L'évadé du clair de Lune

Chapitre 4 : Quatre longues années

4549 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/02/2024 11:01

— Lucius Malefoy ? Ici, avec elle ???

 

Sirius tourna la tête vers son ami, contrarié, en quête de réponse. Mais avant que celui-ci n'ait pu répondre quoi que ce soit, une voix traînante s'éleva du miroir enchanté et les deux amis reportèrent leur attention sur ce qui se passait à l'étage.

 

— Ce n'est pas trop tôt, ça fait déjà un moment que j'attends…

 

Dans le miroir, Malefoy semblait agité, nerveux. Il faisait les cent pas dans le salon et Sirius entendait le son de sa canne qui tapait contre le sol, rythmant ses allées et venues au-dessus de lui. Le mécontentement se lisait sur le visage du Mangemort. Au fond de la pièce, en retrait, l'elfe de maison du mage noir le suivait des yeux, apeuré, en triturant sa tunique sale, grimaçant et gémissant devant l'irritation de son maître, jetant des regards suppliants vers Sélène.

 

— Vous auriez tout aussi bien pu envoyer un hibou, cela vous aurait évité ce désagrément, répondit la sorcière, sèchement.

 

Sirius tiqua. Elle avait employé le même ton froid et cassant que celui qu'elle avait déjà utilisé à Azkaban quand elle parlait au gardien. Cette intonation qu'il ne lui avait jamais connu avant et qui le perturbait tant. Derrière elle, Malefoy s’arrêta et encaissa la rebuffade.

 

Elle repoussa une mèche de son front. Sirius la trouva pâle et il vit une goutte de sueur couler sur sa tempe malgré le froid de ce mois de novembre. Elle allumait un feu dans la cheminée quand Malefoy l'invectiva de nouveau, virulent :

 

— Vous me devez quelques explications, Mademoiselle Fallon !

 

La jeune femme se redressa en grimaçant et se retourna lentement pour lui faire face :

— Je ne tolère pas qu'on me parle sur ce ton dans ma maison. J'ai été victime d’un de vos anciens camarades, j'ai passé la nuit et la matinée à Sainte-Mangouste et je ne suis pas d'humeur… Alors vous changez de ton ou vous rentrez chez vous !!

 

Malefoy se redressa, jaugea la jeune femme et reprit ses allées et venues dans la pièce.

 

— Et d'ailleurs, comment savez-vous où j'habite et que faites-vous ici, dit-elle en coupant la ronde de Malefoy, les bras fermement croisés sur sa poitrine.

 

Le Mangemort eut un rictus méprisant et Sirius vit la main de sa compagne se crisper, comme si elle se retenait de le gifler.

 

— C'est Dobby qui a trouvé votre… maison…, renifla Malefoy, toujours hautain mais plus calme qu'auparavant. Et je suis venu pour entendre de votre bouche les raisons de ce désastre à Azkaban. La ministre est en réunion de crise ce matin et il y a de fortes chances qu'elle vous retire le poste. Elle a besoin d’un bouc-émissaire et la coïncidence entre votre arrivée et l’évasion est … troublante. Je vais également devoir faire jouer de mes relations pour qu'on ne s'intéresse pas trop à vous. Il ne faudrait pas qu'on découvre la véritable raison de votre présence là-bas. Bref, je ne vous cache pas que je suis quelque peu… désappointé.

 

Sélène se tourna à nouveau vers le miroir et se pencha, probablement pour attiser les flammes dans la cheminée. Mais Sirius eut le temps de remarquer qu'elle retenait difficilement un sourire et il comprit qu'elle n'avait jamais prévu de rester guérisseuse à Azkaban après son évasion. Mais qu'est-ce que Malefoy avait à voir dans tout cela ? Il fronça les sourcils, il ne comprenait pas et Remus ne disait rien, concentré sur ce qu'il se passait à l'étage, tendu, une main dans la poche de sa robe, prêt à dégainer sa baguette et à monter si Sélène en avait besoin. Sirius ragea de ne plus être en possession de la sienne. Il se sentait nu et inutile sans cet accessoire indispensable, sans compter qu'il ne pourrait pas intervenir pour protéger la jeune femme si la situation dérapait.

 

— Un bouc-émissaire ? Je ne suis responsable en rien de l'évasion de Black… Il y a eu de l’agitation, peut-être. La mort de Black les a perturbés… expliqua la jeune femme en se retournant face à son interlocuteur.

— Sauf que Black n'est pas mort…

— Il parait…, répondit-elle en haussant les épaules. Je n'ai pas eu le temps de l'examiner pour confirmer sa mort ou non. Les gardiens ont dû se faire duper. Je n'ai rien à voir avec ça.

 

Au sous-sol, Sirius était étonné et impressionné par le répondant de la jeune femme. Elle ne se laissait pas intimider et il se sentait fier d'elle, même s'il était un peu perdu face à tout cela. Il suivait les échanges avec attention mais plus la conversation durait, plus les questions s’accumulaient et plus il se sentait frustré.

 

Malefoy reprit sa ronde dans le salon et le son agaçant de la canne contre le parquet recommença. Son elfe de maison continuait de le suivre des yeux en dansant d'un pied sur l'autre, de plus en plus effrayé.

— Avez-vous au moins eu le temps de faire ce pour quoi je me suis démené pour vous envoyer là-bas ?

 

Sirius tiqua. Ainsi c'est cet homme qui lui avait obtenu le poste. Cela supposait qu'elle s'était alliée à lui et potentiellement à tous les autres Mangemorts qui avaient échappé à la prison. Elle travaillait pour eux. Pourquoi ? C’était ça le prix à payer pour le faire évader ? Il serra les dents, il avait vraiment besoin de réponses.

— Remus…

— On t'expliquera tout, Sirius. Ce n'est pas ce que tu crois, fais-moi confiance. Fais-lui confiance, répondit le loup-garou en désignant le miroir.

 

A contrecœur et toujours plus frustré, Sirius reporta son attention vers ce qu'il se passait à l'étage et vit Sélène croiser à nouveau les bras sur sa poitrine. Elle répondit d'un air suffisant :

— Pour qui me prenez-vous ? Evidemment.

 

Malefoy cessa de tourner en rond et se planta devant elle.

— Disons que je doute parfois de votre dévotion à la cause, l’accusa-t-il.

 

Sirius vit la jeune femme se tendre et il se tendit avec elle devant l'air menaçant du mage noir. Mais, alors qu'il s'apprêtait à bondir pour aller aider celle qu'il aimait, Remus lui posa une main apaisante sur le bras et secoua la tête, lui intimant l'ordre de ne pas bouger. Sirius grogna de mécontentement et s'appuya sur le linteau. Il regarda à nouveau dans le miroir et vit Sélène pointer un doigt menaçant vers Malefoy, puis il l'observa avancer en répliquant sur le même ton agressif que le Mangemort employait envers elle.

 

— Vous ai-je donné d'autres raisons de douter de moi ? Non… Au contraire, je ne pense pas que la cause ait eu une alliée aussi dévouée que moi depuis bien longtemps. Laissez-moi vous rappeler que c'est grâce à MOI que vous êtes au courant des plans du Maître. Que c'est MOI qui ai restauré ce livre et que sans moi vous en seriez encore à pleurer chez Barjow&Beurk. Mais VOUS, avez-vous seulement avancé dans la recherche des Horcruxes ? Savez-vous combien il en avait créés ? Savez-vous seulement où se trouve le Seigneur des Ténèbres aujourd'hui ?

 

Sirius pâlit. Il avait du mal à croire ce qu'il entendait et il était complètement perdu. Il n'arrivait pas à imaginer Sélène alliée à ces pourritures. Il se doutait bien qu'en face de Malefoy, elle jouait un rôle, mais elle était bougrement convaincante. Et que diable étaient ces Horcruxes… De quoi parlait-elle, nom d’un dragon !!! A côté de lui, Remus s'était tendu davantage : il sentait la main de son ami se resserrer sur son bras.

 

— Rem…

— Chut !! lui intima le loup garou, l'attention entièrement occupée par ce qu'il se passait en haut.

 

Sélène poursuivait :

— Quant aux Mangemorts à Azkaban, la potion que je leur ai donnée est suffisamment dosée pour qu'ils puissent tenir sans problème plusieurs mois encore face aux Détraqueurs. Cela devrait suffire, non ?

 

Sirius blêmit davantage…

— Non, elle n'a pas fait ça. Non, non, non.

 

Stupéfait, il restait immobile, les yeux rivés au miroir, refusant de croire ce qu'il venait d'entendre.

 

— Bien sûr que non … Fais-lui confiance, je te dis, répondit Remus sans détourner le regard de la scène qui se déroulait à l’étage.

 

Sirius y reporta également son attention et il vit Malefoy toiser la jeune femme quelques instants, mâchoire serrée, avant de hocher la tête et de se tourner en direction de la porte. Il claqua des doigts et son elfe de maison se précipita pour lui ouvrir. Sur le seuil, il sembla hésiter un moment avant d'annoncer, tournant le dos à la sorcière.

 

— D'après mes sources, le Seigneur des Ténèbres semble se trouver dans les forêts d'Albanie pour le moment. Il est encore trop faible pour revenir par ses propres moyens, mais je réfléchis à une solution.

 

A côté de lui, Remus poussa un cri de victoire :

— Mille gorgones, elle a réussi !!

Il lâcha enfin le poignet de Sirius et lui sourit en lui tapant dans le dos, satisfait.

 

Sirius, lui, n'arrivait pas à quitter Sélène des yeux. Une fois leur invité sorti, il vit ses épaules se détendre alors qu'elle lui tournait encore le dos. Il la suivit du regard tandis qu'elle se dirigeait ensuite vers la fenêtre. Il la vit plaquer une main sur ses côtes en grimaçant. Il l'entendit gémir et s'en inquiéta. Puis elle se retourna et sortit de son champ de vision, sans s’occuper du miroir. Mais il lui sembla qu’elle avait pâli davantage et qu’elle transpirait toujours. 

 

Perturbé, il fronça les sourcils, ne sachant comment réagir. Ce qu'il avait déduit de l'entrevue qui venait de se dérouler sous ses yeux l'avait ébranlé. Il n'avait pas les détails du plan de la jeune femme, mais il avait compris qu'elle s'était rapprochée de Malefoy et que c'était lui qui lui avait trouvé un poste à Azkaban. Sans doute avait-il gardé des contacts au ministère. Elle avait donc travaillé pour lui. Elle avait administré une potion aux Mangemorts en prison. Elle avait restauré un grimoire pour lui. Quoi d'autre encore ? Tout ça juste pour le faire sortir de prison ?

Remus lui avait assuré de faire confiance à la jeune femme. Mais quelque chose le troublait.

 

Immobile devant le miroir, analysant ce qu'il venait de voir, Sirius comprit à quel point Sélène avait changé. Et il en était sûr, elle ne faisait pas que jouer un rôle… Sa colère, sa rancœur, c'était elle qui les ressentait, pas cette Mademoiselle Fallon.

 

La réalité le frappa alors de plein fouet et le cloua sur place. Quatre ans s'étaient écoulés. Quatre longues années où ils avaient été séparés, lui à Azkaban, elle à l'extérieur, et il n'avait aucune idée de ce qu'elle avait traversé pour la transformer à ce point. Elle était devenue froide, distante. A mille lieux de celle dont il était tombé amoureux, neuf ans auparavant.

 

Son cœur se serra. Durant toute son incarcération, il avait rêvé de ces retrouvailles, de ce qui pourrait se passer une fois qu’il serait dehors et à nouveau avec elle. Il s'était imaginé, bêtement, qu'ils allaient pouvoir reprendre leur vie telle qu'elle était avant. Il réalisait maintenant que ce n'était que des illusions.

 

Devant lui, le miroir le reflétait à nouveau et son inquiétude se lisait sur son visage. Il craignait de l'avoir perdue avant même de l'avoir retrouvée complètement. Et un doute, plus douloureux encore que les autres l'assaillit : l'aimait-elle encore ou ne l’avait-elle fait évader que parce qu’elle avait besoin de lui, comme elle le lui avait dit en prison ? Et lui, pourrait-il l'aimer encore alors qu'elle semblait si différente ?

 

— Sirius ?

 

Il ne réagit pas tout de suite. Une part de lui avait envie de courir la rejoindre, de lui demander des explications. L’autre partie de lui n’en était plus si sûre… Il finit par amorcer un pas vers la sortie de la salle souterraine, quand Remus l’interpela à nouveau.

— Non… Tant qu’elle n’a pas donné le signal et qu’elle n’a pas besoin de nous, on ne bouge pas. Elle va arriver, viens par ici.

 

Il déglutit, pesant le pour et le contre, puis il se retourna vers son ami de l'autre côté de la pièce. Celui-ci lui faisait signe de le rejoindre près de la table. Sirius hocha la tête et avança, tel un automate. Sur cette table se trouvaient bon nombre de livres de toutes sortes, mais Sirius fut attiré par le mur d’en face, rempli d'articles ou de photos, qu'il avait déjà remarqué la veille, à son arrivée. Il fronça les sourcils et se racla la gorge pour reprendre un peu contenance et se concentrer.

— Remus, explique-moi, c'est quoi tout ça ?

 

Son ton tenait de la supplique et Remus lui sourit d'un air contrit, se doutant que l’ancien prisonnier devait être plus que perdu. Il reporta son attention sur les coupures de presse et répondit à sa question.

— Ca, c'est ce que collectionne Sélène, consciencieusement, depuis quatre ans.

 

Il embrassa le mur d'un geste de la main, désignant des pages à mesure qu'il parlait.

— Tu as ici des articles concernant les anciens membres de l'ordre du Phénix. D'autres, sur les Mangemorts supposés qui ont échappé à l'arrestation. Tout ce qui peut avoir un lien avec Voldemort de près ou de loin. Et enfin, tout ce qu'elle pouvait trouver sur toi. Chaque coupure de presse, chaque petit article, aussi ridicule soit-il, peu importe le magazine. Elle les collectionnait tous. 

 

Le regard de Sirius s'arrêta sur une photo de lui, prise à son arrestation, puis sur l'autre, parue dans le journal le matin même. Il baissa la tête. Ses craintes s'amplifièrent, parce que si Sélène n'était plus la même, il avait changé également. Il n'était plus le beau garçon à l'air aristocratique qu'elle avait connu à Poudlard. Ses cheveux avaient poussé, ses joues s'étaient creusées… Et au fond de lui brûlait la flamme de la colère et de la haine. Celle qui réclamait vengeance.

 

Remus le regarda à nouveau, hésitant.

— Sirius, tu vas bien ?

 

Le jeune homme ne répondit pas tout de suite. Il grimaça et haussa les épaules.

— Bien ? Pas vraiment non… finit-il par avouer après quelques secondes de silence. Elle a tellement changé. Elle n'est plus celle que je connaissais… Elle a pris tellement de risques… Pour moi ou pour son projet ? Au fond de moi…

— Tu doutes de ses raisons ? supposa Remus.

 

Une boule dans la gorge empêcha Sirius de répondre à la question. Incapable de regarder son ami, il se contenta de hocher la tête, à la fois honteux et anxieux de la réponse qu'il allait lui donner. Il entendit son ami soupirer et soudain, Sirius eut envie qu'il se taise, qu'il ne dise rien. Une partie de lui ne voulait pas savoir…

— Oui, elle a changé, c'est vrai, confirma Remus. Je ne peux pas te mentir sur ce point. Mais Sirius…

 

Le cœur de ce dernier se serra. Il baissa la tête davantage encore et coupa son ami dans son élan.

— Je ne peux pas la blâmer, ça fait quatre ans... Loin des yeux loin du cœur, non ? Puis, de toute manière, j'ai changé moi aussi, dit-il, résigné, en désignant l'article devant lui. Il était illusoire de penser qu’on allait pouvoir reprendre comme avant.

Il soupira et incita son ami à poursuivre :

— Du coup, continue, ils servent à quoi ces articles ?  

 

Remus secoua la tête, affligé par les doutes de Sirius. Il espérait que ses deux amis arriveraient à se retrouver. Parce qu'il en avait été témoin, pendant les trois ans à ses côtés : l'amour que la jeune femme éprouvait pour Sirius était resté vivace. Elle ne s'accrochait pas juste à un souvenir. Elle l'aimait toujours.

 

Il l'avait observée bien souvent devant la photo de Sirius. Il l'avait surprise, plusieurs fois au cours des dernières années, à discuter avec le portrait. Il l'avait vue effleurer le papier journal de ses doigts et sourire quand la photo fermait les yeux à ce contact. Il se souvenait de sa joie quand elle était revenue de son premier jour à Azkaban. Elle avait ri de la barbe qui dévorait ses traits et s'était révolté de ses cheveux emmêlés. Et si elle était en colère et pleine d'amertume, Remus savait que son ami était le seul à pouvoir apaiser la jeune femme à nouveau, comme il l'avait fait quand elle s'était retrouvée orpheline, il y a des années. Ça n'allait certainement pas être facile, ils allaient devoir parler de tout ce qu’ils avaient traversé, chacun de leur côté, pour pouvoir enfin se retrouver sereinement. Et même si Remus avait envie de soulager son ami de ses doutes, ce n'était certainement pas à lui de le faire.

 

Il se racla la gorge et continua ses explications, comme Sirius le lui avait demandé :

— Ces articles, Sélène les connaît par cœur. Elle les a lus et relus à la recherche du moindre petit indice qui aurait pu l'aider à trouver le traître, pour te faire innocenter. Puis elle a trouvé cette photo, parut dans la gazette du sorcier il y a trois ans.

 

Sirius se saisit du papier journal que Remus lui tendait et quand il reconnut lui aussi Peter, sous sa forme de rat, se débattant dans les mains d'un des jeunes garçons de la famille, ses poings se crispèrent et froissèrent le papier.

— Peter, grogna-t-il, les yeux brillant de haine et de colère contenue.

 

Remus hocha la tête, lui reprit la coupure de presse et continua son récit :

— Elle a d'abord tenté de le retrouver seule, mais, comme il s'était de nouveau enfui, elle m’a apporté cet article pour me demander mon aide, dit-il. J’ai accepté et on a continué d’éplucher tous les journaux du pays. Et un jour, nous sommes tombés sur celui-là.

 

Il détacha un tout petit encart du mur et le donna à Sirius. Celui-ci secoua la tête pour s’éclaircir les idées et lit, les sourcils froncés :

 

« Vol dans les scellés du Ministère

 

C'est un fait divers rare et d'une extrême gravité que votre dévoué vous rapporte aujourd'hui. Un vol aurait eu lieu au département des Mystères, dans les sous-sols du Ministère de la Magie. Il s'agirait d'un objet de magie noire qui a été confisqué lors des multiples descentes effectuées par les Aurors chez les adeptes de Vous-Savez-Qui après sa disparition. Un objet qui, selon les rumeurs, aurait appartenu à Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-le-Nom lui-même. Comment les Aurors ou autres employés du Département des Mystères ont-ils pu laisser une telle chose arriver ? Personne au Ministère n'a voulu nous répondre, mais nous restons à l'affût et ne manquerons pas de vous tenir au courant. »

 

— Bien entendu, le Ministère a étouffé l'affaire et nous n'en avons plus jamais entendu parler. C'était il y a deux ans. Sélène était persuadée que cet article nous mènerait à Peter…

 

Sirius soupira en s'appuyant sur la table.

— Je suis désolé, Remus, j'ai du mal à me concentrer. Je n'arrive pas à me faire à l'idée… Que viennent faire Malefoy et les Mangemorts là-dedans ?

 

Remus baissa les bras et reposa l'article sur la table. C'était quatre ans de la vie de Sélène à raconter et il n'était pas certain d'être celui qui devait le faire. Il passa une main dans ses cheveux, gêné, ne sachant pas par où commencer.

 

— Nom d'une bouse de dragon, s'énerva Sirius, laissant libre court à son inquiétude. Les Mangemorts, Remus ! Elle pourrait se faire tuer ! Tu aurais dû l'en dissuader !!

 

Son ami soupira, en laissant retomber son bras le long de son corps. Il baissa la tête et murmura :

— J'ai essayé. Mais tu la connais Sirius, tu la connais mieux que personne.

— Justement, non !! Je ne la reconnais plus !! C'est de la folie, putain !

— Elle est en colère, Sirius. Et ça fait quatre ans que ça dure. Quatre ans que la colère et la rancœur la rongent, avoua Remus.

— Non, je refuse d'y croire… Sélène… Elle n'est pas comme ça.

 

Sirius avait murmuré les dernières phrases. Hésitant. Il ne savait plus. Appuyé sur la table, la tête basse, il était dévoré par les regrets. Si seulement rien de tout cela ne s'était passé. S'il avait accepté d'être le gardien du secret de James, rien de tout cela ne serait arrivé. Ils n'auraient pas été séparés. Il ferma les yeux, grimaçant. Ses nerfs étaient toujours à vif depuis son évasion et il n'avait pas encore récupéré la maîtrise de ses émotions.

 

Soudain, il se tendit, sentant une présence derrière lui.

Sélène….

Tout à leur dispute, il n'avait pas entendu la salle s'ouvrir et la jeune femme entrer. Et maintenant, elle était là, dans la même pièce que lui, sans barreaux pour les séparer. Mais il n'osa pas lui faire face. Son cœur s'arrêta un court instant puis reprit sa course, de plus en plus fort, de plus en plus vite.

— Ce n'est ni la rancœur ni la colère qui m'ont fait faire tout ça, dit-elle.

 

Il l'entendit avancer vers lui. Mais il était incapable de bouger. Il tremblait. Du coin de l'œil, il vit Remus s'éclipser doucement pour leur laisser un peu d'intimité.

 

— Ce n'est pas la rancœur ou la colère qui m'ont poussée à entrer à Azkaban, murmura-t-elle, tout proche.

 

Il sursauta, malgré son vêtement, quand elle posa ses mains glacées entre ses omoplates. Il se sentait fébrile. Il frissonna tandis qu'elle faisait glisser ses mains le long de sa colonne.

 

— Ce n'est pas la rancœur ou la colère qui m'ont fait créer cette potion, avoua-t-elle en enlaçant sa taille et posant sa joue contre son épaule.

 

Il eut le souffle coupé pendant un court instant. Il avait tant rêvé de ce contact. Il avait tant espéré la sentir contre lui à nouveau. Il ferma les yeux, ému. Finalement, plus rien n'était important. Plus rien d’autre ne comptait en cet instant que ses mains sur son corps.

 

— Je n'avais qu'une seule idée en tête et rien ni personne n'aurait pu me détourner de cet objectif.

 

Il réalisa soudain qu’elle l'aimait encore. Malgré toutes ces années. Malgré leur séparation. Malgré sa colère. Elle l'aimait toujours. Il rouvrit les yeux, oubliant tous ses doutes et, son courage revenu, se saisit des mains gelées de la jeune femme et les écarta afin de pouvoir se retourner. Et enfin il la vit. Sans tous ses artifices qui la cachait des autres en prison. Son beau visage encadré par ses doux cheveux noirs, ses si beaux yeux bleus, son grain de beauté sous les lèvres et ses mains si fines et si douces dans les siennes. Il déglutit. Elle était peut-être un peu trop pâle, ses yeux étaient rouges de fatigue et de larmes contenues, sa peau était abîmée sur son nez et ses pommettes, elle avait perdu plusieurs kilos. Mais il ne l'avait jamais trouvé aussi belle qu'en cet instant.

 

— Rien ni personne n'aurait pu me détourner de toi, murmura-t-elle, la voix rauque, émue elle aussi.

 

Sirius n'arrivait pas à détacher son regard d'elle. Il était hypnotisé, aveugle à ce qui se trouvait autour d'eux. Son cœur battait tellement fort dans ses oreilles qu'il était sourd à ce qui aurait pu se passer autour d'eux. Sa bouche était sèche et l'émotion de la revoir enfin l’avait rendu muet.

 

Elle se mordit la lèvre, se méprenant sur son mutisme, et baissa la tête, ses yeux se remplissant de larmes. Sirius entoura son visage de ses mains, la forçant à le regarder à nouveau. Elle ferma les yeux à ce contact. Une larme finit par se détacher de ses paupières et roula sur sa pommette, bientôt suivie par d'autres. De son pouce, Sirius les essuya doucement, traçant les lignes de ce visage qui lui avait tant manqué.

 

Sans jamais la lâcher, doucement, il approcha son visage vers d’elle. Elle ferma les yeux à son approche, tremblante.

 

Il embrassa ses paupières closes. Une caresse douce et légère. Elle laissa échapper un sanglot. Il déplaça ses lèvres le long de sa tempe jusqu'à sa joue pour y déposer un autre baiser, tout aussi tendre. Un frisson la parcourut. Il la rattrapa quand ses jambes flanchèrent, passant un bras autour de sa taille alors qu'enfin il trouvait sa bouche. Elle répondit à son baiser avec passion, nouant les bras autour de son cou, plaquant son corps contre le sien. Mais quand il passa ses deux bras juste sous les côtes de la jeune femme, resserrant son étreinte, elle ne put retenir un cri de douleur et le repoussa par réflexe.

 

Sirius se détacha d'elle immédiatement, surpris, paniqué, les deux mains en l'air. La jeune femme se détourna pour cacher la grimace de souffrance qu'elle affichait, augmentant encore l'inquiétude du jeune homme. Elle avait plaqué sa main contre ses côtes. Sa respiration était hachée et un voile blanc recouvrait ses iris. La jeune femme releva la tête vers lui alors qu'il l'appelait. 

— Sélène ? Parle-moi ! supplia-t-il, fou d'inquiétude.

— Sirius… Pardon… Ça n'aurait pas dû se passer comme ça… gémit-elle.

 

Sirius eut à peine le temps de se baisser quand il vit les yeux bleus de la jeune femme se révulser et la rattrapa juste avant qu'elle ne touche le sol, inconsciente.

 

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