côté, vous avez une chambre, expliqua Albus. En face, la salle d'eau. Je vous laisse vous installer, vous devez être fatigué, après toutes ces émotions. Au fait, Séverus, pensez-vous qu'il soit possible que l'un de vos poursuivants vous ai surpris ?
- Je ne crois pas, je suis allé très vite, j'ai transplané avec Harry dès que je les ai entendus arrivés.
- Très bien, je vais néanmoins renforcer la protection du château en attendant le retour du Professeur Dippet. Je lui ai d'ailleurs envoyé un hibou.
- Merci, professeur.
- Appelez-moi Albus, rectifia Dumbledore. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, appelez un elfe de maison. Le dîner est servi à 19h, je viendrais vous chercher.
Sur ce, Albus repartit dans ses quartiers, afin de surveiller grâce aux sorts d'écoute placés un peu partout dans la pièce les conversations des deux hommes. Il avait senti une troisième présence dans la pièce, et souhaitait en savoir d'avantage. Pouvait-il faire confiance aux étrangers ? Il demanda également à Nick Quasi-Sans-Tête de le prévenir si les deux hommes quittaient leurs appartements avant le dîner.
Une fois seul, Séverus verrouilla la porte et lança un certain nombre de sorts de protection dessus, ainsi qu'un assurdiato. Devant le regard d'incompréhension d'Harry, il lui lança :
- Vous ne croyez tout de même pas qu'ils nous font confiance ? Albus doit être en train d'enquêter sur nous.
- Vous croyez ?
- Enfin, Potter, ne soyez pas ridicule ! Bien sûr qu'il enquête sur nous ! Il ne va pas confier des centaines d'enfants à quelqu'un qui n'est pas fiable !
- Ah. Et comment faites-vous pour inventer une histoire si vite ? Et vous croyez qu'ils y croiront ?
- Je me sers de ma tête, Potter, contrairement à vous. Et tant qu'on ne se trahit pas, oui, ils y croiront.
- Alors arrêtez de m'appeler Potter.
- Je n'ai pas encore l'habitude d'Anderson.
- Dans ce cas appelez-moi Harry.
Le garçon l'avait piégé. Même si ça lui fendait l'âme, il était certain qu'un maître appellerait plus facilement son apprenti par son prénom.
- Je vais y réfléchir, Potter.
Harry soupira.
- Au fait, P… Harry.
Snape grimaça au son du prénom du garçon.
- Pour pouvoir être crédible, il va vraiment falloir que je vous enseigne la défense et les potions.
Harry acquiesça, sentant que les choses se présentaient mal pour lui.
- Je vous donnerai quelques cours de rattrapage au cours des vacances, bien sûr notre objectif numéro 1 reste l'horcruxe, mais nous réfléchiront plus tard à un plan pour récupérer de la documentation à la bibliothèque. Pour l'instant, vous prenez la chambre de droite.
- C'est la plus petite, vous exagérez !
- Taisez-vous, Potter. A votre avis, quel maître laisserait la plus grande chambre à son apprenti ?
- Quelqu'un de gentil et prévenant, peut être.
- Eh bien ce n'est pas mon cas. Vous allez devoir vous y faire.
- En attendant, vous vous êtes un peu planté sur notre date d'arrivée, nous sommes revenus 58 en arrière, pas 50.
- C'est normal. C'est l'effet de la potion.
- C'est-à-dire ?
- Comme si vous étiez suffisamment intelligent pour le comprendre.
- Snape, vous pourriez faire un petit effort, quand même.
- Ce sera monsieur pou vous, Potter. Estimez-vous heureux que je ne vous demande pas de m'appeler maître, j'en ai le droit.
Harry estima préférable de se taire s'il voulait une réponse. Et effectivement, sa patience fut récompensée.
- Le principe de cette potion consiste à vouloir revenir dans le passé dans un but précis. On lui donne un ordre de grandeur de la date, et après, la potion s'adapte afin que nous puissions mener notre mission à bien.
- Ouah. Et vous avez trouvé ça tout seul ?
- Bien que votre admiration m'aille droit au cœur, Potter, je vous assure, pourriez-vous pour une fois vous exprimer en adulte ?
- Si s'exprimer en adulte consiste à vous parler de la même façon que vous, vous me parlez, je sens que vous allez le regretter.
Snape ne put retenir un sourire devant la répartie du garçon. Puis il se reprit. C'était Harry Potter, le fils de James Potter… Il ne pouvait pas se permettre d'être sympathique avec lui.
- Arrêtez de dire des bêtises et sortez votre baguette, Potter !
- Hein ? Quoi ?
- J'ai dit, sortez votre baguette ! Je vais tester votre niveau en duel.
- Ah ! Euh, oui, si vous voulez.
Harry se mit face à face avec Snape qui fit léviter la table basse du salon contre un mur, dégageant ainsi l'espace.
- Expelliarmus ! tenta Harry.
Mais le sort fut contré avec beaucoup trop de facilité.
- Stupefix !
- Lamentable, Potter ! Vous n'avez jamais appris les informulés ?
- Ben, si…
- Apparemment non. Il va falloir tout reprendre à zéro.
Une heure plus tard, Harry suait sang et eau, des bleus un peu partout sur son corps, alors que Snape, lui, semblait à peine essoufflé. Il lui avait fait lancer encore et encore un expelliarmus informulé jusqu'à ce qu'il soit parfait, et à présent, il voulait qu'il lance un stupefix.
- On peut pas faire une pause, plutôt ? J'en peux plus, se plaignit Harry.
- Et vous croyez que vous ferez le poids face à des mages noirs, peut être ?
Sur ces paroles, Albus entra sans frapper.
- Oh, désolé, je venais vous prévenir que le dîner est servi dans la grande salle dans une demi-heure. Mais je vais vous laisser finir de vous entrainer.
- Harry, allez vous doucher. Et dépêchez-vous, pas question de trainer.
- Bien, monsieur, répondit Harry, docile.
En réalité, il bénissait intérieurement Dumbledore pour son arrivée si inattendue. Revoir son mentor l'avait profondément chamboulé, mais à présent, il se sentait de nouveau en sécurité. Albus était là : tout allait bien.
Dix minutes plus tard, Harry sortait de la salle de bain, après avoir passé un rapide sort de rafraichissement sur ses habits.
- Il faudra aller vous acheter de nouveaux habits, puisque vous n'avez même pas eu la prévoyance d'en prendre.
- La prévoyance ? Comme si j'avais eu le temps de choisir !
Alors que Snape s'enfermait dans la salle de bain, Harry jura qu'il avait vu un sourire passer rapidement sur le visage de son professeur.
Snape et Harry descendirent à la Grande Salle pour le dîner. Là, ils purent voir que seulement trois professeurs étaient présents : Albus, Horace, et un homme que Snape reconnut comme étant le professeur Dippet.
- Ah ! Mais voila notre candidat au poste ! Professeur Prince, c'est ça ? Je serais ravi de vous recevoir dans mon bureau demain matin, afin que nous discutions d'un éventuel poste. En attendant, j'espère que vous avez tout ce qu'il vous faut ?
- Oui, monsieur le directeur, je vous remercie. Le professeur Dumbledore a veillé à ce que j'ai tout le confort nécessaire.
- Très bien, asseyez-vous donc.
Le repas fut très sympathique, Dippet discutant agréablement avec Snape sur son expérience professionnelle. Là encore, Snape surprit agréablement Harry de par sa capacité à inventer une histoire plausible en très peu de temps. Horace, quant à lui, essaya d'interroger Harry afin de connaître son vrai niveau en potions ainsi qu'en défense. Habitué au comportement « collectionneur » de Slughorn, Harry le laissa l'évaluer, répondant à ses questions jusqu'à ce qu'enfin, Séverus prenne congé. Il suivit alors son professeur qui se prépara à aller se coucher.
- Allez dormir, P… Harry. Et interdiction de me déranger.
- Oui, monsieur, bonne nuit à vous aussi, répondit Harry, bougon mais pas mécontent que Snape ne l'oblige pas à s'entrainer encore.
Il alla dans la minuscule chambre de droite et se glissa sans même se déshabiller sous les draps. Là, fermant les rideaux d'un coup de baguette, il mit le médaillon de Serpentard sur sa table de chevet et s'endormit aussitôt.
Le lendemain matin, Harry se réveilla pleinement reposé. S'étirant agréablement dans son lit, il prit ses lunettes sur la table de chevet. Et là, il se rendit compte de quelque chose d'anormal.
L'horcruxe avait disparu.