Le journal de Neville Londubat
Chapitre 11 : la conseillère d'orientation
996 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 17/11/2025 15:17
20 avril 1996
Aujourd'hui, j'ai eu mon rendez-vous d'orientation, une étape par laquelle chaque élève de cinquième année doit passer. Rien qu'en l'écrivant, j'ai l'impression que mon estomac se noue à nouveau.
Ça paraît être une petite chose, un simple entretien avec une conseillère... mais pour moi, c'était énorme. Comme si tout mon avenir se jouait dans cette pièce en vingt minutes.
Je me demande si, au Ministère, ils se rendent compte qu'on n'a que quinze ans.
Qu'on est censés choisir notre futur alors qu'un fou furieux génocidaire se balade en liberté ?
Depuis plusieurs jours, je voyais les autres élèves de Gryffondor se rendre à leur entretien avec plus ou moins d'assurance. Hermione y est allée la tête haute, le parchemin déjà rempli de toutes ses options possibles. Ron avait l'air un peu perdu, mais au moins il savait déjà ce qu'il voulait faire, ce n'est plus un secret pour personne qu'il rêve d'intégrer les Aurors.
Même Dean et Seamus avaient deux ou trois pistes en tête.
Moi ?
Je n'avais rien.
Je n'ai jamais su ce que je voulais faire "plus tard". Peut-être que c'est normal, mais j'ai toujours eu l'impression d'être en retard sur les autres. Comme si j'étais le seul à marcher dans la mauvaise direction pendant que tout le monde avançait droit devant.
Je me suis demandé ce que mes parents auraient espéré pour moi.
Aurais-je été Auror, comme eux ?
Aurais-je suivi les traces de ma famille ?
Je ne crois pas.
Je suis loin d'être assez bon pour ça.
Et surtout... je ne suis pas eux.
Grand-mère me le rappelle assez souvent, sans toujours s'en rendre compte. Parfois, j'ai juste l'impression d'être une profonde déception pour elle. Les Londubat sont une des familles de sorciers les plus illustres, et tout ce qui reste de leur prestige repose maintenant sur mes seules épaules.
C'est terrifiant.
Si seulement Grand-mère avait pu me voir pendant les réunions de l'AD... Je suis sûr qu'elle aurait regardé différemment ce dont je suis capable. Peut-être qu'elle aurait eu un peu plus de considération pour moi.
Mais revenons à cette question de mon avenir professionnel.
Ce matin, avant le rendez-vous, j'avais les mains moites. Je n'arrêtais pas de tourner ma baguette entre mes doigts en me répétant que la botanique, au moins, je savais faire. Que j'avais une vraie passion. Que quelque part, dans ce château, j'étais bon à quelque chose.
La serre est devenue mon refuge, mon point d'ancrage.
L'odeur de la terre humide, la lumière filtrée à travers les vitres, le bruissement discret des feuilles...
Parfois, j'ai l'impression que les plantes sont les seules choses qui me comprennent vraiment.
Elles ne demandent rien de plus que du soin et de la patience.
Elles ne se moquent pas.
Elles ne comparent pas.
Elles poussent, simplement, avec ce qu'elles ont.
Le professeur Chourave me répète souvent que j'ai une "main" pour les plantes, comme d'autres ont une main sûre pour les potions ou pour le duel. Et je veux la croire. Vraiment. Elle est la seule à avoir un peu de confiance en moi, je crois.
Mais chaque fois que je rencontre un professeur d'une autre matière qui me demande ce que je veux faire après mes études... j'ai l'impression que ma réponse n'a pas de poids.
Comme si ce n'était pas un "vrai" avenir.
Comme si aimer les plantes n'était pas suffisant pour exister dans le monde des sorciers.
Quand je suis arrivé dans le bureau de la conseillère d'orientation, j'avais l'impression que mes jambes allaient lâcher. Elle m'a demandé de m'asseoir et a redressé ses lunettes sur son nez avec un air tellement sérieux que j'ai eu envie de faire demi-tour.
Elle m'a posé des questions. Beaucoup de questions. Trop de questions.
Sur mes notes, mes matières préférées, mes difficultés, mes ambitions.
J'ai bafouillé, évidemment. Je crois même avoir renversé un encrier quand elle m'a demandé ce que je voulais « accomplir ».
Ce mot-là m'a tordu le ventre. Accomplir quoi ?
Je n'en sais rien.
Mais au bout d'un moment, elle m'a posé une question différente. Une question qui a arrêté tout le bruit dans ma tête :
- Dans quelle matière te sens-tu vivant, Neville ?
Alors j'ai pensé à la serre. Aux feuilles de Mandragore qui s'ouvrent au soleil. Aux Bruyères Lunaires qui ne fleurissent que si on leur parle doucement. À la sensation de la terre sous mes ongles, qui ne me gêne jamais autant que l'encre sur mes doigts.
Et j'ai dit tout naturellement :
- La botanique.
Pour la première fois depuis le début du rendez-vous, j'ai senti quelque chose bouger dans ma poitrine. Comme un soulagement. Comme une vérité qu'on laisse enfin sortir après l'avoir retenue trop longtemps.
Elle a hoché la tête. Elle m'a parlé de métiers possibles : herboriste, chercheur en plantes rares, soigneur spécialisé, ou même, pourquoi pas, travailler dans les serres du Ministère ou de Sainte-Mangouste.
Je n'avais jamais pensé à tout ça. Et d'un coup, le monde semblait beaucoup plus vaste... et beaucoup plus intimidant aussi.
Quand je suis sorti du bureau, j'avais encore les jambes tremblantes, mais quelque chose était différent.
Comme si, pour la première fois, un chemin venait de s'ouvrir devant moi.
Je ne sais toujours pas exactement ce que je veux devenir.
Je ne sais même pas si j'en serai capable. Mais pour la première fois, l'avenir n'a pas l'air d'un mur infranchissable.
Peut-être que je ne serai jamais un grand duelliste, ni un héros. Mais je pourrais être quelqu'un qui fait pousser quelque chose de vivant dans un monde qui s'assombrit.
Et ce n'est peut-être pas si mal.