CHRONOS ET DEIMOS. Traduit de russe, auteur TsissiBlack
— Harry !
Ollivander, tout grisonnant, sourit, découvrant ses dents jaunes proéminentes et serra la main tendue.
— Quel plaisir de te voir ! Tu ne rends pas souvent visite au vieil homme, n'est-ce pas ? Ta baguette aurait-elle encore rendu l'âme, incapable de supporter ton potentiel magique grandissant ?
— Non, Garrick, sourit chaleureusement Potter, la baguette avec la dent de basilic que tu m'as fabriquée dernièrement fonctionne encore très bien.
— Parfait ! Mais tout cela ne serait pas arrivé si tu avais gardé la Baguette de Sureau !
— Nous avons déjà eu cette conversation, répliqua Harry d'un ton qui laissait clairement entendre - ne pas insister.
— D'accord, d'accord. Qui t'accompagne ?
Potter passa son bras autour des épaules de Regulus, qui gardait un silence poli, et le présenta.
— Voici mon fils et héritier, Regulus Potter-Black. Et il a besoin d'une nouvelle baguette. Reg, je te présente Monsieur Ollivander, le plus grand expert dans ce domaine.
— Regulus Black ? Je me souviens avoir vendu une baguette à un jeune sorcier du même nom, il y a bien longtemps. Oh, c'était une baguette extraordinaire ! Ébène et écailles de wyverne. Rusée, tranchante, indestructible. Elle convenait parfaitement à ce jeune homme astucieux et pourtant remarquablement courageux.
Le regard larmoyant d'Ollivander examina minutieusement la ressemblance du nouveau client avec Potter, le bleu caractéristique des Black de ses yeux, les traits parfaits de son visage aristocratique et son maintien.
— Quel dommage que ce jeune homme ait disparu depuis si longtemps. Tellement d'années se sont écoulées que je ne trouve même pas dans ma mémoire exceptionnelle si le corps de l'infortuné a jamais été découvert.
— Imagine que ce corps est retrouvé. Et rappelle-toi ta promesse, Garrick, dit Potter sur un ton menaçant.
— Harry, nous avons affronté... de nombreuses épreuves ensemble. Je te suis redevable de ma vie ; mais satisfais ma curiosité, par compassion pour les faiblesses d'autrui.
— Une baguette d'ébène et de wyverne ; je suis sûr qu'elle fera l'affaire.
Ollivander rayonna et disparut derrière un immense étalage. Bientôt, le silence ne fut rompu que par les murmures du vieux sorcier et le bruissement des cartons qu'il sortait.
— Tu lui fais à ce point confiance ? demanda Reg d'un ton désinvolte, comme s'il poursuivait une conversation sur la pluie et le beau temps.
— Oui, répondit brièvement Harry avec un clin d'œil. D’autant plus que j'ai pris vœu de discrétion de sa part, alors ne sois pas nerveux. Notre légende tient toujours.
— Bien. Tu es un drôle de personnage, Déimos.
— C'est ainsi. Jusqu'à peu, seul Kreattur pouvait supporter volontairement mon caractère difficile. Et quelques amis avec qui j'ai surmonté de nombreuses épreuves. Les autres se fatiguent rapidement de mon... côté autoritaire.
— Et maintenant ?
— Et maintenant, je t'ai, j'ai donc quelqu'un à éduquer, et j’ai, également, Severus, pour m'engueuler si je deviens trop autoritaire.
— Sev ? T’engueuler ? Son Deymi adoré ? Quelque chose est mort et pourrit dans la Forêt Interdite, comme Sirius aimait le dire. J'ai l'impression d'avoir manqué beaucoup de choses !
— Tenez, Monsieur Potter-Black, dit Ollivander en revenant. Du bois-de-fer et cœur de basilic. Cela devrait convenir, étant donné... votre parenté récemment acquise et l'augmentation de votre potentiel magique qui en résulte. Essayez.
Regulus agita la longue baguette plutôt flexible, ornée de gravures complexes, et des étincelles bleu vif jaillirent immédiatement.
— Parfait ! s'exclama l'heureux héritier. C'est comme si la puissance venait de m'envahir ! Déimos, c'est...
— Excellent. Prends aussi un fourreau pour la porter sur l'avant-bras.
— Mais... je porte toujours ma baguette dans la poche intérieure de ma robe !
— Vraiment ? Alors tu ne t'en sépares jamais ?
— Pourquoi ne devrais-je jamais me séparer de ma baguette ?
— Parce que je l'ai dit.
— Bien ! Pourriez-vous me passer ce fourreau en peau de dragon, s'il vous plaît.
— Si tu penses me ruiner, je te signale qu'à partir de demain, c'est toi qui seras responsable des affaires familiales, des investissements, de la fortune et de toutes ces banalités. Tu te compliques donc la vie tout seul.
— Trois cents Gallions, jeunes gens.
Harry éclata de rire en voyant Regulus complètement ahuri, puis régla la somme.
— Merci, Garrick, espèce de vieux filou !
— Ce jeune homme a manifestement bon goût ; il faut l'encourager. Reviens me voir, Harry, j'apprécie toujours de retrouver les vieux amis.
— Volontiers. Surtout si ces visites ne me coûtent pas la moitié du salaire d'un Auror ordinaire.
— Mais tu n'es pas ordinaire, n'est-ce pas, Harry ? Tu ne l'as jamais été.
— C'est indéniable.
Harry serra à nouveau la main du vieux maître artefacteur et, prenant Regulus stupéfait par le coude, sortit de la boutique.
— Déimos...
— Oublie ça. L'argent n'est que du métal. La sécurité prime.
Harry installa lui-même le support sur l'avant-bras de Reg et y plaça la baguette.
— Maintenant, fais comme ceci.
Il effectua un léger mouvement du poignet, et sa baguette jaillit immédiatement dans sa main. Regulus l’imita.
— Ça fonctionne ! C'est vraiment plus pratique ainsi ! Tu avais raison.
— J'aimerais avoir raison moins souvent, murmura Harry pensivement en relâchant sa baguette qui reprit sa place. Prépare-toi ! On transplane au Ministère.
— Hein ? Oh, Mordred et sa suite ! s'exclama Regulus, avant que l'anti-espace ne s'effondre autour de lui, vidant ses poumons de leur oxygène vital. Tu es vraiment puissant, Déimos. Non, ce n'est pas le mot juste. Tu es carrément surpuissant !
Il examina le bureau de l'Auror en Chef et prit place sur la chaise réservée aux visiteurs.
— Je n'ai jamais entendu parler de quelqu'un capable de transplaner à l'intérieur du Ministère.
— Et tu ne l'entendras jamais.
Harry toucha une petite sphère posée sur la table, maintenue par un support évoquant les serres d'un étrange oiseau de proie, puis appela :
— Hermie !
— Qui oses-tu appeler Hermie, Potter ? répondit Kingsley de sa voix grave et profonde. Tu ne sens jamais quand tu franchis les limites ?
— King, ne me cherche pas des poux dans la tête. Où est Hermione ? J'ai besoin d'elle en tant que femme et en tant que Chef du Département des Affaires Juridiques Complexes.
— C'est toi, Potter, qui est une Affaire Juridique Complexe. Bas les pattes de ma femme, il me semble que tu n'es pas de ce bord-ci !
— Je me fiche de tes fantasmes douteux ! Hermie !
— King ! Je t'ai dit de ne pas répondre quand on m'appelle sur ma sphère communicante !
— Désolé, ma puce ! répondit Shacklebolt sans le moindre remords. Elle s'est allumée. C'est ton Potter, le héros de toute la Grande-Bretagne, ou comme le peuple le surnomme, les couilles d'acier...
— Hermie, j'ai une affaire urgente. Laisse tomber ton gorille et passe me voir.
— Auror Potter !
— Auror en Chef, Monsieur le Ministre. Vous semblez inhabituellement loquace aujourd'hui.
— J'ai eu les Bouffeurs des grenouilles !
Un bruit curieux, rappelant des glaçons s'entrechoquant dans un verre, résonna à l'autre extrémité de la ligne.
— Le prochain Congrès International des Potions se tiendra à Londres !
— Tu plaisantes ? Et qui va s'occuper de la sécurité pour tous ces fanatiques de la science ?! Je ne donnerai jamais mon accord ! Que le Détraqueur te tringle, King, nom d'une gargouille !
— Tu n'aurais pas dû prendre de vacances, répliqua-t-il avec un sarcasme évident. Ton second a tout approuvé ! Alors pas de réclamations !
— Je vais l'étrangler !
— Compte pas sur moi !
— Ça suffit, interrompit la voix d’Hermione. Harry, ouvre la cheminée, j’arrive. King, laisse tomber !
— Bien sûr, mon bébé. Et fais gaffe face à ce bodybuilder maniaque. Les mauvaises langues disent que…
Hermione, à en juger par le son, régla le conflit d’un baiser.
— D’accord ! Je reviens tout de suite. Harry, la cheminée !
— C'est ouvert. L'adresse : Bureau de l'Auror en chef. Restera accessible pendant une minute trente.
La grande cheminée sinistre cracha de la suie, et une jeune femme en tailleur-pantalon en émergea.
— Bonjour, Harry. Oh, tu n’es pas seul ! Bonjour, jeune homme. Est-ce lui notre affaire juridique complexe ?
— Bonjour, Madame, Regulus s’inclina courtoisement sur la main d’Hermione. Pardonnez mon audace alors que je n'ai pas été présenté...
— Harry ?
— Voici mon fils. Il s'appelle Regulus Potter-Black.
Hermione s'effondra sur la chaise qu'Harry avait stratégiquement placée pour elle et saisit un verre d'eau posé sur la table.
— Bon, reprenons depuis le commencement. Qu'est-ce que tu as encore fait, Harry James Potter ?
Regulus émit un léger reniflement, et Harry exposa avec concision l'histoire de l'enlèvement de Reg dans la grotte des Inferi. Son récit suggérait qu'il avait malencontreusement activé un ancien artefact découvert dans la Bibliothèque des Black, lequel l'avait transporté dans cette grotte, puis ramené à l'époque actuelle, avant de finalement se désagréger.
Hermione resta silencieuse deux longues minutes, puis déclara d'un ton pensif :
— Mettons que je te croie. Même si je suis quasiment certaine que tu n'as révélé qu'une partie de la vérité. Tu es passé maître dans l'art des omissions. De tout ce que tu viens de me raconter, je comprends que nous devons officialiser l'existence de ton... fils à notre époque, c'est bien ça ?
— Oui.
— D'accord. Les actes civils, exigea-t-elle en tendant la main, Regulus y déposa une épaisse liasse de parchemins.
Fronçant légèrement les sourcils, elle parcourut rapidement les documents.
— Harry, dit-elle en passant une main dans ses cheveux courts d'un geste qui lui était familier depuis l'enfance, révélant sa profonde perplexité. Harry, même si nous présentions la venue de ton héritier adulte comme... L'adoption d'un Cracmol issu d'une branche familiale éloignée avec un potentiel magique dormant, ton statut de célibataire nous poserait problème. Le Magenmagot refuserait certainement cette adoption, car tu es un sorcier dans la force de l'âge, sans partenaire, et la personne concernée est un jeune homme de dix-neuf ans. Qui plus est, tes inclinations sont de notoriété publique. La législation empêche les hommes non mariés d'adopter des jeunes adultes, même majeurs, pour prévenir d'éventuels abus du père, qui pourrait développer des sentiments inappropriés envers l'adopté, lequel pourrait également agir de façon problématique en devenant automatiquement l'unique héritier.
— Et si j'étais marié ?
— Le mariage devrait être par magie et célébré depuis un bon moment. Toi...
— Parfait. Nous reprendrons cette conversation dans deux semaines.
— Deux semaines, c'est bien trop court pour finaliser un mariage ! Et même si tu y parvenais, quelques jours ne suffiraient pas pour établir officiellement Regulus comme héritier de ta lignée, même des deux lignées. D'autant plus que ce statut ne sera jamais validé par la Chambre des Lords, dominée par les Malefoy, qui t'observent attentivement depuis longtemps, toi et tes deux lignées. Pat, Harry. Ils n'ont aucun intérêt à reconnaître ton héritier.
— Pourtant, moi, ils m'ont reconnu.
— Tu es devenu Lord d'un coup, dernier héritier de deux lignées en voie d'extinction, ce qui change tout. Ils n'avaient pas d'alternative. Sirius a d'ailleurs tout arrangé pour que tu hérites de tous les droits sur la lignée et la magie, allant jusqu'à te léguer une fiole de son sang, comme s'il pressentait son trépas. Son testament respectait rigoureusement toutes les exigences du Code, invoquant des lois si anciennes que les traditionalistes ont dû s'incliner. Mais aujourd'hui, ni ton rang, ni ta position, ni ta fonction, ni ta puissance magique ne pourront t'aider. Il te faudrait un mariage établi depuis plusieurs années au moins. Un mariage magique solide et reconnu avec un homme... un magicien puissant. Une épouse, alors que tu t'es affiché ces cinq dernières années uniquement avec de jeunes hommes, ne ferait que renforcer les soupçons de tes intentions déplacées envers Regulus. Excuse-moi, mais c'est la vérité. Tu l'as peut-être adopté légalement selon la loi magique, mais aux yeux du Ministère et de la Haute Société, il passera pour ton amant, et toi... Enfin, tu vois ce que je veux dire. Cela nuirait à ton travail et à ta réputation. Tu t'en moques, évidemment, mais pense à Regulus.
— Hermione, si j'ai promis que le problème serait réglé dans deux semaines, alors il le sera.
— On ne peut pas antidater un mariage magique, Harry.
— Ce n'est pas mon intention. Laissons ça de côté pour l'instant. À part le fait que je n'ai pas encore de mari, y a-t-il d'autres obstacles ?
— Rien d'autre. King s'occupera du reste ; je lui parlerai personnellement. Mais je ne comprends toujours pas...
— Deux semaines, Hermie, dit Harry en entourant les épaules de son amie de son bras et en déposant un baiser sur le haut de sa tête. Je te promets de tout t'expliquer, dans deux semaines.
— Et pourquoi ai-je l'impression que tu t'es encore attiré des ennuis ? demanda Hermione, s'adressant à un point quelque part au niveau de la poitrine de son interlocuteur.
— Probablement parce que c'est la vérité. Non, n'insiste pas, pas de questions, tu sauras tout d'ici deux semaines. Je trouverai une solution, Hermie. Et toi, parle à Kingsley. Assure-toi qu'il soit prêt, sinon on revivra le même scénario que la dernière fois.
La Première Dame balaya l'air d'un geste nonchalant.
— Ah, le salon est déjà remis en état. Bon, je m'en vais. Et toi, dit-elle en lui enfonçant un doigt dans la poitrine, tâche de ne plus t'attirer d'ennuis, je t'en supplie. Sinon, qui sera le parrain de mon enfant ?
Elle prononça ces derniers mots depuis la cheminée avant de disparaître, savourant l'expression de totale stupéfaction sur le visage de Harry.
— Allez, Reg, rentrons, dit Potter, surmontant sa surprise. Fouille dans la bibliothèque et parle à Val, et moi... j'ai aussi des choses à faire.
— Madame Hermione est...
— La femme de Kingsley Shacklebolt, l'actuel ministre de la Magie.
— Tu n'es pas seulement puissant, Deymi ! Tu es...
— Tais-toi, par Merlin.
— Euh... Dis-moi d'abord : comment se fait-il que personne ne sache que toi et Severus, vous êtes mariés ? Pourquoi te permets-tu de sortir avec des inconnus ? As-tu la moindre idée de la souffrance que ça cause à Severus ?
Harry soupira, le prit par le coude et, avant transplaner, répondit :
— Je l'imagine. Mais le problème, c'est que moi non plus je ne savais pas que Rogue était mon mari, je l'ai découvert il y a deux semaines.
— Quoi ? demanda Regulus, reprenant son souffle après qu'ils se matérialisèrent dans la salle commune de la maison des Black.
— Severus a vingt ans de plus que moi. À Poudlard, durant ses études, il était ami avec ma mère et ennemi de mes pères. Quand j’avais un peu plus d’un an, le Seigneur des Ténèbres a tué les Potter. Tous sauf moi. Sirius fut incarcéré à Azkaban, considéré comme un mage noir issu d'une lignée maléfique, serviteur de Voldemort ayant trahi son ami et son épouse. J'ai grandi parmi les Moldus et j'ai découvert l'existence de la magie en recevant la lettre de Poudlard. C'est là, à l'école, que j'ai rencontré le professeur Rogue pour la première fois, qui m'a détesté au premier regard. Cette animosité a perduré, je crois, jusqu'à mes trente ans. Puis l'hôpital Sainte-Mangouste m'a informé avec regret que mon époux était plongé dans un coma. En m'y rendant, j'ai découvert ce Rogue tant détesté, étendu sur sa couche, inanimé. Imagine ma stupéfaction ! J'ai tout vérifié : sortilège d'Oubliette, enchantements, malédictions... Rien. Alors Severus est parvenu à me transmettre un message. J'ai ensuite découvert un artefact me permettant de voyager à travers le temps, voyage que je poursuis encore. Il s'avère donc que Rogue me connaît depuis toujours, par fragments. Nous avons entamé une liaison. Mon époux demeure dans le coma, tandis que je retourne constamment dans le passé pour des rendez-vous galants avec lui. Je le tire également des difficultés dans lesquelles il s'empêtre régulièrement. Je suis même convaincue que nous nous sommes mariés lors de mes incursions dans le passé, et je n'en savais rien. Mais il…Il m'a attendue toute sa vie, vois-tu ? Il a patienté que je grandisse, que je profite de ma jeunesse, que je me divertisse, que je divorce. Que je vienne à l'aimer si intensément que je me plonge dans le passé pour être à ses côtés. Et pourtant, je l'ai maudit dès qu'il m'a effleurée lors d'une réception au Ministère. Ce fut un scandale retentissant... J'ai maudit celui qui j'avais protégé toute sa vie, j'ai levé ma baguette contre lui. Il était tellement désemparé qu'il a à peine eu le temps de dresser un bouclier. Cela aurait dû me faire réfléchir, mais je… Et le voilà, endormi, tandis que je m'efforce de tout réparer.
Regulus écouta sans un mot, passa la main sur son front, puis déclara :
— Severus était prêt à tout sacrifier pour toi et il avait une confiance absolue en toi. Désormais, c'est à toi d'honorer cette foi qu'il avait en toi. Je suis convaincu que tu y parviendras. Après tout, existe-t-il encore des limites pour celui qui a terrassé le Seigneur des Ténèbres ?
Harry lui donna une tape amicale sur l'épaule avant de sortir. Un nouveau voyage temporel l'attendait.