Lettockar, tome 1 : la honte des écoles

Chapitre 11 : Le Vif d'or

3654 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 04/03/2022 13:50

11. Le Vif d’or


- Hé, Kelly, réveille-toi !


Kelly fut tirée de son sommeil par Naomi qui la secouait par l’épaule. Elle qui aurait volontiers pris une grasse matinée, elle grogna de mécontentement, la tête enfouie dans son oreiller.


- Allez, debout ! insista Naomi.


- Mmmh… Qu’est-ce qu’il y a ?


- Les cadeaux !


Encore à moitié endormie, Kelly ne comprit tout de suite pas de quoi Naomi parlait.


- Les cadeaux ? dit-elle d’une voix pâteuse.


- Bien sûr ! À ton avis, le repas de Noël d’hier soir, c’était pour des prunes ?


Comme si une guêpe l’avait soudainement piquée, Kelly se redressa dans son lit. Elle resta immobile une seconde, puis rit de sa propre étourderie.


- Mais c’est vrai ! Joyeux Noël ! s’écria Kelly en serrant Naomi dans ses bras.


- Miracle, elle a retrouvé ses neurones… Joyeux Noël Kelly ! gloussa son amie en lui rendant son étreinte.


Kelly bondit, s’habilla et se coiffa en toute hâte. Vu le peu de courrier qu’ils recevaient à l’école, elle avait à peine envisagé que des cadeaux de leurs parents puissent leur parvenir : pour une fois qu’une surprise à Lettockar était excellente, il n’y avait pas une seconde à perdre. Souhaitant un joyeux Noël à toutes les personnes qu’elle reconnaissait et qu’elle croisait au passage, elle descendit à toute vitesse dans le grand salon, où toute une foule d’élèves de Dragondebronze s’était rassemblée.


Kelly s’était attendue à voir une véritable avalanche de cadeaux au pied de l’énorme sapin, mais elle ne vit, à sa grande stupéfaction, qu’un unique coffre en bois. De belle taille, certes, mais qui créait une impression de vide dans la pièce, malaisante en ce jour de Noël. Ses camarades de première année paraissaient partager sa perplexité. Peter Shengen se tailla un chemin parmi les personnes présentes pour se placer devant le coffre.


- Alors, premièrement, Joyeux Noël à tous, claironna-t-il. Deuxièmement, j’explique aux première année : rassurez-vous, vos cadeaux sont bien arrivés. Ce coffre magique contient tous les colis de tous les élèves de notre maison ! C’est plus pratique pour ranger, et ça nous évite de crouler sous les paquets. Le coffre nous les envoie aléatoirement, élève par élève. Voyez-plutôt… Alohomora !


Sous l’effet du sortilège, le couvercle du coffre s’ouvrit à la volée, et un cadeau emballé en jaillit, comme s’il avait été éjecté par un ressort. Peter l’attrapa habilement et lut l’étiquette qui indiquait le destinataire du cadeau :


- Victoria Zeviescu !


Une fille joviale de septième année, assez enrobée, s’avança et prit son cadeau. Elle déchira l’emballage et lâcha une exclamation enchantée en découvrant la paire de boucles d’oreille argentées que ses parents lui avaient offert. Alors qu’elle s’éloignait pour les enfiler, un deuxième paquet bondit hors du coffre.


- Kelly Powder ! s’exclama Peter en lisant l’étiquette.


Surprise qu’il arrive aussi tôt, Kelly sentit l’excitation la gagner en s’emparant de son cadeau. N’ayant pas eu d’idée, elle n’avait rien commandé à ses parents : le suspense était donc total. Elle ouvrit un peu gauchement le colis, et bondit de ravissement en trouvant un superbe sac à bandoulière écarlate en cuir. A l’intérieur se trouvait une lettre de ses parents, qui lui envoyaient tout leur amour et soulignaient toutes les trois lignes à quel point elle leur manquait. Les remerciant intérieurement de tout son cœur, elle se para aussitôt de son sac comme si elle allait sortir avec, même s’il était vide.


Euphoriques, les élèves de Dragondebronze passèrent ainsi tout le début de matinée, à observer religieusement le coffre régurgiter inlassablement des paquets – bien que certains s’éloignaient pour profiter de leur cadeau. Fidèle à lui-même, Milosz Wavarum trouva une nouvelle occasion de se ridiculiser en découvrant le sien.


- Trop bien, une nouvelle Gameboy ! Et avec un rechargeur de pile, en plus !


- Et ben j’espère que tu vas bien en profiter, parce que dans quelques jours, il ne te restera plus qu’à attendre les grandes vacances avant de pouvoir y rejouer… dit Peter d’un ton lugubre.


- Mais non, je viens de dire que j’avais des piles rechargeables ! répliqua Milosz en regardant Peter comme s’il était stupide.


- Et avec quoi tu vas les recharger, au juste ? lança avec morgue une élève de troisième année.


- Hein ?


- Tu n’as donc pas remarqué qu’on n’avait pas de prises, à Lettockar ? soupira Peter, sincèrement las.


Milosz écarquilla les yeux, puis les baissa vers sa console.


- Oh, zut… se lamenta-t-il, déclenchant de nombreux ricanements.


- Bon bref… Felindra Cabochetigrée !


La distribution se poursuivit, la foule s’éclaircissant de plus en plus. John reçut un équipement de baseball – une panoplie de balles, gants et battes. Il s’inquiéta d’abord de la possibilité que l’on ne soit pas autorisé à jouer à un autre sport que le Crève-Ball à Lettockar, mais, à son grand soulagement, personne ne connaissait une quelconque restriction à ce sujet. Une bonne vingtaine de personnes après, Naomi reçut une énorme pile de livres.


- Pourquoi ça ne m’étonne pas ? s’amusa John en ébouriffant les cheveux de Naomi.


- Il y a aussi un mot de mes parents… marmonna celle-ci d’un ton pensif.


- Qu’est-ce qu’ils te disent ? demanda Kelly avec un sourire chaleureux.

- Oh, euh… hésita Naomi d’un ton évasif. Ils me demandent si tout va bien… si mes résultats sont là… Ils m’encouragent à ne rien relâcher, à persévérer...


John et Kelly échangèrent un regard inquiet. Bien qu’elle tentât de prendre un ton dégagé, Naomi était tendue. Kelly était parfois indisposée par les rapports que les parents de Naomi entretenaient avec leur fille. Quand elle en parlait à Kelly et John, elle décrivait des gens exigeants, très préoccupés par la réussite de leur enfant… et même trop, à leurs yeux. Kelly espérait sincèrement qu’elle avait tort lorsqu’elle avait le sentiment qu’ils avaient tendance à faire passer les résultats scolaires de Naomi avant son bien-être...


- Et qu’est-ce que tu as eu, comme bouquins ? reprit-elle avec douceur.


- Alors, les trois premiers sont des grands classiques que je n’ai pas encore lus : Les mystères d’Udolphe d’Ann Radcliffe, Les Cosaques de Tolstoï et Les raisins de la colère de Steinbeck...


Naomi ne put terminer sa liste de livres, car tout à coup, un cri de joie strident de Giovanna-Paola Martoni retentit.


- Mon nouveau violon ! s’écria cette dernière d’un air triomphant.


Kelly se raidit en la voyant effectivement brandir un violon flambant neuf, d’un beau bois clair et luisant, et en pincer savamment les cordes qui produisirent un joli son cristallin.


- Ah, tu es musicienne, Giovanna ? demanda Maria Talbec.


- Depuis mes six ans.


- Et t’es balèze ? lança Gudrun Emilsdottir.


- Mon prof me dit à chaque cours que je suis une des meilleures élèves qu’il ait jamais eu...


Kelly lâcha un petit ricanement incrédule. L’ego de cette fille atteignait des proportions à la limite de l’obscénité. Martoni l’avait entendue, puisqu’elle jeta à Kelly un coup d’œil provocateur, avant de s’adresser à son préfet d’un ton faussement hésitant :


- Peter, je peux l’essayer ?


- Pourquoi pas, ça mettra un peu d’animation...


Martoni eut un sourire révérenciel, et saisit l’archer de son violon. Tous les regards se posèrent sur elle, ce qui, à en juger par son regard brillant, la comblait de satisfaction. Elle prit une inspiration théâtrale, et commença aussitôt à jouer.


Kelly reconnut l’Ouverture miniature de Casse-Noisette de Tchaïkovski, qui était une des pièces préférées de son père. Elle fut forcée d’admettre que Martoni n’avait pas menti quand elle s’était vantée de son talent au violon. Il n’y avait pas la moindre fausse note ou erreur de rythme, et elle n’avait même pas eu besoin d’un temps de prise en main d’un instrument pourtant tout neuf. Le plus ébahissant était la décontraction totale de son visage : il n’y avait pas le moindre signe de difficulté et d’hésitation, juste une aisance et un naturel presque insolent.


Lorsque Martoni conclut son morceau par un élégant tremolo, un tonnerre d’applaudissements retentit dans la salle commune. Toute fière, la musicienne salua en s’inclinant bien bas. Kelly eut l’impression d’être frappée par la foudre quand presque tous ses camarades encouragèrent Martoni à jouer à nouveau. Celle-ci enchaîna alors sur un morceau très rythmé de jazz manouche, et au bout d’à peine quelques secondes, les élèves l’accompagnèrent en frappant dans leurs mains.


Kelly avait envie de hurler. Le fait que la fille qu’elle détestait soit aussi douée et soit aussi acclamée n’était pas le seul problème. Le pire était que Kelly avait voulu apprendre le violon, elle aussi. Quand elle avait 8 ans, ses parents l’avaient inscrite à sa demande à une école de musique pour prendre des leçons. Malheureusement, elle ne s’était pas montrée particulièrement douée, et pas très à l’aise en cours : elle avait donc rapidement perdu sa motivation, et avait abandonné au bout de deux ans, sans avoir été capable de jouer beaucoup de choses. Elle avait assez mal vécu cet échec, et voir Martoni réussir aussi brillamment là où elle avait raté l’humiliait au plus haut point.


Rageuse et foncièrement jalouse, Kelly quitta l’assemblée. Elle fit un passage au dortoir des filles, posa délicatement son nouveau sac sur son lit, avant de redescendre et chuchoter à John et Naomi :


- On va faire un tour dehors ? J’ai envie de me dégourdir les jambes.


Manifestement, John et Naomi ne partageaient pas son dégoût et seraient volontiers restés écouter Martoni faire de la musique, mais face à l’autorité mêlée d’amertume dans la voix de Kelly, ils n’osèrent pas la vexer et la suivirent hors de la salle commune.


Ils descendirent l’escalier de la tour jusqu’au premier étage, et se mirent à déambuler, tout silencieux qu’ils étaient, sans but précis. À l’extérieur, la tempête était trop forte pour qu’ils envisagent d’aller jouer dans la neige comme ils l’avaient fait les derniers jours. Pour la plus grande irritation de Kelly, John sortit soudainement :


- Faut reconnaître qu’elle est vraiment douée avec son violon, la Martoni…


- Et alors ? Ça reste une grosse bouffonne, non ? maugréa Kelly avec mauvaise humeur.


- Je ne l’aime pas beaucoup plus que toi, Kelly, commença Naomi avec patience, mais c’est pas une raison pour la dénigrer en toutes circ...


Mais Naomi n’eut pas le temps de finir sa phrase. Tout à coup, une sorte de boule volante, étincelante et rapide comme l’éclair surgit à l’angle du couloir et se cogna violemment contre son visage.


- Aïe ! cria-t-elle, portant aussitôt la main au niveau de ses yeux.


Plein de réflexes, John attrapa aussitôt l’objet volant et le serra fermement entre ses doigts. Kelly s’approcha. C’était une petite balle dorée en métal, dotée de deux ailes translucides qui battaient à toute vitesse, à la manière des insectes. Naomi proféra un juron : en se cognant contre elle, cette chose avait fissuré un carreau de ses lunettes. Elle tira sa baguette magique, donna trois coups secs dessus en incantant :


- Reparo !


Le verre fendu se ressouda aussitôt et redevint comme neuf. Naomi rajusta ses lunettes sur son nez et se pencha pour examiner la petite sphère. Ses yeux s’arrondirent de stupéfaction.


- C’est un Vif d’or !


- Un Vif d’or ? répéta Kelly, surprise.


- C’est une des balles du jeu du Quidditch !


- Mais y’a pas de Quidditch à Lettockar... murmura John.


Les trois amis se regardèrent, totalement perdus. John commença à faire tourner la boule entre ses doigts, pour l’examiner sous toutes les coutures. Ils virent alors qu’un dessin y était finement gravé. Après l’avoir observé longuement, Kelly reconnut avec stupeur un blason que Naomi lui avait montré dans un de ses livres : un grand « P » entouré d’un blaireau, d’un lion, d’un serpent et d’un aigle. C’étaient les armoiries du collège Poudlard.


- Ce… cet objet vient de l’école Poudlard ! balbutia-t-elle.


- Quoi ? s’étrangla John.


- Mais c’est impossible, voyons… dit Naomi d’un ton abrupt, les yeux ronds. Comment il serait arrivé ici ?


Un silence abasourdi s’installa dans l’atmosphère pendant une dizaine de secondes, durant lesquelles les trois adolescents eurent leurs facultés de réflexions endommagées par l’ébahissement.


- Mais c’est vrai ça, comment il est arrivé ici ? dit John d’une voix rauque.


- On est absolument sûrs qu’il n’y a pas d’équipement de Quidditch à Lettockar ? s’enquit Kelly à voix basse.


- Absolument, confirma Naomi.


Perdu dans ses pensées, John desserra inconsciemment les doigts, et le Vif d’Or en profita pour lui échapper. Voletant à toute vitesse, il fit plusieurs cercles fulgurants autour d’eux et repartit à tire-d’aile d’où il était venu.


- Vite, il faut le rattraper ! s’écria John.


- Mais… pourquoi ? s’étonna Naomi.


- Il ne faut pas que les profs le trouvent ! répondit leur ami avec perspicacité. Si ce bidule vient vraiment de Poudlard et qu’il a réussi à s’introduire à Lettockar, ils ne doivent pas le savoir…


N’hésitant pas une seconde, ils se lancèrent à la poursuite du Vif d’Or. En courant, Kelly sentit une étrange ferveur la gagner. Elle n’aurait pas su expliquer pourquoi, mais savoir qu’un objet provenant de Poudlard se trouvait en ce moment dans leur école cachée l’excitait : comme si, à elle seule, cette petite balle venait de faire vaciller le système de Lettockar. Il fallait absolument mettre la main dessus et essayer d’en savoir plus.


Le Vif d’Or était manifestement complètement désorienté, puisque malgré sa vitesse, ils le rattrapèrent très vite et le surprirent en train de tourner en rond. John fit une première tentative pour l’attraper en faisant un saut impressionnant, mais il le rata. Effrayée, la sphère partit se réfugier dans la première cachette qu’elle trouva : la classe de métamorphose, dont la porte était ouverte. Kelly, John et Naomi s’y ruèrent. Le Vif d’Or sembla avoir compris qu’il se trouvait dans un cul-de-sac, car il essaya aussitôt de ressortir. Mais Kelly et Naomi lui barrèrent la route, bondissant pour essayer de le saisir au-dessus de leurs têtes. Il fondit ensuite vers le sol, comme pour se cacher sous les tables. John se précipita au moment où la balle métallique parcourait l’allée centrale, mais il trébucha et chuta en plein sur le Vif d’Or. La scène parut alors se dérouler au ralenti : au moment où John poussait un cri, il goba involontairement la sphère qui avait eu la malchance de se trouver au niveau de ses lèvres grandes ouvertes. John se retrouva donc à quatre pattes, avec un Vif d’Or dans la bouche.


Pendant une seconde, il ne se passa rien. Puis, Kelly et Naomi lâchèrent un éclat de rire sonore, suscitant chez leur ami aux joues sur-gonflées un air scandalisé devant leur hilarité certes très peu charitable. Mais qui n’aurait pas ri devant une scène aussi burlesque ? Continuant de pouffer, Kelly finit par dire d’une voix qu’elle s’efforçait de rendre normale :


- Prrfffhihihi… Excuse-nous John, mais c’est juste...


- Qu’est-ce que c’est que ce foutoir ? résonna alors une voix grinçante depuis le couloir.


Kelly et Naomi sursautèrent en voyant la tête du professeur McGonnadie apparaître dans l’embrasure de la porte. Leur directeur de maison pénétra lentement dans sa salle de classe, fixant ses élèves avec un étonnement malveillant.


- Qu’est-ce que vous faites ici ? les interrogea-t-il à mi-voix.


- Oh, rien… répondit Naomi d’un ton évasif. C’est juste qu’on a vu la classe de métamorphose ouverte, et ça nous a paru bizarre. On est entré pour voir s’il s’y passait quelque chose. On vient à peine d’arriver.


Soupçonneux, McGonnadie haussa un sourcil. Puis ses yeux froids se tournèrent vers John, qui s’était immobilisé, restant à quatre pattes. Les lèvres du professeur se tordirent en un sourire sardonique, et il lança :


- Alors Ebay, on a retrouvé ses instincts de quadrumane ?


Naomi émit un petit glapissement en entendant cette nouvelle blague ignoble. Kelly n’y tint plus. Sa main plongea vers sa poche, là où se trouvait sa baguette magique. Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle allait faire, mais la seule chose qui comptait était d’infliger une blessure à McGonnadie.


Mais son bras fut alors bloqué à quelques centimètres de sa poche, par une sorte force intangible. Comme si une main invisible la retenait par le poignet. Kelly eut beau forcer, elle ne parvint pas à d’avancer d’un pouce, incapable d’atteindre sa baguette. Stupéfaite, elle tourna les yeux vers McGonnadie.


- Tt-tt-tt, fit celui-ci en agitant l’index. On ne va quand même pas se battre un jour de Noël, jeune fille.


Il baissa la main, et le bras de Kelly fit un grand mouvement brusque dans l’autre sens avant d’être libéré. Elle gronda à la manière d’un chat. McGonnadie ne perdait rien pour attendre. Elle se jura d’apprendre un jour tous les maléfices les plus odieux et atroces qui soient pour les lui infliger, car il n’y avait pas de pire sensation que de ne rien pouvoir faire face à ses provocations.


Mais contre toute attente, celui-ci ne paraissait pas aussi gonflé d’un sentiment d’impunité que d’habitude, puisqu’il soupira à un John complètement déconfit :


- Bah allez John, réponds quelque chose, au moins...


Mais John ne pouvait rien répondre. S’il ouvrait la bouche pour parler, le Vif d’Or s’échapperait et se dévoilerait à McGonnadie. Il ne fallait surtout pas que cela arrive. John resta donc totalement coi, à regarder son professeur d’un air profondément idiot, les yeux écarquillés et les joues violacées. McGonnadie prit ce silence pour de la couardise mêlée à un profond manque de répartie.


- Mais réplique, crétin ! persifla-t-il. Promis, je te punis pas !


Derrière son professeur, Kelly pinça les lèvres. Elle n’imaginait que trop bien l’horreur de la situation de John, obligé de se taire pour ne pas les trahir et révéler qu’ils avaient découvert un objet venu d’une autre école s’introduire dans la leur, ce qui, cela ne faisait aucun doute, leur attirerait les foudres de leurs enseignants. Il n’eut d’autre choix que de baisser les yeux, impuissant. McGonnadie lâcha une sorte d’aboiement exaspéré, et tourna le dos en vociférant :


- Ah, t’es vraiment trop con ! Je me casse, tiens !


Sans accorder le moindre regard à Kelly et Naomi, il sortit en trombe de la salle de métamorphose, reprenant son chemin dans le couloir. Les trois élèves, fortement tendus, restèrent totalement immobiles et silencieux en attendant qu’il s’éloigne. L’écho de ses pas devint de plus en plus faible. Naomi jeta un coup d’œil furtif dehors, puis leva le pouce pour signifier qu’il avait disparu. John recracha alors le Vif d’Or de toutes ses forces, toussant à plein poumons. Les ailes engluées par la salive, la petite balle ne parvint pas à reprendre son envol. Surmontant sa répulsion, Kelly bondit sur elle, l’attrapa entre les manches de sa robe et la fourra dans sa poche intérieure. L’esprit toujours aussi vif, Naomi lança un sortilège qui en cousit solidement l’ouverture, empêchant le Vif d’Or de pouvoir s’échapper à nouveau. Les deux filles se tournèrent ensuite vers le pauvre John, toujours à terre.


- Bordel, mugit-il, ça fait des mois que j’attends de pouvoir renvoyer ses insultes à cet enfoiré, et au moment où j’en ai l’occasion, il faut que j’aie un putain de Vif d’Or dans la bouche !


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