L'évadé du clair de Lune

Chapitre 3 : Retrouver un ami

5046 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/02/2024 19:10

Quand ils arrivèrent à destination, l'ancien prisonnier était à deux doigts de défaillir. Sa blessure à l'épaule avait beaucoup saigné suite à ses efforts pour s’enfuir. L'eau avait empêché le sang de coaguler et son vêtement en était imbibé. Il était pâle et il était évident qu'il avait puisé dans ses dernières ressources pour nager le kilomètre qui séparait Azkaban de la rive. L'adrénaline redescendait maintenant qu'il était en sécurité et il peinait à rester éveillé. Il se laissa donc porter, sa tête dodelinant sur ses épaules.

 

— Encore un effort, mon frère, on est bientôt arrivés, souffla Remus en redressant un peu son ami contre lui.

— Sélène… murmura Sirius, faiblement.

— Elle nous rejoindra plus tard, le temps pour toi de prendre une douche. Crois-moi, le bain dans la mer n'a pas suffi et maintenant tu sens le chien mouillé, plaisanta son ami pour cacher son inquiétude.

 

Sirius n'eut pas la force de rire, mais le cœur y était.

Il releva la tête et ce qu'il vit lui gonfla le cœur. En face de lui, la nuit claire lui permettait de distinguer un lieu qu'il n'aurait jamais pensé revoir. Une maison perdue à l'orée d'un bois. Une petite chaumière discrète et chaleureuse. Il s'arrêta pour la contempler, ému, heureux, des souvenirs pleins la tête. Remus le regarda en souriant. Il lui laissa quelques instants puis, avisant le sang qui imbibait son uniforme, le soutint à nouveau pour l'entraîner à l'intérieur.

— Allez, entrons que je puisse te soigner en attendant Sélène.

 

Sirius ne répondit pas, la gorge nouée. Cette maison avait été leur coup de cœur à Sélène et à lui quand ils avaient voulu s’installer ensemble à leur sortie de l’école. Mais le propriétaire à l’époque avait refusé de la vendre à un jeune couple, encore moins à un Black. Sirius avait senti la colère le gagner et c’est Sélène qui l’avait retenu ce jour-là. Ils avaient battu en retraite dans leur petit appartement de Londres et leurs projets avaient été retardés, attendant la fin de la guerre. Ils n’avaient jamais vraiment renoncé à cette maison.

— Elle l’a achetée, murmura-t-il en souriant.

— Oui, il y a trois ans quand la maison a été en vente à nouveau, reprit Remus. Allez viens, ton lit t’attend.

 

Son lit... Sirius sourit faiblement. Cela faisait des années, qu’il n'avait plus dormi dans un lit ! Il fournit quelques efforts supplémentaires, porté par cette perspective et ils passèrent enfin la porte de la maisonnette.

— Tu as faim ? demanda Remus. Je peux te préparer à manger le temps que tu te douches. Tu as perdu du poids. J'ai cru te briser les os à plusieurs reprises. Il faudra que je te donne une potion aussi, pour que tu reprennes des forces rapidement. Tu en auras besoin.

 

Sirius secoua la tête. Il n'avait pas faim. Pour le moment, il voulait juste dormir.

— Sélène… Où est Sélène… gémit-il

— Elle va arriver, ne t’inquiète pas pour elle, viens.

 

Il resserra sa prise autour de la taille de son ami et poursuivit dans le salon en direction de la cuisine. Ils passèrent devant un grand miroir au-dessus du linteau de la cheminée. Sirius voulut s'arrêter pour l’observer davantage, mais d’une pression de son bras, Remus l’en empêcha.

 

— Ne traine pas ! Tout se passe en bas maintenant. Elle a aménagé un passage secret dans la cave. Votre chambre et toutes les pièces utilisées sont au sous-sol. Le rez-de-chaussée de la maison est plus pour maintenir les apparences.

— Ce miroir…

— … Est un miroir Simple Sens. Elle a modifié le sortilège que vous aviez utilisé en cinquième année pour qu'on puisse observer et écouter d'en bas ce qui se passe en haut sans que l'on nous voie ou nous entende. On t'expliquera tout ça demain.

 

Sirius se laissa entraîner vers la cave mais son esprit resta accroché à la surface du miroir qui, la fatigue aidant, l'avait ramené des années en arrière. De retour ici, il était enfin capable de se rappeler les bons souvenirs.

 

Et sa mémoire l’avait ramené jusqu’en cinquième année à Poudlard, l'année des BUSE, le Brevet Universel de Sorcellerie Élémentaire. L’année où il avait réellement connu Sélène.

 

Lors du choix des options, en troisième année, il avait choisi l'Etude des Moldus, et c’était la seule matière qu'il n'avait pas en commun avec James et les autres maraudeurs. A la base, il l'avait prise pour faire enrager ses parents mais s'était finalement surpris à aimer cette discipline.

 

Pour l'examen, le professeur leur avait demandé de travailler par groupes de deux, sur un projet liant monde magique et monde moldu. Les groupes avaient été déterminés à l'avance et il s'était retrouvé à faire équipe avec une jeune fille de Serdaigle : Sélène.

 

C'est la première fois qu'ils avaient eu l'occasion de parler réellement et de travailler ensemble. Au fil des jours, il avait appris à la connaître et l’avait découverte à l’opposé de ce qu’il avait imaginé. Elle était sérieuse et travailleuse certes, mais savait aussi être drôle et contre toute attente, ils s’étaient même beaucoup amusés. Elle était remarquablement intelligente et d'une douceur infinie dans sa façon d'être et de parler. En sa présence, il s'était senti étonnamment serein.

 

Ils avaient passé des heures à rire ou à travailler au son de groupes moldus tels que Rolling Stones, Led Zepplin, Pink Floyd ou Sex Pistols, sur un walkman que le père de la jeune fille avait trafiqué afin qu'il fonctionne à Poudlard malgré les barrières magiques et au mépris du règlement. Ce qui avait beaucoup plu au jeune homme. Il avait adoré ces moments et, petit à petit, était tombé amoureux d'elle.

 

C'était elle qui avait proposé l’idée de leur projet de fin d'année, sur le thème de la communication. Elle s'était inspirée de sa grand-mère et du téléphone moldu qu'elle avait utilisé en étant petite, pour parler de manière instantanée avec son aïeule habitant à l’autre bout du pays. Elle en avait parlé avec enthousiasme, avouant que c'était ce qui lui manquait le plus chez les sorciers : la spontanéité de l'échange. Sirius avait été partant dès le départ et avait ajouté que ce serait encore mieux de pouvoir voir leur interlocuteur. Ils avaient donc décidé d'enchanter un miroir et avaient obtenu la note maximale.

 

A la fin de l'année, le professeur avait voulu garder leur devoir, parce qu'il était interdit d'enchanter des objets moldus pour s'en servir en dehors de l'enceinte de l'école. Déçus, ils n'avaient eu d'autre choix que d'accepter et avaient rendu leur exemplaire. Mais un seul regard leur avait suffi pour décider d'aller en créer un autre, en secret. Parce que les vacances approchaient et après avoir passé une année entière à se parler pratiquement tous les jours, il était hors de question pour eux de passer les deux mois d'été sans communiquer, peu importaient les conséquences. Et les hiboux étaient bien trop lents !

 

Perdu des années en arrière, Sirius sourit, les yeux dans le vague. La voix de Remus le sortit de ses pensées :

— C'est bon, tu tiens debout ? demanda-t-il alors qu'il ne s'était pas rendu compte de l'absence de son ami.

 

Sirius se reconnecta à la réalité et regarda autour de lui. Il n’avait pas remarqué qu’ils étaient déjà parvenus au sous-sol. La cave était éclairée faiblement par la lueur au bout de la baguette magique de son camarade et lui-même était adossé à une étagère au fond de la pièce. Clignant des paupières comme s'il se réveillait d'un long sommeil, il reporta son attention sur Remus qui le détaillait d'un air inquiet. Sirius hocha la tête, épuisé.

 

Peu convaincu de l’état de son ami, Remus se détourna pour faire face au mur. De sa baguette, il tapota la paroi en face des escaliers. Trois coups rapides, puis un cercle et la cloison disparut petit à petit, pour laisser place à une grande salle magiquement creusée dans la terre. Curieux, Sirius se redressa péniblement, étonné. Les questions s'entrechoquaient dans sa tête et la migraine pulsait au même rythme que la douleur dans son épaule.

— J'ai l'impression que mon crâne va exploser, gémit-il en reposant sa tête en arrière.

 

Il s'adossa à nouveau à l'étagère, à bout de forces.

— C'est elle qui a fait tout ça ? demanda-t-il dans un souffle trahissant la douleur et la fatigue qu'il ressentait.

— Je l'ai aidée, mais oui, c'est elle. Elle voulait quelque chose de discret, de fonctionnel. Puis petit à petit, elle a agrandi l'espace. J'ai une pièce sécurisée à l'écart pour les nuits de pleine lune. Elle a même fait en sorte de pouvoir me parler à travers la porte sans craindre quoi que ce soit, pour que je me sente moins seul. Et malgré tout ce qu'il y a à faire, elle trouve encore le temps de me préparer une toute nouvelle potion, plutôt complexe, pour m’aider à supporter la transformation.

 

Sirius sourit. Il n'était même pas étonné. Sélène avait toujours été comme ça : altruiste, toujours à penser au bien-être des autres avant son propre confort. Remus était l'ami de Sirius et au fil du temps, il était devenu celui de Sélène. Puis un soir de pleine lune, quelques mois après le début de leur relation, elle était malheureusement tombée sur un groupe d’animaux, au comportement étrange. Le cerf et le chien avaient retenu le loup-garou qui avait voulu l’attaquer. La jeune fille était rentrée au château en courant, terrorisée. Quelques semaines plus tard, elle avait fait le lien entre la fatigue des garçons, plus importante tous les vingt-huit jours, et les changements physiques de Remus à l'approche de sa transformation, ses cernes, son teint maladif.

 

Elle avait alors deviné et, malgré sa mésaventure, accepté la condition de loup-garou du jeune homme, au grand étonnement du concerné. Elle l’avait embrassé sur la joue, lui certifiant que, pour elle, ça ne changerait rien, qu’il était toujours le garçon le plus adorable qu’elle connaissait. Et elle avait protégé son secret aussi farouchement que les trois autres.

Elle était comme ça, Sélène, et c'est pour ça que Sirius l'aimait.

 

— Où est-elle, demanda-t-il encore quand Remus revient pour l’aider à avancer.

 

Avec patience, comprenant l’état de fatigue avancé de son ami, Remus lui répondit encore une fois :

— Elle va arriver. Viens, on va essayer de te rendre présentable.

 

Il lui prit le bras qu’il passa à nouveau autour de ses épaules et avança. La pièce principale, creusée sous terre, était éclairée par la cheminée qui semblait communiquer avec celle de l'étage. Sur le linteau, Sirius aperçu des photos de leur groupe d'amis, datant de leur sortie de Poudlard. Sur le papier glacé, animés par les potions de développement des sorciers, James et Lily lui faisaient de grands signes en souriant. Son cœur se serra, il n'avait pas revu ces photos depuis son arrestation. Depuis leur mort. Au-dessus, accroché au mur, il reconnut le second miroir Simple Sens, identique à celui du rez-de-chaussée.

 

Sur sa droite, en face de la cheminée, une table de réunion était installée juste devant le mur où s'étalaient bon nombre de coupures de presse. Il fronça les sourcils et ralentit, mais se fit entraîner par Remus :

— Tu auras toutes les explications plus tard, mais là, tu vas prendre une douche, je vais m'occuper de ta plaie et tu vas dormir… Ce sont les instructions de Sélène et je ne tiens pas à les contourner. Elle le saura. Elle sait toujours tout, dit-il avec un sourire amusé.

— Où est-elle, Remus ? Pourquoi n’est-elle pas encore rentrée ?

 

Remus retint une grimace et fronça les sourcils.

— Je suis sûre qu’elle va bien, répondit-il en lui tendant une potion.

 

Sirius la but après s’être encore inquiété du sort de la jeune femme et avec l’insistance de Remus. Et, alors que le précieux liquide de soin s’écoulait dans sa gorge, l’évadé ressentit un soulagement immédiat dans son épaule et un léger regain d'énergie. Il enleva le haut de son uniforme sale qu'il jeta dans un coin, s'assit sur le rebord de la baignoire et s'appuya sur le mur en fermant les yeux pendant que son ami soignait sa plaie. Puis il se doucha rapidement, se sécha, démêla ses cheveux et revêtit des vêtements propres avec délectation avant d'aller se couler dans son lit.

Sa tête avait à peine frôlé l'oreiller qu'il s'était déjà endormi.

 

OoooO

 

Le lendemain, il eut du mal à se rappeler où il était et, après des années à vivre dans la crasse, l'odeur de linge propre et de savon lui agressa les narines. Il se redressa dans le lit, mal à l'aise dans la douceur des draps où pour la première fois depuis bien longtemps, il n'avait pas froid. Il passa ses mains sur son visage, mais non, il ne rêvait pas : les courbatures dans son épaule droite étaient réelles, le bandage également, lui rappelant sa blessure de la veille qui semblait déjà guérie.

 

Il se souvint : Sélène, la potion… Son évasion… La maison… Remus.

Il était libre.

Dans un sous-sol magiquement creusé dans la terre, mais libre. Il lui faudra peut-être quelques jours pour s'habituer. Reprendre l’habitude de dormir dans un lit, de ne pas avoir froid.

Remarquant le lit vide à ses côtés, son inquiétude le reprit. Elle n’était pas rentrée, malgré ce que Remus lui avait affirmé la veille. A moins que… Le cœur serré, il se leva et retourna dans la pièce principale.

Son ami était assis dans un des fauteuils, en train de lire les nouvelles, les sourcils froncés, mais toujours aucune trace d’elle. Il leva la tête quand il entendit Sirius arriver et reposa son journal pour aller à sa rencontre.

 

Ils se sourirent et se tombèrent dans les bras, heureux de fêter enfin leurs retrouvailles.

— Nom d’une gargouille, ça fait du bien de te revoir en forme… et propre, jura Remus, arrachant un sourire au jeune homme.

— Et comment ! Désolé de m'être endormi comme une souche hier soir. J'ai tellement de questions, Sélène est rentrée ? demanda Sirius en regardant autour de lui.

 

Remus ne répondit pas et ne put cacher son inquiétude. Le cœur de Sirius se serra.

— Non, il est presque neuf heures du matin et je n'ai aucune nouvelle d'elle. Elle aurait dû être là depuis longtemps. Il y a eu un problème.

— Et on ne peut rien faire pour la trouver ?

— Non, toi encore moins que moi, ce serait la mettre en danger. Tu aurais dû passer pour mort mais ta fuite a été découverte. Ton évasion fait les gros titres ce matin, expliqua-t-il en désignant la Gazette du Sorcier sur la table.

 

Sirius se saisit du journal où son visage émacié s'étalait en première page.

— J’étais dans un cercueil à même le sol, ils allaient fatalement s’en rendre compte…

— Justement, tu aurais dû être enterré et Sélène devait déposer une baguette dans ton cercueil quand elle t’a examiné. Quelque chose est allé de travers, mais rien n’est dit dans l’article… Il est simplement fait mention que la guérisseuse, Skye Fallon, se trouve à Sainte-Mangouste, répondit Remus, inquiet.

— C’est quoi ce nom, Fallon ? 

— Elle s'est créée une nouvelle identité. Il y a trois ans, elle est venue me trouver, déterminée à te faire sortir de prison. Elle avait mis toute une année à élaborer son plan dans le moindre détail. Elle t’expliquera. Au départ, c'était uniquement pour te faire évader. Entre temps, les choses ont évolué.

— Je vois, le coupa Sirius, le cœur battant douloureusement dans sa poitrine.

 

Remus cilla, puis éclata de rire.

— Attends… Tu es jaloux ? demanda-t-il.

 

Sirius se renfrogna, détourna le regard mais ne répondit pas.

— Sérieusement… Tu es jaloux ? répéta son ami qui cessa de rire. Non !Tu te fais de fausses idées. C’est le plan qui a évolué. Rien d’autre. Tu es mon ami, Sélène est et restera mon amie, rien de plus. Vraiment, crois-moi : te retrouver a toujours été sa priorité numéro un.

 

Sirius avait reposé le journal et s'était approché de la cheminée. Il avait saisi une photo prise au mariage de James et Lily, sur laquelle le groupe d'amis encadrait les jeunes mariés. Sélène était entre Sirius et Remus, ses bras passés autour de leurs cous et riait aux éclats, heureuse. Sirius sourit à son tour en reposant la photo et murmura, en reportant son attention sur son ami :

— Pardonne moi… Je suis heureux que tu aies été avec elle. Qu'elle n'ait pas été seule tout ce temps.

 

Remus détourna le regard, pris de culpabilité : Sirius se trompait. Il n'avait pas été là quand elle en avait eu le plus besoin.

 

OoooO

 

Trois ans auparavant, Sélène était venue frapper à sa porte, au rez-de-chaussée d'un immeuble miteux de Londres. Quand il l'avait vue, dans le couloir devant chez lui, il n'avait rien voulu savoir.

— Dumbledore m'a tout expliqué, tu n'as rien à m'apprendre de plus, avait-il opposé avant de refermer la porte.

 

Elle avait coincé son pied dans l'entrebâillement et avait crié de douleur quand le bois l'avait écrasé. Remus avait eu beau essayer de forcer la fermeture, elle ne l'avait pas retiré et avait même poussé de toute ses forces dans l'autre sens, le suppliant de la faire entrer.

— Remus, donne-moi juste quelques minutes. Si tu ne me crois pas, je repartirais, sans rien ajouter. Mais je t'en prie, pour James et Lily, écoute-moi, avait-elle imploré.

 

Remus l’avait observé. Elle avait changé. Elle était négligée, avait terriblement maigri. Elle avait semblé en colère et déterminée. Il avait soupiré puis avait fini par céder, à contre cœur, parce que les habitants des étages supérieurs qui rentraient chez eux leur jetaient des regards intrigués et réprobateurs. Il s’était écarté pour la laisser entrer.

— Je t'en donne deux, Sélène, pas une de plus.

 

Une fois à l'intérieur, à peine la porte fermée, elle n’avait pas pris le temps et soufflé et avait commencé son argumentaire :

— Oublie tout ce que tu as pu lire ou tout ce qu'on a pu te dire jusqu'à présent, avait-elle commencé.

— Dumbledore…

— Peu importe qui t'a dit quoi. Ce ne sont que des tissus de mensonges. La vérité, c’est ce que je vais te révéler maintenant. Je peux même le faire en avalant du Veritaserum si cela me donne plus de crédits à tes yeux, avait-elle ajouté en sortant une petite fiole de potion translucide de sa robe.

 

Remus avait fermé les yeux et s'était massé les tempes. La pleine lune venait de passer, il était épuisé et Sélène se tenait là devant lui, apparemment persuadée d'arriver à le convaincre de l'innocence de Sirius. Il avait soupiré en s'asseyant dans le canapé déchiré qui meublait l'unique pièce. D'un vague geste de la main, il lui avait fait signe de continuer, pressé d’en finir.

Sélène l'avait regardé et s’était un peu radoucie :

— Je sais que ce n’est pas le moment, que tu as besoin de repos, mais…

— S’il te plait, dis ce que tu as à dire et va-t’en. Je suis fatigué.

 

Sélène avait hésité quelques secondes, amorçant un geste vers lui. Mais il avait courbé le dos, sans lui adresser un regard et, blessée, elle avait commencé à faire les cents pas dans l’appartement.

— C’était quelques temps après la naissance d’Harry, Sirius et moi sommes allés passer la soirée chez James et Lily

— Comme toujours… avait-il commenté malgré lui. 

— Comme toujours, avait-elle confirmé en souriant tristement. Dumbledore était venu les voir cet après-midi-là et leur avait parlé d'une prophétie dont il avait été le témoin. Une prophétie qui disait qu'un enfant né fin juillet et dont les parents avaient déjà combattu Voldemort à trois reprises, aurait le pouvoir de vaincre ce dernier définitivement. Il leur a dit que deux enfants pouvaient correspondre mais qu'un de ses espions lui avait rapporté que c'était Harry qui avait été choisi par Voldemort lui-même.

 

Remus ne l'avait pas interrompue. Il s'était contenté de la regarder marcher en rond dans la petite pièce qui lui servait à la fois de salon et de chambre. Pour le moment, elle ne lui avait rien appris de nouveau mais son récit l'avait replongé dans la douleur d'avoir perdu ses amis. Il avait senti la rancœur enfler à nouveau en lui.

— Dumbledore leur a ensuite parlé du sortilège de Fidelitas.

— Et il s'est proposé d'être lui-même leur gardien du secret. Je sais tout cela, Sélène. Dumbledore m'a déjà tout raconté. James a alors répondu qu'il choisirait Sirius, parce qu'il était le seul en qui il avait réellement confiance au point de lui confier sa vie, celle de sa femme et de son fils…résuma-t-il avant de lancer, amer : Ce n'est pas la première fois qu'il aura manqué de jugement envers lui.

 

Sélène s'était alors arrêté devant lui et avant qu'il n'ait pu réagir, elle lui avait asséné une gifle monumentale.

— Je t’interdit de parler de lui comme ça ! Sirius n’a fait qu’une erreur. Une seule ! En dix ans d’amitié ! Dix ans ! Et il s’est repenti pendant longtemps après avoir vendu ton secret à Rogue. Tu n’as plus eu aucune raison de douter de lui depuis. Et James non plus.

 

Il l'avait dévisagée avec étonnement, la main sur la joue, accusant le coup. Jamais encore il n'avait vu Sélène violente comme cela. Elle lui avait jeté un dernier regard de colère puis avait continué son monologue, comme si rien ne s’était passé. 

— Toute la soirée, on en a discuté. Comme tu l'as dit, James voulait choisir Sirius mais c'était tellement évident qu'on a voulu s'en servir pour tendre un piège à Voldemort, pour l’éloigner du véritable gardien du secret. Sirius a donc proposé d'opter pour quelqu'un d'autre tout en se désignant lui-même comme le véritable gardien. Dans l'idée, il aurait voulu que James te choisisse toi…

 

Elle l'avait désigné d'un geste brusque et Remus avait sursauté, encore plus choqué par ce qu'il venait d'entendre que par la gifle qu'il avait reçue juste avant. Sirius voulait que James le choisisse lui ? Toutes les certitudes qui avaient nourri sa rancœur menaçaient d’éclater en morceaux. Remus s'était apprêté à faire répéter la jeune fille, pour être sûr d'avoir bien compris, mais celle-ci avait déjà repris, parlant vite.

 

— James était enthousiaste, il trouvait que ce coup de bluff était une idée de génie ! Mais il a rappelé que tu étais en mission dans le Nord du pays pour l'Ordre du Phénix et que tu avais déjà suffisamment de choses à gérer. Alors Sirius a fini par proposer Peter. Tout le monde a été convaincu et on a conclu la soirée en disant que Peter serait fait gardien du secret le lendemain.

 

Elle se tourna vers lui, le regarda dans les yeux et ajouta :

— Et c'est ce qu'on a fait…

Elle fit un pas vers lui.

— C'est moi qui ai tenu la baguette, Remus ! C'est moi qui ai prononcé le sortilège…

 

Sa voix s'était alors brisée et, en voyant ses larmes, le jeune homme avait commencé à la croire. 

— Quand j'ai vu la joie dans les yeux de Peter ce jour-là, j'ai cru qu'il ne mesurait pas les risques que cela impliquait. J'ai cru qu'il était simplement fier d'avoir été choisi pour les protéger.

 

Les larmes de Sélène s'étaient taries et sa voix avait vibré de colère.

— Mais tout ce qui intéressait ce sale petit rat, c’était de s’assurer des bonnes grâces de son maître ! C’était lui le traitre. James devait envoyer une lettre à Dumbledore pour le prévenir du changement de plan. Il n'en a pas eu le temps. La suite, tu la connais.

 

Remus avait alors retrouvé la parole. Il avait encore besoin de précisions.

— Mais… Sirius… Il a été arrêté pour avoir provoqué une explosion en plein Londres. Une explosion qui a tué douze Moldus. Et Peter… On n'a retrouvé que son doigt que sa mère m’a montré quand je suis allé présenter mes condoléances à sa mère…

 

Elle l’avait arrêté d’un geste, plongeant sa main dans sa robe pour en sortir une coupure de journal qu'elle avait tenue devant lui. Sur cette page, se trouvait la photo d'une famille ayant gagné à la loterie. La famille Weasley avait gagné le grand prix de mille galions d'or et ils posaient avec leurs sept enfants et leur animal de compagnie : un rat. Un rat à qui il manquait un doigt et qui tentait désespérément de fuir l'objectif.

 

Remus s'était saisi de l'article pour le regarder de plus près. Il avait du mal à y croire, mais il avait vu Peter se transformer tellement de fois devant lui qu'il n'y avait pas d'erreur possible.

 

— Peter… est... vivant ! balbutia Rémus avant de s'exclamer : Il faut aller chez ces Weasley, le récupérer, le faire avouer pour faire libérer Sirius.

— Je l'ai déjà fait, mais la femme m'a dit qu'il avait disparu le lendemain de la photo…

 

Remus s'était assis, désespéré. Sélène avait repris :

— J'ai besoin de toi, Remus. Je vais faire sortir Sirius de prison, mais j'ai besoin de toi. Je t'en prie, il est innocent, il faut que tu me croies.

 

Il avait accepté sans hésiter. Il avait voulu tout raconter à Dumbledore mais Sélène s'y était fortement opposée. Elle ne lui faisait plus confiance et Remus, rongé par la honte d'avoir si facilement cru Sirius coupable, n'avait pas insisté. Elle lui avait ensuite expliqué ce qu'elle projetait de faire et il avait alors rassemblé ses affaires pour déménager dans la maison qu’elle venait d’acheter, impressionné et convaincu par le plan que Sélène avait élaboré.

 

OoooO

 

Remus secoua la tête. Maintenant que Sirius était libre, en face de lui, le loup-garou avait tenu à avouer certaines choses :

— Je dois être honnête avec toi, Sirius. Je t'ai cru coupable et j'en suis réellement désolé. J’étais loin, en mission pour l’Ordre du Phénix, quand James et Lily ont été tués. Quand je suis revenu, Dumbledore est venu me voir et m’a raconté ce qu’il pensait être la vérité. Il était persuadé que tu étais leur gardien du secret. Il n'avait aucun doute et je l'ai cru jusqu'à ce que Sélène vienne tout me raconter… Pardonne-moi.

 

Sirius perdit son sourire et se détourna, s'approchant de la cheminée.

— Je ne peux pas te blâmer. C'est ma faute, Remus. C'est comme si c'était moi qui les avais tués. C'est moi qui les ai convaincus de changer de gardien du secret. Je pensais avoir trouvé la solution parfaite.

 

Remus s'approcha et lui fit face, le saisissant par les épaules et le forçant à le regarder.

— Ce n'est pas ta faute, c'est celle de Peter et de Voldemort. De personne d'autre. C'est ce que Sélène te dirait…

— Sélène… Où est-elle, Remus ? J'ai besoin de la voir…

— Elle va revenir… Elle revient toujours…

 

A cet instant, une alarme retentit dans la vaste salle souterraine. Remus se tourna en direction du miroir qui venait de s'animer, reflétant la pièce du dessus. Sirius regarda lui aussi et s'approcha, souriant et impatient, quand il vit Sélène, toujours déguisée, entrer dans la pièce. Enfin elle était là, il allait la revoir. Mais alors qu'elle avançait dans le salon, son regard noir braqué sur eux à travers le miroir, ils virent entrer à sa suite quelqu'un que Sirius n'aurait jamais pensé trouver en compagnie de la jeune femme.

 

— Lucius Malefoy… siffla-t-il entre ses dents.

 

Il s'appuya sur le linteau de la cheminée, les yeux fixés sur le miroir, et serra les poings.

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