Le langage des fleurs

Chapitre 5 : Oeillets

1406 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/01/2022 19:43

Harry errait dans les couloirs de Poudlard, perdu dans ses pensées.

La guerre était peut être terminée, et il était peut être redevenu un jeune homme - presque - comme tous les autres, mais il y avait encore des moments où il avait l’impression de suffoquer. Où il se sentait en danger, comme s’il pouvait mourir d’un jour à l’autre.

C’était surtout les nuits qui étaient compliquées, lorsque les cauchemars venaient le hanter. Il revoyait les pires moments de sa vie, de son enfance catastrophique, jusqu’à toutes les personnes qu’il aimait qui étaient mortes pour lui. Sans oublier la bataille finale, et le moment où il avait dû tuer Voldemort.

Pour en avoir longuement parlé avec Hermione, il savait - intellectuellement parlant - qu’il n’était coupable de rien, qu’il avait juste fait de son mieux. Qu’il avait également accompli l’impossible compte tenu du peu de chances qu’il avait de s’en sortir.

Cependant, la nuit, tout changeait. La rationalité disparaissait et ses craintes les plus profondes ressurgissaient. Il entendait encore son oncle l’appeler “Monstre” et l’accuser de tout ce qui n’allait pas dans le monde. Si Vernon passait une mauvaise journée, c’était forcément de sa faute. Si le facteur avait du retard aussi. Si les factures augmentaient ? Toujours lui.

Harry s’était peut être forgé une carapace au fil des ans pour laisser couler les paroles cruelles sur lui, mais il y avait toujours un moment où des échos lui revenaient en mémoire, et où une partie de lui croyait ce stupide moldu.

La nuit, il savait que Sirius était mort à cause de lui. Il revivait les derniers instants de son parrain, et il essayait de changer le passé dans ses cauchemars. De travailler plus sérieusement l’occlumentie, de penser à ce foutu miroir à double sens. De se battre plus fort. De se précipiter pour rattraper Sirius.

La nuit, il revoyait les corps de Remus et Tonks, unis dans la mort comme ils l’avaient été dans la vie. Voir leurs mains tendues l’une vers l’autre alors qu’ils étaient tombés sous les coups des mangemorts avaient été un choc terrible pour Harry, et il avait pleuré longtemps. Remus avait si longtemps repoussé l’amour et le bonheur lui avait été si rapidement arraché…

Sans compter qu’il y avait Teddy, leur fils. Il était son parrain et il avait prévu de l’élever dès qu’il sortirait de Poudlard. En attendant, Androméda profitait de son petit fils, mais elle avait été la première à avouer qu’elle était bien trop âgée pour être une bonne tutrice. Elle voulait garder sa place de grand-mère, prête à soutenir Harry autant qu’il en aurait besoin.

Certaines nuits, il imaginait un Teddy adolescent l’accusant d’avoir tué ses parents. Lui reprochant de les avoir abandonné, d’avoir fait de lui un orphelin.

 

La nuit, il entendait le rire fou de Bellatrix. Lorsqu’elle avait tué Sirius, lorsqu’elle avait torturé Hermione. Il se souvenait lui avoir fait face et d’avoir été incapable de lui lancer le Doloris. Il n’avait pas pu l’arrêter, pas pu venger son parrain adoré.

Il se souvenait son cri de rage lorsqu’elle avait lancé le poignard qui avait tué Dobby.

 

La nuit, le fantôme de ses parents se tenait au pied de son lit, et ils le regardaient accusateurs. Ils listaient tous ses manquements, réels ou imaginaires. Toutes ses erreurs, toutes les fois où il n’en avait fait qu’à sa tête.

Et surtout, la nuit, il revivait la terrible mort du professeur Rogue. Il se sentait minable de l’avoir détesté pour après découvrir tout ce que l’homme avait subi et perdu. Il s’en voulait de ne pas avoir réussi à le sauver.

 

Lorsque la pression était trop forte, il quittait silencieusement le dortoir, et il arpentait les couloirs déserts et sombres de l’école. Il s’obligeait à ne pas penser à Rogue - qui réussissait toujours à le surprendre lorsqu’il brisait le couvre-feu.

Il marchait juste en silence, profitant du calme et du silence, laissant ses pensées se diluer peu à peu alors qu’il frissonnait légèrement, écoutant l’écho léger de ses pas sur les vieilles pierres.

 

Parfois, il montait jusqu’à la tour d’Astronomie, essayant d’oublier la mort brutale de Dumbledore. Il se tenait juste au bord de la plateforme, contemplant le parc de Poudlard, comme si voir que rien n’avait vraiment changé, que le sang versé n’avait pas tâché définitivement le parc, l’aidait à oublier tout ça.

Il monta silencieusement les marches menant à la tour d’Astronomie, et avança lentement. Cependant, ce soir-là, il n’était pas seul.

 

Une silhouette se découpait au bord de la plateforme, tête basse et bras ballants, les poings serrés.

Un bref instant, Harry crut que la silhouette indistincte s’apprêtait à sauter, et il retint un hoquet de crainte, refusant de l’effrayer.

Son inspiration hachée fut clairement audible puisque la personne se retourna et un rayon de lune éclaira le visage blafard à cet instant. Harry le reconnut immédiatement et eut un sourire hésitant.

- Malefoy, tout va bien ?

Le Serpentard haussa les épaules, avant de reprendre sa contemplation du parc. Il murmura juste, sans la moindre animosité.

- Je n’arrivais pas à dormir.

 

Harry avança à ses côtés, puis hocha la tête, regardant lui aussi le paysage, respirant l’air frais de la nuit à pleins poumons. Il ne sut pas si le Serpentard avait vu son geste mais Malefoy ne posa pas la moindre question.

Après un long moment en silence, alors qu’ils étaient juste côte à côte, Drago se passa une main hésitante sur le visage puis recula, un peu hésitant. Harry relâcha le souffle qu’il avait retenu, craignant toujours que Malefoy ne décide subitement de se jeter dans le vite. Ou qu’il ne trébuche.

Il se retourna doucement, un peu hésitant, puis il tendit la main d’un air décidé. Malefoy s’immobilisa, son regard passant de sa main à son visage, ne comprenant visiblement pas.

Harry rougit légèrement et haussa les épaules.

- J’ai vu que beaucoup de nos camarades sont décidés à faire la paix, alors… je me disais qu’on pourrait…

Malefoy hésita si longtemps que Harry était sur le point de retirer sa main. Mais finalement, il saisit la main tendue et la serra. Le Serpentard soupira et secoua la tête.

- Je te dois tellement Potter, que je ne sais pas par où commencer. Je suis… désolé.

Harry lui sourit tristement.

- Je n’ai pas été un saint non plus, Malefoy. J’ai mon compte d’erreurs et de paroles stupides.

 

Drago Malefoy détourna la tête, haussa les épaules comme si ce n’était rien. Juste un détail. Puis il murmura, la gorge visiblement nouée.

- Passe une bonne fin de nuit, Potter.

Harry sourit doucement et le regarda partir.

Le lendemain matin, Harry somnolait à la table du petit déjeuner, de larges cernes sombres sous les yeux. Hermione le réprimandait, plus par habitude que par réelle conviction, puisque Harry ne semblait pas vraiment réceptif à ses reproches.

Le brun sursauta lorsque les hiboux entrèrent pour le courrier, et il cligna des yeux, évitant le regard sévère de son amie. Ron engloutissait son petit déjeuner avec son appétit habituel, lui jetant de temps à autre un regard complice, l’air de lui dire qu’il comprenait mais qu’il n’irait certainement pas s’opposer à sa petite amie.

Neville attira leur attention discrètement.

- Il y a un nouveau bouquet ce matin…

Les trois amis tournèrent tous les trois la tête vers la table des Serpentard, et observèrent Malefoy réceptionner un joli bouquet d’oeillets, les sourcils froncés comme s’il réfléchissait.

Alors que Harry croisait le regard gris de son ancien ennemi, Neville murmura.

- Dans le langage des fleurs, l’oeillet signifie “Sincèrement vôtre”.

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