Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 74 : VII Distance

2973 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 23:04

           CHAPITRE VII : DISTANCE

 

           Pierrick venait à peine de finir de fouiller les lieux secrets du monde de la Magie de Marseille et ses alentours. Il était temps pour lui de retourner au Ministère pour voir l’avancé des recherches des autres Chasseurs. Et alors qu’il voulait transplaner pour rentrer à Paris, un nouveau flash de douleur l’assaillit. La douleur était de moins en moins violente à chaque fois et il put rester debout, se contentant de s’appuyer contre un mur.

           « Où est-il ? lança une voix avant même que les images n’apparaissent. »

Il vit une pièce grande et vide, des tapis épais en couvraient le sol, comme dans une salle d’entraînement. Ce qui le surprit, c’était qu’il voyait la salle par le haut, comme-ci il était perché au plafond. En dessous, plusieurs individus regardaient dans tous les sens, cherchant visiblement quelque chose ou quelqu’un. L’un d’eux était le trentenaire à lunettes qu’il avait vu dans sa précédente vision, Julien. Il reconnut le deuxième. Des cheveux châtain clairs coiffés avec une raie sur le côté, un teint très légèrement bronzé et un nez court. C’était son père, Gilles Chaldo. Il ne voyait pas le visage du dernier mais sentait qu’il était proche de lui, plus proche que de son père. Il était vêtu entièrement de noir et ses cheveux étaient dans le même ton, coupé court. Il tenait sa baguette à la main. Pierrick sentit chez lui une grande puissance contenu par un calme olympien. Contrairement aux deux autres, il ne tournait pas la tête frénétiquement.

« Tu as vu ? demanda Gilles Chaldo. Il a transplané ! C’est impossible ! Il n’a pas de baguette !

-Rien n’est impossible dans ce monde. »

La voix était froide et calme. Pierrick se demanda même un instant qui avait parlé mais il comprit vite qu’il s’agissait de l’homme en noir.

« La Magie a tout de même ses limites, reprit Gilles.

-Nous avons repoussé ces limites, dit le dénommé Julien. C’était le but de ce projet. Pour l’instant, le problème est de le retrouver. Où a-t-il bien pu aller ?

-Il n’est pas loin, dit l’homme en noir.

-Mais où ? questionna Gilles.

-Là. »

Sans même se retourner, l’homme en noir tendit sa baguette vers Pierrick. Un éclair fusa vers lui.

           Ce fut la fin de sa vision. Son esprit fourmilla encore de questions. Mais celle qui s’imposa à lui fut : qui était cet homme en noir ? Il s’était senti si proche de lui, que ça soit sur le plan physique ou émotionnel. En regardant son père, Gilles Chaldo, il n’avait pas ressenti une telle promiscuité émotive.

           Il commençait à identifier certains des protagonistes de ses visions. Il y avait son père Gilles Chaldo, et ce trentenaire prénommé Julien, son père dont il ignorait tout. Et cet homme en noir. D’autres individus étaient sûrement liés à ces scènes sorties d’une mémoire dont il ignorait la provenance. Etait-ce son passé ? Il s’était déjà posé cette question mais la réponse ne venait pas. Et maintenant il se demandait si son propre père ne lui avait pas caché son passé. Et alors, sa mère était-elle au courant ? Quel secret se cachait dans son passé ?

           Pierrick décida d’attendre la prochaine vision. Il transplana pour retourner à Paris. Le Département des Chasseurs était quasiment désert. Seules quelques personnes circulaient dans les couloirs pour rejoindre les salles d’interrogatoire et la salle des archives. Pierrick se rendit directement au bureau de Franck Vinol. L’agent de la section IRIA était penché sur un dossier. Il le referma quand entra le Corbeau. Pierrick referma la porte derrière lui. Franck l’interrogea du regard.

« Je n’ai rien trouvé, dit Pierrick. Les mangemorts se cachent totalement.

-Ça veut dire qu’ils pensent réussir, réfléchit Franck. Tu vas bien ?

-Oui. Pourquoi cette question ?

-Tu as l’air soucieux. Mais bon, je suppose que c’est normal vu la situation.

-Et de votre côté ?

-Nous n’avons pas encore identifié le ou les espions. J’essaye d’éliminer des suspects.

-Tu étudies les dossiers du personnel. As-tu pensé au personnel du Service des Usages Abusifs de la Magie ?

-Tu penses qu’il y aurait un espion parmi eux.

-Ce sont eux qui sont chargés de la Trace. Même si ils n’ont pas d’espion parmi eux, ils peuvent peut-être nous renseigner sur celui qui a recueilli l’information pour nous.

-Je vais aller les voir.

-Où est Jonas ?

-Il interroge un mangemort avec Nana.

-Très bien. Je vais retourner à mes recherches. »

           Quelqu’un frappa à la porte. Franck invita à entrer. La jeune femme qui ouvrit s’arrêta net en voyant le Corbeau dans le bureau. Chun entra et se jeta littéralement dans ses bras. Franck sourit à ce spectacle. Il se leva et sortit, prétextant qu’il devait aller vérifier une théorie.

           Chun ne voulait plus lâcher Pierrick. Il lui avait tellement manquée depuis deux jours. Bizarrement, Pierrick ne se montra pas aussi câlin que d’habitude, se contentant de lui caresser affectueusement le dos. Chun fit comme-ci elle ne le remarqua pas, se disant qu’il devait être concentré sur son enquête du moment. Elle resta longtemps contre son torse. Quand elle se recula pour pouvoir le regarder, elle prit peur durant un instant. Durant cet instant, elle crut revoir les ténèbres telles qu’elles habitaient son regard quelques mois auparavant. Malgré tout, elle se força à sourire.

« Tu m’as manqué, dit-elle.

-A moi aussi, fit-il, se forçant à sourire. »

Il ne voulait pas lui parler de ses étranges visions. Il ne voulait pas l’inquiéter davantage.

« Je ne peux pas rester, fit-il. J’ai une mission très importante.

-Hans Friedrich, dit-elle. J’ai lu dans le journal qu’il avait été enlevé.

-C’était faux mais c’est malheureusement devenu vrai. Le temps presse, excuse-moi. »

Il la repoussa doucement et transplana sans ajouter un mot.

           Chun était heureuse de l’avoir revu, même si peu de temps. Et pourtant, elle était triste. Elle ne savait pas pourquoi mais cette entrevue lui avait fait une drôle d’impression. C’était comme-ci le temps était revenu en arrière de quelques mois. D’ailleurs, il ne l’avait même pas embrassée.

           Chun ressortit du bureau de Franck. Elle ne savait pas quoi penser de cette entrevue. Et c’est avec ses doutes qu’elle se rendit vers la sortie. Mais une nausée lui mit le cœur au bord des lèvres et elle dut bifurquer par les toilettes. Elle avait sûrement attrapé un virus ou autre chose. Cela faisait déjà quelques temps qu’elle subissait ces nausées.

 

           Pierrick apparut dans son salon. Il n’était pas très heureux d’avoir laissé Chun en plan comme ça mais il ne savait plus du tout où il en était. Les visions qui assaillaient son esprit depuis la nuit dernière insinuaient le doute dans son esprit. Il commençait à douter de sa propre identité. Qui était-il ? Que lui avaient fait ces hommes ? Que lui avait fait son père ? Quelque soit la réponse, il se doutait qu’elle changerait toute sa vie. Aurait-il alors le droit de revenir auprès de Chun ?

           Le regard de Pierrick passa sur une boîte posée sur le linteau de la cheminée. Elle contenait les baguettes de sa mère et de son père. Il n’en avait pas besoin. Il gardait toujours sur lui, sous ses vêtements, près de son cœur, la baguette de Su. Malgré la présence de Chun dans sa vie, il n’arrivait toujours pas à se séparer de cette relique d’un passé marqué par le sang et les larmes. Il alla dans sa chambre. Chambre qui était devenue aussi celle de Chun depuis peu. Il tira une malle de sous le lit. Il l’ouvrit et en sortit une épée droite chinoise doté d’une poignée ne permettant la prise qu’à une seule main et d’une garde simple. Il la miniaturisa pour la garder dans la poche interne de son manteau.

 

           A Beauxbâtons, la journée passait sans problème majeur. La présence de Marion était, évidemment, l’attraction du jour. Son exploit de la matinée où elle s’était mise à flotter à dix mètres du sol sans aucun artefact, baguette, balai ou tapis, attiraient la curiosité de tous les élèves et même des professeurs. Heureusement, pour les uns, Laura veillait, et pour les autres, le professeur Tréveune avait rappelé que la jeune fille n’était pas un animal de foire. Les amis de Laura y participaient aussi. Ils ne posaient plus de questions sur Marion, se disant que si elle voulait en parler, elle le ferait d’elle-même.

           Malgré l’ambiance amicale, Laura observait attentivement Marion. Elle lui faisait vraiment une impression étrange. Il faudrait que son frère lui parle un peu plus d’elle. Après le déjeuner, les amis de Laura retournèrent en cours. Certains auraient bien aimé sécher pour rester avec elles mais seule Laura avait reçu l’autorisation de ne pas venir en cours. Laura le regretta un peu, pensant que, finalement, les cours lui auraient changée les idées. La présence de Marion lui rappelait sans cesse que Hans était en danger, qu’il souffrait sûrement en ce moment. Peut-être même qu’il était déjà… Elle repoussa cette idée. Il ne pouvait être mort. Elle le sentait au fond d’elle.

« Je ne pense pas qu’ils vont le tuer, dit Marion. »

Laura n’avait pourtant rien dit. Mais ce n’était pas la première fois que le fille-fantôme donnait l’impression de pouvoir lire dans les pensés.

« Ils ont besoin de lui, continua Marion. Il a des informations qu’ils veulent. Tant qu’il ne leurs donnera pas, il survivra.

-Il refusera d’aider les mangemorts, fit Laura. C’est un battant.

-Ce ne sera peut-être pas suffisant. Ils vont le torturer. »

Laura s’était refusée d’y penser jusqu’à maintenant. Elle ne voulait pas imaginer celui qu’elle aimait subir le Doloris. Mais la voix froide et fragile de Marion la ramena à la réalité violement. Des larmes inondaient ses yeux. Elle ne lui en voulait pas. Elle savait que Marion ne faisait pas exprès. Elle ignorait qu’il fallait mieux cacher certaines choses.

           « Laura, appela une voix. »

Laura et Marion se tournèrent vers l’homme chauve et pourtant jeune qui approchait. Laura se précipita pour se blottir dans les bras de son grand frère. Marion se contenta d’approcher. Elle voulait sourire à Thomas quand celui-ci lui sourit en berçant sa sœur. Mais elle ne savait plus comment on faisait pour sourire. Thomas lui fit signe de les suivre. Ils retournèrent à l’appartement de fonction du professeur. Une fois de plus, il fit du thé. Ce fait arracha un demi-sourire à Laura entre deux sanglots.

« Tu fais souvent du thé pour les jeunes filles tristes.

-Ma mère m’a toujours dit que le thé apaise les cœurs mélancoliques, dit Thomas.

-Je sais pour Hans. Elle me l’a dit. Il a été finalement enlevé, n’est-ce pas ? Il est entre les mains des mangemorts.

-Oui. Je suis désolé de te l’avoir caché. Je voulais juste te préserver.

-J’avais compris. Je t’en remercie. As-tu découvert quelque chose ?

-Je n’étais pas parti pour retrouver Hans. Les Chasseurs sont sur l’affaire.

-Mais, et ton rituel dragoniar ?

-Je peux essayer mais ce sera sûrement inutile. Les mangemorts se cachent dans un lieu que j’imagine protégé par des enchantements contre lesquels je ne peux rien. Comme le Fidelitas. Le mieux est de laisser faire les Chasseurs. Ils connaissent ce genre de choses et savent comment agir dans ce cas.

-Comme ton ami Pierrick Chaldo.

-J’ai confiance en lui. Même si…

-Quoi ?

-Je ne sais pas. Cette nuit, après l’enlèvement de Hans, j’ai vu une expression étrange au fond de ses yeux. Je n’y ai pas fait attention car j’ai pensé qu’il devait juste s’en vouloir d’avoir échoué dans son rôle. Mais quand j’y repense, c’était différent.

-Son esprit était agité, murmura Marion.

-Que veux-tu dire Marion ?

-Quelque chose essayait de sortir des tréfonds de sa mémoire. Quelque chose d’ancien qui fut voilé durant longtemps. La première fois que j’ai vu Corbeau, j’ai senti en lui comme un voile puissant cachant une partie de son passé à lui-même. Après le combat, ce voile était déchiré. Peu, mais assez pour permettre aux souvenirs de s’échapper. Cette déchirure va s’agrandir avec le temps je pense.

-Qu’est-ce qui pourrait être caché dans son passé ? se demanda Laura. Tu le connais depuis longtemps Thomas.

-Depuis qu’il est arrivé en Chine à l’âge de six ou sept ans. C’était un enfant assez solitaire et taciturne. Il n’avait pas le regard aussi sombre que quand je l’ai revu en mai dernier mais il avait un regard vide. Nous n’avons presque pas parlé durant un an, plus parce qu’il ne connaissait pas le mandarin et moi le français que par animosité. A cause de ça il restait souvent seul. La seule à venir jouer avec lui malgré la barrière de la langue fut Su, celle qui devint sa petite amie quelques années plus tard. Ma mère a proposé aux parents de Pierrick de lui apprendre les arts martiaux. Ainsi, nous devînmes amis. Il ne parlait jamais de son passé en France. Il disait qu’il ne s’en souvenait pas beaucoup. Je n’ai jamais pensé que ça soit à cause d’un sortilège. Mais qu’est-ce que sa vie jusqu’à ses six ans pouvait avoir à cacher ? Que sais-tu sur lui Marion ?

-Rien. Mes chefs m’ont juste dit de surveiller Pygargue, Yann Firvel. Ils m’ont décrit les gens qu’il était susceptible de rencontrer. Corbeau en faisait parti.

-Corbeau, Pygargue, c’est quoi tout ça ? questionna Laura.

-Des noms de code je pense, expliqua Thomas. N’est-ce pas Marion ?

-Ce sont les noms de code de Pierrick Chaldo et Yan Firvel pour le 13ème Bureau. Le service pour lequel je travaille.

-Pour lequel tu travaillais, corrigea Thomas. Sur quel autre individu as-tu été renseigné ?

-Grue Blanche, une certaine Chun Yang-Li. Et Dragon.

-Laisse-moi deviné, sourit Laura. Thomas.

-Oui.

-Au fait, c’est quoi au juste ce 13ème Bureau ?

-D’après ce que j’ai compris, c’est un service du gouvernement moldu chargé de surveiller le monde magique, répondit le professeur de défense. Marion était l’un de leurs agents. Ils recrutent des sorciers n’ayant pas été repérés à la naissance. Ils utilisent Marion depuis des années parce qu’elle n’a jamais appris à se servir de ses pouvoirs comme tout autre sorcier et que son trop plein de magie a modifié son corps et a choisi de se manifester en lui donnant les capacités que tu as pu voir. D’autres sont dans ce cas. Mais des dispositions ont déjà été prises.

-Que veux-tu dire ? demanda Marion.

-Firvel va récupérer les dossiers des sorciers repérés par le 13ème Bureau. Ainsi, le Ministère pourra faire son travail. Par contre pour ceux qui sont déjà des agents actifs ou en entraînement, je ne pense pas qu’on puisse y faire grand-chose.

-Firvel va devenir un traître. Ils vont le rechercher et le tuer.

-Il est assez malin pour ne pas se laisser faire. Je lui fais confiance pour disparaître après cette affaire. Maintenant, j’aimerai en savoir plus sur toi Marion. Parle-nous de toi. »

 

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