Lettockar, tome 1 : la honte des écoles

Chapitre 12 : S.O.S à la Saint-Sylvestre

4648 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 13/03/2022 21:42

12. S.O.S à la Saint-Sylvestre


La neige avait recouvert tout le domaine de Lettockar. Le paysage immaculé et scintillant réjouissait les habitants de Lettockar, qui s’amusaient follement dans la poudreuse. Mais Kelly Powder, Naomi Jane et John Ebay étaient loin de partager la décontraction générale. Ils étaient bien trop préoccupés par l’objet frappé aux armes de Poudlard sur lequel ils avaient fait main basse. Ils avaient enfermé le Vif d’or dans un bocal vide qu’ils avaient volé à la salle de potions et l’avaient caché dans la valise de Naomi, sous son matelas. Ils n’avaient pas eu beaucoup d’occasions d’en parler ensemble : en cette période de vacances de Noël où tout le monde avait du temps libre, il n’était pas facile de pouvoir s’isoler dans la salle commune ou les couloirs pour examiner le Vif d’or et tenter de comprendre quelque chose à son apparition soudaine dans les murs de Lettockar. D’autant plus que s’il parvenait à s’échapper et qu’il était vu par tous sortant de la tour de Dragondebronze, ils auraient de sérieux ennuis. Mais au bout de deux jours de tentatives infructueuses, la petite balle métallique avait l’air de s’être résignée, puisqu’elle n’agitait plus ses ailes. Un soir, alors qu’ils se réunissaient tous les trois dans le dortoir des filles, John la tint même dans sa main sans qu’elle essaye de s’envoler.


- Je me demande vraiment comment il a pu se retrouver ici, dans le trou du cul du monde… marmonnait celui-ci en faisant tourner le Vif d’or entre ses doigts.


- Les objets peuvent traverser la Barrière de Dissimulation ? demanda Kelly.


La Barrière de Dissimulation était un vaste enchantement qui délimitait tout le domaine de Lettockar, s’étendant jusqu’aux deux tiers de la Forêt Déconseillée. Elle empêchait toute intrusion : elle rendait la forteresse invisible et maintenait un champ de protection magique extrêmement puissant. Elle était par ailleurs dotée d’un sortilège Repousse-moldu. Il n’y avait qu’un moyen pour les personnes n’appartenant pas à Lettockar de la franchir : qu’un habitant du château les invite à y entrer.


- En théorie, oui… dit Naomi, ce n’est pas un être vivant, donc il n’a pas besoin qu’on l’autorise à entrer à Lettockar.


Kelly prit une profonde inspiration. Étendue sur son lit, elle avait les yeux rivés sur son baldaquin sans même le voir. Depuis toujours, quand elle n’allait pas bien ou qu’elle était troublée, elle avait pour habitude de s’allonger pour se perdre dans ses pensées. Et l’irruption de ce Vif d’or était un motif de trouble comme elle en avait rarement eu...


- Alors ça me paraît clair, déclara-t-elle. Il a volé depuis Poudlard jusqu’ici, voilà tout.


- Depuis l’Angleterre ? s’étonna Naomi. Il aurait traversé tout le continent ? C’est insensé ! Et pourquoi il aurait fait ça ?


- Je sais pas, et c’est vrai que quitter Poudlard pour aller à Lettockar, c’est une idée que même un objet sans conscience n’aurait pas, admit Kelly. N’empêche qu’il est là, ce Vif d’or…


- Qu’est-ce que ça a de spécial, Poudlard ? demanda John.


Étant africain, John n’était pas familier avec l’école britannique ; les sorciers là-bas allaient en théorie à Uagadou, un autre grand institut de sorcellerie.


- Poudlard ? C’est ici, mais en bien. Et son directeur est génial… dit Kelly d’une voix rêveuse.


- Le professeur Dumbledore, c’est ça ?


- C’est vraiment dommage que tu l’aie pas rencontré comme Mimi et moi, Johnny-boy. Il était tellement gentil.


- Et très intelligent ! ajouta Naomi.


- Le directeur qu’on souhaiterait tous avoir… marmonna Kelly, plus pour elle-même que pour John.


Ce Vif d’or venant de Poudlard avait réveillé en elle le souvenir de sa rencontre avec le plus grand des magiciens. Cela l’avait motivée à aller lire de nouvelles choses à son sujet. Pour une fois qu’elle avait une bonne raison d’aller à la bibliothèque, elle ne s’était pas privée d’aller consulter des ouvrages où son nom était mentionné. Albus Dumbledore était vraiment un homme extraordinaire. Militant infatigable de la cause des Moldus et des Nés-Moldus, et du droit de chacun d’apprendre la magie, ses citations les plus brillantes étaient une grande source d’inspiration pour Kelly. Si ses compatriotes l’écoutaient un peu plus, elle ne se retrouverait pas dans cette école de maboules, se disait-elle. Tous ses travaux scientifiques n’avaient pas tardé à impressionner Naomi qui leur avait malheureusement tenu la jambe avec les douze usages du sang de dragon. Et son titre de plus grand sorcier du monde n’était pas usurpé, lui qui avait vaincu le terrible Gellert Grindelwald, l’un des plus puissants mages noirs de tous les temps, dans un duel de sorcellerie entré dans la légende, et ainsi libéré toute l’Europe de l’Est de sa tyrannie, et peut-être bien sauvé le monde entier. Preuve supplémentaire qu’il était génial, il n’était guère en odeur de sainteté auprès des profs de Lettockar. Par exemple, quand il avait surpris Kelly en train de lire un chapitre sur Dumbledore à la bibliothèque, Jar Jar Binns lui avait enlevé 15 points. Il ne faisait aucun doute qu’ils étaient tous jaloux de lui.


Et son école, Poudlard… une école de rêve pour une jeune sorcière larguée à Lettockar. Que n’aurait-elle pas donnée pour étudier dans l’école où elle aurait être envoyée ? Là-bas, pas de profs racistes, pas de cours d’histoire sur Raptor Jesus, pas de garde-chasse qui vous empêche de dormir la nuit. Pas de tapisseries qui vous étranglent, et pas de monstres et de bestioles mortelles aux alentours, enfin, du moins, elle en était persuadée. En tout cas, il était certain qu’on apprenait bien mieux la magie à Poudlard qu’à Lettockar.


Alors, deux jours avant le nouvel an, Kelly eut une idée géniale : et s’ils accrochaient un message au Vif d’or ? Puisqu’il cherchait à retourner à Poudlard, quelqu’un mettrait forcément la main dessus. Les hiboux de Lettockar refusaient peut-être de livrer les messages trop négatifs, mais pas lui. Ils n’avaient qu’à le relâcher avec un S.O.S. Alors, il atterrirait dans les mains du professeur Dumbledore, et il leur viendrait en aide… et peut-être même que…


- Qu’il nous prendra comme élèves à Poudlard !


Elle avait soumis son idée à John et Naomi juste après le déjeuner. Ils étaient dans la cour, entourés de bon nombre de leurs camarades qui s’amusaient en chahutant dans la neige. Force était de constater que les élèves de Lettockar ne manquaient pas d’imagination pour rendre leurs jeux bien plus intéressants que chez les Moldus : ici, des troisième année avaient ensorcelé leurs luges pour les faire rebondir sur la neige comme sur des trampolines et faisaient le concours du plus grand bond ; là, des Ornithoryx avaient créé un Taj Mahal de glace ; ailleurs, des Becdeperroquet avaient animé leurs bonhommes de neige et les faisaient s’affronter. Les trois inséparables faisaient d’ailleurs semblant de jouer aussi pour ne pas attirer l’attention. Naomi afficha un air incrédule face à la proposition de Kelly :


- Tu… tu crois ? balbutia-t-elle.


- Mais oui ! s’exclama Kelly, frustrée que John et Naomi ne sautillent pas en s’écriant à quel point c’était une idée géniale. Si on lui explique bien pourquoi on le contacte, si on lui décrit suffisamment ce qu’on vit ici, le professeur Dumbledore ne laissera pas passer ça. Il nous mutera dans son école, et la bande de Doubledose ne pourra rien faire, il pourrait les rétamer en deux secondes, ajouta-t-elle avec une admiration vengeresse.


-Vous peut-être, mais moi, j’étais pas censé aller à Poudlard, de base ! rappela John. C’est pas sûr qu’il m’accepte…


- Mais si ! Il ne refusera pas quelqu’un qui veut apprendre la magie, rétorqua Kelly. Il a toujours fait en sorte que les Nés-moldus aient leur place à Poudlard. En plus, tu parles anglais, donc pas de problèmes pour suivre les cours là-bas. Il s’en fiche d’où tu viens.


- Doubledose aussi… dit John avec une légère froideur.


Kelly tiqua d’agacement. Pourquoi John faisait-il son pénible avec ce propos ? Il était certes exact – Doubledose avait effectivement dit cela lors de son discours de « bienvenue » -, mais comparer cet exécrable bourrin à Albus Dumbledore était à ses yeux très déplacé.


- Bon bah écoute, si ça t’intéresse pas, t’as qu’à rester ici, dit-elle en haussant les épaules.


- Mais si, allez, répliqua John en retrouvant le sourire. Je peux quand même pas vous laisser partir seules, vous allez faire que des conneries ! Alors, comment on fait ?


- Ce qu’on peut faire, c’est le lâcher un soir dans la Forêt Déconseillée. Si on s’éloigne suffisamment du château, personne ne nous verra… et on le renverra à Poudlard ! Tiens Mimi, toi qui écris bien, tu vas rédiger notre message !


- D’accord, dit Naomi en prenant un air pensif. Il vaudrait mieux qu’on le fasse à un moment où on est sûrs que personne ne sera dans la forêt. Pendant le repas du nouvel an, par exemple.


Le soir du nouvel an, tout le monde serait à la fête, et le personnel de l’école dans un état aussi pitoyable que lors du repas de Noël. Ils pourraient donc rater une partie du festin sans avoir d’ennuis. Au pire, si quelqu’un les interrogeait, ils inventeraient un mensonge quelconque, et même s’ils étaient punis, cela ne serait qu’un faible prix à payer. Le plan convint à tout le monde ; avec un sourire roublard, Kelly, John et Naomi se tapèrent tous les trois dans la main.


Le 31 décembre au soir, la fête battait son plein dans la Cantina Grande. Les boissons qui coulaient à flot, la nourriture qui volait, les rires tonitruants et les blagues d’un niveau plus que variable étaient de mise. Le bruit des conversations animées de ses voisins n’étaient qu’un bourdonnement aux oreilles de Kelly, qui avait l’esprit ailleurs. A un moment, Naomi lui montra discrètement une enveloppe coincée dans sa poche intérieure. En réponse, Kelly lui montra le Vif d’or. Elles s’échangèrent un sourire entendu. Il leur fallait juste attendre après les douze coups de minuit ; sortir de la Cantina Grande avant le nouvel an attirerait l’attention. De temps à autres, Kelly jetait un regard à la table des professeurs pour vérifier qu’ils festoyaient normalement et ne leur portaient aucun intérêt ; tout semblait normal, à l’exception de Fistwick qui avait de drôles de traces blanches sur les narines. Kelly surveilla aussi le regard de Martoni. S’il y avait bien une personne susceptible de les balancer, c’était elle. Kelly avait hâte de ne plus l’avoir dans son champ de vision, quand elle serait à Poudlard.


Minuit passa. Le brouhaha explosa. Des feux d’artifices magiques furent tirés partout dans la salle de banquet : McGonnadie et Fistwick avaient un don incontestable pour donner des formes impressionnantes aux leurs, parfois un peu trop comme lorsqu’un kraken vert et bleu faillit mettre le feu à la table de PatrickSébastos. Tout le monde était en train de se souhaiter les meilleurs vœux (les première année ne pouvaient que souhaiter que la deuxième moitié de l’année scolaire soit un peu mieux que la première). C’était le moment pour Naomi, Kelly et John. Déjà, des élèves sortaient régulièrement de la Cantina Grande, souvent des couples qui s’éclipsaient d’un air innocent : ils purent se lever de table sans paraître suspects. Ils se dirigèrent vers la sortie, en parlant à haute voix pour avoir l’air plus naturel. Ils eurent une frayeur passagère quand deux fantômes les abordèrent (une inuite et un gros mastodonte avec un pagne en peau de bête), mais les spectres ne firent que leur souhaiter une bonne année en leur faisant des grimaces supposées être effrayantes. Kelly eut un sourire en coin. Si tout se passait bien, cette année 1995 serait en effet très bonne, en ce qui les concernait…


A peine Kelly et ses amis eurent-ils poussé la grande porte d’entrée que l’air froid leur fouetta le visage. La neige avait toutefois pas mal fondu ces deux derniers jours. Ils traversèrent la cour et s’engouffrèrent dans la Forêt Déconseillée, qui était plus calme qu’à l’automne. Ils marchèrent durant un bon quart d’heure quand tout à coup, ils croisèrent Gallay, l’ours de Viagrid, qui se promenait dans les bois. En voyant trois élèves qui n’avaient rien à faire dans la Forêt à cette heure-ci, il commença à grogner et à leur montrer les dents, mais du coup, il tomba aussitôt endormi. Kelly trouva étrange de l’avoir croisé : il ne devrait pas hiberner, celui-là ? Quoiqu’il en soit, ils étaient arrivés suffisamment loin : la végétation étaient touffue au point qu’ils ne pouvaient plus voir au travers. Ils se stoppèrent. Naomi et Kelly sortirent en même temps leurs parties du message. Le Vif d’or s’agitait entre les doigts de Kelly, comme s’il avait senti qu’il était sur le point d’être libéré. Il vibrait et battait des ailes. Naomi y attacha soigneusement l’enveloppe, en espérant qu’elle tienne pendant un voyage de plusieurs milliers de kilomètres.


- Bon, on s’dépêche, j’ai froid ! dit John.


- John, un peu de dignité ! répliqua Naomi. L’instant est solennel !


- « Solennel », ça rime avec « je me les gèle » ! Allez Kelly, envoie le pigeon !


L’expression était assez appropriée, puisque Kelly lança le Vif d’or à la manière d’un pigeon voyageur. Elle le regarda s’envoler avec un sourire triomphant aux lèvres, prête à le suivre des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse dans les cieux par-delà la Forêt Déconseillée… mais il partit dans la direction opposée. Vers le château.


- Mais qu’est-ce qu’il fout ? s’étrangla Kelly


- Merde, merde ! cria John. Il rentre au château, cet abruti !


Affolés, ils se lancèrent à sa poursuite. Eux qui avaient tout fait pour l’empêcher de s’échapper durant des jours ! Ils se retrouvaient à lui courir après à s’en déchirer les muscles, comme la fois où ils l’avaient découvert ! Le Vif d’or semblait encore chercher son chemin : il zigzaguait entre les arbres à une vitesse extrêmement irrégulière, comme la démarche d’un homme ivre. Néanmoins, il se rapprochait irrémédiablement de l’école. Kelly ne comprenait pas, il avait essayé de s’échapper à plusieurs reprises, pourquoi retournait-il se perdre dans le château alors qu’ils lui avaient enfin rendu sa liberté ? Ils finirent par sortir de la Forêt Déconseillée. Ils arrivaient encore à apercevoir l’éclat doré dans la nuit, mais ils ne le rattrapèrent pas et le pire arriva : la balle de Quidditch revint dans le château. John, Kelly et Naomi ne s’arrêtèrent pas et rentrèrent à leur tour, mais le désespoir les gagna. L’horrible scénario se dessinait devant leurs yeux : leur message dénonciateur allait être intercepté. Heureusement, personne dans le grand hall ne repéra ni le Vif d’or ni les trois ahuris qui lui couraient après. Ils passèrent certes tout près d’un couple, mais le garçon et la fille étaient trop occupés à se tripoter pour faire attention à eux. Pour le moment, rien n’était perdu.


Mais la balle ailée commençait à distancer les trois jeunes gens. Ils remontaient à présent l’allée ténébreuse qui menait à la crique creusée dans la colline du Roc. Ni Kelly, ni John ni Naomi n’y étaient retournés depuis la rentrée, il n’y avait rien d’intéressant là-dedans. A leur passage, les quatre bustes chantant leur souhaitèrent bonne année en massacrant l’accord de septième majeure. Ils accélérèrent encore leur course. Alors, ils virent une lueur dorée bifurquer soudainement vers la gauche. Kelly reprit brusquement espoir : ils allaient peut-être pouvoir coincer cette foutue sphère volante. Les trois compères s’arrêtèrent là où le Vif d’or avait viré : devant une grande porte en bois vermoulu. Il y avait un trou dans le hublot de verre crasseux et opaque, à peu près de la taille du Vif d’or ; et par terre gisaient des débris de verre qui semblaient dater de plusieurs jours. Ils poussèrent la porte, et découvrirent derrière un grossier escalier de pierre qui s’enfonçait dans les profondeurs obscures...


- Qu’est-ce que c’est que cet endroit ? demanda John.


- Le chemin vers les catacombes de Lettockar… répondit Naomi avec fébrilité.


- Les catacombes ? Mais qu’est-ce qu’il y a là-dedans ?


- Je… je ne sais pas.


Naomi ne savait pas… cette perspective glaça la peau de Kelly aussi sûrement que le courant d’air froid qui s’élevait de l’escalier. Ils n’avaient pourtant pas le choix : ils devaient y aller. Ils s’engagèrent avec appréhension sur la voie descendante, en fermant la porte derrière eux, presque à contrecœur, car cela leur donnait l’impression d’être pris au piège. Ils descendirent le long escalier, ce qui n’était déjà pas une mince affaire : il était tortueux, partait parfois en colimaçon puis redevenait droit, et les marches étaient irrégulières et mal taillées. Les pierres étaient humides et glissantes. En conséquence, ils ne pouvaient pas courir, et vu la vitesse à laquelle allait le Vif d’or, c’était bien malvenu. Ceci étant, cette fois, la balle de Quidditch ne rebroussait pas chemin. Donc c’était bien là-dedans qu’il voulait aller, les entrailles du château où personne ne se rendait jamais… pourquoi ?


Ils arrivèrent enfin au bout de l’escalier, et découvrirent ce qu’il y avait sous leur école. Une grande caverne, dont les dimensions étaient proches de l’intérieur d’une cathédrale, hérissée de stalactites et de stalagmites. Il y régnait une atmosphère incroyablement étrange et éthérée. Les murs rocailleux étaient incrustés de myriades de petits cristaux chatoyants. Apparemment, la magie imprégnait ce lieu et était la cause de nombreux phénomènes incongrus. Des pierres lévitaient à quelques mètres au-dessus du sol, en suspension. Des petits éclairs et décharges électriques grésillaient un peu partout, sur les murs, au sol, au plafond ; entre les rochers, des boules de lumière bleues pulsaient aléatoirement. Le plus étrange était les gouttes d’eau qui tombaient des stalactites : elles n’atteignaient même pas le sol. Elles s’évaporaient avant, dans un minuscule nuage de vapeur.


- C’est quoi tous ces… trucs ? interrogea Kelly à la cantonade.


- C’est très bizarre… répondit Naomi à mi-voix. C’est de la magie, mais on dirait plutôt… de l’énergie brute et incontrôlée… c’est… chaotique.


Kelly n’aurait pas trouvé un meilleur qualificatif. Les entrailles de Lettockar étaient encore plus bizarroïdes que la surface. John, Naomi et elle se séparèrent pour rechercher le Vif d’or. Ils n’apercevaient aucune sortie nulle part, il n’avait donc pas pu s’enfuir. Néanmoins, ils n’entendaient pas le bruit de battement d’ailes caractéristique… ils cherchèrent chacun de leur côté, guettant aussi bien le plafond et les pierres que le sol. Ils ne trouvèrent résolument rien. La balle métallique semblait bel et bien avoir disparu. Mais par où ?


Tout à coup, Kelly entendit un bruit de froissement sous son pied. Elle baissa le regard. Leur lettre traînait par terre, à côté d’une bien curieuse chose. Au milieu d’une espèce de petit cratère, il y avait un trou dans le sol, de la taille d’une balle de tennis. A l’intérieur brillait avec force une aura de lumière blanche émaillée de bleu, qui tournait en spirale, comme un petit tourbillon. Il émettait un drôle de bruit, mélange de souffle du vent et de crépitement d’une flammèche… Intriguée, Kelly appela les autres :


- Hé, venez voir ça...


John et Naomi s’approchèrent et découvrirent le trou lumineux avec la même stupéfaction. Naomi s’empressa de ramasser l’enveloppe et la fourra dans sa poche, car si quelqu’un tombait dessus, ils étaient morts.


- Vous croyez que c’est par là que le Vif d’Or est passé ? leur demanda Kelly.


En tout cas, c’était l’explication qui lui était automatiquement venue à l’esprit. Si c’était le cas, leur message n’avait apparemment pas passé le trou…


- Attendez, j’vais vérifier, intervint John d’une voix décidée.


Il sortit de sa poche le résultat d’un cours de métamorphose que, curieusement, il avait conservé : un coupe-ongle qui était à l’origine une pince à linge. John le tendit juste au-dessus du cratère.


- Hem, John… on devrait peut-être réfléchir avant de… tenta Naomi.


Mais John ne l’écouta pas : il laissa tomber le coupe-ongle… et il fut aspiré dans la petite cavité, qui brilla plus intensément et fit jaillir quelques petites gouttelettes lumineuses. Cependant, on n’entendit aucun bruit indiquant qu’il était tombé sur un quelconque fond. Avait-il été détruit, vaporisé ? Ou bien avait-il atterri quelque part ? Peut-être que si on tâtait ce drôle de trou…


Tout à coup, John, Kelly et Naomi entendirent des grésillements autour d’eux, bien plus puissants que ceux qui parsemaient constamment la caverne. Ils firent volte-face et virent avec effroi que des éclairs furtifs se multipliaient partout dans la zone, tandis qu’ un son évoquant le chant d’une baleine retentissait. L’énergie magique semblait s’exciter tout autour d’eux : les cristaux brillaient comme des gyrophares, et au plafond, des stalactites tremblaient dangereusement. John lâcha d’une voix misérable :


- Euh… apparemment, ça plaît pas à la magie d’ici...


- Ah, bravo John ! gronda Kelly.


- Faut pas rester là ! s’écria Naomi. Barrons-nous immédiatement !


Ils prirent immédiatement la poudre d’escampette et se ruèrent vers les escaliers. Sous leur pieds, des crevasses zébraient le sol poussiéreux. Ils gravirent les marches quatre à quatre sans se retourner un instant, glissant parfois, pressés de mettre le plus de distance possible entre eux et la magie chaotique énervée. Ils atteignirent le haut des escaliers et en sortirent en trombe sans même prendre la peine de vérifier si la voie était libre. Ils claquèrent la porte derrière eux et, haletants, ils se laissèrent tomber contre le mur, les yeux clos et le cœur battant. Quand il eut retrouvé un peu de souffle, John s’exclama :


- Bah dis donc, ça fout les jetons, ce qu’il y a là-dedans !


- Et on a perdu le Vif d’or... se désola Naomi.


Kelly serra les poings. Il y a à peine une heure, elle était galvanisée par la certitude de réussir leur coup et de n’avoir plus qu’à attendre qu’on vienne les chercher. Cela avait tourné au fiasco. Leur S.O.S. n’avait absolument pas été envoyé, et pire que tout, ils avaient perdu leur seul moyen d’entrer en contact avec le professeur Dumbledore.


- Putain de merde ! s’écria-t-elle en frappant le mur.


Et pourtant… une étincelle persistait dans son esprit. Cette espèce de minuscule tourbillon qu’ils avaient découvert n’était pas anodin. La présence de leur parchemin sur le sol, et le coupe-ongle de John qui avait disparu à l’intérieur ne laissaient aucun doute : le Vif d’or l’avait traversé. Et s’il était instinctivement retourné vers lui, il y avait de fortes chances que ça soit aussi par là qu’il était apparu. Mais qu’était donc ce trou empli de lumière ? Il leur fallait absolument élucider ce qu’ils venaient de voir.


En attendant, il devaient retourner au repas du nouvel an. Mais ils se rendirent compte qu’ils ne pouvaient pas revenir tout de suite à la Cantina Grande : ils avaient les cheveux tout hérissés à cause de l’électricité statique du sous-sol, et ça allait se voir. Ils remontèrent l’allée obscure, sans savoir où ils allaient se rendre en premier… une idée leur viendrait bien en chemin. Soudain, alors qu’ils sortaient enfin du couloir, ils entendirent un son de tronçonneuse. Les trois amis s’immobilisèrent. Une seconde après, ils entendirent deux voix cassées s’approcher en chantant :


Denver, le dernier dinosaure,

Il a sucé Godric Gryffondor !

Denver, le dernier dinosaure,

Il est presque aussi vieux qu’Dumbledore !


Viagrid surgit de l’angle du couloir en chancelant, son cor en ivoire à la main. Le professeur Pourrave était assis sur ses larges épaules, une part de tarte à la main, se cognant au plafond de temps à autres. Les deux imbéciles s’arrêtèrent et se turent en apercevant trois de leurs élèves hors de la Cantina Grande. Ils les dévisagèrent en fronçant les sourcils et en dodelinant de la tête. Les trois compagnons auraient pu passer leur chemin en prenant un air léger, mais cela n’aurait pas été très crédible. Kelly n’arrivait pas à interpréter l’expression de Viagrid ou de Pourrave… les soupçonnaient-ils de quelque chose ? Alors, Viagrid ouvrit sa grosse bouche en grand. Kelly, John et Naomi se raidirent, s’attendant à se faire hurler dessus. Mais il n’en sortit qu’un rot monumental, qui résonna dans tout le couloir, fit trembler quelques pierres du château et agita les cheveux de Kelly et Naomi.


- Et bonne année ! s’exclama Pourrave.


Et ils s’en allèrent.


Laisser un commentaire ?