Professeure Granger - Les esprits de Castelobruxo
Hermione Granger parcourt avec ses doigts le sceau de Castelobruxo, en relief sur l'enveloppe épaisse. Elle tremble, sans savoir si c'est de l'excitation ou de la peur. Le hibou petit-duc d'Alagoas, qui vient de faire le voyage depuis le Brésil, est en train de se reposer sur le haut de l'armoire, picorant un miamhibou que la sorcière lui a donné, en signe de reconnaissance.
Son grand bureau du Département de la Justice Magique lui semble bien vide, depuis plusieurs années. Hermione, paralysée, n'arrive plus à réfléchir. Elle regarde autour d'elle, cherchant un signe qui pourra l'aider à prendre une décision, bien qu'elle sache déjà ce que son cœur a envie de faire. Elle n'arrive simplement pas à se résoudre à faire du mal à Ron. Elle va le détruire. Elle sait, au fond d'elle, qu'elle a mille choses à lui reprocher à lui. Mais elle est incapable d'accepter d'être celle qui va l'assommer, même si elle n'a plus le choix. C'est maintenant réduit à ça : elle ou lui. Et Ginny lui a dit tellement de fois. Elle doit penser à elle.
Une boule se forme dans sa gorge, elle sent qu'elle est sur le point de pleurer. D'impuissance, d'abord, mais aussi parce qu'elle porte en elle tellement de rancœur. La sorcière la plus brillante de sa génération. C'est ce qu'on disait d'elle, après la guerre contre Voldemort. Hermione Granger était destinée à de grandes choses. Et elle le croyait réellement. Aujourd'hui, ses combats sont menés, ou en bonne voie.
Elle a débuté sa carrière au ministère au Département de régulation et de contrôle des créatures magiques. Elle a été l'instigatrice de plusieurs décrets magiques pour la protection des créatures, qu'elles soient des êtres, des bêtes ou des esprits, s'est battue pour l'amélioration des conditions de vie des elfes de maison, pour une meilleure collaboration avec les Détraqueurs d'Askaban et les centaures. Quand elle travaillait au Département de la coopération magique internationale, elle a instigué les fameuses collaborations magiques entre les onze plus grandes écoles de sorcellerie, pour permettre un meilleur échange des savoirs magiques. Poudlard possède maintenant un programme d'échange scolaire : des élèves de Beauxbâtons, Ilvermorny, Castelobruxo, Uagadou et Mahoutokoro peuvent venir y étudier une année entière.
Quand on lui a proposé un poste haut placé, au Département de la Justice magique, elle a hésité. Mais Ron l'a forcée, répétant sans cesse qu'elle devait penser à leur famille, qu'elle pourrait ainsi envisager de se présenter pour devenir Ministre de la Magie. Voyant les yeux de son mari briller, elle a fini par accepter, avec un goût d'amertume pourtant. Elle a présidé la Cour de justice magique pendant un temps, et se retrouve maintenant à la tête du Service des sorts et enchantements expérimentaux. Un service qui paraît stimulant, de premier abord, mais qui s'est avéré être incroyablement barbant. Elle pensait intégrer un centre d'innovation magique, capable d'inventer de nouveaux charmes et enchantements, mais elle s'est bien vite rendu compte qu'il s'agissait surtout de développer des charmes de rangement ou d'auto-nettoyage, des envoûtements anti-effraction ou des sorts de diagnostics automatiques. Évidemment, une grosse partie de son temps était également dédiée à la régulation des inventions jugées trop instables, irréversibles, dangereuses. Des idées qu'elle trouvait cependant brillantes mais qui étaient toujours volées par le Département des Mystères. Hermione passait alors son temps à remplir des documents, à envoyer des hiboux, ou à gérer les humeurs de ses équipes. Elle tentait, un jour après l'autre, de se rapprocher du poste de Ministre de la Magie, et elle y était presque. Sa seule adversaire était Adhafera Abbot, du Département des Catastrophes magiques.
Hermione soupire et essuie la larme qui a coulé le long de sa joue. Elle sait ce qu'elle doit faire. Elle a le cœur en miettes, mais le courage de Gryffondor ne l'a jamais quittée. Et parfois, le courage c'est aussi accepter toutes les évidences, même celles qui blessent. Elle se lève, enfile son long manteau et fourre l'enveloppe dans la poche intérieure. Elle prend son sac, y range sa baguette, et son regard se pose sur une photo encadrée, posée sur l'étagère.
Trois jeunes sorciers s'agitent et posent, autour de Minerva McGonagall, qui porte un chapeau cracheur des confettis. Hermione sourit. Elle se souvient de cette journée. C'était le dernier jour de la directrice, qui avait décidé de prendre ensuite une retraite bien méritée en Écosse. Harry, Ron et elle, accompagnés d'autres anciens élèves, avaient entrepris de se rendre au château pour la surprendre et lui offrir cadeaux, chocolats, hydromel.
Quelques jours plus tard, Minerva passait la porte de ce même bureau, pour dire au revoir à Hermione. Ses traits s'étaient creusés, avec l'âge, la rendant encore plus sévère. Mais elle avait ce jour-là, Hermione s'en souvient, une certaine douceur dans les yeux. Probablement était-ce lié à son départ imminent... Elles avaient discuté et McGonagall avait fini par lui dire une phrase qui avait coupé le souffle à Hermione. Une phrase qui était, quand elle y pense, à l'origine des tourments des dernières années. Cette phrase, bien qu'anodine, avait été le début du questionnement, du chamboulement. Elle avait amorcé quelque chose, ou simplement libéré Hermione.
« Et vous, Miss Granger, allez-vous vous contenter de diriger ce ministère ? »
Elle l'avait appelé Miss Granger. Personne ne l'appelle plus comme ça depuis qu'elle est mariée à Ron. Certains ont même osé l'appeler Mrs. Weasley, mais Hermione avait protesté. Son côté féministe, sans doute. Tout le monde l'appelait donc Mrs. Granger.
Dans la bouche de McGonagall, « Miss Granger » avait ramené Hermione à une autre époque, et son bureau bien rangé lui avait soudain paru décadent. Elle s'était souvenue qu'elle rêvait, sur les bancs de l'école, à être la meilleure élève de tous les temps, évidement, mais qu'elle avait aussi désiré plus que tout assouvir sa soif de connaissance, trépignant d'impatience à l'idée d'aller découvrir le monde et ses richesses.
Et puis, insinuer que le poste de Ministre de la Magie était en dessous d'elle et de ses capacités... ça l'avait réveillée. Piquée. Révoltée. Indignée. Pas contre son ancienne professeure de métamorphose non, mais contre elle-même. Comment avait-elle pu s'enfermer dans tout ça ? Comment avait-elle pu s'oublier à ce point ? Elle avait alors commencé à en vouloir à Ron, à Harry, à Voldemort, à la guerre, à tous ses proches et même, honteusement, à ses enfants. Avant de se résoudre à admettre que, la première fautive, c'était elle. Elle s'était effectivement oubliée. Elle avait couru, toutes ces années, à la poursuite de quelque chose qu'elle ne voulait même pas. Merci Minerva, avait-elle pensé avec amertume, à l'époque, quand McGonagall avait quitté son bureau. Aujourd'hui, elle voit le mince sourire de sa regrettée professeure se dessiner sur la photo lorsqu'elle pose la main sur l'épaule d'Harry et elle ravale ses larmes. Merci, Minerva, pense-t-elle sincèrement cette fois, sachant l'aventure qui l'attend. Et puis, elle pense à Ron, et son cœur se serre.
Un « pop » retentit dans l'allée latérale de la maison des Weasley-Granger, située au 132, Park Road, Chiswick, Londres. Le soleil d'été commence seulement à se coucher et Hermione sent une brise tiède à l'odeur de marguerites lui effleurer les joues. Son cœur palpite, trop fort, mais elle est décidée. Elle passe par l'arrière, entre dans la véranda, qu'elle déverrouille d'un coup de baguette magique, traverse la cuisine et se rend dans le salon, cherchant Ron du regard. Mais la télévision est éteinte. Ce qui arrive rarement, depuis qu'ils l'ont installée, il y a plusieurs années : chaque jour, quand il rentre du Chemin de Traverse, Ron s'installe devant l'écran, fasciné par les chaînes moldues et les plateformes de streaming. En ce moment, il enchaîne les documentaires animaliers. Ce soir, cependant, il n'est pas là. Hermione cherche dans sa mémoire : l'avait-il prévenue qu'il ne serait pas à la maison ce soir ?
« Ron ? », appelle-t-elle en bas de l'escalier, au cas où son mari serait à l'étage.
« Maman ? »
Des bruits de pas précipités se font entendre avant que la chevelure rousse de Rose n'apparaisse en haut des marches. La jeune femme sourit à sa mère avant de descendre la rejoindre et la prend dans ses bras.
« Ma puce », dit Hermione, qui entoure le visage de sa fille de ses mains. « Je ne pensais pas te voir avant demain. Comment c'était, à Paris ?
- Incroyable ! », répond Rose.
Elles se dirigent ensuite vers la cuisine, agrippées l'une à l'autre. Hermione dépose son sac, enlève sa veste, prenant bien soin d'y laisser l'enveloppe verte, et commence à faire chauffer de l'eau en vue de préparer du thé pour sa fille, qui s'est installée sur une chaise haute, de l'autre côté de l'îlot.
« Tu as mangé ? », lui demande sa mère. Rose acquiesce. « Tu es là depuis quand ? Où est ton père ?
- Il a emmené Hugo chez Lily. Apparemment oncle Harry et tante Ginny ont prévu d'aller à Pré-Au-Lard demain et ils voulaient absolument passer chez Zonko. Ils viennent de partir mais si tu veux mon avis, papa va traîner un peu là-bas. »
Hermione soupire.
« Et pour répondre à ton autre question, je suis là depuis ce midi plus ou moins. J'ai passé la matinée avec Vic et Dom avant de rentrer.
- Comment vont tes cousines ? C'était pas trop long, deux semaines ensemble ?
- Bah, tu les connais. Elles râlent beaucoup, mais c'est leur petit côté frenchie. Sinon, non, elles m'ont fait découvrir plein de superbes endroits.
- Contente pour toi ma chérie. Je me souviens de mes voyages à Paris, ce sont de très beaux souvenirs. »
La théière siffle, mais Hermione reste dans ses pensées un moment, et se reprend une seconde trop tard. Rose l'observe d'un air suspicieux pendant qu'elle verse le thé brûlant dans deux tasses dépareillées.
- Ça va, maman ?, lui demande-t-elle doucement en prenant une des deux tasses.
Hermione est prise de court. Elle pensait rentrer retrouver Ron, elle était prête à lui parler de la lettre de Castelobruxo, elle avait déjà construit ses arguments, s'était préparée à chacune des protestations de son mari. Elle n'avait pas prévu de se retrouver face à sa fille. Rose, maintenant adulte du haut de ses dix-neuf ans, lui rappelle ce qu'elle aurait voulu être à son âge : libre, sans blessures et traumatismes, insouciante. Hermione avait essayé de lui transmettre sa passion pour les livres, mais Rose, depuis toute petite, lui avait bien fait comprendre qu'elle préférait découvrir le monde en le touchant, le sentant, le vivant. Ce feu sauvage, cette brutalité décontractée qui ressemble beaucoup à sa tante Ginny, est en fait un trait qu'elle tient de sa mère, Hermione le sait. Mais son brasier à elle, a été étouffé, après la guerre. Elle a préféré, trop épuisée, le laisser s'éteindre, se réduire en braises chaudes et confortables.
Rose attend que sa mère lui réponde, Hermione prend une gorgée de thé à la camomille.
« Je ne l'ai pas encore dit à ton père mais... »
Elle ne peut s'empêcher d'adresser un sourire complice à sa fille, qui lui sourit à son tour.
« Quoi ? Maman... Allez ! Crache le morceau !
- Ok, je veux bien te le dire mais je dois d'abord en discuter avec ton père. » Rose la fixe avec attention, tenant sa tasse de thé entre ses deux mains. Hermione a des bouffées de chaleur, mais elle se lance. « J'ai reçu une lettre de Castelobruxo aujourd'hui.
- L'école au Brésil ?! », s'exclame sa fille, mi-excitée, mi-curieuse. Hermione hoche la tête et prend une grande inspiration.
« Ils me proposent un poste de professeure là-bas. Pour un an.
- Quoi ? Mais c'est génial m'man !
- Tu trouves ? » Hermione glousse, soulagée que Rose le prenne si bien.
« Bah, oui ! Pas toi ?
- Je serais partie une année entière... à l'autre bout du monde. Je ne sais pas si ton père... et le Ministère... » Elle regarde ses doigts, refermés sur la anse de son mug.
« Maman. Regarde-moi. »
Hermione lève les yeux pour les plonger dans ceux de sa fille et sent une douce vague de chaleur l'envahir.
« Est-ce que tu as envie d'y aller, toi ? C'est une superbe opportunité ! Pourquoi tu penses encore à papa ?
- Je... Il va m'en vouloir si je le laisse pendant un an, tu ne crois pas ?
- Est-ce que tu as envie d'y aller ? », répète Rose. Hermione marque une pause.
Oui, elle a envie d'y aller. Plus que tout. Elle a envie de changer d'air, de voir le monde, de découvrir d'autres choses, de vivre des aventures. Et puis, elle est fatiguée de toutes ces disputes, elle a besoin de s'éloigner un peu de Ron. Est-ce que cela fait d'elle une mauvaise personne ? Est-ce que cela veut dire qu'elle est égoïste ? Et comme si elle lisait dans ses pensées, Rose rajoute :
- Toute ta vie, tu n'as fait que de te soucier de nous et de papa. Il est temps de penser à toi, maman. Et si papa ne comprend pas ça, c'est son problème.
- Rose... Ne dis pas ça...
- Mais c'est vrai ! Il ne se rend pas compte, il a tendance à oublier que tout le monde ne pense pas forcément comme lui, que ce n'est pas parce que lui a besoin de peu de choses que c'est comme ça pour tout le monde. Tu le sais, tu le connais. Mais est-ce que lui, te connaît réellement?
- Évidemment. On a traversé beaucoup d'épreuves ensemble...
- Alors pourquoi est-ce qu'il te pousse à être Ministre de la Magie ? Moi, je sais que tu détesterais ça. »
Touchée. Hermione se tait et le silence s'installe entre elles, pendant quelques longues minutes.
« Merci, ma chérie. »
Quand Hermione relève la tête pour regarder sa fille, une larme coule sur sa joue. Encore. Quand elle le remarque, Rose saute de sa chaise pour aller enlacer sa mère. L'odeur de vanille qui se dégage des cheveux roux calme instantanément Hermione, qui reprend ses esprits. Elle a de la chance d'avoir une fille aussi intelligente, mature, confiante.
« Tu vas être une prof exceptionnelle m'man. »
Hermione allait répondre, mais un claquement de porte retentit, dans la véranda. Les deux femmes continuent cependant leur étreinte, l'une reconnaissante, l'autre encourageante.
« Qu'est-ce que vous faites ? », lâche alors Ron qui vient d'entrer dans la cuisine, penaud et comme toujours mal à l'aise devant les marques d'affection.
Hermione et Rose l'ignorent un moment. La mère, ensuite, étreint sa fille un peu plus fort, lui signalant que c'était « ok », qu'elle pouvait lâcher. Qu'elle allait prendre son courage à deux mains, et annoncer à son mari qu'elle avait décidé de partir à l'autre bout du monde, sans lui.
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Ron s'approche d'Hermione, lentement, un air interrogateur sur le visage. Rose est remontée à l'étage, après avoir lancé un regard de soutien à sa mère. Hermione sourit timidement à son mari qui, elle le sait, se doute que quelque chose cloche. Mais, comme à son habitude, Ron ne dira rien, n'amorcera rien. Et si Hermione, là tout de suite, décidait de ne rien dire du tout, Ron n'y verrait pas d'inconvénient, et irait s'installer devant la télévision, après l'avoir embrassée d'un baiser mécanique, sans saveur. Mais elle ne peut pas se taire, elle n'a jamais su.
Quand quelque chose la tourmente, Hermione a besoin d'en parler, de crever l'abcès, de mettre les choses à plat, pour aller de l'avant. Ce qui s'avère très compliqué quand, face à elle, se trouve une porte blindée, immuable, silencieuse et froide. Ron est comme ça. Avec les années, elle s'est souvent demandé pourquoi elle avait réussi à l'aimer si fort. Elle a pourtant besoin d'être comprise, entendue, stimulée. Et dernièrement, Ron avait été incapable de tout ça. L'avait-il été un jour ? Sans doute. La guerre révèle les cœurs les plus enfouis. Quand on est si proches de la mort, les murailles ne retiennent plus rien, les âmes se lient dans le traumatisme partagé. Est-ce que c'est ce qui leur est arrivé ? La tristesse résonne en elle, immense, mais elle décide de se lancer.
« Je dois te parler de quelque chose, Ron. »
Il ne dit rien et s'installe là où était assise leur fille, quelques instants plus tôt. Il lève les yeux vers elle, se grattant la joue. Le temps n'a pas fait de mal à Ron Weasley. S'il a pris un peu de poids, il est toujours aussi grand, a toujours ses cheveux flamboyants et son expression moqueuse et attendrissante le quitte rarement, bien qu'elle soit désormais accompagnée d'une pointe d'amertume, ou d'ennui. Ses yeux marron, chauds, fixent Hermione avec curiosité.
« Je t'écoute, Hermignone. Ca concerne Rose ? Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?
- Non, non, ce n'est pas Rose. C'est... euh... C'est moi. »
Il a l'air vraiment inquiet, maintenant. Et perdu. Elle bafouille mais ne se démonte pas.
« J'ai... J'ai reçu une offre d'emploi intéressante aujourd'hui et euh... j'envisage de l'accepter.
- Ne me dis pas que tu vas enfin être Ministre de la Magie ? »
Les yeux de Ron s'écarquillent, son visage rougit et il éclate de rire.
« Oh Hermione, on va être riches ! Tu te rends compte de ce que ça veut dire ? Je vais pouvoir arrêter de travailler. Bien sûr, j'irai toujours aider Georges, mais au moins, il ne pourra plus me donner des ordres comme si j'étais son larbin et...
- Quoi ? Non, Ron. Ce n'est pas ça. »
Elle attend que son mari reprenne son sérieux. Il se racle la gorge.
« Ok, ok. Pardon. Continue... Tu ne vas pas être Ministre de la Magie alors ? » Il a du mal à cacher sa déception enfantine.
« Non Ronald, je n'ai aucune envie d'être Ministre de la Magie. Si tu me laissais parler je pourrais t'expliquer qu'en fait je...
- Comment ça tu n'as aucune envie d'être Ministre de la Magie ? Je ne comprends pas. C'est pas ce que tu voulais ? C'est pas pour ça que t'as pris ce poste à la Justice magique ?
- Non, ça, c'est ce que toi tu voulais ! »
Merde. Elle a répondu trop vite. Trop de reproches dans le ton. Ron allait se fermer comme une huître. Il la regarde, surpris, la bouche légèrement ouverte et les sourcils froncés. Elle sent la colère monter en elle, sans la comprendre vraiment. Elle n'a pas l'intention de se mettre en colère, tout ce qu'elle veut, c'est annoncer une nouvelle potentiellement bouleversante à son mari. Mais là, elle ne sait plus comment s'y prendre.
« Pardon Ron, je... Je voulais dire que...
- Ça va, t'inquiète pas, j'ai compris. C'est de ma faute, comme toujours. »
Elle a envie de lui hurler dessus. Mais elle prend une grande inspiration et mobilise toute sa force de Gryffondor pour contenir tout ça et lui annoncer la nouvelle d'abord. Elle décide de l'ignorer.
« Castelobruxo m'a demandé d'aller enseigner là-bas cette année.
- Ah bah putain, si je m'y attendais à celle-là... », souffle-t-il, véritablement abasourdi.
Hermione est décontenancée, mais ne dit rien de plus. Le silence s'installe entre eux. Au bout d'un moment, Ron lève les yeux vers elle, ouvre la bouche, et puis la referme. Elle en profite pour ajouter :
« Et j'ai envie d'accepter.
- Ouais, je me doute bien. Sinon, pourquoi tu m'en parlerais comme ça ?
- T'en penses quoi ?
- Ce que j'en pense ?! » Il avait haussé le ton. Il se lève d'un bond de sa chaise. « Bordel Hermione, je ne te comprends pas. J'essaye hein, mais là... Tu veux partir pendant un an ? En Bolivie ?
- Au Brésil », corrige-t-elle.
« Mais j'en ai rien à foutre d'où c'est ! T'es impossible à suivre. À chaque fois, tu trouves un truc qui va pas et moi, j'essaye de t'aider. Mais c'est jamais ça. C'est jamais assez.
- Comment ça ? Je...
- Non, c'est moi qui parle cette fois ! Tu crois que ça me fait quoi quand tu viens m'annoncer que t'as envie de changer de boulot, de Département, de maison ? Faut toujours changer un truc. Et moi, je ne dis jamais rien, parce que... parce que... parce que je t'aime. »
Il est rouge comme une tomate. Hermione, elle, sent son cœur vaciller. Sans exagérer, ça doit faire au moins un an qu'elle n'a pas entendu ces mots venant de Ron.
« Je suis heureuse de l'apprendre », s'entend-elle répondre cyniquement. Elle ne sait pas ce qui lui prend. C'est sa rancœur qui parle, peut-être que sa rage y est aussi pour quelque chose. Une bourrasque violente, dans sa poitrine, ravive alors les braises confortables, qui sont maintenant des flammes brûlantes. Son impuissance, sa tristesse, sa déception, tout se mélange, tout s'embrase. Elle explose. Et les larmes chaudes coulent sur ses joues.
« Je suis désolée... J'en ai marre, je suis fatiguée, épuisée, de toujours essayer de faire en sorte que ça marche entre nous, de toujours devoir prendre des pincettes pour te parler, parce que t'es pas capable de prendre tes responsabilités !
- Que.. QUOI ? Mais qu'est-ce que tu racontes ? C'est toi qui change d'avis tous les jeudis. T'es jamais satisfaite !
- PARFAITEMENT ! Et c'est peut-être ça, le problème ! »
Silence.
« Attends.. qu'est-ce que tu veux dire ?
- Rien », murmure-t-elle, meurtrie. « J'ai juste besoin d'y aller. J'ai besoin de temps. Je...
- T'es pas heureuse, c'est ça ? », lâche-t-il d'un ton sarcastique. Ou peut-être est-il dévasté, mais n'ose-t-il pas le montrer ? Quoi qu'il en soit, elle n'a plus l'énergie d'essayer de deviner ce qu'il veut réellement dire.
Elle ne lui répond pas, même si chaque cellule de son corps lui crie de le rassurer, que tout ira bien. Peut-être qu'il faut qu'ils passent par-là, qu'ils arrivent à être honnêtes. Peut-être qu'il a raison. Est-elle heureuse ? Elle ne s'était pas posé la question.
Ron frappe l'îlot du poing et lui tourne le dos pour s'éloigner. Elle entend ensuite la porte de devant claquer. Et puis, elle fond en larmes.
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Voilà pour ce premier chapitre ! Merci d'avoir lu, vos retours et impressions comptent beaucoup pour cette histoire, n'hésitez pas à me dire en commentaire ce que vous en pensez.
Dans le chapitre 2, Hermione entame son long voyage jusqu'au Brésil et rencontre le professeur Arapysandù Arizaga et son animal-totem, Janeiro.
Et pour la fin, c'est vous qui décidez si Hermione et Ron finissent ensemble ou non.
Voici le sondage pour me donner votre avis: https://forms.gle/NyoFUHkh1EFHTBmz7