L'évadé du clair de Lune

Chapitre 6 : Les cicatrices du passé 2/2

5513 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/03/2024 18:33

— J'ai perdu connaissance et je me suis réveillée à Sainte-Mangouste, plusieurs jours après. Dumbledore avait éteint les flammes et réussi à convaincre Croupton que je devais être soignée. Il m'a évité l’emprisonnement en répétant que tu m’avais soumise à l’Imperium ou fait boire de l’Amortentia. Mais, pour toi, il n'a rien fait alors qu'il en avait le pouvoir, il ne t’a même pas assuré un procès, acheva Sélène, amère.

 

Sirius avait lâché la jeune femme pendant son récit. Il faisait maintenant les cent pas dans la pièce, en proie à une rage qu’il avait rarement connue. Ils avaient osé ! Ils étaient allés jusqu’à la torturer pour qu’elle avoue. Il aurait tant voulu qu’elle mente. Qu’elle dise tout ce qu’ils voulaient. Il aurait mille fois préféré subir le baiser du Détraqueur si cela avait pu lui éviter tant de souffrances.

 

Il tournait en rond comme un dragon en cage, serrant et desserrant les poings, osant à peine la regarder. Elle avait dû tellement souffrir et il n’avait pas été là. Elle lui avait dit de fuir, de l'abandonner sur les ruines de la maison de leurs amis. Il n’aurait pas dû l’écouter. Il était tellement en colère.

 

Il s’arrêta en face d’un mur où il s’appuya de ses deux mains, la tête baissée pour tenter de retrouver son calme, essayant de maîtriser son souffle devenu anarchique. Mais son esprit était en ébullition et il ne cessait de voir dans sa tête le Feudeymon dévorer le corps de celle qu’il aimait. Avec horreur, il imaginait son dos marqué à vie par ce qu’elle avait subi. Les brûlures dont Remus lui avait parlé, il fallait qu’il les voie de ses propres yeux.

 

— Montre-moi, dit-il soudain.

 

Juste derrière lui, alors qu’elle s’approchait pour tenter de l’apaiser, Sélène se figea. Elle avait peur que ce qu’il demandait à voir attise encore davantage sa colère. Elle ne bougea pas, tétanisée. Lentement, il se retourna vers elle et dans ses yeux, elle put lire toute la culpabilité malsaine qu’il ressentait.

 

— Sirius… souffla-t-elle.

— Montre-moi, insista-t-il d’un ton ne souffrant aucune contradiction.

 

Elle déglutit, consciente qu’elle ne le détournerait pas de ce qu’il avait en tête. Il voulait voir les cicatrices qu’il imaginait dans son dos. Il voulait plus d’armes pour se flageller davantage.

 

La gorge serrée, elle le sonda quelques secondes, suppliante, mais il n’en démordait pas. Elle finit par lui tourner le dos, le cœur battant, fit passer ses longs cheveux sur sa poitrine, lui laissant libre accès à la fermeture de sa robe, vaincue. Elle ne put cependant en faire plus et lui laissa l’initiative, trop nerveuse pour le faire elle-même. Elle avait peur. Elle savait qu’il finirait par voir ses cicatrices, mais elle aurait aimé d’autres conditions, d’autres sentiments et certainement pas cette colère et cette culpabilité qu’il ressentait. Egoïstement, elle avait peur de voir du dégoût dans son regard, peur qu'il finisse par la rejeter.

 

Il savait qu’elle était aux aguets, attentive à la moindre réaction qu’il pourrait laisser paraître. Il tenta de se maîtriser, en vain : la colère bouillait toujours en lui. Il tremblait de rage. Le récit qu’elle avait fait de sa torture était encore bien présent dans son esprit et il imaginait sans cesse les dégâts que ses erreurs avaient causés sur le corps magnifique de sa compagne.

 

Au bout de quelques secondes d’un silence pesant, il approcha sa main tremblante et fit glisser la fermeture éclair. Une larme coula sur le visage de la jeune femme alors qu’il découvrait les marbrures dans son dos.

 

Il retint son souffle en écartant lentement les pans du vêtement et ferma les yeux un instant, pour tenter de contrôler la rage qui menaçait de le submerger en voyant l’étendue des cicatrices sur la peau de porcelaine de la jeune femme. Son dos était entièrement recouvert de marbrures plus ou moins claires, des omoplates jusqu’à sa cambrure de reins, s’étalant jusque sur ses côtes à droite.

 

Ces cicatrices lui renvoyaient en pleine figure son absence et son incapacité à la protéger et elles le feraient pour le reste de sa vie. Il crispa la mâchoire et serra le poing avant de détourner le regard. C'était plus fort que lui. Il avait envie de retrouver Barty Croupton et de le faire souffrir. De lui faire du mal autant qu'il en avait fait à la femme qu'il aimait, sur la base de préjugés, sourd au moindre contre-argument. Toute cette histoire n'était qu'une parodie de justice. Le Ministère voulait juste un coupable à blâmer pour la mort de James et Lily et Sirius avait été tout désigné. Mais à cause de sa fuite, les juges s’étaient rabattus sur Sélène qui était incapable de faire du mal à qui que ce soit. Et c'était cette torture gratuite qui le révoltait.

 

Sa respiration se faisait hachée, entravée par la colère. Sélène tenta une approche en l'appelant doucement mais il la repoussa. Il l'entendit retenir un sanglot.

 

— Sirius… appela-t-elle timidement.

 

Brusquement, il leva la main pour la faire taire. Il lui tournait le dos. Il savait qu'elle allait se méprendre mais il était incapable pour le moment de parler, de dire quoi que ce soit de sensé et tout aussi incapable de l'écouter. Ses pensées s'entrechoquaient entre ses deux oreilles et par-dessus tout il avait l'impression d'entendre les hurlements de douleur que Sélène avait dû pousser pendant de Croupton la martyrisait.

 

Soudainement, il eut l'impression d'étouffer. Il fallait qu'il sorte de cette pièce, qu'il sorte de cette cave et de cette maison. Il avait besoin d'air. Alors, sans un regard, tout à sa haine, il rouvrit les yeux et s'en alla. Il entendit vaguement Sélène l'appeler derrière lui et le suivre quelques instants avant d’abandonner. Il ne s'arrêta pas.

 

Une fois dehors, il prit une grande respiration et commença à courir, sans but. Et quand il eut atteint le couvert des arbres de la forêt, il se transforma en chien pour accélérer encore. Le vent froid lui fouettait le museau, cristallisant la rosée sur ses moustaches, rabattant ses oreilles vers l'arrière. Il avait besoin de courir pour se vider la tête qui menaçait d'exploser et en chasser les hurlements de douleur de la femme qu’il aimait.

 

Il courut ainsi pendant presque une heure et il ne s'arrêta dans une clairière pour reprendre son souffle que quand ses pattes flanchèrent, ne le portant plus. Il s'allongea dans l'herbe et se métamorphosa en homme à nouveau. Allongé sur le dos, il observa le ciel à travers les arbres et le vent danser dans leurs branches. Petit à petit, il retrouva un souffle apaisé. Il ne fut calmé que lorsque le soleil commença à redescendre sur l'horizon.

 

Il se releva difficilement. Malgré le fortifiant que Remus lui avait donné la veille, ses jambes n'étaient plus habituées à une course aussi longue et rapide. Elles tremblèrent un peu et il mit quelques secondes à se stabiliser. Maintenant que son esprit s’était apaisé, il se rendit compte de ce qu’il avait fait, de ce que Sélène avait dû ressentir et il s’en voulut. Il devait rentrer et tenter de réparer les dégâts. Il se concentra sur sa destination et transplana vers la maison.

 

Quand il arriva devant la porte de la petite chaumière, il hésita un dernier instant, la main posée sur la poignée, le cœur battant.

 

Lorsqu’il entra, une bonne odeur de pot au feu l'accueillit et son estomac lui rappela bruyamment qu'il n'avait rien avalé depuis son évasion d’Azkaban. Il s'approcha de l'entrée de la cuisine et s'adossa au chambranle, observant Sélène devant l'évier. Elle lui tournait le dos et se figea, une casserole en main qu’elle reposa bruyamment. D'un coup de baguette magique, elle anima l'éponge qui se mit à frotter la vaisselle toute seule et se retourna pour lui faire face. Il lui sourit timidement mais elle ne répondit pas. Les bras croisés, elle le regardait froidement.

 

Puis elle quitta la pièce, passant devant lui en évitant soigneusement de le toucher ou de lui adresser un regard. Il l'attrapa par le bras mais quand elle leva vers lui ses yeux rougis, il la relâcha, se sentant horriblement coupable. Il était bien conscient qu'il avait agi ce matin comme le con égoïste et impulsif qu'il était depuis toujours et il l'avait blessée. Et cette fois, ce serait bien plus dur de se faire pardonner.

 

Il ne chercha pas à la retenir. Il l'entendit descendre à la cave et soupira. Il s'en voulait. La faim l’avait quitté brusquement. Après tout, il avait été habitué pendant son incarcération à ne pratiquement rien avaler et il lui était souvent arrivé de jeuner pendant plusieurs jours. Là, il y avait plus urgent alors il tourna les talons et alla rejoindre celle qui occupait ses pensées.

 

Elle avait laissé le passage ouvert pour lui qui n'avait toujours pas récupéré de baguette. Il entra dans la grande salle et jeta un coup d'œil circulaire pour la localiser mais elle n'était nulle part. Son regard se fixa sur son portrait, affiché sur le mur, qui le regardait sévèrement en secouant la tête, les bras croisés. Il marmonna, en passant une main dans ses cheveux, gêné :

— Je sais, j'ai merdé … 

 

Il la retrouva dans la chambre, lui tournant le dos. Les flammes dans l'âtre projetaient une lumière tamisée dans la pièce. Il referma la porte et avança. Il la vit tourner légèrement la tête et se tendre en le sachant juste derrière elle. Il déglutit, ne sachant par où commencer.

 

— Pardonne-moi… J'ai agi sans réfléchir. Apparemment mon emprisonnement n’a rien changé à mon caractère de chien, tenta-t-il en souriant maladroitement.

 

Mais comme elle ne réagit pas, il poursuivit en passant à nouveau une main dans ses cheveux :

— Je suis en colère, Sélène… Contre moi et contre la terre entière. Ce qu'ils t'ont fait, c'est…

 

Il hésitait, il avait du mal à trouver les mots pour exprimer ce qu'il ressentait. Il avait envie d'être sincère, de lui dire tout ce qui se passait dans sa tête mais, même calmé, il avait toujours autant de mal à organiser ses pensées.

 

— J'ai pu seulement imaginer à quel point tu as souffert et ça m'a rendu fou… Tu sais… Pendant ces quatre ans à Azkaban, j'ai rêvé de te retrouver comme je t'avais quitté. Je ne réalisais pas que ce n'était pas possible… Je n'avais aucune idée de ce que tu avais pu vivre… Puis je t'ai revue… Si différente devant moi, en prison... Aux côtés de Malefoy ce matin… J'ai compris que tu travaillais pour lui… Puis il y a aussi ce que m'a raconté Remus. Tout ça… Ça fait beaucoup à encaisser. Je n'ai pas encore compris tous les tenants et les aboutissants... Alors je me suis concentré sur les choses réelles : toi devant moi… Et tu m'as raconté les horreurs que tu as subies… J'ai vu tes cicatrices… J'étais tellement en colère, Sélène. J'avais besoin d'évacuer tout ça, de mettre de l'ordre dans ma tête et je ne suis même pas sûr d'avoir réussi.

 

Il soupira. Elle lui tournait encore le dos.

— Tout ce que je sais c’est que je veux être avec toi, peu importe ce qui t’es arrivé, ce dans quoi tu es impliquée. Je veux que tu saches que je suis avec toi.

 

Lentement, Sélène se retourna enfin vers lui. Les yeux toujours rouges, une larme coulait le long de sa joue. Sirius leva la main pour l'effacer mais la jeune femme l'en empêcha pour l'essuyer elle-même d'un geste rageur.

 

— Tu es parti, Sirius. Tu as demandé à voir mes cicatrices et tu t'es enfui sans me regarder, sans rien m’expliquer. Sais-tu seulement ce que j'ai ressenti ?

 

Sirius ouvrit la bouche pour parler, mais elle continua sur sa lancée, la voix chevrotante.

 

— Depuis quatre ans, j'avais peur de ta réaction quand tu les verrais. J'avais peur que tu poses sur moi un regard dégoûté. C'est mon corps, Sirius. Mon corps qui est complètement différent, abîmé, défiguré. Malgré tout ce que j’ai tenté, les cicatrices du Feudeymon sont définitives. Pendant très longtemps, j'ai refusé de les regarder. Mais au final, peu importaient les douleurs que je ressentais, au fond de moi, j'avais juste peur que tu n'acceptes pas et que tu m'abandonnes. Et tout à l'heure, tu es parti…

 

Sirius grimaça mais ne détourna pas le regard. Il acceptait les reproches parce qu'elle avait parfaitement raison et qu'il les méritait. Il avait agi sans réfléchir.

— Je ne vais pas te mentir, Sélène. Ça m'a fait mal de les voir.

 

Sélène voulut se détourner, déçue, mais Sirius l'en empêcha.

— Oui, ça m'a fait mal de voir tes cicatrices. Pas parce qu'elles me repoussaient, mais parce que ça me rappellera toute ma vie ce que tu as subi. Par ma faute.

 

 

Elle s’apprêtait à protester quand il l’en empêcha en poursuivant d’une voix un peu plus forte.

— Par ma faute, Sélène. Parce que tu m’aimais. Parce que tu as refusé de me trahir et de mentir pour te sauver toi. Est-ce que ça enlève à ta beauté ? Non, tu seras toujours la plus belle femme au monde pour moi. Est-ce que ça change mes sentiments pour toi ? Pas une seule seconde, bien au contraire.

 

Il caressa son visage et repoussa une mèche de cheveux rebelle derrière l'oreille de la jeune femme. Il poursuivit, radouci.

— Je t'aime depuis ce jour, en étude des moldus en cinquième année. Depuis que tu m'as souri et que tes yeux ont lu au plus profond de mon âme. J'ai su ce jour-là qu'il ne pourrait jamais y avoir quelqu'un d'autre que toi. Et rien ni personne ne pourra changer ça.

 

Sélène ne répondit rien, émue, mais ses yeux se remplirent de larmes à nouveau.

— Tu veux bien me les montrer encore ? murmura Sirius.

 

La jeune femme sursauta. Hésitante, elle scruta son visage pour y chercher du courage. Puis, comme il posait sur elle un regard plein de douceur, elle hocha la tête et se retourna.

 

D'un geste lent, il fit descendre la fermeture éclair de la robe de la jeune femme. Tendrement, il fit glisser les manches le long de ses épaules. Elle réprima un frisson quand son dos se dénuda. Doucement, du bout des doigts, il dessina une des marbrures blanches qui sillonnait le long de sa colonne vertébrale. Avec délice, il constata que sa peau était toujours aussi douce. Surpris, il vit la chair de poule naître sur le dos de sa compagne. Il sourit, rassuré en partie.

 

Il déglutit. Après quatre ans sans la toucher, la voir ainsi réagir à ses caresses le remplit d’un désir aussi dévastateur que la colère qu’il avait ressentie plus tôt.

 

Sélène entendit la respiration de Sirius se modifier. Elle se faisait plus profonde, plus intense. Elle baissa la tête, persuadée qu’il s’était à nouveau laissé dépasser par sa culpabilité et sa haine et elle tenta de remonter les pans de sa robe pour se cacher à nouveau, blessée. Mais Sirius l’en empêcha.

 

Déconcertée et anxieuse, elle se tourna pour lui faire face en maintenant sa robe sur sa poitrine. Elle leva le visage vers lui, ne sachant comment réagir à son attitude. Et là devant elle, Sirius la regardait les pupilles dilatées de désir. Il la désirait, elle, malgré ses cicatrices, malgré son corps abîmé. Il la désirait toujours.

 

Alors soudain, comme un tsunami qui naissait entre ses reins, elle eut envie de sentir sa peau contre la sienne. Le sentiment de manque qui ne l’avait pas quitté depuis leur séparation, quatre ans auparavant, la frappait encore plus fort maintenant qu’il était si près d’elle.

 

Le désir qu’elle avait vu dans ses yeux avait ouvert les digues qu’elle avait dressées pour ne pas se laisser submerger. Ces derniers temps, elle avait fini par craindre d’avoir oublié ses sentiments, mais là, devant ce visage qui la regardait amoureusement, elle devait se rendre à l’évidence : ces quatre années passées et toutes les épreuves traversées n’y avaient rien changé.

 

Elle l’aimait.

 

Peu importe ses doutes sur l’avenir, les Horcruxes, Malefoy et les Mangemorts. A ce moment précis, c’était la seule certitude qu’elle avait et la seule qui comptait.

 

Elle l’aimait.

 

Profondément. Viscéralement. Et c’était tout ce qui importait.

 

D’un même mouvement, ils se jetèrent l’un sur l’autre en un baiser passionné. Sirius referma son poing dans les doux cheveux de Sélène et tira légèrement sa tête en arrière. Elle céda et lui offrit son cou en gémissant de frustration à l’idée de quitter ses lèvres et d’anticipation à l’idée de les sentir parcourir sa peau, si sensible à cet endroit.

 

La main du jeune homme lâcha sa prise mais elle ne bougea pas, savourant les baisers et les caresses de ses mains qui glissaient dans son dos, la pressant davantage contre son torse.

 

Elle noua ses bras autour de sa nuque et enroula ses jambes autour de sa taille. Il passa ses mains sous ses fesses pour la soutenir. Elle enfouit son visage dans son cou alors qu’il faisait de même, reprenant leur souffle. D’un même mouvement, ils resserrèrent leur étreinte. Elle inspira son odeur. Une odeur boisée, musquée. Cette odeur qui lui avait tant manqué et qu’elle avait essayé de garder le plus longtemps possible sur son oreiller. Cette odeur qui avait fini par disparaître. Elle s’en enivra.

 

Petit à petit, avec avidité, elle goûta à nouveau sa peau, par petites touches et baisers déposés le long de sa mâchoire, faisant naître des frissons dans la nuque de son amant. Il la plaqua contre le mur, pour presser davantage son corps contre elle.

 

Cette sensation fit naître une envolée de papillons particulièrement agités dans son ventre. Son souffle perdit tout rythme cohérent. Elle redressa la tête, sa joue frôlant celle de Sirius, leurs nez se touchant presque, puis enfin, ses lèvres, si proches des siennes. Leurs souffles anarchiques se mêlaient alors qu’ils se regardaient dans les yeux, cherchant à y lire les pensées de l’autre. Dans les prunelles grises qui la fixaient intensément, elle y lut tout le désir qu’il avait pour elle, décuplant le sien. 

 

Elle l’embrassa avec toute la force du manque qu’elle avait ressenti ces quatre longues années. Avec toute la frustration qu’elle avait éprouvée ces dernières semaines à la prison. Avec tout le désir qui l’habitait maintenant qu’elle se trouvait dans ses bras. Ses doigts passèrent sous le t-shirt de Sirius, avides, à la recherche de la chaleur de sa peau.

 

Elle avait soif de lui, de ses caresses, de son odeur, de sa chaleur, de sa peau contre la sienne, tout comme lui était empressé de la toucher, de l’embrasser, de la goûter. Elle n’était plus que sensations, son épiderme rendu hypersensible par le désir. Plus rien ne comptait à part Sirius, ses mains, ses yeux, sa bouche, sa langue. Rien n’était plus important que la redécouverte de leurs corps.

 

Il la souleva à nouveau et la déposa tendrement sur leur lit. Avec déférence, il la dévêtit, parsemant son corps de baisers emprunts d'adoration. Il n'oublia aucune parcelle de peau et s'allongea sur elle en scellant leurs lèvres à nouveau.

 

Leur étreinte fut d’abord passionnée, rapide et animale pour assouvir le manque.

Puis lente et délicate, pour laisser la place aux mots doux murmurés dans l’oreille.

 

Tendrement, ils se reposèrent ensuite dans les bras l'un de l'autre, savourant le bonheur de s'être enfin retrouvés. Féline, Sélène s'étira et s'allongea sur le ventre aux côtés de Sirius qui ne se lassait pas de la regarder, appuyé sur le coude. Encore une fois, il détailla les cicatrices dans son dos en même temps que ses doigts les parcouraient délicatement. Petit à petit, il sentit son visage se fermer à nouveau alors que la culpabilité revenait, il remonta le drap sur elle, détournant le regard.

 

— Ce n'est pas ta faute, Sirius, murmura-t-elle.

 

Il grimaça, peu convaincu de ses paroles. Bien sûr que si, elle avait souffert à cause de lui, parce qu’elle lui était restée loyale, parce qu’elle n’avait pas voulu mentir et parce qu’elle l’aimait. Et elle ne lui en voulait même pas. Alors malgré tout ce qu’elle pouvait dire, il se sentait amer et n’était pas sûr de mériter tout ça. 

— Bien sûr que c'est ma faute. Toute cette merde, c'est ma faute, grogna-t-il en se laissant retomber sur l'oreiller.

 

C'est lui qui avait suggéré à James l’idée de prendre un autre gardien du secret que lui. Il avait cru avoir trouvé l'idée parfaite. Il voulait servir de leurre. Ce devait être un coup de bluff pour tromper Voldemort. Quand il avait proposé Peter, il avait pensé que c’était la solution parfaite. Il aurait pourtant dû le savoir… Peter avait toujours cherché à rester dans l'ombre des plus puissants que lui, à courber l’échine et chercher leurs bonnes grâces. A une époque, c’était eux, Remus, James et lui, Sirius... Sa colère refaisait surface et s'il avait pu avoir ce rat en face de lui, il l'aurait massacré à mains nues.

 

— Non, ce n'est la faute que de Peter et de Voldemort. Pas la tienne, affirma Sélène.

 

Il la regarda à nouveau et sourit en reconnaissant les paroles que Remus avait prononcé le matin même, prophétisant qu’elle les lui dirait aussi. Elle s'était redressée sur un coude et le regardait intensément.

 

— Tu sais, au départ, je ne voulais pas parler de ce qu'il s'était passé même si tu aurais fini par voir mes cicatrices de toute manière. Je ne voulais pas te le dire parce que je savais que tu allais culpabiliser. Je te connais. Alors je te le redis et je te le redirais autant de fois que nécessaire : ce n'est pas ta faute ! Ce n'est pas toi qui tenais la baguette !! Tu étais innocent Sirius et personne n'a voulu le croire !

 

Sirius hocha la tête pour lui faire signe qu’il avait bien entendu. Il lui faudrait sans doute du temps pour que la culpabilité le quitte entièrement et sans doute qu’elle devrait lui répéter cette phrase quelques fois encore. Mais s’il en avait besoin, elle le ferait, patiemment, jusqu’à ce qu’il comprenne et qu’il en soit lui-aussi convaincu.

 

Il l’embrassa, caressant tendrement son visage. Elle sourit en posant ses mains sur son torse et répondit à son baiser. Il le savoura.

— Je t’aime tellement, Sélène, souffla-t-il entre deux baisers.

— Je t’aime tout autant, lui répondit-elle en souriant.

 

 

OoooO

 

 

Rufus Scrimgeour tirait une grande fierté de son métier. Il était un des Aurors les plus apprécié pour sa droiture, son perfectionnisme et son intransigeance. Et c'est bien pour cela que son partenaire, Kingsley Shacklebolt, et lui furent nommés responsables de l'enquête sur l'évasion de Sirius Black. C'était un scandale et il était déterminé à faire le point sur cette affaire pour remettre ce criminel derrière les barreaux, à la place qui était la sienne.

 

C'était dans cette optique qu'il était arrivé à Azkaban ce matin-là, demandant à interroger les gardiens en faction la veille au moment de ladite évasion. Les deux Aurors s'étaient installés dans le bureau du directeur de la prison et avaient commencé les interrogatoires. Il leur restait un dernier maton à questionner avant de rentrer faire leur rapport. Quand celui-ci entra dans la pièce, Scrimgeour lui fit signe de s'installer sur une chaise devant le bureau alors que Shacklebolt assistait à l'entretien, adossé à la porte.

— Votre nom, fonction et ancienneté ? commença Scrimgeour.

— Darren Morrisey, gardien à Azkaban depuis presque dix ans.

— Vous étiez en poste, hier. Que pouvez-vous me dire sur cette journée ?

 

Le maton se redressa, soucieux de faire bonne impression.

— Je suis arrivé à huit heures du matin, comme d'habitude, et j'ai commencé à faire ma ronde avec la guérisseuse. Elle était là depuis quelques semaines seulement. Un joli brin de fille. C'est la ministre qui l'a engagée à ce poste, pour "humaniser la prison" qu'elle disait. Une belle connerie si vous voulez mon avis…

— Ah ? Et pourquoi ça ?

— Moi j’vous dis, une femme dans une prison, de ce côté des barreaux, c’est que des emmerdes… répondit Morrisey en haussant les épaules.

 

Scrimgeour releva la tête tandis que sa plume à papote retranscrivait tout ce que le gardien disait sur un petit carnet. Il hésita à répliquer mais sur un signe de son collègue, il recentra l’entretien :

— Et Black, vous avez remarqué un comportement particulier chez lui ce jour-là ?

 

L'homme renifla de dédain.

— Black est un fils de harpie, si vous voulez mon avis. Quand on est arrivé devant sa cellule, il s'est approché, Miss Fallon voulait vérifier que sa blessure était bien guérie.

— Quelle blessure ?

— Pfff, deux semaines auparavant, lors de la visite avec la ministre, ce débile a fracassé son poing contre le mur…

 

Scrimgeour leva un sourcil alors que Shacklebolt se redressait et s'approchait.

— Pourquoi a-t-il fait ça ?

— Comment le saurais-je ? Qui peut dire ce qu'il se passe dans un esprit aussi tordu que le sien ? Mais juste avant, il avait flirté avec Miss Fallon, elle lui plaisait peut-être.

— Et comment a-t-elle réagi ? poursuivit l’Auror.

 

Le gardien s'exclama :

— Ha, ben ça, pour réagir, elle a réagi. Comme Black avait hurlé, ça a attiré les Détraqueurs et elle les a chassés avec un magnifique Patronus corporel. Puis elle s'est précipitée pour soigner ses blessures. Elle a même refusé que je rentre dans la cellule avec elle.

 

Les deux Aurors échangèrent un regard :

— Et donc, hier, c'est elle qui a demandé à le voir ?

— Ouais, elle voulait s'assurer de la bonne cicatrisation de sa main. Pfff… Pour ce qu'il s'en sert... Bref, il a été insolent envers moi et je l'ai puni, comme j'en ai le droit. Ça l'a choquée et elle a voulu être sûre qu'il allait bien.

— Pourquoi ?

— Bah, elle a trouvé que j'y étais allé un peu fort et l'autre était allongé sur le sol. Il bougeait plus, mais c'était de la comédie ça… Elle est entrée dans sa cellule et après, il se portait comme un charme.

 

Scrimgeour fronça les sourcils. Morrisey lui semblait cruel, sexiste et abusait de son pouvoir de gardien pour martyriser les détenus. Il ressentait une réelle antipathie envers l'homme qui lui faisait face et en jetant un coup d'œil à son partenaire juste derrière, il constata que ce dernier était du même avis que lui. Il vérifia que sa plume à papote avait fini d'écrire avant de poursuivre.

 

— Et le soir de l'évasion ? C'est vous qui avez trouvé Black ?

— Nan, c'est un collègue, mais je l'ai vu après. Tout raide, pâle et froid. On a appelé la guérisseuse pour qu'elle confirme sa mort et on l’a fait léviter vers l’infirmerie, ça a rendu les prisonniers dingues dans leurs cellules et ils se sont agités. Les Détraqueurs se sont bien amusés à les calmer, même si ça a pris un peu de temps, précisa le gardien, un sourire mauvais sur les lèvres. Puis à l’infirmerie, on a mis Black dans son cercueil avant qu'elle arrive tellement ça nous paraissait évident qu’il était clamsé. Des morts, on en a vu d’autres dans cette prison, vous savez, on voulait gagner du temps.

 

Scrimgeour leva la tête vers le gardien à nouveau et le jaugea :

— Vous l’avez puni comment cet après-midi là ?

 

Morrisez paniqua et se redressa sur sa chaise :

— Nan, vraiment, il allait très bien après notre départ de la cellule, hein. C’est pas moi qui l’ai tué, hein. Elle a bien écrit ça votre plume, là ?

 

L'Auror ne releva pas, retenant un sourire en coin, et continua son interrogatoire.

— Et que s’est-il passé ensuite ?

— Ca a dérapé… Normalement, l’infirmerie est pour nous, pour qu’on puisse récupérer tranquillement dans un coin interdit aux Détraqueurs quand ils nous tapent un peu trop sur le moral. Mais là, Miss Fallon avait insisté pour y placer un détenu qui allait pas bien, pour lui laisser un peu de répit. Des conneries, j’vous dis, cracha Morrisey, méprisant. Bref, nous, on est sorti, on avait d’autres trucs à faire. Il fallait continuer la ronde pour apporter à bouffer à tous ces fils de troll. Donc on les a laissés là, Lestrange attaché à son lit et Black dans sa boîte le temps que la guérisseuse arrive.

— Lestrange, c'était le prisonnier malade, c'est ça ?

— Ouais, m'sieur.

— Où était-elle la guérisseuse ?

— Tous les soirs elle doit rendre des comptes à la Ministre. Moi, j’espère que toute cette histoire leur fera perdre leur place à toutes les deux. C’est de leur faute si tout ça est arrivé… Humaniser les prisons… Conneries… C’est pour les bonnes femmes tout ça.

 

Scrimgeour se retint de dire quoi que ce soit, ce gardien lui tapait vraiment sur les nerfs.

— Et ensuite ?

— Ensuite ? On a été attirés par des cris dans l'infirmerie. Quand on est entrés, Lestrange s’acharnait à coup de pieds sur la guérisseuse. Elle avait perdu connaissance. On a maîtrisé Lestrange et je l’ai ramené dans sa cellule pendant que mon collègue amenait la fille à l’hôpital. Puis j’ai fait léviter le cercueil de Black jusque dans le cimetière. Je l’ai laissé là, tout façon il était censé être mort et je suis retourné dans la prison, calmer les émeutiers. C’est quand on est revenu creuser la tombe qu’on a remarqué qu’il était plus là. Un sortilège de magie noire, je suppose, témoigna Morrisey en haussant les épaules.  

 

 

Scrimgeour s'adossa sur son fauteuil, pensif, puis d’un geste, mit fin à l’entretien.

— Beaucoup de manquements dans cette affaire, releva son collègue quand Morrisey fut parti.

— Ouais, il va falloir aller discuter avec cette Miss Fallon.

 

Shacklebolt hocha la tête. Scrimgeour rangea sa plume à papote, rassembla ses notes et repartit, le dossier de Sirius Black sous le bras.

 

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