L'évadé du clair de Lune

Chapitre 5 : Les cicatrices du passé 1/2

5409 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 04/03/2024 13:21


TW : Attention ! La deuxième partie de ce chapitre comporte une scène de torture et de violences.

 


 

Sirius souleva tendrement Sélène dans ses bras. Elle était inconsciente et sa respiration difficile.

— Remus !!! appela-t-il, paniqué, tout en se dirigeant vers le canapé pour y déposer son fardeau avec la plus grande douceur.

 

Il s'accroupit à ses côtés et lui saisit la main. Il lui caressa le visage alors que Remus arrivait. Le loup-garou murmura un sort pour comprendre la perte de connaissance de la jeune femme. Sirius le regarda faire, le cœur serré, jaloux. Privé de son précieux artefact, il se sentait désespérément inutile.

 

Un nuage de fumée s’échappa de la bouche entrouverte de la jeune femme et voleta au-dessus de son corps. Concentré, Remus ne la quittait pas des yeux alors que les volutes délivraient le diagnostic.

— Elle a plusieurs côtes cassées, annonça-t-il. Elle a reçu une dose de Poussos ce matin, mais elle n’a pas encore eu le temps d’agir. Sélène est probablement partie contre avis médical. Elle va aller bien, Sirius. La douleur a dû provoquer un malaise quand tu l’as serrée, c’est tout. Je vais chercher quelque chose pour l’apaiser.

 

Sirius ne répondit pas, continuant de caresser le visage de sa belle, inquiet. Elle transpirait et elle avait les sourcils froncés, marquant sa souffrance. Une vague de culpabilité l'assaillit. Il posa son front contre la tempe de la jeune femme et murmura :

— Pardon… J'avais pourtant vu dans le miroir que quelque chose n'allait pas… Mais j’avais tellement envie de te serrer contre moi, après toutes ces années…

 

Quand Remus revint avec une fiole de potion, Sélène avait repris une respiration plus fluide et son visage était moins crispé. Il la tendit néanmoins à Sirius.

— Essaye de lui faire boire cela et enlève-lui sa robe, on va lui mettre un bandage pour maintenir les os en place…

— Le premier qui m'enlève ma robe sans mon consentement, je lui casse les dents, murmura-t-elle, les yeux toujours fermés tandis que Sirius s’apprêtait à appliquer les recommandations de son ami.

 

Les deux hommes se sourirent, amusés et rassurés.

— Je m'en souviendrais, répondit Sirius avant de porter la main de la jeune femme à ses lèvres.

 

— Aide-moi à m'asseoir, lui demanda-t-elle en s'agrippant à sa main.

Sirius lui passa le bras dans le dos et l'assit en douceur mais Sélène ne put s'empêcher de gémir et grimacer. Remus lui tendit la fiole qu'elle but sans rechigner.

 

— Je suis tellement heureuse de te revoir enfin, en dehors de cet endroit maudit, murmura-t-elle une fois assise alors que Sirius était toujours accroupi en face d'elle.

 

Elle lui caressa le visage, détaillant le moindre de ses traits. Elle le trouvait toujours aussi beau. Même s'il s'était émacié pendant son incarcération. Même si ses yeux avaient perdu leur éclat malicieux. Elle redécouvrait avec émerveillement le moindre détail de son visage : chaque angle de sa mâchoire, la fossette de son menton, les rides d'expression aux coins de ses yeux quand il souriait, malgré son jeune âge… Ce visage qu’elle connaissait par cœur et qu’elle avait revu en songe tous les soirs pendant ces quatre longues années. 

 

— Et moi, sans tous ces artifices sur ton visage, lui répondit Sirius, sans se lasser de la regarder.

 

Ils se reposèrent front contre front, heureux de se retrouver.

— J'ai tellement de questions, murmura le jeune homme au bout d'un moment.

— Je me doute, avoua la jeune femme. J'aurais voulu être là à ton retour et tout t'expliquer. La visite de Malefoy, ce matin, a dû te perturber. Ça n'aurait pas dû se passer comme ça.

— Justement, Sélène, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi tu t'es retrouvée à Sainte-Mangouste ? demanda Remus.

 

La jeune femme soupira et se recula lentement dans le dossier du canapé. La douleur dans ses côtes se calmait peu à peu.

— J'étais au ministère pour rendre compte de ma journée quand les gardiens m'ont appelée pour déclarer un décès. Le tien, précisa-t-elle en regardant Sirius. Mais quand ils t'ont déplacé vers l'infirmerie, tes codétenus t'ont aperçu et apparemment, la mort de l'un des leurs les excite et la potion que je leur avais donnée n'a pas arrangé les choses… Quand je suis arrivée, il n’y avait personne à la grille alors je suis entrée : je devais te rejoindre pour confirmer ton décès et que tu puisses t’évader. Je n’avais que ça en tête.

 

Elle se détendit contre le dossier du canapé, le visage moins crispé. La potion anti-douleur commençait à faire effet. Elle poursuivit :

— A l’infirmerie, il n’y avait qu’un seul patient : Rodolphe Lestrange. Il avait mal supporté la potion que je lui avais administrée. C’était une potion expérimentale : je n’y ai pas mis une grande application et je ne suis même pas sûre qu’elle ait eu l’effet escompté mais Malefoy tenait à ce que j’essaye, pour que ses camarades résistent aux Détraqueurs.

— Quoi ? coupa Sirius, horrifié.

— Rien d’important. J’ai dû faire semblant d’essayer, pour ne pas éveiller les soupçons de Malfoy, mais j’y ai rajouter un ingrédient particulier pour que tout ça n’ait aucun effet.

 

Sirius fronça les sourcils et alla protester mais Sélène lui coupa la parole :

— Lestrange y a mal réagi et j’avais insisté pour qu’il passe une nuit en observation. Quand il t’a vu arriver, il est devenu fou, alors il a réussi à se détacher, il m'a attrapée, m'a jetée au sol et quand j’ai essayé de me défendre, il m’a frappée à coups de pieds. J’ai perdu connaissance et c’est le trou noir jusqu’à ce que je me réveille à l’hôpital. Je suppose que les gardiens sont intervenus à temps.

 

Sélène se leva et s'approcha de la cheminée sous les yeux de ses deux amis. Elle semblait soucieuse.

— Quand je suis revenue à moi, je n'avais plus mon déguisement.

 

Remus eut un hoquet inquiet et Sélène lui jeta un coup d’œil, nerveuse. Sirius fronça les sourcils, jaloux de leur complicité alors que lui ne comprenait pas tout. Il reporta son attention sur la jeune femme qui poursuivit :

— Heureusement, seule la guérisseuse en charge de mes soins m'avait vue ainsi. Je l'ai oubliettée pour effacer ce souvenir de sa mémoire. J'ai pris ma baguette, mes affaires et je suis partie sans rien dire à personne.

 

Elle se retourna vers eux, visiblement inquiète.

— Mais j'ai croisé Dumbledore en sortant… Je portais encore mes lentilles colorées, mais je pense qu'il m'a reconnue. Le voir là, en face de moi, ça m'a… perturbée. Je ne m’y attendais pas alors j'ai fait une erreur en transplanant. Je n'étais pas assez concentrée et j'ai atterri dans le bois à côté. Heureusement au final : j'ai pu lancer une illusion sur mon visage quand j'ai vu Malefoy à la porte de la maison.

— Si Dumbledore t'a reconnue, ce n'est pas un problème, tu as parfaitement le droit d'être à l'hôpital, objecta Remus.

— Certes, ça n'aurait pas posé de soucis si la guérisseuse ne m'avait pas appelée Miss Fallon pile à ce moment-là. Je n’avais oublietté que les quelques minutes avant qu’elle ne voie mon visage sans les prothèses, pas mon nom, et il l'a entendue, Remus. Il va sûrement faire le lien entre ma présence là-bas, l'émeute à Azkaban et l'évasion de Sirius.

— Ce serait peut-être l'occasion de le mettre au courant de nos plans, non ? suggéra Remus.

— Non ! ordonna-t-elle d'un ton catégorique.

 

Remus échangea un regard avec Sirius, mais ce dernier ne sut que dire. Il était surpris de la réaction de la jeune femme. Sélène semblait en colère contre leur ancien directeur. Quand elle parlait de lui, elle se crispait, haussait la voix. Il ne comprenait pas. Même si le directeur de Poudlard l'avait cru coupable, il pourrait être leur allié. Un allié puissant. Mais Sélène ne semblait pas le vouloir. Pourquoi ?

— Sélène, Dumbledore a toujours été le seul à faire peur à Voldemort, insista le loup-garou. Il pourrait nous aider, nous aiguiller au moins. Son instinct a toujours été infaillible

 

La jeune femme s'arrêta devant Rémus, ses yeux lançant des éclairs. Sirius, de son côté, ne l'avait jamais vue ainsi auparavant. Encore une fois, il ne la reconnaissait pas et ses doutes le reprirent. D'où lui venait toute cette rancœur ?

— Infaillible ? Tu parles ! hurla-t-elle en serrant les poings. Où était Dumbledore quand Sirius a été accusé sans preuve de la mort de James et Lily ?

 

Plantée devant Remus, elle fulminait et lui restait parfaitement calme, pas du tout surpris par la réaction de la jeune femme, comme s’il avait déjà été témoin de ces accès de colère.

— Où était Dumbledore quand il a été enfermé à Azkaban sans aucun procès ? Où était Dumbledore quand j'ai été … 

 

Elle s'interrompit au milieu de sa phrase, se mordant la lèvre pour ne pas continuer. Elle tourna la tête pour ne plus les regarder et cacher les larmes naissantes dans ses yeux. Sirius la voyait faire des efforts pour redevenir maîtresse de ses émotions. Elle commença à faire des allées et venues, les poings serrés, pour évacuer une énergie qui semblait sur le point d'exploser en elle.

 

Il était perdu. Elle avait pourtant toujours fait confiance à leur ancien directeur, lui obéissant aveuglément pendant la guerre. Parce que pour elle, pour eux, Dumbledore était l'incarnation de l'espoir de tout un peuple. Parce qu'il était le seul à agir et le seul à faire peur à Voldemort. Parce qu'il semblait pouvoir lire dans l'âme des gens qu'il croisait. Mais oui, Dumbledore n'avait rien fait pour le sortir de cette prison. Cela justifiait-il la rancœur qu'elle lui vouait depuis toutes ces années ? Non, il le sentait, en observant la jeune femme refouler ses larmes, il en était sûr : il y avait plus que ça.

 

Que s'apprêtait-elle à dire ?

 

Il s'approcha d'elle, l'obligeant à s'arrêter et doucement, sans la brusquer, lui releva le visage pour la forcer à le regarder. Il plongea ses yeux dans les siens et lui souffla :

— Où était Dumbledore quand tu as été quoi ??

 

Elle ne lui répondit pas, pinçant les lèvres et fuyant son regard.

— Qu'est-ce qu'on t'a fait, Sélène ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi es-tu tellement en colère ?

— Je ne suis pas en colère… tenta-t-elle avant de baisser la tête pour se dérober à son regard.

— Oh si tu l’es… la coupa-t-il. Tu l'es au point d'en perdre tout raisonnement logique. Au point de perdre toute concentration quand tu l'as vu. Que s’est-il passé, Sélène ?

 

Elle releva la tête et le dévisagea, les joues rosies, les larmes aux yeux et le menton tremblant. Elle ouvrit la bouche pour parler mais aucun son ne sortit. Son regard s'assombrit. Il desserra un peu sa prise sur ses bras pour essayer de l’enlacer afin de la réconforter, mais elle profita de son relâchement pour lui tourner le dos et s'enfuir dans la chambre.

 

Il ne tenta pas de la retenir, c'était le meilleur moyen de la braquer davantage. Quoi qu’elle taise, ça la rongeait de l'intérieur, elle devait parler, elle devait sortir ce sentiment parasite. Avec un pincement au cœur, il se tourna vers Remus. Son ami était le seul à pouvoir l’éclairer et Sirius se surprit à en éprouver de la jalousie. Il soupira avant de demander :   

 

— Remus, tu sais quelque chose ?

 

Celui-ci hésita, puis se détourna avant de répondre :

— Depuis que j’ai emménagé ici, je l’ai entendue plusieurs fois faire des cauchemars. Une fois, je suis allé vérifier si tout allait bien et j’ai vu …

 

Le jeune homme ne termina pas sa phrase, hésitant. Encore une fois, il n’était pas sûr de devoir révéler cela à Sirius. Mais maintenant qu’il en avait déjà trop dit, il finit par continuer en soupirant :

— Son dos, Sirius… Il est couvert de cicatrices. On dirait des brûlures et les seules brûlures que la magie ne puisse effacer c’est…

 

Son ami ne finit pas sa phrase mais Sirius n’en avait pas besoin. Les seules brûlures qui laissaient des cicatrices étaient celles dues à la magie noire… Et au Feudeymon. Son cœur se serra et il grimaça.

 

— Le lendemain, reprit Remus, je lui ai posé des questions mais elle n’a rien voulu me dire. Elle s’est fermée comme une huître et ne m'a plus adressé la parole pendant plusieurs jours. On n'en a jamais reparlé.

 

Sirius, inquiet, reporta son regard sur la porte de la chambre où Sélène s'était retranchée.

— Vous devriez discuter tous les deux. Tu es sans doute le seul qui puisse la faire parler. Je vais sortir de toute façon. Vous êtes chez vous et vous avez sûrement besoin d'un peu d'intimité. Difficile de se retrouver quand il y a un loup-garou dans la pièce à côté…

— Tu es ici chez toi, Remus.

— Je sais, Sirius, mais je sais aussi quand me faire discret. Il faut crever cet abcès, dit-il.

Il lui administra une tape amicale dans le dos en guise d’encouragement puis sortit. Sirius acquiesça pour lui-même et, une fois seul, s'avança vers la chambre où Sélène s'était enfermée. Mais au moment de pousser la porte, il hésita. Il se sentait nerveux. Ce n'était vraiment pas les retrouvailles dont il avait rêvé. Il soupira, se passa une main dans les cheveux et ouvrit la porte.

 

Quand il entra dans la pièce, Sélène était face à la cheminée, à bonne distance du feu qui crépitait dans l'âtre, les bras croisés sur sa poitrine. La chambre était parfaitement silencieuse. Même le tictac de l’horloge au-dessus de la cheminée s’était tût. Il s'approcha doucement dans son dos, l'entoura de ses bras et posa sa joue contre ses cheveux. Elle ne le repoussa pas. Leurs regards se perdirent tous deux dans les flammes et il attendit, sans bouger, en la serrant contre lui.

 

Ils restèrent ainsi un long moment et petit à petit Sélène se détendit, se laissant aller de plus en plus à l'étreinte de Sirius.

 

— Tu m'as manqué, Sélène, finit-il par murmurer.

 

Il la sentit sourire et tourner légèrement la tête en sa direction. Il aurait parié qu'elle avait fermé les yeux. Elle l'écoutait. Il déglutit difficilement, la gorge serrée, ému. Sélène avait toujours été sensible quand il parlait à cœur ouvert. Elle ne devait pas avoir changé sur ce point, alors il allait tout lui dire. Tout ce qu'il ressentait.

— Quatre ans ont passés. Quatre ans sans se voir, ni se parler… Toi ici, moi à Azkaban, il a dû s'en passer des choses pour tous les deux. Des choses qui nous ont marqués, qui nous ont changés… Je veux comprendre ce qu'il t'est arrivé. Comprendre tes angoisses, ta colère. Je te connais, Sélène. Ces sentiments, tu ne peux pas me les cacher…

 

Sélène ne réagit pas. Petit à petit, elle se tendait même à nouveau entre ses bras. Il la sentait à deux doigts de s'échapper à nouveau. Son cœur se serra. Il murmura : 

— Ne me fuis pas, je t'en prie. 

 

Sélène ne répondit pas, mais au moins elle se calma un peu. Il s'en sentit soulagé, ses mots avaient peut-être trouvé un écho en elle. Doucement, elle se laissa aller à nouveau contre son torse. Il resserra son étreinte, savourant son corps contre le sien. Au bout de quelques minutes, elle parla enfin.

 

— Je suis tellement en colère, Sirius. J'ai tellement de rancune et de haine, ça me ronge de l'intérieur, souffla-t-elle, la voix légèrement tremblante. Je ne suis plus celle que tu as connue et dont tu es tombé amoureux. 

 

Le cœur de Sirius se serra davantage. A travers ses mots, il entendait sa peur face à cette nouvelle épreuve pour leur couple, identique à la sienne. 

 

— J'ai changé moi aussi et j'ai envie de vengeance pour tout ce qui nous est arrivé, ajouta-t-il après un instant. Pour James et Lilly. Pour Harry. Mais mes sentiments pour toi sont les mêmes et c'est ça qui m'a fait tenir. Toi. Te revoir. Te serrer contre moi à nouveau. Quand les Détraqueurs me laissaient en paix, c'est toi que j'imaginais à mes côtés, c'est notre avenir que je m'inventais. Et te voir là, aussi forte, entrevoir tout ce que tu as accompli... Je suis tellement fier de toi et je t'aime davantage encore. Mais j’ai besoin de comprendre…

 

Il sentit le cœur de Sélène battre plus fort et résonner dans sa poitrine. Il leva la main vers le profil de la jeune femme et dégagea les cheveux derrière son oreille. Il aurait voulu voir son visage, mais elle s'obstinait à regarder droit devant elle. Une larme coulait le long de sa joue. Elle semblait lutter de toutes ses forces pour ne pas éclater en sanglots. Il resserra son étreinte et ne dit plus rien. Il voulait juste lui faire sentir qu'il était là. Qu'elle n'avait pas à se cacher. Qu’il ne la jugeait pas.

 

— J’ai été torturée, Sirius, finit-elle par avouer du bout des lèvres, la tête baissée. 

 

Sirius en eut le souffle coupé. Elle avait à peine murmuré ces mots mais ils avaient résonné comme une explosion à ses oreilles, ravivant les paroles de Remus et les images qu’elles avaient invoquées dans sa tête : les cicatrices qu’il n’avait pas encore vues… Le Feudeymon… La rage et la colère gonflèrent aussitôt au fond de son cœur, bourdonnant dans ses oreilles. La culpabilité aussi, parce qu'il était sûr qu’elle avait subi cela à cause de lui et de la relation qu'ils entretenaient. Il la pressa davantage contre lui, tremblant, les yeux fermés, les lèvres pincées, les poings serrés et contint sa propre colère autant qu'il le put, pour laisser à Sélène la place et l'occasion de s'exprimer. 

 

— Quand tu es parti à la recherche de Peter, j'ai été arrêtée et amenée dans le bureau de Barty Croupton. Et si les Aurors n'utilisaient les sortilèges impardonnables qu'en dernier recours, lui n'a pas hésité. 

 

Sélène tremblait, comme transie de froid. Elle fixa du regard l’horloge silencieuse au-dessus de l'âtre en face d'elle puis prit une grande inspiration avant de raconter ce qu’il s’était passé, quatre ans plus tôt. 

 

 

 

OoooO

 

Elle s'était réveillée ligotée à une chaise, les mains dans le dos, un bandeau sur les yeux. Paniquée, sa respiration s’était accélérée.

 

Il y avait une horloge non loin d’elle qui égrenait les secondes lentement. Elle ne voyait rien et n’entendait rien d’autre que ce tictac assourdissant.

Tic.

Depuis combien de temps était-elle là ?

Tac.

Elle se rappelait avoir été frappée par un Stupéfix sur les ruines de la maison de leurs amis, puis ça avait été le trou noir.

Tic.

Où était-elle ? 

 

Tac.

Soudain, Sélène avait entendu la porte s'ouvrir et elle s'était figée, le cœur battant à tout rompre.

 

Puis elle avait discerné des bruits de pas qui avaient martelé le sol au même rythme que l’aiguille des secondes.

Tic.

Tac.

Tic.

Tac.

Une chaise raclant le sol l’avait fait sursauter. 

— Qui est là ? avait-elle demandé. 

 

Pas de réponse. Tic. Tac.

 

— Je vous entends ! Qui est là ? avait-elle supplié, des trémolos dans la voix. 

 

Toujours aucune réponse. Tic. Tac.

 

Son cœur avait résonné plus fort dans sa poitrine, plus rapide que les secondes qui, alors qu’elle était toujours aveugle, le bandeau sur les yeux, défilaient si bruyamment dans ses oreilles. Une voix sèche, froide, l’avait fait sursauter encore.

 

— Sélène Thorne, vous êtes accusée de complicité dans le meurtre des Potter, survenu hier dans la soirée.

 

Tic.

Elle en avait eu le souffle coupé et avait mis un instant avant d'assimiler l'information.

Tac.

Petit à petit, elle avait compris l'enjeu de ce qui allait se passer maintenant.

Tic.

Tout le monde pensait que Sirius était le gardien du secret de James et Lily et, pour parfaire la supercherie, ils n'avaient jamais contredit cette information.

Tac.

Il n'y avait donc aucune preuve de l'innocence du jeune homme. 

 

— Non… C'est faux, avait-elle murmuré, abasourdie. 

— Je suis Bartémius Croupton, directeur du Département de la Justice Magique et je vais diriger cet interrogatoire. 

 

Tic.

Sélène avait dégluti. Bartémius Croupton était connu pour ses méthodes cruelles. Il avait autorisé il y a peu les Aurors à utiliser les sortilèges impardonnables contre les partisans de Voldemort.

Tac.

Il était de notoriété publique qu'il préférait un mage noir mort plutôt qu'en fuite. Sa peur était montée encore d’un cran. 

 

— Vous avez été appréhendée sur la scène de crime. Les témoignages recueillis sont accablants. Où se trouve votre complice actuellement ? 

 

Sélène était restée muette. On les accusait du meurtre de James et Lily, les deux personnes qu'ils aimaient le plus au monde, ceux avec qui ils avaient tout partagé. On les accusait d'être des Mangemorts, de s'être alliés à ceux qu'ils avaient juré de combattre. Elle était complètement sonnée par la tournure des évènements. Elle était innocente, Sirius l'était également. 

 

— Je… Non… C'est une erreur, avait-elle réussi à murmurer. 

 

Bartemius Croupton avait fait grincer la chaise sur le sol. Elle avait entendu des bruits de pas s'approcher d'elle et le bandeau qu'elle avait sur les yeux lui avait été violemment arraché. La lumière de la pièce l'avait aveuglée et elle avait fixé la silhouette de Croupton en contre-jour. Celui-ci s'était penché vers elle. 

— Où se trouve Sirius Black ? avait-il sifflé entre ses dents, menaçant. 

— Sirius est innocent.

 

Bartemius Croupton s'était redressé et avait repris sa marche derrière la jeune femme, empêchant Sélène de le suivre des yeux. Il avait répété, plus fort encore :

 

— Où se trouve Sirius Black ? 

— Sirius n'a rien fait, il est innocent, ce n'est pas … 

— Il était le gardien du secret des Potter !!! Il les a vendus à Voldemort !! Où est-il ? avait-il hurlé, se saisissant de la chaise pour secouer la jeune femme.  

 

Sélène était terrorisée. Elle ne savait plus quoi répondre et elle n'avait rien de plus à dire. C'était pourtant simple : Sirius était innocent. Il n'était pas le gardien du secret de James et Lily.

 

Croupton avait fait le tour de la chaise pour se positionner à nouveau devant elle.

— Où est-il ? avait-il craché à nouveau. 

 

Sélène avait commencé à pleurer, à bout de nerfs. 

— Je ne sais pas. Il n'a rien fait ! 

 

Le chef du département de justice magique l’avait toisée de toute sa hauteur, de la haine dans les yeux. Il avait levé sa baguette : 

— Vous ne me laissez pas le choix, Endoloris

 

Jamais elle n'avait ressenti telle douleur. Elle avait l'impression que tout son être se déchirait de part en part, que sa tête allait exploser, que ses os étaient en feu. Un feu qui la brûlait de l'intérieur. Elle avait hurlé, s'était cambrée sous la douleur, alors que ses bras étaient toujours attachés derrière elle. Elle avait entendu ses épaules se disloquer. Elle avait crié plus fort encore, l'avait supplié d'arrêter. La chaise s'était renversée et Sélène avait été entraînée dans sa chute, sa tête heurtant lourdement le sol. Quand Bartémius Croupton avait levé le sortilège, elle était en sueur et sanglotait, à moitié consciente. 

 

Il s'était approché, l'avait relevée en la tirant par les cheveux, entraînant le siège sur lequel elle était toujours attachée et avait repris : 

— Je répète : où est-il ? Où est Sirius Black ?  

— Je ne sais pas, avait soufflé Sélène, au bord de l'évanouissement. Il est innocent, il n'a rien fait ! 

— Il a livré les Potter à Voldemort ! Vous étiez sa complice !

— Non. Il aimait James ! Il aimait Lily ! Il n'aurait jamais pu les trahir, avait-elle murmuré, à bout de force.

 

En face d'elle, Bartémius Croupton avait serré le poing autour de sa baguette, des étincelles étaient apparues tant sa fureur était palpable. 

 

— Il était adepte de la magie noire, comme toute sa famille ! Il n'a fait que jouer un rôle. 

 

Elle avait ri devant l'absurdité de ce qu'il disait, mais cela n'avait fait que décupler la fureur de son vis-à-vis. L'injustice de la situation l'avait révoltée et lui avait rendu petit à petit un peu de force. Elle lui avait répondu avec hargne :

— Il était un Gryffondor. Depuis son entrée à Poudlard, il n'a fait que prouver à tout le monde qu'il détestait la magie noire. Il s'est battu sans cesse contre les préjugés que son nom suscitait. Il a été déshérité par sa famille parce qu'il n'était pas comme eux. Il n'a de Black que le nom. 

 

A ces mots, Barty Croupton avait à nouveau levé sa baguette, furieux.

Endoloris !

 

La douleur l'avait terrassée à nouveau. Plus forte encore que la vague précédente. Elle était à nouveau tombée alors qu'elle s'arc-boutait sur la chaise, elle avait convulsé au sol et s'était évanouie. 

 

Tic.

Tac.

Combien de temps était-elle restée inconsciente ? Elle n'aurait su le dire, mais quand elle s'était réveillée, la douleur pulsait à travers tout son être au même rythme que les secondes qu’elle entendait à nouveau défiler.

Tic.

Tac.

Elle était toujours attachée, les bras derrière le dossier de sa chaise et sa tête pendait mollement vers l'avant.

Tic.

La douleur dans ses épaules lui avait donné la nausée.

Tac.

Elle avait froid. Sa robe était trempée de sueur. Ses cheveux étaient collés à son visage, humide des larmes versées.

Tic.

Elle était épuisée et avait retenu un sanglot, amère. 

Tac.

 

La porte s'était ouverte à nouveau. Au prix d'un effort extrême, elle avait relevé la tête.

Tic.

Son cœur s’était crispé de terreur quand elle avait vu son tortionnaire s'avancer dans la pièce.

Tac.

Mais là, derrière lui : Dumbledore. Elle n'avait pu s'empêcher de sourire à son ancien professeur qui avait apporté avec lui une vague d'espoir. 

— Professeur !! Dites-leur !! Sirius n'aurait jamais trahi James !! 

 

S'il l'avait d'abord regardée avec effroi, compte tenu de son état, et qu'il s'apprêtait à dire quelque chose à Croupton, Dumbledore avait reporté tristement son attention sur elle et avait murmuré :  

— Il était leur gardien du secret, Sélène.

 

Elle s'était sentie sombrer. Sa gorge s'était serrée. Elle avait tant espéré quand il était entré dans ce bureau. Elle avait voulu y croire, même s'il leur avait enlevé Harry : ce n'était peut-être qu'un terrible malentendu.

 

Mais avec cette simple phrase, il avait tout balayé. Elle lui avait toujours fait confiance, elle l'avait toujours considéré comme un homme sage qui avait la solution à tout. Mais là, il n'allait pas les aider, ni elle, ni Sirius. Elle s'était sentie trahie, abandonnée.

— Non !! Professeur !! Ce n'était pas Sirius. C'était Peter le véritable gardien ! Je vous en prie, croyez-moi ! avait-elle supplié, le corps tendu vers le directeur de Poudlard. 

 

Dumbledore l'avait regardée tristement et avait secoué la tête. 

— Sélène, Peter est mort, ainsi que douze Moldus, terrassés par une explosion que Sirius a provoquée, en plein Londres, en début d'après-midi. 

— Non ! 

— Nous n'avons retrouvé qu'un doigt du pauvre Peter et Sirius se tenait là, riant à gorge déployée. Il vient d'être arrêté. 

— Et il sera enfermé à Azkaban sans aucun procès, avait achevé Croupton.

 

Sélène avait senti son estomac se nouer. Elle avait essayé de se relever, malgré sa douleur, ne quittant pas son ancien professeur des yeux. 

— Non ! Vous vous trompez !! Ce n'est pas Sirius, ce n'est pas lui ! Professeur ! Sirius n'aurait jamais trahi James ! Il l'aimait comme un frère et vous le savez ! Il n'aurait jamais pu le trahir ! 

— Il a dû te tromper toi aussi, avait murmuré le professeur. 

— Non !! Il est innocent ! Il faut me croire ! Il est innocent ! 

— Ça suffit ! avait hurlé Barty Croupton. Black est un mage noir et vous êtes sa complice ! Avouez !

— Non ! Je ne dirai pas ce que vous voulez entendre ! Sirius n'a rien fait ! Il n'a pas trahi James et Lily ! 

— Barty, elle ne sait rien, avait repris Dumbledore. Black a dû l’ensorceler ou lui faire boire de l’Amortensia. Elle n’y est pour rien. Relâchez là, elle doit recevoir des soins.

 

Sélène avait vu Croupton serrer les dents de rage. La jeune fille avait été tellement terrorisée qu’elle avait ravalé les mots qu'elle aurait voulu rajouter.

 

— Je n’y crois pas un seul instant, avait tranché Croupton. Elle va finir par avouer ce qu’elle sait et on aura enfin les preuves dont on a besoin.

 

Et tout avait été très vite. Croupton lui avait lancé un sort et Dumbledore n’avait pas réagi à temps. Une langue de feu en forme de chimère était venue embraser la chaise sur laquelle elle était assise.

 

Rapidement, le Feudeymon avait dévoré le dossier ainsi que sa robe et les flammes lui avaient léché la peau. La chaise avait cédé et Sélène était tombée au sol. La douleur avait été atroce et l'odeur de chair brûlée, sa chair, l'avait prise à la gorge. Elle s’était roulée par terre dans l’espoir d’éteindre le feu qui la consumait, en vain. Son dos la faisait horriblement souffrir et elle avait fini par ne plus bouger, face contre le sol, persuadée qu'elle allait mourir sur place. 

 

Tic.

Au bord de l’inconscience, elle avait vu Dumbledore s’approcher, baguette levée. Il lui avait lancé un sort à son tour.

Tac.

Puis elle avait sombré.

 

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