Dollhouse
Chapitre 71 : Comme des diamants dans le ciel - 3
19777 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 07/12/2025 16:24
TRIGGER WARNING : Description graphique d'auto-mutilation.
Le corps de Theodore demeurait inerte, figé, immobilisé dans son élan comme dans le temps. Ses yeux étaient morts, perdus, reflétant le vide que l’absence de Pansy laissait-là. Elle lui avait échappé. Elle était juste là, à la portée de son touché, et la seconde suivante elle avait disparu. Encore. Elle lui avait échappé, encore. Il ne l’avait pas atteinte à temps, encore.
Son cœur battait dans son torse au rythme des tambours qui annonçaient l’arrivée des guerriers sur un champ de bataille. L’air flottait autour de lui, lourd et pesant de l’absence de celle qu’il ne pouvait pas se permettre de perdre, et qu’il avait pourtant encore perdue. D’abord, il n’y eut aucune pensée dans son esprit. Pas la moindre formulation cognitive que son cerveau ne puisse comprendre, moins encore assimiler. Il n’était pas touché, il n’avait aucune blessure sur son corps, et pourtant son cœur saignait. Il pouvait le sentir à l’intérieur de lui, ce déchirement paralysant qui venait découper la chair de son corps. Ce cœur qui appartenait à celle qui avait encore disparu, et qui pleurait son absence. Celle qui lui avait encore était prise alors qu’ils n’en avaient aucun droit. D’abord le vide. Il n’y eut d’abord rien d’autre que le vide de son absence. De son enlèvement. Le choc, alors qu’il s’apprêtait à la rejoindre enfin. À la récupérer comme sienne, enfin. À la proclamer comme lui appartenant, parce que c’était le cas. Elle lui appartenait. Elle lui avait toujours appartenu. Et pourtant, on la lui avait prise. Là où ils n’en avaient aucun droit, pas le moindre, ils la lui avaient prise. Encore.
Puis, enfin, une pensée. Une seule : la récupérer. C’était tout. Rien d’autre. Rien d’autre ne comptait. Il ne pouvait pas se permettre de céder à la panique. Il ne pouvait pas se permettre de laisser la pensée qu’elle serait peut-être tuée avant qu’il n’arrive à elle traverser son esprit, pas même comme une étoile filante qui ne ferait qu’éclairer temporairement son ciel. Non. Pas la moindre autre pensée ne traversait son esprit en cet instant. La récupérer. La retrouver. Aller la chercher. La récupérer.
Ses yeux sondèrent le champ de bataille qui s’étendait autour de lui, une concentration féline animant ses pupilles à la recherche de sa proie. Il pouvait commencer par se saisir de quelques membres de l’Ordre, ou encore des soldats moldus, peu importait, afin de les contraindre à lui révéler où l’avaient-ils emmenée. Sous ses yeux stratèges, les membres de l’Ordre commencèrent à disparaître autour de lui comme Pansy l’avait fait, emmenant avec eux les soldats moldus restants. Tour à tour, ils s’évanouissaient dans la nuit comme s’ils s’étaient passé le mot jusqu’à ce qu’il ne reste rien d’autre que les cadavres gisant sur le goudron, les membres de leur propre équipe et leurs prisonniers. Theodore se retourna, sondant l’intégralité des alentours sans perdre une miette de sa concentration. Il n’y restait que des silhouettes qui disparaissaient en ne laissant rien d’autre qu’une traînée de fumée claire sur leur passage. Ses chances d’attraper un ennemi pour l’interroger s’évanouissaient avec eux dans ces tourbillons de poussière. Ce cœur qui saignait dans son poitrail se mit à battre plus fort, comme s’il protestait du spectacle dont il témoignait, diffusant plus encore de sang violent jusque dans ses poings qui se mirent à trembler d’impatience.
La récupérer. La retrouver. Aller la chercher. La récupérer. Trouver quelqu’un qui pourrait lui dire où elle avait été emmenée. La récupérer. Granger, cette pensée le traversa comme la lame aiguisée qui avait tranchée son cœur lorsqu’ils lui avaient pris sa Pansy. Sans un regard en arrière, sans même consulter qui que ce soit, Theodore transplana jusqu’au manoir en un battement de cil. Le sang pulsait dans ses veines, démangeant ses poings d’une violence qu’il peinait à contenir enfermée à l’intérieur de lui. Il abandonna Sekhmet sur le champ de bataille, ainsi que tous ceux qu’il restait. Cette préoccupation ne lui traversa pas même l’esprit. Il n’y avait rien d’autre, rien d’autre en lui que le besoin primal de la récupérer. La retrouver. Aller la chercher. La récupérer.
Quelques secondes plus tard, Blaise se matérialisa à son tour à l’intérieur du manoir, son Masque à son tour retiré. Sur ses talons, peut-être une minute plus tard alors qu’il avait des ordres à donner en tant que commandant, Drago suivit. Lui aussi, il avait abandonné son dragon là-bas. Ils retrouveraient bien leur chemin, c’était certain. La seule chose qui comptait en cet instant pour Theodore était Pansy, et la seule chose qui comptait pour Drago était Theodore. A l’instant même où Drago se matérialisa dans l’entrée du manoir, Theodore chargea sur lui, son visage si fermé que n’importe qui aurait peiné à le reconnaître, même son propre frère.
Lui qui avait toujours un regard doux et des traits apaisés lorsqu’il regardait son frère, en cet instant il n’en restait rien de tendresse. Chacun de ses muscles était tendu, inondé d’un sang qui réclamait vengeance. D’un sang qui réclamait le massacre qui lui permettrait de récupérer sa Pansy. Drago recevait son sérieux léthal avec une gravité lourde, portant sur ses épaules tout le poids urgent de la situation. Il connaissait parfaitement bien les risques qui planaient sur eux dès lors que la vie de Pansy était en jeu. Et elle l’était, mais cela Theodore ne s’autorisait pas à y penser. La récupérer. C’était tout. La récupérer. La retrouver. Aller la chercher. La récupérer. À moins d’un mètre de lui, le corps tendu de Theodore ordonna d’une voix que Drago ne reconnaissait que peu :
- Fais-la venir.
C’était une voix qui contenait difficilement toute sa violence, moins encore son impatience. Une voix aussi sèche et froide que les lacs les plus gelés des pays nordiques. Une voix qui ne parvenait pas à dissimuler ni son inquiétude, ni la sombreur absolue de son âme lorsque sa Pansy était menacée. Lorsqu’elle lui était enlevée.
Drago demeura immobile l’espace d’une seconde, considérant la demande de son frère. Non, pas sa demande. Son ordre. Il n’y avait dans ses mots, ni dans sa voix, ni dans ses traits la moindre place à de la négociation. Et Drago savait très bien de qui Theodore parlait. Autant que le Grand Intendant détestait ce fait, il hésita. Même si ce ne fût que le fin espace de quelques secondes, il hésita. Il hésita parce qu’il connaissait le monstre sanguinaire et complètement déraisonné qui vivait à l’intérieur de son frère lorsque Pansy était menacée, et il n’était pas certain de vouloir que Granger se retrouve face à cette bête-là. S’il était tout à fait honnête, Drago n’était pas certain de savoir de quoi son frère était capable dans un tel état. Alors que Pansy lui avait été enlevée, et que Granger savait peut-être où elle avait été emmenée, Drago n’était pas certain d’avoir confiance en le comportement dont Theodore pourrait faire preuve face à elle afin de parvenir à obtenir l’information dont il avait désespérément besoin. Et pour cela, Drago se détesta.
Theodore demeurait froidement ancré devant lui. Impassible. Ses yeux céruléens étaient durement enfoncés dans ceux d’un gris orageux de Drago. Il brûlait en eux une violence bien trop intimidante pour être contenue. La mâchoire de son frère était si serrée qu’elle en était tremblante. Et tandis que Drago hésitait en sondant ses yeux pour la confirmation qu’il ne ferait pas de mal à sa bien-aimée, ce fut Blaise qui perdit patience le premier :
- PUTAIN, FAIS-LA VENIR ! hurla ce dernier, la rage dégoulinant dans la force de sa voix grave.
Le corps de Drago sursauta d’un bond. L’hésitation était terminée. Que pouvait-il bien dire à ses amis, de toute façon ? « Non » ? Ce n’était pas une option. Granger était la seule qu’ils pouvaient solliciter en cet instant pour obtenir les réponses dont ils avaient besoin pour la vie de Pansy. Il ne servait à rien de réfléchir, moins encore d’hésiter. Il n’y avait pas d’autre option. Leur famille. Pansy était leur famille, à tous. Et ils allaient la récupérer, quoi qu’il en coûte.
Sans un mot, Drago acquiesça en leur direction avant de se frayer un chemin jusqu’à sa chambre où il s’apprêtait à envoyer un message urgent à la membre de l’Ordre qu’ils côtoyaient. Ce temps durant, Theodore fît malgré lui les cents pas dans le salon. Comme une ombre sanguinaire et menaçante, comme un démon en cage qui bouillonnait en l’attente de sa libération, il arpentait l’espace, le remplissait et le hantait de sa violente impatiente. À l’intérieur de lui, il utilisait toute la force dont il disposait, toute cette force qui brûlait de violence en lui pour ne pas s’autoriser à prendre peur. Il devait garder l’esprit froid. Clair. Il avait déjà commis une erreur ce soir-là. Une erreur qui lui avait coûté Pansy. S’il ne s’était pas laissé surprendre, plus encore s’il n’avait pas eu peur pour la vie de Blaise, puis pire encore pour celle de Drago, rien de tout cela ne serait arrivé. Pansy n’aurait jamais eu à les sauver, seule, comme elle l’avait magistralement fait. Theodore tentait de s’accrocher à cela tandis qu’il utilisait toutes ses ressources pour ne pas penser au pire. Elle était forte. Merde, elle était bien plus que cela. Pansy était magistrale. Elle aussi, elle avait une force et une violence ardente en elle. Pour ce qu’il s’autorisait à en savoir, c’était probablement elle qui faisait passer un sale quart d’heure à ses ravisseurs. Oui, sa Pansy était forte. Elle était seule, mais forte. La récupérer.
L’image du regard effrayé qu’elle lui avait lancé juste avant de disparaître, emmenée malgré elle par leurs ennemis, frappa Theodore de plein fouet. Il ferma les yeux pour tenter de la fuir, mais cela ne rendit le regard suppliant de Pansy que plus réel encore, comme s’il était tatoué à ses paupières, encore vif et brûlant sur sa chair. Sans qu’il ne le contrôle vraiment, le bras droit de Theodore parti avec élan derrière-lui, et renversa dans un mouvement soudain les livres qui siégeaient sur l’étagère qu’il venait de passer. Sa mâchoire serrée, il se concentra sur sa respiration qui devenait de plus en plus courte. Non, il ne pouvait pas penser à cela. Il n’avait pas le droit de lui faillir, encore. Il n’avait pas le droit de la laisser tomber, encore. Il n’avait pas le droit de perdre pied et de la laisser seule face à son sort. Elle avait besoin de lui. Alors qu’il faisait les cents pas telle une bête en cage dans le salon, ses yeux tantôt rivés sur le sol, tantôt fermés pour fuir les pensées qui menaçaient de répandre dans son esprit une douleur qu’il ne connaissait déjà que trop bien – celle de l’avoir déjà perdue une fois – il sentit ses abdominaux trembler dans son for intérieur. L’intégralité de ses muscles étaient contractés avec une force démesurée, prêts à combattre la menace qu’il ne trouvait pas. Cette menace invisible qui lui avait pris sa moitié, comme s’ils pouvaient se le permettre. Comme si qui que ce soit sur cette planète pouvait se le permettre. Comme si cela était une possibilité. Non, ils sauraient. Il allait la récupérer, et ensuite le monde entier saurait. Oui, il allait la récupérer, saine et sauve, et le monde entier saurait que s’il existait bel et bien une personne sur cette terre qu’il ne fallait pas même fantasmer d’approcher, c’était elle. Il déchaînerait les flammes des enfers, retournerait les profondeurs sombres des océans, il décimerait toute vie dans les forêts et anéantirait la moindre montagne, et s’il le fallait il retournerait chaque grain de terre sur cette putain de planète pour la retrouver. Et il la retrouverait. Et à la moindre évocation de son nom, du nom de sa moitié, tous trembleraient. Le moindre soldat, le moindre mercenaire, le moindre fou, tous trembleraient au nom de Pansy, parce qu’ils sauraient qu’il serait inévitablement suivi de la fureur de Theodore, parce que le simple fait de prononcer son nom serait une condamnation à mort. Intouchable. Elle serait intouchable.
Sans qu’il ne s’en rendre compte, quelques bouteilles qui ornaient le bar du salon s’éclatèrent contre le mur opposé. Là où lui se battait pour contrôler son esprit, il n’était pas en état de réaliser ce que son corps faisait. Il brûlait en lui une rage animale qui ne pouvait être contenue par la pensée. C’était comme si son corps lui-même agissait par sa propre volonté : celle de récupérer Pansy. Son corps l’appelait, elle l’appelait à l’aide, où qu’elle était, et il ne pouvait contenir à la fois ses peurs et sa violence. Autant qu’il le savait, sa violence était ce qui lui permettrait de la récupérer. À choisir, ce serait ses terreurs qu’il contiendrait. Peu importait pour le reste. La récupérer. La retrouver. Aller la chercher. La récupérer. Son corps tremblait, mais cela n’avait pas la moindre importance à ses yeux. En réalité, il ne s’en rendait même pas compte. Il ne réalisait pas non plus que Drago était redescendu. Il ne remarqua pas non plus que le regard orageux de son frère était anxieusement rivé sur lui, rougi par l’inquiétude tourmentante qui le hantait. La bête qu’il était en cet instant, se tournant et se retournant dans sa cage comme un lion enragé ne réalisait rien. Ni de l’inquiétude débordante de Drago, ni de la rage bouillonnante qui brûlait en Blaise. Il ne s’en rendit compte que lorsque la voix débordée de Zabini retentit, son ton accusateur vers Drago pour lui demander :
- Comment ça se fait qu’on n’était pas au courant qu’ils avaient des armes pareilles ?
Theodore entendit l’accusation de son ami dans sa question, mais il n’entendit aucune réponse de la part de son frère. Peu importait. Cela serait des questions pour plus tard. Pour lorsqu’ils auraient récupérer Pansy. Avant cela, rien d’autre n’importait. La tête froide. Il devait garder la tête froide, et les idées claires. S’il cédait à la terreur, même à la colère, il mettait en péril ses chances de retrouver Pansy. Les émotions débordantes risquaient de lui faire faire des erreurs. Il n’avait pas la place pour les erreurs. Non, il n’en avait pas le droit. Il avait assez fait d’erreurs comme cela. Pansy l’attendait. Elle comptait sur lui. Et il allait la récupérer. Peu importait ce que qui que ce soit avait ou n’avait pas fait. Ce que qui que ce soit avait ou n’avait pas dit. La seule chose qui importait, c’était qu’il la récupère. Cela, c’était sa responsabilité. La sienne. Peu importait qui avait fait quoi. Rien n’avait jamais été aussi anecdotique. Oui, la vie de Pansy était sa responsabilité à lui. Son corps se rappela soudain à cette pensée.
Il se rappela ce que cela avait été, de la perdre. De voir son corps, mort. De toucher sa peau, froide. De témoigner de ses yeux, vides. Il se rappela l’agonie. Le goût amer que la mort sur sa peau avait laissé sur ses lèvres à lui. Il se rappela le désespoir. Le désespoir de l’avoir vue mourir. Le désespoir de l’avoir sentie morte. Le désespoir de l’avoir sue morte. Avant qu’il ne le réalise vraiment, tandis que sa prise sur son corps ainsi que celle sur son esprit lui échappaient, de nouveaux objets volèrent autour de lui. Il ne savait pas quoi. Il ne savait pas qui risquait d’être touché. Il ne savait rien. Il ne savait pas non plus le grondement guttural douloureux qui avait résonné dans son poitrail. Il ne savait pas l’heure, il ne savait pas le jour, il ne savait pas le temps, il ne savait pas la saison. Il ne savait rien. Il ne savait pas la peur, l’inquiétude désarmée des autres. Il ne savait pas la douleur et la terreur de Blaise. Il ne savait pas l’environnement, la température, l’heure du jour ou de la nuit. Il ne savait pas si elle allait bien ou si elle était déjà partie, à nouveau, quelque part où il ne pourrait pas la rattraper. Il ne savait pas le Nord et il ne savait pas non plus le Sud. Il ne savait pas que ses muscles étaient si contractés que l’intégralité de son corps tremblait. Il ne savait pas que ses traits étaient si fermés, si froids, si menaçants qu’il terrifiait même ses plus proches amis. Il ne savait pas à quel point il avait l’air fou, faisait les cents pas en emportant dans ses mouvements les objets qui lui passaient sous la main. Il ne savait même pas quels objets lui passaient sous la main. Il ne savait pas le rythme indécent des battements violents de son cœur, et il ne savait pas non plus la puissance du sang impatient qui coulait dans ses veines. Non, Theodore ne savait rien. La seule chose qu’il savait, c’était qu’il ne pouvait pas vivre sans elle.
La récupérer. La retrouver. Aller la chercher. La récupérer. Il s’y accrochait, comme un mantra qui résonnait sans cesse dans les temples les plus paisibles qui soient. Comme une prière magique, silencieuse et pourtant vibrante d’un pouvoir qu’il cherchait apaisant. Comme une ancre. Quelque chose pour le tenir. Quelque chose pour le retenir, lui, cette bête sauvage à qui l’on avait retiré son trésor. Le léviathan.
Tous les plus grands guerriers le savaient, l’ennemi du soldat était ses propres émotions. La perte de son sang-froid. Les yeux fermement clos avec une force telle que des tâches plus claires - comme des étoiles - se dessinèrent sur ses paupières, il inspira et expira profondément pour retrouver son ancrage. Si seulement il avait pu partager avec elle le lien d’âme qu’il partageait avec Drago, il aurait pu la retrouver en un claquement de doigt. Il l’aurait sentie. Il aurait su. Il l’aurait retrouvée sans avoir besoin de l’aide de personne. Sans l’attente, sans la peur, sans être coupé d’elle. Malheureusement, le lien qu’il partageait avec elle n’était pas aussi tangible que celui qui existait entre son frère et lui. C’en était un différent, ni vraiment plus puissant, ni vraiment moins impressionnant. Simplement différent. C’était le genre de lien qui déclenchait des guerres. À sa manière, ce lien-là avait sa propre force terrorisante pour le commun des mortels.
Et soudain, tandis qu’il s’accrochait aux derniers fils fins et tremblants de sa raison, Theodore entendit la porte du manoir s’ouvrir à la volée. Dans un bond félin intimidant, il fonça sur elle. Les yeux de Theodore n’analysèrent rien. Ni la façon dont elle était habillée, ni celle dont elle était coiffée, ni même la façon dont elle avait eu un mouvement de recul effrayé quand il avait chargé sur elle aussi soudainement. Et moins encore la peur qui vivait désormais dans ses pupilles ambrées tandis qu’à son tour, elle témoignait de ce que les deux autres constataient anxieusement depuis de trop longues minutes.
Comme un prédateur qui saisit sa proie, les deux mains fortes et tremblantes de Theodore se renfermèrent en une prise serrée sur les épaules d’Hermione. Dans ses deux yeux fous, elle chercha le Theodore Nott qu’elle connaissait. Elle ne le trouva pas.
- Où est-ce qu’elle est ?
Les mots s’échappèrent de ses lèvres à une vitesse si surnaturelle que de prime abord, la Gryffondor ne comprit pas ce qu’il avait dit. Le choc de ce qu’elle avait sous les yeux, de l’animal dont elle constatait la menace si près d’elle, qui la tenait physiquement tout au plus, et la soudaineté de la situation la prit au dépourvu. Confuse, elle chercha encore quelque chose auquel se raccrocher dans le regard azuré du frère de son homme. Elle fut décontenancée de ne rien y trouver.
Trop sonnée pour pouvoir enregistrer sa question, plus encore pour pouvoir y répondre, les sourcils de Granger se froncèrent sur son front. Cela, Theodore le remarqua. Ce n’était pas la réponse qu’il attendait. Elle n’avait pas dû bien l’entendre. Sans relâcher sa prise sur ses épaules, d’ailleurs peut-être même qu’il la raffermit un peu, il n’en était pas conscient, et son visage à quelques pauvres petits centimètres du sien qu’elle tenait pourtant autant reculé que possible, la voix prédatrice et non reconnaissable de Theodore pressa encore :
- Où est-ce qu’ils l’ont emmenée ?
Les lèvres légèrement entre-ouvertes pour laisser passer un fil d’air dans ses poumons surpris, Hermione regarda autour d’elle. Elle ne semblait pas comprendre ce qu’il se passait. Alors qu’elle osa lever les yeux du visage de Theodore, la voix de Blaise gronda comme le tonnerre dans une nuit d’orage :
- OÙ EST-CE QU’ELLE EST ?! beugla-t-il avec une rage qu’il ne parvenait pas à contenir, faisant sursauter les épaules d’Hermione pourtant fermement tenues par Theodore.
Lui aussi, il l’avait déjà perdue une fois. Lui aussi, il était terrifié de la perdre à nouveau. Pour lui aussi, Pansy représentait tout ce qu’il avait. Tout ce qu’il aimait. Tout ce qu’il lui restait. À lui aussi, c’était sa Pansy. Hermione leva les yeux jusqu’à Drago, qui se tenait plus en arrière, arborant une moue triste sur son visage fatigué. Elle ne comprenait pas.
Peut-être que si Drago avait eu l’esprit plus libre qu’occupé par ses peurs de ce qu’il risquait de se passer pour elle tandis qu’elle se retrouverait face à un Theodore dans un tel état, il aurait pu avoir la présence d’esprit de la prévenir de la situation. Peut-être aussi que s’il n’avait pas menti à la lionne lorsqu’elle lui avait demandé la veille s’il avait des informations à lui transmettre par peur qu’elle ne se mette en danger, rien de tout cela ne se serait jamais passé. Mais cela, c’était une partie de l’histoire qu’ils ne connaîtraient jamais.
- Pansy a été enlevée par l’Ordre, ou par les militaires moldus - ou par les deux, on ne sait pas - durant notre dernière rixe ce soir, expliqua alors Drago, l’ombre de sa honte audible dans la faible tonalité de sa voix.
Les sourcils toujours froncés et le corps de Theodore maintenant toujours fermement le sien, elle chercha désormais les réponses dans Drago.
- Votre rixe ce soir ? murmura-t-elle tandis qu’elle peinait à assimiler les différentes informations qui lui arrivaient trop soudainement.
Le rire sanguin de Blaise résonna d’une tonalité glaciale dans le hall d’entrée du manoir. Il tourna un visage qui arborait un sourire qui n’avait rien d’amical vers Drago.
- Elle ne savait pas ?
Même sa voix était aigüe, d’un ton terrifiant que même Drago ne lui connaissait pas. Theodore, lui, ne l’entendait presque pas. Il n’en avait que faire. Ce n’était pas l’information qui comptait. Rien de tout cela n’était utile pour retrouver Pansy, et c’était cela, la seule et unique chose qui comptait. Tandis que Drago semblait murmurer quelque chose que Theodore n’écouta pas à Blaise, il serra plutôt les épaules de Granger, la secouant malgré lui au passage. Il n’avait pas le temps. Il n’avait pas la moindre seconde à perdre. Dans son esprit, la guerre contre la terreur faisait rage. Dans son corps, la tension grandissait à chaque nouvelle inspiration, comme si elle s’accumulait silencieusement en lui, menaçante, prête à exploser.
- Où est-ce qu’elle est ? demanda-t-il encore d’une voix si rauque, si basse, si intimidante que les yeux de Granger s’agrandirent encore de peur.
Comme si elle réalisait enfin. Comme si les mots de Drago, ceux de Theodore, et enfin ceux de Blaise prenaient enfin sens pour elle. Là où ses sourcils avaient exprimé de l’incompréhension plus tôt, ils s’affaissèrent désormais sur son visage en une moue désolée presque douloureuse. Un fil d’air tremblant pénétra ses lèvres que Theodore fixait en l’attente d’une réponse qui ne venait pas. Doucement, elle fit non de la tête, puis plus lentement encore, elle se mit à trembler. Theodore ne réalisa pas que c’était parce que lui, il tremblait.
- Je sais pas, chuchota-t-elle alors, comme si elle avait peur qu’il l’entende vraiment.
Le temps que le cerveau de Theodore puisse assimiler ses mots de la façon adaptée fut entre-coupé par la colère de Blaise, qui tourna violemment le visage vers elle. Ses traits à lui aussi étaient différents. Bien plus fermés. Bien moins sympathiques. Largement plus effrayants.
- Quoi ? pesta ce dernier, son incrédulité devenue intimidante dans la froideur de ses yeux d’une couleur pourtant d’ordinaire si chaude.
Doucement, Granger toujours maintenue par la prise douloureuse de Theodore sur elle continua de secouer la tête. Face à elle, à quelques centimètres à peine, le visage de Theodore. Ce visage clos, ce visage contracté, ce visage froid. Et ces yeux. Ces grands yeux dans lesquels il ne restait rien de tendresse, de compassion, de bienveillance. Ces yeux fous. Theodore la sondait, lui aussi. Il la regardait secouer doucement la tête, et il se demandait ce qu’elle voulait dire par là. Elle ne comptait pas lui répondre ? Est-ce qu’elle hésitait à lui transmettre cette information ? Est-ce que dans un instant pareil elle allait refuser de lui donner ce dont il avait besoin ? C’était son tour à lui, de ne rien comprendre. Sans se rendre compte qu’il enfonçait encore plus violemment ses doigts dans la peau d’Hermione, la voix tremblante d’autant d’impatience que de violence, il répéta comme si elle n’avait pas encore répondu :
- Où est-ce qu’ils l’ont emmenée ?
Et c’était le cas. Elle ne lui avait pas encore répondu. Le visage de Granger continuait d’appuyer les mots que Theodore ne comprenait pas.
- Je sais pas, chuchota-t-elle plus doucement encore, ses sourcils s’abaissant d’un nouveau centimètre sur son visage.
- Granger, sévit soudain la voix sèche de Theodore.
Elle sursauta malgré le fait qu’il ne hurla pas son nom. Il n’hurlait jamais. Il n’en avait pas besoin pour être absolument terrifiant.
- Ce n’est pas le moment d’hésiter, déclara-t-il d’une voix tremblante qui peinait à se contenir autant que son visage aussi terrifié qu’enragé.
Hermione le regardait, terrorisée. Un animal. N’importe qui qui le regarderait d’aussi près en cet instant ne verrait rien d’autre que cela, parce que c’était ce qu’il était. Plus que l’ombre d’un humain. Plus que le fantôme d’un homme éperdument et tendrement amoureux. Un animal.
- Ils ont enlevé Pansy, pressa-t-il encore. Ils ont…, trembla-t-il, incapable de finir sa phrase tandis que ses mots mourraient dans sa gorge nouée de douleur.
Les yeux de Theodore se baissèrent sur le sol un instant tandis qu’il ne réalisait même pas que son visage, que son corps tout entier tremblait, et avec lui, Hermione tremblait aussi. Elle ne pouvait pas lui échapper, et à vrai dire, même si elle l’avait pu, elle n’aurait probablement pas essayé.
- Ils ont enlevé Pansy, sa voix prédatrice gronda encore, rendue intimidante par ses tonalités tremblantes. Tu ne peux pas hésiter maintenant. Dis-moi où elle est, ordonna-t-il avec une fermeté glaçante.
Le visage d’Hermione se contrit plus encore par la douleur, ou bien par la peur. Son regard s’obscurcit finalement d’un léger voile de larmes alors qu’elle continuait de secouer doucement la tête de gauche à droite. Elle humidifia le bout de ses lèvres avant de réitérer, sa voix elle également tremblante :
- Je sais pas Theo, plaida-t-elle tout bas. Je suis désolée, murmura-t-elle alors, mais je ne sais pas.
- ARRÊTE DE NOUS MENTIR ! gronda Blaise, hors de lui derrière Theodore.
Elle sursauta encore, et leva les yeux vers ce nouvel assaillant. N’importe qui poserait les yeux sur cette femme en cet instant ne pourrait faire autrement que de constater d’à quel point elle se sentait minuscule. Theodore le voyait, quand bien même son cerveau n’y prêtait pas la moindre importance.
- Hermione, assiégea la voix basse et tremblante du plus dangereux félin de la pièce.
Touchée devant l’état intimidant de Theodore, une larme perla sur la joue de la Gryffondor. Elle mordit sa lèvre inférieure tandis qu’elle continuait doucement de dire non de la tête.
- Je te jure Theo, murmura-t-elle tout bas, je te le jure, je ne sais pas. Il faut que tu me croies, je ne sais pas où elle est, je te le promets Theo, je ne sais pas, supplia-t-elle presque.
Theodore ne voyait pas à quel point elle était terrifiée. En réalité, il n’en avait surtout rien à faire. Cela n’importait pas. Il ne se rendait pas compte d’à quel point il était terrifiant en cet instant. Tendu, tremblant, la tenant à bout de bras, la personne qu’il était disparue dans le bleu de ses yeux. Non, il ne savait pas à quel point il était terrifiant, et il ne s’embarrassait pas de constater d’à quel point Hermione était terrifiée de lui en cet instant. La récupérer. La retrouver. Aller la chercher. La récupérer. C’était tout.
- Putain, tu penses qu’on va te croire Granger ?! s’impatienta encore Blaise derrière Theo.
Néanmoins, les mots de Granger et leur sincérité finirent par atteindre Theodore. Il fit de son mieux pour ignorer les grondements de rage de son ami derrière-lui. Il finit par les entendre, ces mots de Granger. Et il finit par les comprendre. Elle ne savait pas. Hermione Granger ne savait pas. Elle ne retenait pas l’information contre lui. Elle ne savait tout simplement pas, et il savait qu’elle ne mentait pas.
Finalement il lâcha ses épaules, et ses yeux se baissèrent sur le sol de marbre de l’entrée du manoir un instant. Il devait réfléchir. Il ne pouvait pas laisser la terreur de perdre Pansy le gagner. Il devait rester concentré. Il devait garder la tête froide pour la retrouver, et aller la récupérer. D’une main tremblante, il essuya les gouttes de sueur froide qu’il n’avait pas senties jusqu’alors sur son front. Profondément, il inspira. Il entendit vaguement Granger se défendre des accusations d’un Blaise enragé tandis qu’il tentait de garder pied.
- Tu crois vraiment qu’on va avaler que tu sais pas où l’Ordre garde ses prisonniers de guerre ?! Tu nous prends pour des putains de demeurés Granger ?!
La panique gagnait Blaise là où Theodore luttait de toutes ses forces contre elle. D’un souffle tremblant, il inspira difficilement avant de relever les yeux vers la Gryffondor. Elle le regardait, elle aussi. Elle évaluait sans nul doute la menace qu’il représentait, consciente que c’était lui la plus dangereuse, quand bien même c’était Zabini qui hurlait le plus fort.
- Je te jure Theodore, je ne sais pas, continua-t-elle de plaider vers lui, ignorant la menace que Blaise représentait. Mais je vais y retourner directement, je vais y retourner et je vais me renseigner, et je te promets je vais trouver l’information, je vais me renseigner Theo et je vais trouver l’information, promit-elle, gagnée par l’émotion et la panique qui était déversée sur elle.
Theodore la sonda un instant. Une nouvelle fois, il prit le temps d’inspirer profondément. Il considéra les mots de la Gryffondor avec tout le sérieux dont il était capable. L’ennemi du guerrier était ses émotions. Il tentait désespérément de faire le tri. À travers son lien avec Drago, il pouvait sentir la terreur de ce dernier. Et il se rappela. Il se rappela qu’il lui avait promis qu’il tiendrait bon, pour lui. Peu importait ce qu’il se passerait. Il avait deux promesses à honorer. Celle qu’il s’était faite à lui-même de sortir Pansy de là, de tout cela, et celle qu’il avait faite à Drago de tout traverser avec lui, jusqu’à la fin, quoi qu’il advienne. Theodore Nott ne faisait pas de promesse en l’air. Il avait donné sa parole. Il devait mettre en œuvre, aussi intelligemment que possible, tout ce qu’il pouvait pour honorer ces deux promesses-là. Il ne pouvait agir ni dans l’impulsion, ni dans la rage, ni dans la terreur. C’était un marathon. Pas un sprint. Il se devait d’être endurant. Pour elle, et pour Drago. Il devait être endurant. Le corps tremblant, il réalisa alors, comme si ses pensées étaient soudain plus claires, moins embuées par le tourment de la terreur.
- Non, trancha-t-il froidement vers Granger.
Elle le regarda à son tour, incrédule.
- OH SI PUTAIN ELLE VA Y ALLER, C’EST TOUT L’INTÉRÊT DE CETTE PUTAIN D’ALLIANCE ! beugla un Zabini enragé derrière Theodore.
Il l’empêchait de réfléchir calmement. Enfin, aussi calmement qu’humainement possible en de telles conditions. Dans un geste aussi furtif que brute, Theodore se retourna violemment. De sa main gauche, il attrapa en une poigne ferme le tissu de l’uniforme noir de Blaise, et de son avant-bras droit qu’il appuya contre la gorge de son ami, il le plaqua contre le mur de l’entrée. Un bruit étouffé se perdit dans la gorge de ce dernier, ses yeux exorbités noyés dans ceux, froids et mortels de Theodore. Alors qu’il le plaquait là, à sa merci, il avertit avec un sérieux aussi glacial que léthal :
- Je sais que tu es inquiet, mais si tu ne te calmes pas tout de suite, je vais t’assommer.
Il n’y avait pas même de la menace dans sa voix, simplement un fait établit, froid et factuel. Il ne cherchait pas à l’intimider, il le prévenait simplement. Il le ferait. Il avait besoin de pouvoir réfléchir. Il avait besoin de pouvoir garder son calme, et le peu de prise qu’il avait sur son esprit. La panique enragée de Blaise, bien que légitime, lui faisait perdre du temps, et elle ne l’aidait pas à garder pied. Il luttait suffisamment contre lui-même. Theodore était on ne pouvait plus calme alors qu’il promettait à son ami de l’assommer s’il continuait. Il ne lui voulait pas le moindre mal. Il le ferait simplement, parce qu’il ferait quoi que ce soit qu’il aurait à faire pour mettre en œuvre ce qu’il devait faire pour la récupérer.
Blaise grogna sourdement sous son emprise, et Theodore le maintenit encore-là, coincé entre le mur et lui, ses yeux mortellement sérieux disponibles pour qu’il se rende compte par lui-même de sa détermination.
- Je vais la récupérer, mais pour ça j’ai besoin de réfléchir, continua froidement Theodore. Pour que je puisse réfléchir, il faut que tu arrêtes de hurler. Tu peux faire ça pour moi ? murmura-t-il tout bas aux lèvres tremblantes, manquant d’oxygène de son ami.
Blaise sonda Theodore un instant, gravement coincé contre le mur. Il jeta un regard grave en la direction de Granger avant de décider que les mots de Theodore étaient sans nul doute dignes de confiance. Du moins, pour l’instant. Alors, dans un geste aussi lent que quasiment imperceptible, il acquiesça comme il le put à travers la prise ferme que Theo tenait sur lui, et finalement Theodore le relâcha.
Une nouvelle fois, Theodore inspira profondément, puis il se retourna une nouvelle fois face à Granger. Quelques secondes les écrasèrent de leur silence tandis qu’il rassemblait ses esprits, l’intégralité des attentions de la pièce tournées vers lui en l’attente de la suite. Finalement, une nouvelle inspiration tremblante.
- Non, reprit-il ensuite d’une voix calme et basse vers Granger, parce que si tu fais ça, si tu questionnes l’Ordre pour avoir cette information, et puisqu’ensuite on s’y rendra pour aller la libérer, ça va mettre ta couverture en danger parce que dès que tu vas savoir, je vais y aller, et les tiens seraient bien idiots de ne pas te suspecter, et je ne pense pas qu’ils soient idiots, continua-t-il avec une clairvoyance intimidante pour tous. Et ensuite, si toi tu es découverte, enchaîna-t-il encore avec raison, ce n’est qu’une question de temps avant que nous aussi, nous le soyons. Et quand ce sera le cas, Voldemort nous tuera tous. Ce que tu proposes c’est le meilleur plan à court terme, mais pour notre plan à long-terme, c’est la pire erreur que l’on pourrait faire.
Aux yeux de tous, il était d’un calme froid surhumain. Ils ignoraient tous en réalité la violence du combat acharné qu’il menait à l’intérieur de lui, à chaque seconde de chaque instant qui s’écoulait. Parce qu’il avait promis à Drago, malgré le fait que chaque cellule de son corps ne demandait qu’une seule chose : récupérer Pansy, ici et maintenant, peu importait les conséquences. Au diable les conséquences, voilà ce qu’il lui était hurlé à l’intérieur de lui. Voilà ce qui le faisait trembler, ce qui le faisait suer. Mais il devait être présent pour son frère. Il devait être responsable pour son frère. Il ne pouvait pas l’abandonner. Il l’avait promis. Il allait la trouver. Il le ferait autrement. Mais il allait la trouver, et il n’allait mettre ni leur alliance, ni leur futur en danger. Il voulait libérer Pansy. Il voulait la libérer non seulement de ces kidnappeurs, mais également de cette vie. Cela, c’était son projet à long-terme. Il ne pouvait pas être comme tous ces autres faibles qui cédaient à la pression. Il n’y avait pas droit. Ce n’était pas qu’il ne le ressentait pas. Comme les autres, il le ressentait, toutes ces impulsions. C’était simplement qu’il faisait un choix plus intelligent. Un choix plus éclairé. Un choix qui avait plus de chances d’être vainqueur. Parce qu’il avait promis à Drago.
L’espace d’une seconde Theodore s’éloigna de Granger, les yeux dirigés vers le sol tandis qu’il réfléchissait aussi clairement qu’il le pouvait. Ce fut l’instant que Blaise saisit pour adresser les questions dont les réponses lui avaient été interdites. En un pas vers Granger, il s’approcha d’elle, son aura intimidante tandis qu’il lui demandait :
- Tu vas nous expliquer comment ça se fait que tu ne saches pas ? J’croyais que tout l’intérêt pour nous de prendre le risque de faire alliance avec toi c’était justement ça, de pouvoir être prévenus qu’ils ont ce genre d’armes qui peuvent nous neutraliser, et de pouvoir savoir où ils gardent ceux des nôtres qu’ils font prisonniers ?
La rage qu’il tentait de garder en lui transpirait par tous ses pores, grasse et luisante sur sa peau. Il ne pouvait la cacher ni sur ses traits, ni dans le ton accusateur de sa voix, quand bien même il la voulait moins haute suite aux instructions glaçantes de Theodore. Il fit un nouveau pas dangereux vers Granger. Elle ne put pas reculer, la porte fermée derrière-elle lui empêchant d’aller plus loin. Devant elle, Blaise avançait tel un prédateur.
- C’est parce que ce n’est pas l’Ordre, lâcha finalement Hermione, comme à bout de souffle.
Comme si le fait d’être délivrée de la pression que Theodore lui avait mise plus tôt lui avait enfin permit de réfléchir convenablement. Comme si le souffle anxiogène de la pièce qu’il lui avait imposé en lui sautant dessus de la sorte était redescendu, et qu’elle avait à nouveau accès aux informations importantes qui, bien qu’incomplètes, pouvaient néanmoins compter.
Face à elle, Blaise ri. C’était un rire glaçant. D’habitude, le rire de Blaise était chaleureux. En cet instant, il ne l’était pas. Il fit un nouveau pas vers elle, s’étalant désormais au-dessus d’elle de toute sa sombre masse musculaire.
- Elle est déjà morte une fois à cause de toi, chuchota-t-il alors tel un prédateur. Tu penses vraiment que tu peux me tromper, princesse ? cracha-t-il avec un sarcasme qui rappelait celui de Pansy.
Soudain, le front de Blaise rencontra celui d’Hermione. Ce n’avait pas été un geste violent en tant que tel. Il posait simplement son front contre le sien, tel un animal qui menaçait une proie, ses yeux sombres enfoncés dans ceux de la Gryffondor qui ne pouvait pas reculer. Un large sourire étira le coin des lèvres de Blaise, une image terrifiante qu’Hermione emporterait certainement dans sa tombe. Elle ne l’avait jamais vu dans un tel état, lui non plus.
- Hein ? murmura-t-il tout bas.
La seconde suivante, elle ne le sentit plus contre elle. D’une poigne ferme et forte, Drago avait saisi son ami par la nuque, et l’avait violemment propulsé en arrière.
- Recule, trancha d’un ton froid et autoritaire Drago en se plaçant devant sa moitié.
Blaise se mit à rire. Une nouvelle fois, il n’y avait rien de chaleureux, ni de bien amical dans ce geste. Il mordit sa lèvre inférieure alors qu’il approchait doucement d’eux, jouant au plus idiot, la terreur de perdre une nouvelle fois sa meilleure amie à cause d’eux bouillonnant en lui. Cela, et probablement toute l’adrénaline qui obscurcissait son cerveau de la rixe terriblement dangereuse dont ils venaient de rentrer, et dans laquelle il avait cru qu’il allait y passer. Lui, et tous les siens. Et Pansy les avait sauvés, parce qu’il avait failli. Parce que lui s’était fait toucher. Et maintenant, c’était elle qu’ils leur avaient prise. Encore. Non, dans le rire qu’il adressait à Drago et Hermione, il n’y avait absolument rien d’amical. En fait, il ne restait pas grand-chose du Blaise qu’ils connaissaient.
- Je rigole pas avec toi Zabini, tu t’approches pas d’elle, sévit sèchement le Grand Intendant.
- Sinon quoi ? défia encore l’insolent. Toi aussi, tu veux m’assommer ? sourit-il tel un sadique.
- Non, nia froidement Drago. Si tu oses encore la toucher, je vais te défoncer.
Le visage enragé de Blaise se pencha sur le côté tandis qu’il sondait gravement Drago. À quelques centimètres de lui à peine, il le menaça d’une voix sombre qui s’étirait de la profondeur des démons à l’intérieur de lui lorsqu’il était question de Pansy :
- Si on perd Pansy encore une fois à cause de tes conneries, j’la tue moi-même, chuchota-t-il avec un regard en la direction d’Hermione.
Blaise avait compris. Il avait parfaitement bien compris que s’ils étaient dans cette situation, c’était parce que Drago s’était offrit le luxe de ne pas partager l’information selon laquelle ils avaient une importante rixe ce soir-là. Ils auraient pu savoir pour les armes des moldus qui neutralisaient leurs pouvoirs. Ils auraient pu ne pas être surpris.
- Fait très attention à ce que tu dis Blaise, l’avertit une nouvelle fois un Drago dont la tension grandissante durcissait les traits.
Entre les deux hommes, dans les quelques pauvres centimètres qui séparaient leurs deux visages fermés, l’air était électrique, chargé d’une tension intimidante.
- T’es notre Grand Intendant à nous, non ? continua Blaise d’une voix profondément basse. Alors agis comme tel putain, pressa-t-il avec menace, t’as un de tes plus proches soldat qui a été enlevé parce que t’as encore préféré protéger ta meuf qui s’trouve dans l’can adverse. Comment ça se fait que je sois obligé d’te faire remarquer à quel point tu m’dégoûtes là, Drago ? murmura-t-il avec rage, sa lèvre supérieure retroussée sur ses dents pour appuyer son propos.
La mâchoire tendue d’accuser les mots si pleins de tension d’un Blaise ordinairement si tempéré, Drago rappela avec un calme qu’il tentait de récupérer face aux accusations factuelles de son ami :
- Granger fait partie de notre alliance.
- PANSY A VENDU SA VIE POUR TOI ! hurla soudainement Blaise au visage d’un Drago qui accusait difficilement ses mots.
D’un doigt accusateur vers Hermione derrière le Prince des Serpentard, Blaise s’écria, le visage rouge de colère :
- QU’EST-CE QU’ELLE A ABANDONNÉ POUR TOI, ELLE ?!
Entre eux, il n’y avait que le souffle irrégulier de Blaise qui s’écrasait sur la peau pale d’un Drago qui se cherchait de marbre. Pourtant, il ne trouva rien à lui répondre.
- Quand on va la récupérer t’as intérêt à remettre tes priorités en ordre, reprit l’ami blessé plus bas, parce que j’te jure que la prochaine fois j’sais pas sur lequel de vous deux j’vais m’lâcher en premier. Tout ça pour d’la chatte putain, pesta-t-il ensuite dans sa barbe.
- Reste à ta place Zabini, sévit encore Drago. Juste parce que tu connais rien à l’amour, ça n’excuse pas tes propos, alors fais bien attention parce que ma patience a des limites.
L’espace d’une seconde, Blaise regarda Drago face à lui, interdit. Les lèvres entre-ouvertes et son cerveau tentant de comprendre les mots que son ami venait de prononcer. Puis soudain, un rire. Un rire jaune, le genre de rire à la fois déstabilisant et effrayant.
- Ah, je connais rien à l’amour ? releva-t-il alors doucement. Moi, je connais rien à l’amour ?
En prononçant ces mots, des larmes montèrent avec une rapidité dangereuse aux yeux de Blaise. Ses yeux désormais rougis et larmoyants d’émotion, il ne se défila pas de Drago. Blaise resta fermement ancré face à lui, lui laissant voir ces émotions qui bouillonnaient en lui.
- Regarde-moi, enfoiré. Regarde-moi ! le somma-t-il avec désarroi.
Son visage était rouge, son corps tendu, sa mâchoire serrée et ses traits fermés par la colère. Et pourtant, ses yeux pleuraient. Les larmes coulaient sur ses joues là où son front contrit tentait de les retenir. Il n’y parvenait pas. En cet instant, Blaise Zabini ne parvenait pas à retenir la douleur insoutenable qui le faisait pleurer lorsqu’il savait que sa Pansy était en danger. Lorsqu’il ne savait pas où elle était. Lorsqu’il ne savait pas comment elle allait. Lorsqu’il ne savait pas s’il allait la perdre, à nouveau. Les sourcils douloureusement froncés, la mâchoire tremblante tant il serrait les dents et les larmes dégoulinant insolemment sur ses joues, Blaise laissa Drago le regarder.
- C’est quoi ça ? chuchota-t-il alors à son visage. Ce que tu vois sur moi, c’est quoi ça ? Si c’est pas de l’amour, c’est quoi ?
Sur le visage de Blaise, l’amour qu’il avait pour Pansy dégoulinait. En des gouttes pleines de sa terreur, en une cascade de colère qui ne trouvait pas de juste destinataire, en un déferlement d’impuissance paralysant, l’amour de Blaise s’écoulait sur son visage. L’homme dont les émotions était un secret mystérieux se montrait, vulnérable et à nu devant Drago.
- Et le tiens d’amour pour elle, Drago ? questionna alors Blaise en un murmure dangereux. J’le vois pas sur toi là, secoua-t-il son visage de gauche à droite. Tu sais pourquoi ? T’es trop occupé à combattre ta propre culpabilité pour te rendre compte que tu l’as abandonnée une deuxième fois quand t’as choisi de ne pas donner cette information à Granger, qui aurait pu nous sauver ce soir, tout ça pour éviter qu’elle se retrouve en danger.
L’expression de Drago demeurait de marbre, son regard gris profondément enfoncé dans les yeux larmoyants de son ami blessé. À l’intérieur, pourtant, Drago saignait. Il savait la véracité qui dansait dans les mots de son ami, tournoyant en une valse léthale et effrénée avec les restants de sa santé mentale pour lesquels il se battait.
- Regarde Theo, puisque c’est le seul qui semble pouvoir encore te toucher, ordonna doucement Zabini. Regarde-le, somma-t-il encore Drago qui leva les yeux jusqu’à son frère.
Son corps tremblait tandis qu’il était un peu plus écarté, faisant à nouveau les cents pas comme s’il ne pouvait pas même les entendre. Il ne leur prêtait pas la moindre attention, il était bien trop occupé à combattre son propre esprit, et à chercher la solution qui lui permettrait de retrouver Pansy. Rien d’autre ne lui importait, et c’était bien là ce qui terrorisait et avait sidéré Drago toute cette soirée. Le risque de ce que Theodore ferait. Alors il le regardait. Les yeux de Theodore étaient fermés, son regard porté bas vers le sol tandis qu’il cherchait en lui la raison dont il avait besoin, celle qui lui échappait pour trouver une piste, quelque chose. Il avait l’air perdu, et dans une tentative désespérée de ne pas sombrer dans la folie. Il semblait à la fois d’une force et d’une fragilité si déconcertante que c’en était dérangeant de l’observer.
- Regarde comme il tremble, continua un Blaise qui ne cessait de pleurer. Regarde comme il a peur. Regarde comme il a mal, encore, appuya-t-il douloureusement.
Le regard orageux et gris de Drago s’assombrit d’une menace de pluie, et Blaise sut qu’il avait gagné.
- C’est toi qui lui fais ça, chuchota-t-il son coup ultime. Encore, murmura-t-il avec haine.
La mâchoire de Drago se mit doucement à trembler alors que de ses yeux pleuvaient les émotions que Blaise savait parfaitement déclencher. Les sourcils désormais froncés de douleur sous cette torture émotionnelle, Drago reporta son regard sur son ami qui lui faisait du mal.
- Combien de fois encore tu vas nous jurer de nous protéger, tout ça pour nous foutre dans des situations pareilles quelques mois après ? Et tu me dis que je connais pas l’amour, moi ?
Doucement, Blaise pouffa.
- Contrairement à toi, je sais à qui va mon amour. Je connais mes priorités. Pansy, lista-t-il doucement. Theodore. Toi, acheva-t-il finalement tandis qu’une larme perlait sur la joue de Drago.
La vision de la larme qui traça son chemin sur la joue pale de Drago toucha Blaise. D’un nouveau pas vers lui, il colla son front à celui de son ami, cette fois dans un geste plus tendre que menaçant. Drago ferma les yeux douloureusement tandis que Blaise ne le lâchait pas du regard, sa voix tremblante de détermination malgré le fait qu’il chuchotait :
- La famille, Drago. La famille, depuis qu’on sait marcher. C’est notre famille, appuya-t-il en se laissant mouvoir à son tour. T’es censé la protéger cette famille Drago, murmura-t-il tout bas, ignorant royalement Hermione derrière son ami.
Finalement, la rage se déconstruisit sur le visage de Blaise, et la tension infâme quitta le corps de Drago tandis que les mains de Blaise venaient se renfermer sur les joues mouillées de son ami. Ensemble, ils pleuraient la fatigue de cette vie terrifiante. Contre son front, Blaise chuchota finalement, les yeux fermés à son tour sans lâcher le contact chaleureux qu’il avait avec son ami, et dont ils avaient tous les deux besoin dans la charge électrique émotionnelle débordante de cet instant :
- Mais si tu la remets en danger encore une fois, tu n’auras plus droit à mon amour, murmura-t-il finalement si bas qu’il aurait semblé avoir peur lui-même des mots qu’il prononçait là tant ils semblaient lui faire du mal, même à lui.
Dans un silence qui ne trouvait que leur souffle court comme entracte, Drago acquiesça entre les mains fermes de son ami qui tenaient toujours son visage avec une force chaleureuse. Il semblait que peu importait la violence des mots, plus encore la violence de leurs émotions contradictoires et des choses qu’ils s’étaient dites, ce qui avait eu besoin d’être exprimé l’avait été, et l’électricité de l’air retomba au même rythme que les larmes qui maquillaient leurs deux visages.
Soudain, un Theodore Nott qui semblait avoir atteint sa propre conclusion et parfaitement inconscient, ou tout du moins il en donnait l’air, de ce qu’il venait de se passer, il se replaça devant Granger pour exiger :
- Tu as dit que ce n’était pas l’Ordre. Dis-moi ce que tu sais, ordonna-t-il alors, semblant être la personne la plus saine de la pièce.
Si seulement ils savaient les pensées qui tourmentaient son esprit. Celles qui faisait bouillir son sang, pulser son cœur et tourner sa tête qu’il pouvait difficilement ne serait-ce qu’articuler deux mots. Mais ils n’avaient pas besoin de savoir. Rien de tout cela n’importait. La récupérer. La retrouver. Aller la chercher. La récupérer.
Comme revenant à elle, Granger humidifia le bout de ses lèvres. Elle laissa une faible inspiration remplir ses poumons tandis que les deux autres reprenaient des places à distance respectable, essuyant leurs larmes de revers de manches discrets.
- Elle n’est pas à l’Ordre parce que l’Ordre a passé un accord avec l’armée moldue, expliqua-t-elle alors. On leur laisse quelques prisonniers pour qu’ils puissent effectuer des tests sur eux, sur leur magie, pour qu’ils puissent apprendre à adapter leurs armes et à mieux se battre contre vous.
L’air flotta entre eux, lourd de questions, et lourd de suppositions. Granger continua, son cerveau à nouveau complètement fonctionnel :
- C’est l’armée moldue qui garde ces prisonniers-là. C’est un gage de bonne foi dans notre alliance avec eux, pour ne pas qu’ils se méfient de nous. La bonne nouvelle c’est que ça veut dire qu’ils vont vouloir tester des choses sur elle, peut-être lui soutirer des informations, mais pas la tuer. Ils n’ont aucun intérêt à la tuer, absolument aucun, appuya-t-elle gravement, son énergie désormais renouvelée.
Alors que ses mots atteignaient les trois Serpentard, Blaise fut le premier à réagir. Il plaqua une main tremblante de rage sur sa bouche tandis qu’il riait nerveusement.
- Putain ouais, quelle bonne nouvelle, ils vont traiter ma meilleure amie comme un putain de rat de laboratoire ! alors que son ton s’intensifiait à nouveau, la douleur dans sa voix en cassa les tonalités colériques.
Si son sourire et les échos du rire nerveux qui l’avait secoué étaient toujours présents sur le visage de Blaise, il y avait désormais autre chose qui le décorait. Une nouvelle larme. Une larme qui perlait sur chacune de ses joues, traçant le triste chemin de ses émotions. Blaise ne pouvait pas supporter l’idée qu’une nouvelle fois, Pansy allait souffrir. Blaise ne pouvait pas supporter l’idée que pendant qu’ils étaient là à ne pas trouver où elle était, Pansy était peut-être en train d’être torturée de façons qu’il n'osait même pas imaginer. Et surtout, surtout, Blaise ne pouvait pas supporter l’idée qu’une nouvelle fois, des hommes allaient s’approprier son corps comme si elle n’était pas un être humain à part entière, et qu’elle ne pourrait rien faire d’autre que de subir sans donner son consentement. Encore une fois. Si la rage ne brûlait pas à l’intérieur de lui en cet instant, Blaise se serait écroulé de douleur sur le sol du manoir.
Si l’intégralité du corps de Theodore était transpercé de tremblements indécents, il ne sembla rien perdre de son sérieux grave. Alors qu’il inspirait de façon audible, il demanda confirmation à Granger :
- C’est bien l’armée de Terre ?
Hermione acquiesça gravement vers lui.
Une dernière profonde inspiration. Il allait la récupérer. Theodore avait confiance en le fait qu’il allait la trouver lui-même. Il allait trouver l’armée de Terre moldue, peu importait s’il devait retourner l’intégralité des bases militaires d’Angleterre – parce qu’il allait le faire - et il allait retourner ciel et terre jusqu’à ce qu’il la trouve. Avant que le jour ne se lève, elle serait dans ses bras. Un déterminisme ardent brûlait en lui, plus fort et plus menaçant que ses propres émotions. Rien d’autre ne comptait. La récupérer. Rien d’autre. Il avait ce dont il avait besoin, c’était largement suffisant. La récupérer. La retrouver. Aller la chercher. La récupérer.
Tout était aussi sombre que la nuit, et plus humide que la salle de bain des filles en heure de pointe à Poudlard autour d’elle. Pansy n’avait pas le moindre indice dans les alentours qui pouvait lui indiquer où elle se trouvait, seulement le fait que les sorciers qui l’avaient kidnappée n’étaient pas restés ensuite. Après qu’ils lui aient pris sa baguette et l’aient enfermée dans ce qu’elle supposait être une sorte de cachot, en tout cas de prison dont elle ne pouvait sortir malgré ses franches tentatives, les sorciers avaient dit quelques mots qu’elle n’avait pas bien saisis aux soldats moldus, et puis ils étaient partis. Du moins, c’était ce qu’elle supposait, puisqu’elle ne voyait rien. Au-dessus d’elle, le ciel. Hormis trois murs hauts et épais, ainsi qu’une grille pour la retenir, il n’y avait rien d’autre que les étoiles dissimulées derrière d’épais nuages. Ce mois de Mars était froid, aussi froid et sans vie que la vie que Pansy Parkinson menait. La seule chose qui apportait un peu de chaleur à Pansy dans cette épreuve était la colère qu’elle nourrissait contre elle-même.
Merde, ce qu’elle était frustrée. Alors que les trois autres idiots s’étaient laissés surprendre comme des débutants, elle leur avait sauvé le cul à tous, tout cela pour finir par être capturée aussi connement qu’eux s’étaient fait neutraliser. Oui, c’était une erreur idiote que celle de baisser sa garde alors qu’il y avait encore des ennemis sur le champ de bataille. Ils ne combattaient plus seulement des moldus, il y avait également des sorciers désormais. Là où les moldus étaient lents, les sorciers pouvaient apparaître et disparaître en un clignement de cils. Pansy ne pouvait pas croire qu’elle s’était montrée encore une fois aussi désinvolte, mais pourtant quelque chose à l’intérieur d’elle souriait malgré sa colère, comme les rayons de soleil qui traversaient la mer et réfléchissaient la lumière sur le sable.
Elle avait lu la fierté incommensurable dans ses yeux. La terreur et la colère aussi, mais surtout le soulagement intense, la fierté, et…, autre chose qui l’effrayait. Et dans cette prison froide, c’était là tout ce que Pansy voyait. La façon dont il l’avait regardée. L’élan avec lequel il s’était élancé pour venir la retrouver. Elle ne pouvait s’empêcher de se demander ce qu’il aurait fait, si elle ne s’était pas faite connement kidnappée. Pansy mordit sa lèvre inférieure en y songeant. Elle pensait qu’elle l’aurait laissé faire, quoi que ce soit qu’il aurait bien pu décider de faire. Assise sur le béton mouillé, Pansy sourit à travers la nuit. Oui, elle l’aurait laissé faire.
Plus loin, un bruit soudain la força à se remettre sur ses gardes. Elle tourna le visage vers la source sonore, sur le qui-vive malgré le fait qu’elle ne se relevait pas du sol poisseux. De ce qu’elle avait compris, elle se trouvait retenue temporairement par les militaires moldus, aussi curieux que cela lui paraissait. Temporairement, parce que Pansy savait qu’elle ne resterait pas là longtemps. Elle le savait comme une absolue certitude. Il allait venir la chercher.
Dans des échos qui se répondaient mutuellement, comme une chorale qui se voulait angoissante sans ne parvenir à l’être, Pansy décela plusieurs personnes qui marchaient vers elle à un rythme à la fois soutenu et parfaitement synchrone. Oui, elle était bel et bien gardée par les militaires moldus. Finalement, de la lumière provoquée par leur arrivée jusqu’à elle. C’était ingénieux, il lui semblait que personne ne l’avait allumée, seulement leurs mouvements, comme si la lumière elle-même avait capté leur présence et s’était manifestée pour eux. Pansy put enfin témoigner de la précarité de leurs prisons, et elle se demanda s’ils étaient vraiment aussi pauvres que cela. Une vieille grille rouillée scellait la porte de son cachot, et les vieux murs en béton étaient abimés des prisonniers précédents qui s’étaient acharnés contre eux. Ils s’élevaient haut dans le ciel, ces murs épais, sans en être protégés pour autant. Au fur et à mesure des années, ils avaient été polis bien peu naturellement par la pluie, leur surface gondolée, tantôt lissée et tantôt creusée ici-et-là. Sur un sol boueux fort peu hygiénique, cinq hommes avançaient droit sur elle. Pansy pouffa en regardant les airs profondément sérieux et se cherchant si intimidant qu’ils en étaient presque ridicules. Pensaient-ils vraiment pouvoir lui faire peur ? S’ils avaient voulu la tuer, ils l’auraient déjà fait. Ils ne se seraient pas donnés tant de mal pour la capturer et l’enfermer vivante. Pansy savait qu’elle n’avait pas à craindre pour sa vie, alors quoi que ce soit qu’ils avaient prévus de lui faire endurer, elle était certaine d’avoir déjà vécu pire. Et puis, quoi qu’ils fassent, il allait les faire payer. C’était la seule pensée à laquelle Pansy se raccrochait. Tout cela n’était que temporaire. Il allait les massacrer. Et il allait venir la chercher.
Dans un crissement métallique strident tandis que le militaire visiblement en chef la regardait de haut, du dégoût durcissant ses traits, il laissa un de ses sous-fifres ouvrir la porte de sa prison. Ensemble, les cinq hommes pénétrèrent sa cellule tandis qu’elle ne se leva pas du sol. Adossée contre le mur, ses jambes repliées contre son torse, Pansy releva le visage vers eux avec un sourire en coin qu’elle ne forçait pas.
- Cinq d’entre vous rien que pour moi ? taquina-t-elle alors.
Aucun des hommes ne sourit à sa pertinente remarque. Elle n’avait plus de baguette et aussi entraînée qu’elle l’était, elle était une femme seule et maigre face à cinq militaires surentraînés. Malgré les apparences, il y avait bel et bien des limites à l’arrogance de Miss Pansy Parkinson.
Ces hommes étaient grands et forts, leurs carrures ne laissaient que peu de place à l’imagination vis-à-vis de la proéminence de leur masse musculaire. Cela n’impressionnait pas Pansy. Non seulement elle connaissait mieux, mais surtout elle avait grandi en étant la seule fille au milieu d’au moins deux hommes qui étaient devenus des machines, et apparemment trois si l’on comptait Theodore dont elle ne se souvenait pas. Pensaient-ils vraiment pouvoir impressionner la princesse des Serpentard avec quelques paires de biceps tremblants ?
D’un mouvement de tête commanditaire, celui qui se positionnait en leader – le plus grand ainsi que le plus fort – ordonna à l’un de ses soldats de la saisir. Du moins, ce fût ce qu’elle déduisit du fait que l’un d’entre eux se baissa vers elle pour l’attraper violemment par le bras et la forcer à se relever sur ses pieds. Se plaçant dans son dos, le bon petit soldat scella ses bras derrière-elle, pouvant désormais la tenir d’une main et la manipuler à sa volonté. Face au commandant dont elle pouvait désormais voir les cheveux blonds si courts qu’il semblait presque chauve parsemant son crâne de couleur claire, Pansy lui sourit. Il faisait bien deux têtes de plus qu’elle, et Pansy n’était pas une femme de petite taille.
- Qu’est-ce que tu crois qu’tu vas pouvoir tirer de moi, soldat ? ronronna-t-elle insolemment au nez du militaire en chef.
Elle le regardait droit dans les yeux, une sorte d’amusement - peut-être même d’excitation - vibrant dans son regard. Si ce militaire en avait vu des hommes et des femmes téméraires, il n’avait probablement encore jamais rencontré de prisonnier comme Pansy Parkinson.
Le nez du leader se retroussa sur lui-même, venant appuyer le dégoût qu’elle lui suscitait-là, avant que cette moue ne soit remplacée par un sourire qu’il voulait déstabilisant. Pansy n’était pas déstabilisée.
- On verra ce qu’il restera de ton arrogance après cette première manche avec toi, sorcière.
Sa voix était basse et profonde, elle se voulait prédatrice dans cette prison qui résonnait et, en toute vérité, elle l’était. À l’intérieur de Pansy, quelque chose se serra d’anticipation, mais elle ne perdit rien de son sourire. Il avait craché ce dernier mot comme si cela était la pire insulte qu’il aurait pu trouver à lui adresser. Pansy trouvait presque cela charmant, comme s’il pensait pouvoir la blesser en soulignant la supériorité de son rang sur lui.
- Vous comptez me torturer pour me faire parler ? continua une Pansy qui ne perdit rien de son assurance.
Si c’était là leurs intentions, ils se fourvoyaient grandement. Il n’existait pas assez de douleur sur cette planète pour faire parler l’abominablement têtue Pansy Parkinson lorsqu’elle ne l’avait pas décidé, et moins encore lorsque cela signifiait vendre sa famille. Si les Dieux regardaient le spectacle, il semblait approprié de se demander pour qui ils se sentaient le plus désolé. La captive, ou bien ses ravisseurs.
Son assaillant roucoula, ou quelque chose comme cela. En tout cas, une sorte de vibration gutturale résonna dans sa gorge, son sourire ne quittant pas ses lèvres, à lui non plus.
- Je ne voudrais pas te gâcher la surprise.
Sur ces mots, le leader se retourna dos à elle, les trois autres suivirent sur ses talons tandis qu’il menait la danse hors de sa prison. Le soldat qui la tenait derrière-elle la poussa vers l’avant, et alors qu’il enfonçait ses doigts épais dans sa peau, Pansy suivit ces hommes en se demandant ce qu’ils avaient prévu pour elle. À cet instant précis, alors qu’elle naviguait dans la pleine incertitude, il serait mentir que de dire qu’elle n’éprouvait pas la moindre crainte. Et s’ils avaient décidé de la violer ? Pansy connaissait assez des hommes, et assez de la guerre pour savoir que cela était pratique courante. Pourtant, à l’instant-même où cette pensée anxieuse traversa Pansy, elle s’évanouit en elle avec un haussement d’épaules métaphorique. Pansy avait vécu bien pire. Elle avait été trahie par sa propre famille. Par quelqu’un en qui elle avait confiance. Elle avait vu la mère de Blaise, une femme qu’elle aimait profondément, mourir de la torture sous ses yeux. Elle avait été forcée de jouer du violon avec ses cheveux sanglants pendant qu’elle regardait son meilleur ami perdre sa mère. Pansy avait assisté et regardé la descente aux enfers de Drago, celle de Blaise, peut-être celle de Theodore. Elle avait été abandonnée par ses parents à cause de l’amie dévouée qu’elle était, et qu’ils ne soutenaient pas à la période de sa vie où elle avait sans nul doute le plus besoin d’eux. Elle s’était tuée elle-même en tuant toutes ces personnes qu’elle ne pouvait même plus compter. Et puis elle était morte. Elle l’avait déjà fait une fois, elle n’avait pas vraiment peur de le faire à nouveau. Ce n’était pas comme si sa vie avait un goût particulier de reviens-y. Elle ne l’attendait pas, cette mort, mais en l’état actuel du monde et la noirceur de sa vie, serait-ce vraiment si abominable que cela si elle périssait ? Une nouvelle fois, Pansy haussait les épaules dans son esprit.
Si elle y réfléchissait, au fond, elle ne voulait pas laisser ses idiots préférés seuls. Sans elle, ils courraient à leur perte. Blaise était trop seul sans elle, et Drago trop con. Et puis, le fantôme…, le fantôme était un cas à part. Le fantôme était une raison de ne pas mourir, aussi étrange que cela puisse paraître. Et puis, il allait venir la chercher. Pansy avait hâte de voir cela. Un nouveau sourire se dessina sur ses lèvres. Oui, Pansy n’avait pas peur. Quoi qu’ils aient prévu de lui faire endurer, elle avait connu pire. Et le spectacle qu’elle aurait en récompense pour avoir supporté ce qu’ils comptaient lui faire en vaudrait sans nul doute la peine.
Dans la nuit froide, ils traversèrent un long et épais couloir qui abritait parfois d’autres cellules de prison, et parfois des pièces fermées par des portes plus robustes que ces grilles aussi vieilles que Dumbledore à l’époque où il était encore vivant. Tout du long, des militaires postés ici-et-là, tous plus épais les uns que les autres. Certains montaient la garde, elle le supposait, d’autres ne devaient sûrement être que de passage. A chaque pièce qu’ils traversaient, des lumières automatiques s’allumaient pour guider leur chemin jusqu’à une porte blindée que le chef fit glisser après l’avoir ouverte avec une sorte de carte magique. Pansy fut violemment poussée à l’intérieur, les cinq hommes pénétrant avec elle une large pièce éclairée d’une vive lumière blanche sur un large fauteuil allongé fait de cuir. Elle supposait que cette place était pour elle. À côté du fauteuil, une table en métal sur laquelle était disposée toutes sortes d’outils et de seringues comme celle que Granger avait utilisée sur Drago. Cela ne sentait pas très bon pour elle. À côté de la table en métal, deux autres personnes, un homme et une femme, habillés de blouses blanches qui semblaient l’avoir attendue.
- Putain, j’ai même un fauteuil rien que pour moi ? nargua la princesse des Serpentard avec un sourire en coin qui ne parvenait pas à s’évanouir malgré la situation critique dans laquelle elle se trouvait.
- Installez-là, ordonna la femme en blouse.
Elle avait ses cheveux d’un blond vénitien vieillissant attachés et un masque qui couvrait le bas de son visage. Elle n’inspirait pas beaucoup confiance à Pansy malgré le fait qu’elle était la seule femme présente à ses côtés. Pansy supposait que cela devait signifier que quoi qu’il lui serait fait, cela ne serait probablement pas sexuel. Cela rassura Pansy plus qu’elle n’aurait osé se l’avouer.
La sorcière parmi les moldus souriait encore lorsque deux des hommes – bien entendu pas leur leader, il ne s’abaissait pas à ces besognes-là – la saisirent vivement chacun d’un de ses bras, la soulevant de force pour la balancer sur l’épais fauteuil de cuir. Pansy se permit de souffler joyeusement en ajustant son assise :
- Uh, et il est confortable en plus, ronronna-t-elle presque. Vous êtes des hôtes accueillants, on peut pas vous l’enlever.
Alors que les deux hommes qui l’avait soulevée lui attachaient des sangles un peu partout sur le corps pour la maintenir fermement sur le fauteuil, le leader se pencha vers elle, son visage fatigué à quelques centimètres du sien à peine :
- Tu fais trop la maline pour une fille qui s’apprête à passer sur le billard, menaça à voix basse le colosse.
Autant qu’elle le put malgré la restriction de ses mouvements due aux sangles, Pansy étira sa nuque pour se rapprocher encore un peu de lui.
- Approche, je vais te dire un secret, murmura-t-elle vers lui.
Le soldat ne s’approcha pas d’un seul centimètre de plus. Pansy fronça les sourcils.
- J’te fais si peur que ça, grand bonhomme que t’es ?
Visiblement résolu à ne pas lui donner raison, le soldat approcha son visage d’elle d’un nouveau centimètre.
- Plus près, chuchota Pansy.
- Parle, sévit l’homme.
- Plus près, insista encore Pansy.
L’homme céda, et approcha d’un nouveau centimètre. Un large sourire se dessina sur les lèvres de Pansy. C’était fou, à quel point elle récoltait toujours exactement ce qu’elle voulait des hommes. Lorsque la sorcière ouvrit la bouche à nouveau, ce ne fut pas pour parler. En un claquement de dents violents, elle mordit l’oreille du soldat jusqu’au sang. Ce dernier eu le malheureux réflexe de se retirer en un mouvement brusque instinctif tandis qu’il jurait, un bout de son cartilage pendant entre les dents de Pansy, quelques gouttes de sang dégoulinant sur son torse tandis qu’elle souriait toujours. Une main portée à son oreille ensanglantée et son regard noir rivé sur son assaillante en position pourtant basse malgré les apparences, il regarda Pansy recracher son bout d’oreille sur le sol tandis qu’elle riait à cœur joie. Le bras libre du colosse prit de l’élan derrière lui avant de s’éclater en un poing fort contre la joue gauche de Pansy. La pommette de la sorcière désormais rougie du coup qu’elle venait de recevoir, elle redressa son visage pour regarder son agresseur tandis qu’elle se permettait encore de rire, attachée à sa chaise comme une folle à l’asile. Peut-être était-ce qu’elle était vraiment, finalement.
- Vous avez pas kidnappé la bonne pétasse, bande de clochards. Vous êtes tous des hommes morts, promit-elle avec une confiance débordante qui transpirait de son sourire pas le moins du monde effrayé.
Quelque chose avait changé en Pansy. Lorsqu’elle était revenue à la vie après sa mort, elle s’était sentie infiniment plus fragile qu’elle ne se rappelait l’avoir été dans sa précédente vie. Beaucoup plus effrayée. Bien moins sûre d’elle. Ces derniers mois, Pansy avait retrouvé un peu de cela. Elle ne savait pas si c’était les entraînements, ou bien tout simplement le fait de réaliser qu’elle s’en sortait très bien malgré les conditions de cette nouvelle vie, ou si c’était encore tout autre chose. En tout cas, en cet instant Pansy n’avait pas peur. Elle n’avait pas peur parce qu’elle savait qu’il allait venir la chercher, et il y avait dans ce fait une sérénité absolue qui tranchait et anéantissait toutes les douleurs, et toutes les terreurs. Peu importait ce qu’il lui arriverait en attendant, ce n’était qu’un détail. Elle savait que ce n’était que temporaire, et elle avait vécu pire. Il allait venir la chercher. Et tous ces hommes allaient mourir. C’était tout ce qui comptait.
- Assomme-là, ordonna le leader à l’oreille en sang vers la femme en blouse, les traits de son visage durcis par la colère alors qu’il sondait gravement Pansy. Qu’elle ferme enfin sa grande gueule, pesta-t-il dans sa barbe.
La femme en blouse blanche, peut-être un médecin songea Pansy, acquiesça vers l’homme tandis qu’elle se saisit d’une première seringue remplie d’un liquide clair. Les festivités s’apprêtaient à commencer, et Pansy se demandait si c’était là une drogue qu’elle allait apprécier. Elle fit le pari que non. Dans son bras droit immobilisé sur le fauteuil par les sangles qui la retenaient, les doigts froids de la femme remontèrent la manche de son haut pour venir insérer son venin en elle. Pansy regarda la seringue se vider en elle, ce liquide venir tâcher son Sang Pur. La femme retira la seringue, et avant qu’elle ne percute vraiment ce qu’il se passait, elle sentit son visage retomber lassement contre le fauteuil, une forme d’intense fatigue et de désinhibition complète l’assommant soudainement. Putain, un peu de repos, songea-t-elle alors. La sensation n’était pas désagréable, en réalité. Elle se sentait plutôt apaisée en fait. Est-ce que c’était comme cela que les moldus torturaient ? En donnant des drogues apaisantes aux personnes qu’ils voulaient cuisiner ?
- Commence les prélèvements sanguins, délégua la femme médecin à son second.
Un homme bien plus jeune, et certainement bien moins expérimenté qu’elle. Les enfoirés allaient voler son Sang Pur avec un putain d’adolescent prépubère qui ne saurait probablement pas trouver sa veine. Pansy pouffa. Voilà qui était frustrant. Elle se demanda pourquoi ils prélevaient de son sang, avant de se rappeler à quel point il était précieux. Peut-être souhaitaient-ils l’étudier, lui et la magie ancestrale qu’il contenait. Pansy pouffa encore. Comme si c’était quelque chose de tangible que des pauvres clochards de moldus pouvaient saisir.
Dans son bras gauche, le bébé enfonça une seringue, puis des tubes vides qu’il remplissait. Comme hypnotisée, Pansy regarda bouche-bée son sang si parfait quitter ses veines. À l’intérieur d’elle, elle jurait à cœur joie. Son sang.
- Alors, tu le sens ? chuchota le soldat avec une excitation anticipatoire écœurante.
Pansy plissait les yeux pour tenter de continuer de le voir clairement malgré le fait que sa vision devenait outrageusement floue.
- Ce liquide permet non seulement de te désinhiber, ce qui veut dire que tu vas être plus encline à répondre à mes questions, mais en plus il neutralise ta magie. Ingénieux, tu trouves pas ?
Sa nuque lourde contre le dossier du fauteuil, Pansy gardait malgré elle la bouche entre-ouverte tandis qu’elle essayait tant bien que mal de réfléchir. Elle n’était pas bien certaine de l’utilité qu’ils avaient à neutraliser sa magie actuellement, puisqu’ils lui avaient pris sa baguette, hormis peut-être pour se venter comme des enfants à leurs parents qui, clairement, n’en avaient rien à foutre de leurs dessins abominablement laids.
- Est-ce que tu veux que je t’tapote fièrement la tête, bouffon ? murmura-t-elle avec le peu de force qu’il lui restait.
Le soldat se permit de lui sourire à son tour.
- Grâce à toi et à ce sang si précieux, on va pouvoir affiner les armes qui nous permettent de neutraliser les anomalies comme toi. Je suppose que je devrais te dire merci, sorcière, cracha-t-il encore comme si c’était une insulte.
Aux oreilles de Pansy, ce mot sonnait plutôt comme une poésie, plus encore lorsqu’il se voulait insultant venant d’un être masculin frustré de se savoir moins puissant qu’elle. Cela avait tendance à beaucoup lui plaire.
- Tu sais ce que c’est, l’étape suivante ? continua d’essayer de se montrer intimidant le leader tandis que les deux médecins ne cessaient de lui voler son sang. On va te prélever des organes. Tous ceux dont tu n’as pas besoin pour vivre, et qui pourront nous être utiles à nous, pauvres humains sans pouvoirs, chuchota-t-il en se penchant sur son fauteuil. D’abord, on va te prendre ta rate, parce que grâce à toi on arrivera peut-être à modifier génétiquement celle des non sorciers qui sont malades et dont les cellules se régénèrent moins vite, commença-t-il alors à lister pour une Pansy hypnotisée. On te prendra aussi un rein, et puis un poumon, comme ça on pourra étudier ton corps et ta magie en profondeur. On va aussi te retirer les ovaires et ton utérus, parce qu’il y a assez de monstres comme toi sur cette putain d’planète pour ne pas en rajouter, tu crois pas ?
Le moldu marqua une pause, son sourire sadique ancré sur ses lèvres tandis que son sang séchait sur son oreille que Pansy avait croquée. Elle fixait ce sang, hypnotisée, ne pouvant faire autrement que de constater à quel point il lui était inférieur. Était-elle censée être impressionnée par ses muscles ? Peut-être par les pistolets dont ils disposaient ? C’était là un moldu qu’elle avait face à elle. Pansy estimait qu’il aurait dû être heureux de ne serait-ce que pouvoir témoigner de ses propres yeux d’une sorcière aussi pure qu’elle.
- On te prendra aussi ton foie, juste pour regarder à quelle vitesse il repousse, continua le bonhomme. Et bien sûr, pour t’entendre crier au passage. Bien sûr, si tu es une gentille fille et que tu réponds à nos questions, on s’en tiendra là, lui sourit-il faussement. Mais si tu décides de continuer à faire la gamine insolente, on t’arrachera les dents, et puis les cheveux, et puis les ongles, puis les bras, et puis tes jambes, et même tes yeux. On a tout notre temps pour que tu finisses par te raisonner, ronronna-t-il alors, visiblement fier de lui.
Sans qu’elle ne le contrôle vraiment, un profond rire hystérique remua Pansy de l’intérieur, vibrant en elle et remontant depuis ses entrailles le long de sa gorge en des sonorités presque machiavéliques. La bouche grande-ouverte et les yeux fermés sur le dossier du fauteuil, Pansy ne put faire autrement que de se laisser traverser par un profond rire qui contractait ses abdominaux et creusait sa faim. Une larme dégoulinant sur sa joue tandis que tous dans la pièce la regardaient comme si elle était folle, difficilement, Pansy releva le visage vers eux, un large sourire aux lèvres qui dénotait avec sa position de captive :
- Vous pensez que je vais rester là un moment ?
Une nouvelle fois, Pansy éclata de rire. La désinhibition du poison qu’ils lui avaient injecté ne tournait pas vraiment à leur avantage.
- C’est mignon, je parie que je ne reste même pas jusqu’au matin.
Ses yeux rieurs plissés, Pansy ajouta en chuchotant tout bas :
- Il n’aime pas que je passe la nuit chez quelqu’un d’autre.
Tandis que son sang, son cerveau ainsi que son corps étaient tous au ralenti, dans des mouvements étirés alanguis qu’elle ne parvenait pas à rattraper, ni ses pensées, ni ses actions, Pansy soupira profondément avant de pouvoir enchaîner vers les deux médecins moldus qui lui volaient son sang :
- Vous feriez mieux de me tuer tout de suite, au moins vous entraîneriez une sorcière avec vous.
Elle releva des yeux assassins vers le leader face à elle, sa voix soudainement plus basse d’une octave :
- C’est la dernière chose que vous pourrez faire, l’avertit-elle alors.
Le militaire pouffa, il ne semblait pas le moins du monde intimidé avec son oreille à moitié bouffée dont le sang séchait encore en une traînée sombre qui cascadait dans sa nuque. Pansy aimait beaucoup pouvoir la regarder sans cesse, cette trace de son passage douloureux sur le corps de cet enfoiré. Dans l’état psychique et physique dans lequel elle avait été mise à cause de ce qu’il lui avait été injecté dans le sang, elle supposait que si elle ne faisait rien que cligner des yeux pendant ne serait-ce qu’une seconde de trop, elle oublierait jusqu’où elle se trouvait. Cette traînée de sang lui rappelait l’ennemi face à qui elle se trouvait, et plus encore, cela éveillait une sensation chaleureuse dans son ventre de satisfaction, avec la chance de constater qu’elle avait réussi à lui faire mal quand bien même elle était sa prisonnière.
Une nouvelle fois, tandis que chacun de ses bras étaient ponctionnés de seringues qui tantôt lui administraient des drogues, tantôt lui volaient son sang par les deux moldus en blouses blanches, le militaire aux cheveux d’un étrange blond vénitien et aux traits masculins si marqués que c’en était curieux se baissa vers elle. Pansy pouvait mieux voir le bordeaux profond du sang séché sur sa nuque lorsqu’il se penchait vers elle de la sorte. Cela la fit sourire. A son tour, il chuchota presque, se voulant certainement menaçant :
- Ton petit-copain ne te retrouvera pas ici, déclara-t-il alors.
La poitrine de Pansy remua en des sursauts qui fatiguaient son corps, mais elle ne semblait pas pouvoir s’empêcher de rire. L’espace d’un instant, elle ferma les yeux. Cet homme était trop fatiguant tant il était drôle. Quand elle fut en capacité de rouvrir les yeux, la Serpentard fronçait les sourcils vers le visage de ce type un peu trop proche du sien à son goût. Elle trouva une certaine satisfaction dans la pensée qui s’imposa à elle qui lui rappela que Theodore Nott n’aimerait certainement pas beaucoup cela.
- Mon petit-copain ? répéta Pansy, incrédule. Nan, j’pense que t’as pas bien compris ma chérie, lui sourit-elle alors avec le peu de force qu’il lui restait. Celui-là c’est pas un être humain.
Ses lèvres désormais sèches alors que Pansy manquait d’hydratation s’étalèrent sur ses dents avant qu’elle ne chuchote tout bas :
- C’est un monstre.
Le soldat posa ses deux larges mains sur les poignets de Pansy, posés sur les accoudoirs du fauteuil de cuir sur lequel elle était vidée de son sang ainsi que de sa magie, et il y enfonça ses doigts avec une force désagréable.
- Toi non plus je pense que t’as pas bien compris, murmura-t-il à son visage. T’es enfermée dans le sous-sol de la base militaire britannique non seulement la plus secrète, la plus sécurisée, mais aussi la plus élitiste. Ton « monstre » nous ferait un cadeau d’oser se pointer ici, et t’en fais pas, lui sourit-il alors, il pourra te tenir compagnie quand on aura détruit la pétasse arrogante que tu es, et qu’il ne restera qu’une gamine qui chiale en appelant ses parents au secours.
Pansy n’aimait pas l’admettre, mais quelque chose à l’intérieur d’elle fut intimidé par ses mots. Elle ne doutait pas de Theodore, ni de lui, ni de sa force, ni de sa détermination et encore moins lorsque cela la concernait elle. Par contre, elle n’aimait pas l’idée qu’il se retrouverait enfermé dans une base militaire d’élite et secrète où des moldus étaient en capacité armée de neutraliser des sorciers. Elle ne savait pas combien ils étaient là-dedans, mais elle supposait qu’ils devaient au moins être une petite centaine, peut-être plus. Soudainement, alors qu’elle constatait de la confiance débordante dans les traits du militaire en chef face à elle, elle n’était plus très certaine d’avoir envie qu’il vienne la chercher, et avant même qu’elle ne comprenne pourquoi cette pensée s’imposait à elle, Pansy se rendit compte qu’apparemment, elle préférait rester enfermée ici à être torturée pendant des années, plutôt que le fantôme ne risque sa vie ici. Pansy décida de blâmer les drogues pour ce raisonnement absurde. Elle chassa ces pensées, et utilisa la force psychique qu’il lui restait pour pousser son cerveau à se rappeler les faits : Theodore Nott était un monstre. C’était une réalité. De ce qu’elle avait compris, quand bien même cela n’avait pas été explicitement raconté – mais Pansy n’était pas stupide – il avait assassiné quasiment l’intégralité des Mangemorts qui avaient été présents dans la cathédrale le soir de sa mort, à lui seul. Quasiment, pour ne pas dire l’intégralité. N’ayant pas cette information, Pansy s’autorisait une marge d’un ou deux corps achevés qui n’étaient pas de son fait. Elle se rappelait également tous les entraînements qu’elle avait faits avec lui, et à quel point il lui semblait inatteignable. Elle se rappelait aussi toutes ces fois sur les champs de bataille. La façon dont son corps bougeait avec une rapidité ainsi qu’une agilité féline, la finesse avec laquelle il entendait et sentait venir la moindre menace, même lointaine, et ainsi la précision avec laquelle il pouvait ajuster le moindre de ses mouvements pour éviter le danger. Elle se rappelait le nombre de fois, quand bien même elle détestait cela, où il lui avait sauvé la vie. Elle se rappelait le nombre indécent de corps qui tombaient autour de lui comme s’il en pleuvait lorsqu’il se battait. Elle se rappelait aussi cette fois où Sekhmet l’avait gardée cachée dans son aile après qu’elle eut été menacée, et l’incroyable puissance qui était sortie de Theodore. Pansy n’avait jamais vu cela. Il avait fait de la magie sans même se servir de sa baguette, c’était comme si elle explosait hors de lui tant elle était puissante et bouillonnante à l’intérieur de lui. Il avait détruit des bâtiments, des immeubles entiers par la simple magie qui vibrait de colère en lui que quelqu’un ait faillit toucher Pansy. Cette fois-là, les corps avaient vraiment plu autour de lui. Les corps, les débris, le sang. Oui, Pansy s’accrocha à cette dernière pensée. Theodore Nott était invincible, et elle le savait. Il était monstrueux lorsqu’il s’agissait d’elle, Pansy l’avait bien compris. Et cette fois, ces hommes avaient réellement osé la toucher. Ils n’avaient pas failli le faire, ils l’avaient fait.
Un sourire tranquille se dessina sur les lèvres de Pansy. Cette fois-ci, elle ne répondit rien au militaire. Elle ne ressentait plus le besoin de lui prouver quoi que ce soit, son arrogance serait punie au même titre que celle de toutes les personnes présentes dans cet immeuble, et ce peu importait le nombre, peu importait la confidentialité, et peu importait leur puissance. Ils étaient tous déjà morts. Ce soldat apprendrait en temps et en heure. Elle, elle était déjà trop fatiguée. Quoi que ce soit qu’ils lui administraient, cela brouillait sa réactivité, sa force, et peut-être même sa magie. Cela, elle n’avait aucun moyen de le savoir vraiment. Elle se sentait néanmoins faible et vulnérable, et elle savait qu’elle devait concentrer les forces qu’il lui restait sur le contrôle de son esprit.
Pansy ne savait pas exactement combien de temps avait passé entre leurs derniers échanges, si ce n’était que le temps de ses pensées ou bien plus longtemps, mais soudainement le commandant la questionna avec un sérieux qu’il cherchait intimidant :
- Raconte-moi un peu, quelles sont les prochaines villes où vous comptez attaquer ?
La sorcière pouffa. Elle se fit frapper. Il y eut plusieurs enchaînements de la sorte. Des questions idiotes auxquelles elle ne répondrait pas même sous Veritaserum. Une réaction naturelle qu’elle ne pouvait pas contrôler, et qu’elle n’aurait probablement pas contrôlé même si elle l’avait pu. Parfois un sourire, parfois même un rire qui s’échappait de sa poitrine, parfois ses yeux qui se levaient jusqu’au ciel, parfois un soupir aussi exaspéré qu’ennuyé, et parfois, comme à cet instant, elle pouffait tant il était ridicule qu’il pense réellement qu’il y avait une chance qu’elle lui réponde. Il n’y en avait pas. Ils continuaient de lui injecter plus de produits, et ils lui prélevaient plus de sang. Entre chaque question à laquelle elle ne répondait pas, elle se faisait frapper. Parfois la pommette avec le poing, laissant une douleur sourde qui résonnait jusque dans ses os en des élans pulsatifs. Parfois une baffe, furtive et plus piquante à l’image d’un fouet acéré qui laisserait une trace de brûlure. Parfois des coups dans son ventre qui lui faisaient cracher un peu de sang, du moins c’était ce qu’il lui semblait. Pansy voyait flou désormais. Parfois, il lui tenait les cheveux d’une main pour qu’elle puisse tenir son visage relevé, et il la frappait ensuite quand elle avait le culot de sourire bêtement à ses questions, ses dents et ses lèvres pleines de sang tandis que ses yeux et ses joues étaient noircies d’hématomes nouveaux. Le tableau qu’elle peignait là, alors qu’elle levait des yeux maquillés au beurre noir vers cet homme qui l’agressait, quelques coupures sur ses lèvres et d’éparses bleus assombrissant ses pommettes hautes, un filet de sang traçant son menton tandis qu’elle osait lui sourire une nouvelle fois. C’était là un tableau que quelqu’un qui se dirigeait vers elle n'apprécierait pas.
Avant qu’elle ne sombre dans l’inconscience, perdue dans un état flou entre deux, trop de coups, trop de sang prélevé et trop de drogues plus tard, les yeux fermés et le visage bas sur son torse, Pansy laissa son visage se relever jusqu’au dossier du fauteuil où elle laissa reposer tout le poids de son crâne. Le diable. Elle ressemblait au diable. C’était elle qui était kidnappée. Elle qui était immobilisée. Elle qui était droguée. Elle qui était violentée. Et pourtant, c’était dans ses yeux à elle que brillait le feu ardent de la victoire. Celui de l’arrogance. Celui du pouvoir. Un large sourire sur ses lèvres tandis que l’intégralité de son corps lui était à la fois faible et douloureux, certains de ses os peut-être brisés, quelques hémorragies internes peut-être déclenchées et beaucoup trop d’hématomes dispersés sur son corps, Pansy chanta d’une voix basse pourtant à la fois stridente et terrifiante :
- He’s coming for youuu…*
*Il arrive pour vous/il vous traque.
Le rire criard de Pansy secouait sa poitrine douloureuse pendant qu’elle était assenée d’un déversement de coups colériques de cet homme qui ne tirait rien d’autre que de la parfaite arrogance de la part de sa prise peu collaborative. Chacun de ses coups venaient tirer en lui la rage qu’elle déclenchait chez lui, et il la faisait déferler sur elle. Sur sa peau, sur ses muscles, sur ses os. Coup après coup, il l’assaillait de toute sa violence, de toute sa frustration, et tandis que Pansy encaissait, souffrante et épuisée, elle s’accrochait dans son esprit à la seule pensée qui lui apportait la paix dont elle avait besoin pour être capable de continuer d’encaisser. Il allait venir la chercher.
Lorsque Pansy ouvrit les yeux, elle était à nouveau seule dans la cellule. Elle avait perdu le confort relatif de la chaise de cuir qui avait été remplacé par la fermeté froide et peu accueillante du béton humide. Au-dessus d’elle, il pleuvait. Lentement, elle tentait de reprendre ses esprits. Il lui semblait qu’il manquait à sa mémoire une partie des événements. Peut-être avait-elle perdu conscience. Elle savait qu’elle n’aurait pas parlé dans tous les cas, en tout cas pas pour dire autre chose à cet homme que d’aller se faire foutre. Tandis qu’elle reprenait son souffle, clignant difficilement ses paupières pour ajuster sa vision comme elle le pouvait dans le sombre endroit, Pansy s’ajusta contre le mur dur et froid. Merde, elle avait mal partout. Elle se sentait complètement droguée, à peine maître de son esprit et moins encore de son corps. La bouche sèche et pâteuse, elle avala sa salive avec difficulté. Elle mourrait de soif. Elle ne parvenait pas à se rappeler quand est-ce qu’elle avait bu pour la dernière fois, certainement avant même la rixe de ce soir-là. Son visage retombant lassement sur son torse, Pansy fit craquer sa nuque et se rendit alors compte que tout autour d’elle semblait tourner bien peu naturellement. À mesure qu’elle reprenait conscience, elle réalisa à quel point elle se sentait physiquement faible. Elle avait mal partout, certes. De multiples points sur son visage lui lançaient des éclairs de douleur éparses, probablement là où le militaire avait déchaîné sa colère contre elle. De la même façon, elle avait mal aux côtes, et son ventre semblait être blessé, lui aussi. Au niveau de ses bras, une douleur sourde s’élançait à travers ses veines, remontant jusqu’à son cœur, trouvant sa source là où elle avait été piquée. C’était comme si elle pouvait encore sentir le poison qu’ils lui avaient injecté couler à travers ses veines, la dépraver de sa magie et affaiblir son corps. Il lui semblait néanmoins qu’aucune opération n’avait encore été effectuée sur elle pour prendre certains de ses organes. Elle supposait qu’il la voulait consciente pour cela.
Pansy leva les yeux vers le ciel. Une pluie fine s’écoulait en des gouttelettes douces sur chacune de ses plaies, comme si elle cherchait à les nettoyer sans la blesser. Pourtant, elle pouvait voir la lumière éclatante de quelques étoiles derrière les nuages. Elles brillaient comme des diamants dans le ciel. Elle réalisa à l’instant seulement qu’elle avait froid. Son corps tremblait, mais là encore il ne le faisait que trop faiblement. Là où elle aurait dû claquer des dents et où ses muscles auraient dû s’agiter continuellement, il n’y avait qu’une légère vibration interne. Oui, ils lui avaient retiré l’intégralité de sa force physique là où ils n’avaient pas pu la détruire psychologiquement. Pansy aurait voulu sourire à ce constat, mais là-encore, elle fut obligée de constater qu’elle n’en trouvait pas la force. Elle était satisfaite de réaliser que les peurs et les doutes qui lui semblaient si inconnus au début de sa nouvelle vie s’étaient dissipés. Elle se sentait invincible. Qu’allaient-ils bien pouvoir lui faire de pire maintenant ? Pansy fixait les nuages dans le ciel sombre. Il faisait encore noir. L’aube ne s’était pas encore levé. Et au fond d’elle, Pansy savait. Elle savait qu’il serait là avant qu’elle puisse déceler la lumière du soleil à travers ce ciel couvert. Elle réalisa alors.
Oui, il allait venir la chercher, cela était un fait. Ce n’était pas une hypothèse dans l’esprit de Pansy, c’était un fait. Et elle ne serait pas en état physique de quoi que ce soit, la drogue, le poison, ou bien quoi que ce soit qu’ils lui avaient injecté pourrissant son sang dans ses veines, la drainant de l’intégralité de son énergie à la fois magique et physique. Cela n’était pas une option. Elle ne pouvait pas être un fardeau pour lui une fois qu’il serait là pour elle. Il aurait certainement passé tout ce temps-là, en cet instant même d’ailleurs, à piller base militaire après base militaire jusqu’à ce qu’il la trouve, et tout cela après l’énorme rixe qu’ils avaient déjà effectuée. Il aurait dépensé une énorme partie de son potentiel à la fois magique et physique lui aussi, et lorsqu’il arriverait à elle, il serait déjà largement diminué. Il resterait plus fort que tous ces moldus inférieurs, cela était certain. Mais les lois physiques et magiques ne pouvaient pas lui échapper pour autant. Il ne pourrait pas indéfiniment dépenser quantité de magie noire sur quantité de magie noire, et son corps lui-même, musculairement parlant, atteindrait nécessairement des limites à un moment donné. Il avait beau être incroyablement monstrueux, même Theodore Nott était humain. Elle savait sans le moindre doute qu’il trouverait encore de la force dans les tréfonds de son âme sombre jusqu’à ce qu’il la retrouve, mais il serait épuisé, sans même parler de la fatigue psychologique de la peur hypothétique de la perdre. Pansy n’était pas dupe. Elle l’avait vu, ce soir-là. La façon dont il l’avait tenue. La façon dont il l’avait serrée. La façon dont il l’avait regardée. Ces yeux emplis de larmes levés hauts et suppliants vers elle. Elle savait. Oui, il trouverait la force jusqu’à ce qu’il la récupère. Mais de son côté à elle, tandis qu’il déployait tous ces efforts et toutes ses forces pour arriver jusqu’à elle, Pansy ne pouvait pas être un fardeau lorsqu’il arriverait. Elle le refusait catégoriquement.
Avec toute la force qu’elle trouvait dans ses bras, Pansy se redressa autant qu’elle le put contre le mur de béton. Avec un grognement guttural qu’elle retenait entre ses dents comme elle le pouvait, elle tenta d’ignorer la douleur sourde dans ses abdominaux lorsqu’elle utilisa toute sa force interne pour ce faire. Non, il était hors de question qu’il retourne ciel et terre pour venir la récupérer tandis qu’elle serait là à pourrir comme une pauvre demoiselle en détresse. Après tout, c’était elle qui les avait tous sauvés ce soir-là. Elle avait un honneur à sauver, et il méritait de trouver autre chose qu’une pauvre chose molle et faible qu’il devrait porter hors de là tandis qu’il aurait tout massacré sur son passage jusqu’à elle. Les moldus avaient pris son sang et s’étaient permis de le salir de leurs drogues impures, pensant qu’elle resterait aussi faible et diminuée jusqu’à ce qu’ils décident de pouvoir jouer à nouveau avec elle. Ils se trompaient. Ils avaient probablement fait le pire choix possible en la kidnappant elle. Non seulement cela impliquait que Theodore Nott serait à leurs trousses, mais en plus ils n’obtiendraient rien d’autre qu’une parfaite arrogance de la part de la sorcière la plus bornée et insupportable de sa génération. Cette fois-ci, Pansy trouva la force de sourire à cette pensée. Elle aimait bien l’idée que celui qui était certainement le plus dangereux de leur génération venait pour la plus ingérable de toutes. Vraiment, ces idiots avaient gagné la palme d’or de la bourde du siècle.
Sur son avant-bras gauche découvert de leurs expériences quelques instants plus tôt et maquillé de sa Marque, Pansy enfonça dans sa chair les ongles de sa main droite comme des armes aiguisées. Ses dents serrées tandis qu’elle mordait sa lèvre inférieure pour s’empêcher d’émettre le moindre son suspect, elle traça des traits aussi profonds qu’elle le pu dans cet avant-bras. Pansy fut déçue de constater que les griffures qu’elle était parvenue à faire n’étaient clairement pas assez profondes pour qu’elle puisse se vider du poison assez rapidement. Cela allait lui demander plus que ça. Elle laissa son crâne retomber sourdement contre le mur bétonné qui la soutenait. Les yeux ouverts vers le ciel qui pleurait de son sort, Pansy inspira profondément. Elle tenta de se concentrer sur la sensation des nouvelles gouttes qui venaient parsemer son visage déjà mouillé pour se distraire de la brûlure griffante qu’elle venait de faire sur son bras. Lorsque ses poumons furent pleins, la mâchoire serrée et l’intégralité de sa force rassemblée, Pansy réitéra son geste. Son poing gauche serré et son bras coincé entre ses deux cuisses pour ne pas être tentée de le retirer, Pansy griffa avec toute sa force son bras gauche. Elle remonta la manche de son haut mouillé aussi haut qu’elle le put, près de son épaule, et dans des gestes effrénés qu’elle s’empêchait de cesser, Pansy griffa sa peau. Seconde après seconde, elle enfonçait ses ongles dans sa peau, et d’un coup sec et puissant, elle étirait son geste jusqu’à son poignet. Puis elle recommençait. Et elle recommençait. Et elle recommençait. Dans les plaies déjà ouvertes, Pansy repassait à nouveau. Plus loin. Plus profondément. Que son sang se vide de ce poison. C’était tout ce à quoi elle pensait. Qu’elle ne soit pas un fardeau inerte lorsqu’il serait là pour elle. Sur les plaies qui la brûlaient, la pluie tombait. Au gouttes de sang qui s’écoulaient, de plus en plus épaisses à chaque nouvelle griffure acérée, l’eau se mélangeait, éclaircissant sa couleur d’un rose presque romantique. Frénétique, Pansy ne cessa pas. Son poing fermement coincé entre ses deux cuisses superposées, Pansy s’auto-mutila sans s’autoriser le moindre son. Les yeux fermement clos tandis que les secondes passaient, Pansy ne s’arrêtait pas. Comme une bête enragée, elle continua de se faire saigner avec la détermination féline d’un animal en cage. Puis avant de s’autoriser à reprendre son souffle, trop effrayée de ressentir la douleur qui s’élançait immanquablement dans son bras gauche, Pansy réitéra sa violence sur son bras droit. Comme une bête enragée, il ne pouvait exister d’autre description que cela. Elle s’acharnait sur sa peau comme si sa vie en dépendait, et elle ne cesserait pas tant qu’elle ne baignerait pas dans son propre sang. Alors elle laissa son esprit se concentrer sur le fait qu’il était en train de venir la chercher, ses yeux clos et sa conscience dirigée avec détermination vers lui comme si cela pouvait l’aider à la trouver plus rapidement, et elle s’acharna sur sa peau. Des minutes étirées durant, Pansy ne cessa de détruire sa peau pour se vider du poison qui l’avait tâchée, et elle ne cessa que lorsqu’elle put sentir plus de sang chaud couler sur sa peau que de pluie fraiche. Elle pouvait se vider tranquillement, désormais. Elle serait prête lorsqu’il serait là.
Flottant entre la conscience et le monde des songes, Pansy fut abruptement arrachée des bras bétonnés de Morphée lorsque les sombres lumières de la base s’allumèrent soudainement. Une alarme stridente déchira le silence, ses impulsions sonores lourdes et régulières faisant trembler les murs comme si la base militaire elle-même hurlait sa panique. Ensuite, des tambourinements de pas qui se ralliaient, au garde à vous. Le coin des lèvres de Pansy s’étira jusqu’à ses oreilles. Il était arrivé.