Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 65 : XV Les Larmes du Fantôme

2870 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 07:27

           CHAPITRE XV : LES LARMES DU FANTÔME

 

           La journée avait été maussade à Beauxbâtons. Les élèves et les professeurs n’arrêtaient pas de parler de l’attaque de la nuit dernière et de l’enlèvement de Hans Friedrich. Malgré la présence de policiers de l’Unité d’Intervention de la Police Magique, tous étaient inquiets à différents niveaux. Dés le matin, le professeur Tréveune avait appelé au calme, disant que les Chasseurs étaient sur une piste pour libérer leur condisciple. Il avait même précisé que le chasseur chargé de l’affaire était Pierrick Chaldo. Mais cela ne les empêcha pas de parler de ce que certains avaient été témoins. Le récit de l’enlèvement de Friedrich par un homme l’ayant porté sur son épaule et ayant pu courir plus vite que les étudiants malgré son fardeau fit le tour de l’Académie.

           Au centre de cette tourmente se trouvait Laura Jiraud. Elle essaya de rester en retrait toute la journée. Ne participant pas aux cours. Certains essayèrent de lui soutirer des informations mais c’était sans compter sur le mur défensif qu’avaient formé ses amies ainsi que son frère. Elle ne voulait parler à personne. Elle vint juste voir son frère après son cours pour savoir s’il avait eu des nouvelles. Il dut lui répondre par la négative. Il avait décidé que dés ce soir, il tenterait le rituel dragoniar pour voir si tout allait bien pour le jeune homme. Il le ferait uniquement pour Laura, pour la rassurer.

           Le soir, après le dîner, Thomas se rendit directement dans ses appartements. Il disposa des baguettes d’encens en cercle autour de lui selon un placement qui rappelait un pentagramme. Il s’assit au centre du cercle et allait commencer quand quelqu’un frappa à la porte. Lorsqu’il ouvrit, il découvrit Laura, les traits fatigués. Il la laissa entrer. Dés qu’il eut refermé la porte, la jeune fille tomba dans ses bras, l’étreignant. Elle avait besoin de sentir la présence chaleureuse et fraternel de Thomas. Le professeur le comprit et lui rendit son étreinte.

« Est-ce que je peux rester ici cette nuit ? demanda t-elle.

-Bien sûr, acquiesça t-il. Tu n’as pas à me le demander, tu seras toujours la bienvenue. »

Il déposa un baiser sur le front de sa petite sœur. Elle entra dans le salon et découvrit les préparatifs du rituel.

« Je vais essayer d’avoir des nouvelles de Hans, dit-il. C’est un ancien rituel dragoniar, je ne l’ai pas pratiqué depuis longtemps mais ça devrait aller.

-Qu’est-ce que tu vas faire exactement ?

-Je vais me projeter dans le plan astral et aller voir où se trouve Hans et s’il va bien. S’il n’est pas protégé par des sortilèges tel le Fidelitas ou d’autres, je devrais y arriver.

-Je peux regarder ?

-Si tu veux, mais tu ne verras rien de ce que je verrais. Tu ne me verras qu’immobile au centre de ce cercle.

-Ça forme un pentagramme, c’est de la magie noire ?

-Non. En Chine, ce que vous appelé pentagramme représente le cycle des cinq éléments de la nature. Le Feu, l’Air, le Métal, le Bois et l’Eau. D’ailleurs, chez vous le pentagramme à deux significations, s’il est pointé vers le haut ou le Nord, il est bénéfique, c’est l’ancien symbole d’Aphrodite, la déesse de l’Amour chez les grecs. S’il est pointé vers le bas ou le Sud, il est maléfique. C’est le principe de la Dualité. En Chine, les Taoïstes appellent ça le Yin et le Yang. Le Positif et le Négatif.

-Woah ! Quelle culture !

-Je suis prof je te rappelle, sourit-il. Connaître ça, fais parti de mon domaine de la défense contre les forces du mal. Après tout, elles représentent une moitié de cette dualité.

-Mais si elles disparaissent ?

-Elles ne le peuvent pas. Sans elles, le monde n’existerait pas. Comme il n’existerait pas si la Lumière et l’Ombre ne cohabitaient pas.

-Je ne comprends pas tout. Pourquoi les combattre alors ?

-Pour ne pas qu’elles prennent le dessus et détruisent le monde. Nous nous battons pour maintenir l’existence du monde. Les forces du mal dans leur existence la plus pure n’agissent que pour le détruire. Les mangemorts ne sont qu’un moindre mal, mais qui fait le jeu des forces supérieures des Ténèbres.

-Je crois que je commence à comprendre. Vas-y. Fait ton rituel. J’attendrais que tu reviennes. »

           Thomas se plaça au centre du cercle et s’assit en tailleur. Il joignit les mains comme pour faire une prière, tout en fermant les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, ils avaient pris la teinte dorée typique des Dragoniars.

« Huî. »

L’une des baguettes d’encens s’alluma d’un bout rougeoyant.

« Gàng. »

Une autre s’illumina d’un éclat gris.

« Fäng. »

Une troisième d’une incandescence blanche.

« Motou. »

L’avant-dernière fut doté d’un bout marron qui ne se voyait presque pas, mais de la fumée s’en échappait comme les autres.

« Shuê. »

La dernière baguette d’encens prit une teinte bleue sur son bout.

           Thomas sentit son esprit se libérer de la prison de chair de son corps. Ses sens étaient décuplés. Mais ce n’était pas l’effet qu’il recherchait. Il laissa son esprit se détacher totalement. Quand enfin il eut de nouveau la sensation de voir, la première chose qu’il perçut fut sa sœur l’observant intensément. Il la voyait en contre-plongée. Il se retourna et se vit de l’extérieur, assis dans sa position de méditation dans le cercle rituel. Il concentra son esprit sur Hans. Il perçut sa présence à l’ouest, en Bretagne. Il n’était donc pas protégé par un Fidelitas. Mais il ressentait tout de même deux présence pas très loin de lui. Il reconnut l’esprit ténébreux de Pierrick. Quand à l’autre, il devina qu’il devait s’agir de Yann Firvel. Mais quelque chose n’était pas normal. Hans était trop éloigné de ses deux protecteurs. Il devait en avoir le cœur net. Son esprit traversa la matière comme ci elle était inexistante. Il fonçait vers l’esprit de Hans. Plus il se rapprochait, plus sa perception se fit claire et précise. Et là, il la sentit. Une autre présence cachée, diffuse, impalpable comme le vent, mais bien présente. Cette présence était proche de Hans. Trop proche. Qui était-ce ? Ami ou ennemi ?

 

           Hans avait demandé à prendre l’air. Pierrick avait conscience du danger mais il savait que le jeune homme l’était aussi. Il savait également qu’il avait besoin d’être seul. Le chasseur l’avait donc autorisé à aller se promener. Mais avant, il lui avait fait jurer de ne pas trop s’éloigner et lui avait rendu la baguette qu’il lui avait gardé. Il le prévint : il ne devait se servir de sa baguette qu’en dernier recours, la Trace étant toujours active en lui, s’il s’en servait, le ou les espions de Malgéus présents au Ministère sauraient où il se cache.

           Hans avait revêtu un pantalon et un tee-shirt moldus que lui avait ramené Yann Firvel. Il avait même des tennis aux pieds. L’air du soir était encore doux en cette saison. Il s’enfonça dans la forêt jusqu’à atteindre une clairière. Là, il s’allongea dans l’herbe et regarda les étoiles apparaître les unes après les autres. Sa famille était-elle parmi les étoiles ? Certains moldus croyaient en un Paradis au Ciel. Etait-ce vrai ? Ses ancêtres croyaient un autre monde où, quand on mourait dans celui-ci, on naissait pour vivre une autre vie jusqu’à la mort pour renaître dans ce monde et ainsi de suite éternellement. Il ignorait qui avait tort ou raison. Qu’importe ! La seule chose réellement importante pour le moment, c’était qu’ils n’étaient plus là. Et qu’ils ne seraient plus jamais à ses côtés. Sans qu’il ne s’en rende compte, de nouvelles larmes se mirent à couler de ses yeux. Ce ne seraient pas les dernières.

           Il réfléchit. Qui était responsable de la mort de sa famille ? Etait-ce ses ancêtres pour avoir voulut jouer avec des forces qui les dépassaient ? Etait-ce lui-même pour avoir cherché à en apprendre le plus sur eux ? Etait-celle des Chasseurs de ne pas avoir réagi assez vite ? Non. Le seul responsable était ce mangemort, cet ancien fidèle du Seigneur des Ténèbres. Malgéus. C’était lui le seul responsable. Lui, par sa soif de puissance et de pouvoir. Hans savait que cela ne ramènerait pas sa famille à la vie, mais il se jura de tuer Malgéus de ses mains.

           Alors que les étoiles scintillaient toujours plus nombreuse dans le ciel à mesure que le temps passait. Une silhouette légère se matérialisa à l’orée de la clairière. Elle resta cachée par l’ombre des arbres, se contentant d’observer le jeune homme de ses yeux vides de toutes expressions et sentiments. Et pourtant, une larme se mit à ruisseler sur sa joue. Marion, sentant cette humidité sur sa peau, porta sa main à son visage. La larme se déposa sur ses doigts fins. Elle la regarda. Cela faisait presque dix ans qu’elle n’avait pas pleuré. D’où pouvait venir cette goutte d’eau salée ? Elle suivit le chemin mouillé que la larme avait laissé sur son visage et arriva au coin de son œil. Alors c’était de là. De ce trou pas plus gros qu’une tête d’épingle. Mais pourquoi ? Elle savait que certains pleuraient de joie ou de tristesse, de rage ou de rire. Mais depuis presque dix ans, elle n’avait plus ri ni été en colère, elle n’avait plus ressenti ni bonheur ni peine. Rien. Elle n’était plus qu’une coquille vide depuis la mort de son père. Une mort de laquelle elle se savait responsable. Une mort qu’elle avait voulu. Une mort qu’elle commençait à regretter en ressentant la peine de ce jeune homme d’avoir perdu sa famille.

           Sans qu’elle ne s’en rende compte, elle avait traversé le dernier buisson la séparant de la clairière où se trouvait Hans. Elle marchait de son pas léger et silencieux vers le jeune homme. Ce dernier observait toujours d’un regard distrait les étoiles. Il ne l’entendait pas s’approcher. Elle avait repris assez de consistance pour écraser de son poids les brins d’herbe. Ses pas marquaient la végétation d’une légère ondulation. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle devait aller vers ce jeune homme si triste.

           Une brindille sèche se retrouva sous son pied pourtant léger et craqua. Hans perçut le bruit et se redressa d’un bond. Il se figea sur place en découvrant la jeune fille drapée de blanc, ses cheveux noirs sauvages flottant dans le vent et ses yeux d’une blancheur immaculée. Il la fixa dans ses yeux vides. Et malgré l’absence apparente d’émotions, il y décela une mélancolie. Sur sa peau d’albâtre, la trace laissée par une larme récente était visible. Qui était-elle ? Un fantôme ? Il l’ignorait. Tout ce qu’il savait c’était qu’elle ne lui voulait pas de mal. Il n’en était pas sûr. C’était juste ce qu’il ressentait sur le moment présent.

           Ils restèrent immobiles un long moment, ne se lâchant pas des yeux. Et soudain, une ombre surgit d’un buisson, bondissant vers Marion Locca. La jeune fille redevint aussi imperceptible que le vent, devenant légèrement transparente durant un instant. Elle se laissa porter en arrière pour éviter l’ombre. Lorsqu’elle reprit pied au sol, redevenant solide, elle regarda ce nouvel arrivant. Il était habillé de noir, un sabre à lame large et lourde était glissé dans sa ceinture. Marion ressentait ses intentions. Elles n’étaient pas belliqueuses, il ne voulait que protéger ce jeune homme.

           L’ombre se releva tout en tirant son sabre. Il n’avait pas sorti de baguette. Un doute s’insinua dans l’esprit de la jeune fille fantôme. Etait-il lui aussi du 13ème Bureau ? Mais pourquoi agirait-il ainsi ? Ce fut Hans Friedrich qui donna la réponse à la question.

« Professeur Zimong ! s’exclama t-il.

-J’ai bien fait de venir faire un tour en esprit ici, dit l’ombre. Sa présence était très diffuse mais je l’avais quand même repérée. Surtout quand elle s’est approchée de toi. Je n’arrivais pas à lire dans son âme et ça, ce n’était pas normal.

-Professeur, elle n’a pas cherché à m’attaquer.

-Quelques secondes de plus et ça aurait été le cas. Retourne auprès de Pierrick. Tout de suite. »

Malgré cet ordre, Hans ne bougea pas. Thomas ragea intérieurement de l’imbécilité du jeune homme. Il n’avait plus le choix, il devait éliminer cette fille.

           Les yeux de Thomas devinrent dorés. Il tendit sa main libre, un éclair rouge surgit. Marion ne l’esquiva même pas et l’éclair de stupéfixion lui passa au travers sans la toucher. Elle avait pris l’espace d’une seconde la consistance de l’air. D’abord surpris, Thomas se ressaisit immédiatement et lança un autre sortilège en direction du sol cette fois-ci. Un nuage de poussière s’éleva, cachant la vue de Marion. Thomas profita de l’écran pour se rapproché de la jeune fille et frapper en aveugle de son sabre. Mais la lame ne rencontra que le vide. Il laissa le nuage se dissiper, pensant qu’elle avait bougé. Mais non. Elle était toujours à la même place, son regard vide pénétrant profondément les yeux du dragoniar. Il eut l’impression qu’elle le regardait jusqu’à l’âme.

           La scène resta figée durant deux secondes. Puis se reprenant, Thomas lança un coup de pied retourné circulaire en visant la tête. Une fois de plus, Marion ne bougea pas et le pied la traversa sans toucher quoique ce soit de solide. Il enchaîna avec un coup de sabre avec le même effet. Alors qu’il allait enchaîner avec un nouveau coup, un éclair rouge le désarma. Il chercha des yeux celui qui lui avait infligé un sortilège de désarmement et tomba sur Hans, sa baguette à la main. L’adolescent ne parut même pas avoir encore conscience de son geste.

           Quelques instants plus tard, un papillon argenté quittait le Ministère…

 

NDA :Huî = feu en chinois.

           Gàng = acier.

           Fäng = air.

           Motou = bois.

           Shuê = eau.

Laisser un commentaire ?