L'évadé du clair de Lune

Chapitre 2 : Mourir est la seule façon de sortir de cette prison

4442 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 29/01/2024 12:07

Le Patronus qui avait balayé les derniers doutes de Sirius s’évapora. Seul dans sa cellule froide, il avait du mal à reprendre ses esprits. Il resta immobile, insensible à la douleur de sa main blessée, partagé entre le bonheur le plus fou et l'ahurissement le plus total. Jamais il n'aurait pensé la revoir, encore moins entre ces murs. Il entendit des pas précipités se rapprocher et il sortit de sa torpeur. Il leva la tête alors que le gardien, la ministre et la guérisseuse s'arrêtaient devant la porte de sa prison. Furieux, le maton leva sa baguette pour le stupéfixer. Mais celle qui ressemblait tant à la femme qu’il aimait lui posa la main sur le bras pour arrêter son geste. Elle fixait la main blessée de Sirius.

 

— Ouvrez la cellule, ordonna-t-elle, froidement.

 

Sirius tiqua, il n'avait jamais entendu Sélène employer ce ton, empli de colère et de rancœur. S'était-il trompé ?

 

Mais pourtant : cette voix, ce sourire qu'elle lui avait adressé quelques minutes auparavant, ce grain de beauté sous ses lèvres. Ce patronus… Il ne comprenait pas.

 

— Miss Fallon, Black est le pire mage noir de cet étage, je ne peux pas vous laisser entrer, objecta Morrisey.

 

Fallon… Il ne connaissait pas ce nom. Le doute recommençait à le gagner.

 

— Il n'a pas de baguette, que voulez-vous qu'il me fasse, répliqua-t-elle, méprisante.

— C'est contraire au règlement.

— Il est blessé.

— Grand bien lui fasse, cracha le maton. Il s'est fait ça tout seul.

 

La jeune guérisseuse se tourna vers la ministre et lui lança, toujours sur le même ton cassant et arrogant que celle qu’il connaissait n’aurait jamais eu le courage d’employer contre une personne d’autorité :

— Madame la Ministre, vous voulez humaniser les prisons, non ? C'est ce que le peuple vous réclame. Ça commence par-là ! Laissez-moi le soigner, sinon à quoi vous sert une guérisseuse ici ? Autant démissionner tout de suite !

 

Milicent Bagnold cilla sous le ton virulent employé de la jeune femme. Mais elle finit par se tourner vers le gardien et lui faire un signe de tête. Celui-ci marmonna son désaccord mais sortit sa baguette et ouvrit la cellule. Il allait entrer avec la jeune femme quand elle l'arrêta d'un ton ferme :

— S'il tente quoi que ce soit, vous pourrez l'arrêter d'ici. Je n'ai pas besoin de vous à l'intérieur.

 

Il ne chercha même pas à protester mais lança à la jeune femme un regard noir auquel elle ne fit pas attention. Elle avança vers Sirius qui recula sans la quitter des yeux. Après avoir tant souhaité un contact avec elle, il la fuyait maintenant, la suppliant silencieusement de ne pas approcher davantage. Il était sale, il puait. Ce n'est pas comme ça qu'il aurait voulu la revoir, si vraiment c’était Elle. Il avait honte de ce qu'il était devenu.

 

Il heurta finalement le mur à la tête de son lit de fortune et se laissa glisser le long de la paroi, ses jambes ne le portant plus. Toutes ses forces l'avaient quitté et il était hypnotisé, perdu entre rêve et réalité, entre doutes et certitudes. Elle s'accroupit devant lui, cachant la vue à la ministre et au gardien. Sirius la détaillait du regard, se focalisant sur les petits détails qui la caractérisait, n'osant y croire. Il murmura, presque malgré lui :

— Sélène ?

 

Ce n’était même pas une question, plus une supplique. Les yeux de la jeune femme se remplirent de larmes et elle hocha imperceptiblement la tête en souriant tristement. Il inspira difficilement, ses nerfs à fleur de peau. Il déglutit, en levant timidement la main vers elle, n’osant y croire encore. Il tremblait. Il avait peur qu'elle ne disparaisse dès qu'il l'aurait touché. Elle lui saisit la main, interceptant son geste qui aurait paru bien trop familier aux yeux de leur observateurs et sortit sa baguette de sa poche. Elle tremblait légèrement elle aussi.

 

Elle murmura, les yeux fixés sur sa main blessée, évitant soigneusement de le regarder :

Episkey

 

Il ferma les paupières pour maîtriser la douleur et serra les dents en grognant alors qu'elle lui ressoudait les os.

— Je vais te sortir de là, murmura-t-elle, la voix pleine d'émotions.

 

Il sursauta et rouvrit les yeux pour la dévisager. Quoi ? Elle avait perdu l'esprit, c'était impossible. Il secoua la tête, fataliste.

— Je te l'ai dit. Mourir est la seule façon de sortir de cette prison.

— J'en suis parfaitement consciente.

 

Sirius ouvrit la bouche pour riposter, mais elle ne lui en laissa pas le temps.

— Ils ont juste besoin de te croire mort, ajouta-t-elle en le regardant.

 

Il en fut troublé. Et même s'il désirait plus que tout la retrouver hors de ces murs, il devait la raisonner.

—C'est impossible… murmura-t-il.

— Non, fais-moi confiance.

— Mais… si ça échoue… Tu seras accusée de complicité !! Et c'est toi qui te retrouveras ici ! s'énerva-t-il en s'efforçant de contrôler le volume de sa voix.

 

Comme l’échange commençait à durer, Morissey frappa les barreaux de sa baguette :

— Un problème ? Que se passe-t-il là-dedans ?

 

Sirius vit Sélène ciller. Elle le regarda d'un air blessé et il eut envie de la prendre dans ses bras et se faire pardonner mais, reprenant son rôle, elle se retourna pour répliquer de cette voix hautaine qu’il commençait à détester.

— Tout va bien, Monsieur Black est juste un peu douillet. Mais cela ne devrait pas vous déranger, si ?

Le gardien grogna. Sans en tenir compte, elle se retourna vers Sirius :

— Fais-moi confiance, répéta-t-elle en serrant sa main. Nous avons besoin de toi à l'extérieur.

 

Il allait répondre quand le gardien tapota les barreaux de la cellule avec sa baguette. Ils parlaient à voix basse et ne pouvaient être entendus mais leurs observateurs restés devant les barreaux semblaient s'impatienter.

— Vous avez bientôt fini, Miss Fallon ? La visite doit se poursuivre et il nous reste encore plusieurs ailes à inspecter, l'apostropha le gardien.

 

Sélène tourna la tête pour confirmer qu'elle avait bien entendu avant de reporter son attention sur Sirius. Et c'est d'une voix assurée qu'elle lui souffla :

— J'ai trouvé une solution. Je sais ce que je fais, fais-moi confiance.

 

Elle serra une dernière fois la main de Sirius, ses doigts s'unissant aux siens quelques secondes.

— Quatre ans sans toi, c’est déjà beaucoup trop long. 

 

Il retint sa main si fine, résistant tant bien que mal à l’envie de la porter à sa bouche pour l’embrasser. Les yeux fixés sur elle, il cherchait à imprimer sur sa rétine ce qu’il reconnaissait du vrai visage de la jeune femme. La ligne de sa mâchoire, la courbe délicate de ses oreilles et ce grain de beauté sous ses lèvres qui l’avait toujours rendu fou. Le temps avait suspendu son vol alors qu’il la détaillait ainsi. Il entrouvrit la bouche, s’approchant d’elle imperceptiblement, mais elle se redressa, rompant le charme, sauvant les apparences. Il baissa la tête.

 

Elle lui tourna le dos pour sortir mais s'arrêta une dernière fois pour rappeler d’une voix forte :

— Et n'oubliez pas ce que je vous ai dit, allez-y doucement sur l'activité physique, ça pourrait vous tuer…

 

Sirius ne réagit pas. Morrisey ferma la porte derrière elle et le jeune homme se retrouva seul sur sa paillasse. Il fixait sa main. Sa main que Sélène avait tenu pendant de trop courtes minutes. Sa main qui le brûlait encore là où elle l'avait touché. Il n'osait pas bouger de peur de voir cette illusion si agréable le quitter. Son poing se serrait davantage encore pour retenir la chaleur qu'elle y avait laissé, en vain. Fatalement, la douce sensation s'évanouit et il eut à nouveau envie de hurler. 

 

Il ne savait pas quand il la reverrait.

Mais l'avait-il réellement vue ? Son visage et les intonations de sa voix étaient si différents.

Aurait-il rêvé ? Imaginé celle qu'il aimait là où il n'y avait finalement qu'une vague ressemblance ?

Était-il à ce point en manque qu'il commençait à déguiser la réalité, à imaginer que Sélène viendrait le délivrer ?

Ou bien était-ce le premier stade de la folie qui commençait à s'emparer de lui ?

Mais si tel était le cas, au moins avait-il pu avoir la sensation de lui parler et de sentir ses doigts entre les siens une dernière fois …

Il s'endormit, sa main crépitant encore au souvenir de la chaleur qu'elle y avait laissé. 

 

OoooO

 

Les jours passèrent sans grand changement dans la prison. Son cœur oscillait entre la conviction de l'avoir revue et celle de l'avoir rêvée. Mais la plupart du temps il gardait espoir, avec l'impression de sentir la présence de Sélène entre ces murs. Toutefois, contrairement à ce que la jeune femme avait demandé, les Détraqueurs n'avaient pas cessé de venir lors des repas et il avait toujours autant de mal à se nourrir dans ces conditions.

 

A chaque fois que la porte de l'aile où il se trouvait claquait, il se ruait à la grille dans l'espoir de la revoir, mais elle ne revint pas, ou quand elle venait, elle ne lui adressait pas un regard, s'arrêtait uniquement devant les cellules voisines pour leur administrer une quelconque potion, alimentant sa frustration.

 

Et puis, si c'était elle, comment était-elle parvenue à obtenir ce poste ? Comment planifiait-elle de le faire sortir d'ici ? Il devrait faire semblant de mourir ? Mais comment ? Ces questions tournaient en boucle dans sa tête et il ne trouvait aucune réponse.

 

Il grognait, insatisfait. Cette prison avait mis ses nerfs à vif et la présence de Sélène dans ces murs ne faisait que le rendre plus nerveux encore.

 

OoooO

 

Elle revint finalement le voir deux semaines après sa première visite. Sirius se leva à son arrivée et s'approcha de la grille. Elle était encore accompagnée d'un gardien et Sirius grimaça en constatant qu'il s'agissait à nouveau de Darren Morrisey. Celui-ci s'avança pour bien lui faire comprendre qu'il ne devait rien tenter. Il ne releva pas, complètement hypnotisé par la jeune femme. Enfin, il la voyait à nouveau.

— Comment va votre blessure ? lui demanda-t-elle en tendant la main à travers les barreaux, paume vers le haut.

— Comme si de rien n'était, grâce à vous, lui répondit-il en posant sa dextre dans la sienne.

 

Elle fit mine de l'ausculter en faisant voyager ses doigts sur sa peau, lui procurant de délicieux frissons. Sirius essayait tant bien que mal de garder un air impassible pour ne pas éveiller les doutes du surveillant qui ne le quittait pas des yeux. Il se concentrait le plus possible, se répétant en boucle qu'il ne devait pas la trahir. Au bout de longues minutes, elle prit une soudaine inspiration qui le fit sursauter et releva la tête, comme sortant d'un rêve. Elle rompit le contact, consciente qu'il avait déjà bien trop duré.

— Et avez-vous arrêté le sport comme je vous l'avais conseillé ?

 

Sirius joua le jeu et eut un rire sec, semblable à un aboiement.

— C'est la seule chose que j'ai pour ne pas m'ennuyer ici, alors désolé, Mademoiselle, mais je prends le risque.

— Continue dans ce cas, Black, et bon débarras, intervint le gardien.

— Vous êtes sûr, Morrisey ? Ma mort ne ferait que vous rajouter du travail administratif… Vous devriez renoncer à vos siestes et même apprendre à utiliser le petit pois qui vous sert de cervelle pour remplir les formulaires sans vous tromper, le défia Sirius, avec un sourire insolent que le gardien n'apprécia pas.

 

Rouge de colère, ce dernier lui lança un sort qui le propulsa violemment contre le mur du fond de la cellule. Ses os craquèrent et Sirius retomba lourdement sur le flanc, sa tête résonnant encore de l'impact. Il n'avait plus aucune sensation dans ses jambes.

— Ce n'était pas nécessaire, entendit-il protester.

— Ce fils de troll ne sait pas quelle est sa place. Il n'a eu que ce qu'il méritait.

— Il y a une légère démesure dans la punition, vous ne trouvez pas ? tempêta la jeune femme. Laissez-moi entrer !

 

Sirius voulut porter la main à l'arrière de son crâne où la douleur était la plus forte. Il échoua. Son bras refusait le moindre mouvement. Mais il avait la sensation qu'un liquide chaud et poisseux coulait le long de son cou. Il saignait. Sa tête lui faisait tellement mal qu'il n'avait même pas la force de bouger.

 

— Ouvrez la cellule ! ordonna la guérisseuse, une pointe de panique dans la voix.

— Miss… Il n'a pas besoin de …

— C'est à moi de déterminer cela. A moins que vous ne préfériez que j'en réfère directement à la ministre. Elle sera ravie de connaître vos agissements dans cette prison !

 

Sirius sourit quand il entendit le tintement des clés dans la serrure. Elle arrivait toujours à obtenir ce qu'elle désirait. Avant, c'était lui qui cédait. Aujourd'hui, il était heureux que le gardien n'ait pas non plus le courage de lui désobéir.

 

Il s’affaiblissait petit à petit, il n'avait plus aucune force. Il vit la guérisseuse tomber à genoux à ses côtés. Il sourit tristement :

— Finalement, on n'aura peut-être pas à simuler ma mort.

— Noooon, je te l'interdis tu m'entends ? lui murmura-t-elle alors qu'elle sortait sa baguette.

— J'aurais tellement aimé revoir la véritable couleur de tes yeux une dernière fois …

— Tu ne vas pas mourir !! Pas ici, pas maintenant. C'est hors de question. Demain tu seras libre, Sirius. Tiens bon. J'ai besoin de toi !! supplia-t-elle en murmurant alors qu'elle s'affairait au-dessus de lui.

 

La douleur qui lui traversa le crâne et le dos lui arracha un hurlement alors qu'il sentait une vague de chaleur le submerger. Il ne savait pas quel sort elle utilisait, mais il entendait résonner en lui le craquement sinistre de ses os qui se ressoudaient. Peu à peu, alors que la douleur refluait, les sensations revinrent dans ses membres et il sourit.

— Tu es vraiment une sorcière extraordinaire, souffla-t-il, épuisé.

 

Il sentait les mains de la jeune femme sur sa colonne vertébrale, l'auscultant à la recherche de la moindre fracture résiduelle. Puis elle passa la main sur son visage, repoussant tendrement les cheveux qui lui tombaient devant les yeux. Il savoura ce geste. Il n’avait plus goûté à cette douceur depuis quatre ans.

— Je n'ai réparé que les plus grosses fractures, il reste encore quelques fêlures mais je ne peux rien faire de plus pour l’instant. Tu vas avoir mal quelques jours, mais il faudra que tu tiennes le coup. On te donnera une potion quand tu seras rentré à la maison, murmura-t-elle.

 

Il l'entendit soupirer de soulagement et doucement se tourna sur le dos en grimaçant. Il regarda vers l'entrée de la cellule mais encore une fois, Sélène faisait barrière de son corps pour que le gardien ne puisse pas le voir.

— Tu dis que je serais libre demain ? Quel est ton plan, Sélène ?

 

Elle fouilla dans sa robe et en sortit un petit pochon qu’elle lui glissa dans la main et lui serra les doigts, faisant durer le contact plus que nécessaire.

— Il y a là-dedans une potion de ma création. J'ai travaillé dessus pendant des mois. Avale-la après la prochaine ronde des Détraqueurs. Tu ne sentiras pas grand-chose. Tu vas t'endormir dans ta cellule. Tu auras tout d'un cadavre et tu te réveilleras plusieurs heures plus tard, à l'extérieur, dans un cercueil. Tu seras seul pour te sortir de là et quitter l'île à la nage pour rejoindre la rive, à l’est. Mais tu as continué à faire du sport depuis quatre ans, tu devrais pouvoir y arriver, non ?

 

Sirius sourit et hocha la tête pour confirmer. Il y arriverait. Elle avait fait le plus gros du travail et il ne la décevrait pas. Il referma le poing sur le sachet en tissu et reporta son attention sur elle. Une mèche de cheveux s'échappait de son chignon austère. Puis, comme si plus rien n'existait autour d'eux, il leva le bras vers elle, hypnotisé par l'insolente boucle ébène. Mais elle se releva, lâchant sa main et lui souffla :

— On se retrouvera dehors. Ce n'est que le début et il reste beaucoup à faire.

 

Le bras de Sirius retomba sur le sol alors qu'elle lui tournait le dos. A la sortie de la cellule, il vit du coin de l’œil Morrisey, mécontent, qui s’apprêtait à dire quelque chose, elle ne lui en laissa pas l’occasion :

— Je serais vous, je me tairais, Morrissey. Vous n’aviez pas à le malmener comme ça. On n’aurait pas perdu de temps et la visite serait déjà terminée. Estimez-vous heureux que je ne fasse pas de rapport.

 

Quand les Détraqueurs passèrent, plusieurs heures plus tard, la nuit commençait à tomber. Sirius, toujours étendu sur le sol, sortit du pochon une petite bille de potion de couleur verte, bien peu engageante. Sa porte de sortie. Une potion solidifiée qu’elle avait créée de toutes pièces, semblable à un bonbon à la menthe. Il le leva au-dessus de sa tête. 

— Bien… J'ai beau te faire entièrement confiance, Sélène… J'espère vraiment que tu ne t'es pas trompée…

 

Il avala la gélule et marmonna :

— Me réveiller dans un cercueil… C'est un poil glauque quand même…

Quand la potion se liquéfia dans sa bouche, il retint une nausée. Le gout était infect et un froid intense se propagea rapidement dans tout son corps. Sélène ne lui avait pas menti, il fut rapidement gagné par une sensation de fatigue comme il en avait rarement connue. Petit à petit, son corps s'engourdissait. Ses membres devenaient lourds. Les battements de son cœur résonnaient dans ses oreilles, de plus en plus lents. Il s'endormait. Il se sentait partir sans qu'il lui soit possible de lutter, la peur lui serrant les entrailles. Puis ce fut l'obscurité la plus totale.

 

OoooO

 

Quand l'air lui emplit à nouveau les poumons, la douleur lui fit ouvrir les yeux. Tout était noir autour de lui, une odeur de pourriture agressait ses narines. Il se sentait oppressé. Il lui fallut quelques secondes pour se rappeler.

 

Azkaban. Sélène. La potion.

 

Elle avait tenu sa promesse. Il était mort et on l'avait enfermé dans un cercueil. C'était maintenant à lui de jouer. Il était seul, sans baguette, et la partie qui s'annonçait ne semblait pas facile. Il se concentra, attentif à tout ce qui l'entourait, tournant la tête en tous sens. Il y avait des interstices entre les lattes qui l'entouraient, le bois devait être de mauvaise qualité, c'était une chance, et il pouvait appercevoir la lune croissante et le ciel étoilé. Bizarrement, il était juste posé à même la terre, pas encore enterré, mais il n'allait pas s'en plaindre. Ça lui faciliterait la tâche. Il tendit l'oreille et même s'il entendait des cris dans la prison, il semblait seul. Il fronça les sourcils, les prisonniers étaient silencieux en temps normal. Les cris qui lui parvenaient étaient inhabituels et lui insufflaient un sentiment d'urgence à quitter cet endroit.

 

Il devait ouvrir cette boite. Les gardiens allaient fatalement revenir pour terminer le travail et l’enterrer. Il devait être sorti d’ici là. Et ça devenait d'autant plus vital qu'il commençait à suffoquer. Il tenta tant bien que mal de bouger pour essayer de briser le bois qui l'entourait malgré le peu d'espace disponible qu'il avait.

 

Bordel, j'espère qu'ils n'ont pas scellé le truc magiquement… Parce que sans baguette, je ne vais pas pouvoir faire grand-chose.

 

Il tenta de se tourner pour appuyer son dos contre l'un des côtés du cercueil. Il passa son bras de l'autre côté et poussa de toutes ses forces en grognant sous l'effort. L'espoir prenait petit à petit le dessus sur la peur, redoublant ses forces. Les planches craquaient de plus en plus et l'air frais lui parvenait enfin. Combien de temps était-il resté endormi ? Il n'en avait aucune idée, mais il faisait nuit noire et l'obscurité allait couvrir sa fuite. Sélène avait remarquablement bien dosé sa potion. Il sentit une bouffée de fierté en son cœur. Elle avait toujours été une potionniste fabuleuse. Il n'en avait jamais douté, mais il venait d'en avoir encore la preuve. La pensée de la revoir bientôt, sans tous ces artifices sur le visage, augmenta encore sa détermination à se sortir de là.

 

Il continuait ses efforts de poussée, accompagnant sa lutte de râles libératoires. Et quand enfin, la planche latérale sur laquelle il était adossé céda, une douleur vive traversa son épaule droite alors qu’il roulait à l'air libre. Il porta la main à son omoplate : un gros éclat de bois s'y était figé quand la planche avait craqué et il saignait abondamment. Il serra les mâchoires et ferma les yeux alors qu'il le retirait de sa chair. La douleur lui coupa le souffle et il prit quelques secondes pour retrouver une respiration normale.

 

Allongé sur le côté, il pouvait voir la haute tour sombre projeter son ombre menaçante sur lui. L’atmosphère qui en ressortait était pleine de désespoir. Les cris qu’il lui avait semblé entendre avant s’étaient tus. Les Détraqueurs étaient entrés en action. Il se redressa : il devait absolument fuir, le plus vite possible.

 

C’est sous sa forme animale, plus rapide, qu’il courut vers la rive en boitant légèrement, le parfum de liberté lui faisant oublier pour un temps la douleur de son épaule. Mais quand il plongea dans l'eau salée et glacée, le choc lui vida les poumons. Il tenta d'avancer mais la souffrance aiguë de son épaule, ravivée par le sel de la mer, les douleurs résiduelles de la soirée et l'eau gelée rendaient les mouvements difficiles et il dut fournir un immense effort pour enfin s'éloigner de la rive.

 

— Par le cul de Merlin, je n'ai pas réussi à sortir de cette prison maudite pour mourir noyé juste après. Allez, Patmol, encore un effort !!! s'encouragea-t-il en pensée.

 

Il poussa sur ses quatre pattes et réussit enfin à ressortir du ressac qui le ramenait toujours en arrière. Il n'avait parcouru qu'une courte distance mais déjà il haletait, peinant à reprendre son souffle. Il mit du temps avant de trouver son rythme mais il continuait d'avancer vers l’est, comme Sélène lui avait indiqué, et ce qui lui semblait être la rive. Le clair de lune semblait lui montrer le chemin et jouait dans les vagues.

 

Puis soudain, légèrement sur sa gauche, à plusieurs centaines de mètres devant lui, il aperçut une lumière. Des étincelles rouges qui semblaient lui montrer la direction. Sélène n'avait pas précisé la suite de son évasion mais elle avait laissé entendre qu'elle n'était pas seule. Était-il attendu ?

 

Quoi qu'il en soit, il bifurqua dans cette direction. Et alors qu'il se trouvait à mi-parcours, il entendit des cris derrière lui qui n'étaient plus étouffés par les murs de la prison. Il tourna la tête et vit avec horreur des faisceaux de lumières projetés par des baguettes magiques dans sa direction, en provenance du cimetière. Sa fuite avait été repérée. Il reprit forme humaine pour ne pas divulguer son secret et tenta d'accélérer encore. Ses bras brûlaient sous l'effort et le froid combinés. Son épaule blessée le faisait atrocement souffrir. Ses jambes lui semblaient incapables de bouger plus vite. Mais au prix d'un effort intense, il força encore l'allure.

 

Il ne lui restait qu’une centaine de mètres à parcourir quand il les sentit. Le froid le gagnait davantage. L'air qui entrait dans ses poumons était gelé et des cristaux de glace commençaient à se former sur l'eau autour de lui. La lune se voilait doucement.

 

Ils arrivent.

 

Sirius connaissait parfaitement la sentence pour les évadés. S'ils l'attrapaient, c'en était fini de lui.

Un sort pire que la mort.

Le baiser du Détraqueur. Voilà ce qui l'attendait.

Ses entrailles se tordirent de peur.

Non. Ça ne peut pas finir comme ça.

Il y était presque.

Le visage de Sélène se dessina devant ses yeux, le poussant encore à augmenter sa vitesse.

 

Il n'était plus qu'à une vingtaine de mètres de la plage quand les silhouettes encapuchonnées, flottant à quelques centimètres au-dessus des flots, le rattrapèrent. C'est alors qu'il remarqua qu'un homme avait avancé dans sa direction. De l’eau jusqu’à la taille, celui-ci lança un patronus d'une remarquable efficacité qui chassa tous les Détraqueurs et Sirius put enfin toucher la rive qui remontait en pente douce. Il était à genoux, au pied de son sauveur, reprenant son souffle, quand deux mains le saisirent sous les aisselles, le forçant à se redresser. Il grogna en retenant un cri de douleur.

 

— Désolé Sirius, mais tu te reposeras plus tard. Ils ne vont pas te laisser t'en tirer comme ça.

— Remus ! souffla le jeune homme, reconnaissant la voix.

— Vite, les gardiens arrivent sur des balais… Bougeons de là ! Elle va m'en vouloir à mort s'ils te reprennent ! ordonna son ami en passant le bras de Sirius par-dessus ses épaules.

 

Ce dernier sourit et se laissa emporter, exténué.

Il était libre.

Libre.

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