Lettockar, tome 2 : La Cour des Mirages

Chapitre 9 : Les Reliques des Fondateurs

4314 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 17/03/2023 17:41

9. Les Reliques des Fondateurs


- Asseyez-vous, ça risque d’être un peu long, suggéra Astrid avec un sourire.


Kelly n’obéit pas tout de suite ; la précédente sortie d’Astrid l’avait si estomaquée qu’elle resta clouée sur place un bref instant. Un bain de minuit avec le Mégamorphe du Jura ? Comment pouvait-on projeter une horreur pareille ? Elle échangea un regard édifié avec John et Naomi, lesquels avaient l’air d’envisager, comme elle, de prendre leurs jambes à leur cou. En face d’eux, Pavel s’était assis sur son fauteuil attitré, au centre de la pièce, et Peter s’était adossé contre le mur. Naomi, John et Kelly finirent par se poser sur un des canapés, mal assurés. Astrid s’approcha d’une étagère, qu’elle tapota distraitement de ses doigts fins. Elle s’éclaircit la gorge et déclara :


- Avant toute chose : vous avez largement mérité de savoir ce qu’on sait sur les Reliques des Fondateurs. Mais d’ailleurs, les Fondateurs… qu’est-ce que vous savez d’eux, très exactement ?


- Euh… les deux-trois trucs dont nous a parlé de Jar Jar Binns… répondit péniblement John.


- Et naturellement, vous ne vous souvenez de rien, compléta Peter avec un sourire désabusé. Bon, pour faire court…


- Ah mais non ! intervint aussitôt Naomi. Moi je me souviens : Bernardo Curcumo, le père de Dragondebronze, était le plus âgé. C’était un sorcier portugais, et il est celui qui a réuni tous les fondateurs et qui a trouvé un endroit où bâtir la forteresse de Lettockar ; il était professeur de Gestion de Bestioles. Imène Lalaoud, la berbère fondatrice de Becdeperroquet, était une virtuose des sorts et des potions. Elle a donné son nom à sa maison à cause d’une malédiction qui l’obligeait à répéter ce que ses interlocuteurs disaient à chaque fois qu’elle voulait parler. Et en plus, elle était hyperpolyglotte, elle parlait une cinquantaine de langues. Même que c’est elle qui a bâti le Sortilège Traducteur. Philippe Gilluc, le français, a fondé la maison PatrickSébastos après avoir vu dans le futur – car il était voyant – un saltimbanque qui l’a beaucoup amusé. Et puis, il y a Augousto Scravoiseux, le fou de la bande. Il enseignait la métamorphose à Lettockar, parce qu’il était avide d’expériences d’hybridation ; c’est même lui qui a peuplé la Forêt Déconseillée avec ses sujets d’étude. Sa création la plus célèbre étant un mélange entre une oryx et un ornithorynque, d’où le nom de sa maison. Je me demande d’ailleurs comment il a fait, au XIIIe siècle on n’avait pas encore découvert l’Australie.


La Cour des mirages fut frappée d’un silence abasourdi. Naomi avait récité cela très vite, sans hésitations. Les trois chefs de l’OASIS étaient si impressionnés que Kelly faillit en rire.


- Et bien… excellent, Naomi, excellent, tu n’as pas volé ta réputation, reconnut Peter.


Naomi rougit de plaisir.


- Mais il y a encore bien des choses que tu ne sais pas, ajouta Pavel. Par exemple, comment Curcumo faisait pour trouver les autres fondateurs, ou bien l’endroit idéal pour construire un château secret… tout ce qu’il voulait, en fait.


Il sortit une orange de sa poche et la fit tournoyer sur le bout de son index.


- La Boule. Un objet qu’il a conçu avant même la fondation de Lettockar. Elle a le pouvoir de montrer tout ce que son possesseur lui demande : une personne, un endroit, un objet... Il y a plus de 700 ans, Curcumo lui a demandé de lui montrer de talentueux sorciers nés-Moldus qui étaient comme lui, désireux d’enseigner, et pourquoi pas de créer une académie de magie à eux. Elle lui en a révélé trois. C’est ainsi que les Fondateurs se sont réunis pour créer l’école secrète de Lettockar.


- Il suffit de prier la Boule de Curcumo pour qu’elle nous donne une vision de ce que l’on veut voir, dit Peter. Enfin, à condition d’en avoir suffisamment la maîtrise – c’est un objet magique très puissant – et de lui envoyer suffisamment d’informations, de ce qu’on sait sur ce que l’on a besoin de visualiser. Bref, très utile, mais exigeant.


Pavel rangea son orange dans sa poche. Kelly jeta ensuite un regard aux parchemins accrochés au mur. Les dessins des quatre Reliques n’avaient pas été effacés, cette fois-ci.


- D’accord… et les autres ? demanda-t-elle.


Pavel visa de sa baguette magique une des étagères remplies de livres et fit venir un parchemin. Il le déplia et montra une gravure médiévale. Elle représentait un sorcier squelettique, au visage émacié affublé d’un nez crochu et d’une barbiche. Il avait une longue crinière de cheveux, gris ou blancs. Kelly se pencha pour mieux voir. La légende sous l’image indiquait : « Augousto Scravoiseux, apparence la plus récurrente ».


- Apparence la plus récurrente ? Ça veut dire quoi, ça ? demanda Kelly. Il se faisait de la chirurgie esthétique ?


- Non, il était Métamorphomage, comme toi Astrid ! devina John.


- Bravo John ! répondit celle-ci, ravie. Seulement, il avait beau être Métamorphomage, il ne pouvait pas modifier ce qu’il n’avait plus…


Elle tapota sa baguette sur la gravure, et les longs cheveux de Scravoiseux disparurent pour laisser place à un crâne très dégarni. L’image s’anima : Scravoiseux plaqua ses mains sur son crâne et, furieux, se mit à vociférer contre Astrid.


- Or, sa chère Perruque ne lui servait pas qu’à cacher une calvitie qu’il assumait difficilement… dit-elle en repliant le parchemin et en le renvoyant dans l’étagère d’un coup de baguette. Elle avait la remarquable capacité de renforcer ses pouvoirs magiques. Chacun de ses sortilèges était significativement plus puissant lorsqu’il la portait.


- C’est possible, ça ? demanda John.


- Il semblerait bien, il existe d’autres artefacts dans l’histoire qui avaient la réputation d’augmenter la puissance magique, affirma Naomi.


- Qu’est-ce qu’on sait d’autre ? songea Astrid à haute voix. Ah oui ; il semble que la Perruque n’est pas enterrée avec Scravoiseux. En cherchant des infos sur l’emplacement de sa tombe, on a lu des témoignages comme quoi il était subitement devenu chauve lorsqu’on l’a mis en terre, ce qui a étonné beaucoup de gens qui le connaissaient pour sa « chevelure polymorphe ». La Perruque peut sans doute prendre plusieurs apparences…


Kelly eut très envie de demander à Astrid si elle aussi portait une perruque polymorphe sur un crâne chauve, mais elle préféra éviter de se prendre une baffe. Astrid se leva et s’en alla vers une autre bibliothèque. Elle en retira précautionneusement un recueil poussiéreux, dont la couverture tombait en lambeaux.


- Bien, Imène Lalaoud, maintenant, dit-elle dans un léger soupir. L’essentiel de ce qu’on sait vient de ce bouquin du XVe siècle qu’on a chouré à la bibliothèque : Vie de l’illustre fondatrice de la maison Becdeperroquet, Imane Lalaoud...


- Imane ? répéta Naomi.


- C’est son vrai prénom, Imène est une déformation contemporaine, précisa Astrid en commençant à feuilleter l’ouvrage. Bon, alors, Lalaoud… en plus d’être une « virtuose des sorts et des potions » et une hyperpolyglotte, comme l’a souligné Naomi, c’était une grande legilimens. C’est à dire une sorcière capable de pénétrer l’esprit des gens, ajouta-t-elle en réponse à l’air interrogateur de Kelly. Ce pouvoir lui provenait de sa Cuillère.


Kelly s’attendit à ce que Pavel sorte une cuillère ordinaire et se mette à jouer avec, mais ça n’eut pas lieu. Il resta silencieux, le visage curieusement fermé.


- La Cuillère donne à son possesseur le pouvoir d’ouvrir l’esprit des gens, d’en pénétrer les couches successives afin de déchiffrer leurs pensées, expliqua Astrid. Une fois cela fait, elle peut aussi les influencer. Elle facilite… comment dire… l’adhésion de la personne à nos propres pensées, à nos propres convictions, voire nos objectifs et notre volonté. Ça aide à en faire un camarade, quoi. Avec la Cuillère entre nos mains, on aura moins d’ennemis.


Pavel aborda la question du dernier fondateur :


- Et pour finir, Philippe Gilluc, dit le Clairvoyant… est celui sur lequel on a le moins d’informations. A part ce que tout le monde sait déjà, on ne sait rien sur lui, ni sur le début, ni sur la fin de sa vie. Il faut dire qu’il a disparu après la mort d’Imène…


- On pense juste que, contrairement aux autres, il a fabriqué sa Relique après la fondation de Lettockar, dit Astrid. Son Bonnet est en effet directement lié au château : il confère la capacité de se rendre invisible – comme une cape d’Invisibilité – mais il permet aussi à son porteur de se déplacer à sa guise dans Lettockar.


- C’est-à-dire ?


- Avec le Bonnet sur la tête, on ne connaît plus aucun obstacle dans le château, répondit Peter. On peut traverser les murs, le plafond, les portes – même celles qui sont scellées par un sortilège -, les pierres, le bois. Ainsi, on maîtrise totalement l’espace dans l’école, on peut se rendre à n’importe quel endroit sans difficulté. Voilà, vous connaissez les pouvoirs – et donc l’intérêt – des Reliques des quatre Fondateurs de Lettockar.


- OK, euuuh… ça vous dérange si on vous demande régulièrement de nous répéter tout ça ? glissa John.


Peter acquiesça, les yeux rieurs. Kelly était bien d’accord avec John ; jusqu’à aujourd’hui, elle avait été impatiente d’en savoir plus sur les Reliques des Fondateurs, mais maintenant qu’elle y pensait, peut-être aurait-il fallu raconter cette histoire en plusieurs fois. Même Naomi semblait un peu assommée. Au milieu de cette débauche d’information, Kelly se rappela de la réplique d’Astrid.


- Euh dites, c’est quoi le rapport avec le bain de minuit avec le Mégamorphe ?


- Ah oui ! dit-elle. Euh… par où commencer ? Vous avez sans doute deviné quelle Relique on cherche à acquérir en premier…


John et Naomi s’exclamèrent alors en même temps :


- La Perruque, pour devenir super fort !


- Le Bonnet, pour aller chercher les autres incognito !


Astrid tourna lentement des yeux écarquillés vers eux. Peter lâcha un rire incrédule.


- Sérieusement ? fit-il.


- Mais non, c’est la Boule qu’il faut récupérer en premier ! répondit Kelly. Elle nous permettra de localiser les autres.


- Merci Kelly, dit Astrid en jetant un regard un peu dédaigneux à Naomi et John.


- Mais j’ai toujours pas compris le rapport avec la baignade dans le lac, ajouta-t-elle très vite.


- Deux secondes, on y vient ! répliqua Astrid. Mais puisque tu es si pressée, j’ai une autre question pour toi : connais-tu le véritable nom du Lac Caca d’Oie ?


Viagrid le leur avait dit l’année dernière, mais Kelly l’avait oublié, et John aussi d’ailleurs ; alors, ils se tournèrent automatiquement vers Naomi.


- Le Lago que vê longue… dit-elle à mi-voix.


- Ou le « lac qui voit loin » en portugais. Drôle de nom, n’est-ce pas ? Ça nous a mis sur la voie : et après de longues, très longues (Astrid soupira) recherches, et la recoupement d’un tas de parchemins haut comme la tour d’Astronomie, nous avons eu la confirmation que c’est dans les profondeurs du Lago que Bernardo Curcumo a caché sa Relique. Elle marine là-dedans depuis 700 ans ; elle n’attend que nous.


- Et c’est là que tu entres en scène, Kelly, reprit Peter.


- Moi ? s’étonna-t-elle.


- Tu m’as dit un jour que tu faisais de la natation, avant Lettockar. Du coup, tu dois être une bonne nageuse non ?


- Ouais, et pas qu’un peu ! fanfaronna-t-elle en bombant le torse.


- Alors on pense que tu seras extrêmement efficace pour aller chercher la Boule dans le Lago que vê longe. Enfin, on ira en groupe, bien entendu ! la rassura-t-il. Il suffit de quelques sortilèges qui permettent de respirer sous l’eau et tout ira bien.


Kelly sourit, ravie qu’on ait remarqué ses talents, et encore plus ravie de pouvoir bientôt les mettre à contribution. En revanche, à côté d’elle, John paraissait mal à l’aise et se tendait sur son siège.


- Dites… il va falloir qu’on plonge tous dans le lac ? Tout l’OASIS ? intervint-il avec une voix timide très inhabituelle chez lui.


- Pourquoi cette question ?


- Je… j’aime pas nager, avoua-t-il. Je crois que j’ai un peu peur de l’eau.


- Ah bon ? dit Kelly. Tu nous en a jamais parlé…


- Quand je pense que tu te moquais de mon ochlophobie… grinça Naomi.


- Tu connais beaucoup de gens qui sont morts noyés à force de voir trop de monde, toi ? se défendit John.


- Ah ah, t’en fais pas John, assura Peter. Non, on ira pas tous dans le lac, on aura besoin de gens à la surface. On a déjà établi un plan, on vous le détaillera en temps voulus.


- Bon, au fond du lac, d’accord… mais où, exactement ? demanda Kelly. Parce que c’est pas la piscine de mon patelin, le Lago que… machin truc, il est vachement grand.


- Tu mets le doigt sur le problème, Kelly, dit Pavel. Ou plutôt ce qui était le problème… enfin, a été le problème…


Il fit une pause, pas sûr de sa grammaire.


- Oui voilà, a été notre problème pendant des années. Ce n’est que l’an dernier qu’on a pu vraiment résoudre le mystère. Il a ceci dit fallu qu’on organise une première exploration du fond du Lago en fin d’année, pour ça…


- Ah ? Et comment vous avez fait ?


- Allons, rappelez-vous… qu’est-ce qui s’est passé en fin d’année dernière, qui a emboucané toute l’école pendant quelques jours ?


Les trois amis fouillèrent dans leur mémoire. L’année dernière… pour eux, cette année avait été pratiquement phagocytée par la fabrication du portail vers Poudlard dans les catacombes, les autres événements étaient un peu passés à la trappe. Mais au bout d’un moment, le souvenir de l’Edouard Balladur géant gisant dans une immense étendue d’eau brunâtre traversa l’esprit de Kelly.


- Le… la pollution du lac ? balbutia-t-elle. La diarrhée du Mégamorphe ? C’est vous qui l’avez provoquée ?


- Eh oui ! confirma joyeusement Pavel. J’ai toujours été extrêmement doué en potions : je l’ai concocté pour le Mégamorphe un puissant laxatif… une recette de ma composition, à base de pommes. Une seule nuit à suffit à transformer le lac en fosse septique. On savait que le personnel serait obligé de vider tout le lac pour purifier l’eau : ce petit siphonnage du Lago nous a donné accès au fond, et on a pu l’explorer en toute tranquillité.


Il se tassa un peu plus confortablement sur son siège, arborant son sourire paisible caractéristique. Kelly dévisagea un à un ses trois aînés. Elle n’aurait jamais imaginé qu’un tel chambardement aurait pu être causé par des élèves. Cet événement qui avait traumatisé tout le monde pendant des journées entières, sans parler de tout ce qu’il avait fallu faire pour purifier ce lac si immense… la détermination de l’OASIS l’impressionnait de plus en plus.


- La vache… c’est vous qui avez fait tout ça… c’est énorme ! jubila-t-elle.


- Un peu comme ma… commença dangereusement John.


- John ! le stoppa Naomi, choquée.


- Eh, vous nous avez pris pour qui ? répliqua fièrement Astrid. Des résistants en Patacitrouille ? Des tagueurs de murs ou des voleurs de porte-documents ?


- Ben, pour le moment, la seule chose que vous nous avez faite faire, c’est voler un journal, fit remarquer John. Donc…


- Un point pour Johnny, rit Peter. Bref : oui, on a été jusque-là, et ça n’a pas été en vain. Ça nous a permis de localiser les choses qui dissimulent la Boule de Curcumo… les Palourdingues.


Les Palourdingues, qui pullulaient au fond du lac de Lettockar, étaient d’énormes coquillages qui avaient l’étrange faculté de parler, mais uniquement pour prononcer des phrases lourdingues, d’où leur nom.


- Il n’y a que dans ces coquillages qui peuvent vivre des centaines, des milliers d’années, que Curcumo a pu cacher sa Relique. Dans n’importe quel autre coin du lac, le Mégamorphe l’aurait avalée par mégarde. Mais vous allez me dire : laquelle renferme la Boule de Curcumo ? Très facile, il n’y en a qu’une seule qui ne s’ouvre jamais, une seule dont le Mégamorphe n’a pas pu manger le contenu : la Dominante. Peut-être l’avez-vous vue l’an dernier… celle qui était immense et qui trônait au milieu d’une fosse d’autres Palourdingues… une planque idéale, pas vrai ?


- Totalement, dit Naomi. En tout cas, bravo, vous vous êtes vraiment démenés pour trouver tout ça...


- Voilà : nous savons précisément où est cachée la Boule de Curcumo, dit Pavel. Mais il y a encore un double problème… lequel, à votre avis ?


Kelly trouva que cette réunion à six ressemblait de plus en plus à un cours : les chefs de l’OASIS ne cessaient de les questionner avant de leur délivrer les révélations importantes.


- Le Mégamorphe Centroïde, bien sûr… répondit Naomi. Avec un tel monstre qui nage dans le lac, ça va être difficile de partir à la pêche à la palourde dedans.


- Tout juste, confirma Pavel, et sachez qu’il n’est pas là par hasard. Ce monstre a été dressé et amené à Lettockar par Curcumo lui-même… il fait un excellent gardien pour le Lago que vê longe, et pour la Boule. Il va nous falloir le neutraliser avant de plonger, et c’est pas de la tarte : le dernier sorcier qui s’y est essayé y a laissé un morceau…


Il leur montra alors une carte de Chococrapaudbuffle, que Kelly avait déjà vue : elle représentait Gaspar Szabó, l’ancien directeur de Lettockar… celui qui avait un crochet à la place de la main gauche...


- C’est pour ça que je travaille depuis l’an dernier sur un somnifère assez puissant pour une créature d’un tel gabarit, continua Pavel. Ça devrait me prendre encore quelques temps. Mais il y a pire…


Kelly haussa les sourcils. Qu’est-ce qui pouvait être pire que nager avec un Balladur géant et sauvage dans les parages ? La mine sombre, Pavel pointa son index vers le plafond.


- Doubledose. Depuis le haut de son donjon, le directeur de Lettockar voit tout. Et notamment le Lago que vê longe… le château a été construit pour qu’il en soit ainsi. Tant qu’il sera là pour le surveiller, on ne pourra rien tenter, pas même dans la nuit noire. C’est beaucoup trop risqué. Il faut donc faire en sorte qu’il ne puisse pas nous surveiller.


- On n’a qu’à lui péter la gueule, affirma sereinement Kelly.


Les autres la regardèrent avec des yeux ronds. Kelly ne broncha pas et se contenta de croiser tranquillement les bras et les jambes.


- Oui enfin, Kelly, l’un des objectifs de l’OASIS, c’est de rester discret, fit observer Astrid. Si on agresse soudainement le directeur, on risque légèrement de se faire remarquer.


- Et puis quand bien même, c’est peine perdue, renchérit Pavel. Même si tout l’OASIS s’y mettait, il n’aurait pas raison de lui.


Il se leva et se mit à faire les cent pas.


- C’est un très grand sorcier, Niger Doubledose. Un des plus grands qui existent au monde. Il est puissant, très très puissant... Grog m’a dit qu’il ne craignait que deux sorciers en activité : Albus Dumbledore et Lord Voldemort eux-mêmes. Il n’existe rien à Lettockar qui puisse le vaincre… rien d’humain, en tout cas.


Kelly trouva Pavel étrange. Sa voix était devenue plus éthérée, spectrale, comme s’il parlait plus à lui-même qu’à ses amis. Il ne regardait plus personne. Peter et Astrid le suivaient attentivement des yeux, comme s’ils le surveillaient. Le regard de Pavel était toujours perdu dans le vide quand il termina son petit monologue :


- La seule chose qui nous permettrait de le surpasser, c’est… les Reliques.


- C’est un peu le dragon qui se mord la queue, non ? dit Kelly en faisant la moue. Tant qu’il est là, on ne peut pas obtenir les Reliques, mais tant qu’on a pas obtenu les Reliques, on ne peut pas le neutraliser...


- En quelque sorte, admit Peter. Il faut donc attendre un jour où il ne sera pas au château… ou trouver un autre moyen de détourner son attention…


- Et si vous lui faisiez manger un truc qui lui file la chiasse, à lui aussi ? proposa John.


Les cinq autres jeunes gens éclatèrent de rire.


- En vrai c’est pas con, admit Pavel, hilare. Mais pour ma part, j’ai pas très envie de rendre Doubledose de pire humeur que d’habitude.


Kelly était bien d’accord. Niger Doubledose avait déjà un caractère épouvantable quand il était en bonne santé, lui liquéfier les intestins ferait de lui un véritable sauvage. Elle réfléchissait vaguement à une autre méthode lorsque tout à coup, Naomi changea abruptement de sujet :


- Dites, j’ai une question… la Palourdingue Dominante… comment vous comptez l’ouvrir ?


Astrid, Pavel et Peter se tournèrent brusquement vers elle. Ils restèrent mutiques, comme si on venait de leur envoyer une réplique cinglante. Naomi se recroquevilla, intimidée, craignant d’avoir commis un impair.


- Vous… vous avez dit que c’était la seule à ne pas parler et à rester close, continua-t-elle prudemment. Mais du coup, est-ce que vous avez un moyen de l’ouvrir ? Un Alohomora suffira, vous croyez ?


Les trois chefs de l’OASIS, toujours sans voix, s’échangèrent un regard stupéfait. Kelly et John pointèrent leur index sur Naomi en l’approuvant à coups de hochements de tête. Alors, Pavel se frappa le front du plat de sa main et s’écria d’une voix presque geignarde :


- Mais comment on a pu ne pas y penser ? On a un triple problème, maintenant !


- On a aucune idée de comment s’y prendre… confessa Peter.


- Oh là là, il va falloir reprendre la recherche ! se désola Astrid. Encore des heures à éplucher cette foutue bibliothèque… et même pas pour des choses intéressantes, juste pour un putain de coquillage géant !


Elle se laissa retomber sur son fauteuil en soupirant.


- Oszike et Tarung ne vont pas être très contents non plus… marmonna-t-elle d’un ton sardonique.


Ses cheveux prirent une couleur plus claire, une sorte de turquoise, comme s’ils vieillissaient. Elle semblait fatiguée avant même d’avoir ouvert le moindre livre. Kelly éprouva pour elle une profonde compassion. Mais une pensée lui vint, une véritable évidence.


- Pas de panique, ça ne va pas vous prendre beaucoup de temps, déclara-t-elle d’un ton assuré.


- Et pourquoi ça ? ronchonna Astrid.


- Parce que maintenant, Mimi est avec vous, répondit-elle.


Astrid, Pavel et Peter haussèrent les sourcils et se tournèrent vers la concernée. Naomi rosit très nettement. Elle lâcha un petit rire étranglé, à la fois flattée du compliment de Kelly et apeurée de l’attention soudainement centrée sur elle.


- Alors, Naomi ? lui demanda Pavel.


Il lui adressa un grand sourire bienveillant, persuadé qu’elle allait en quelques secondes sortir une idée de génie. Cette fois, Naomi devint carrément écarlate.


- Euh… on pourrait demander un conseil à Viagrid ? bredouilla-t-elle.


John se cacha le visage derrière un coussin.


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