Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 88 : V A la recherche du Corbeau

2626 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 19:01

           CHAPITRE V : A LA RECHERCHE DU CORBEAU

 

           Chun, Jonas et Franck restèrent silencieux. Même en ayant l’imagination la plus folle, ils n’auraient jamais imaginé une telle vérité. Les larmes de Chun tombaient silencieusement sur le sol.

« Vous vous êtes comportés comme des mages noirs, dit Jonas. Vous qui aviez juré de les combattre.

-Ne nous jugez pas Marus, fit Maldieu. Nous avons fait ce que nous pensions être le mieux pour tous.

-N’est-ce pas ce que Grindelwald disait ? « Pour le plus grand bien » ? Et on a vu à quelles extrémités cela l’a mené. Vous êtes des mages noirs. Je ne peux pas continuer avec vous. »

Jonas se leva et lança sa carte de chasseur sur le bureau de Maldieu. Franck l’imita. Les deux hommes aidèrent Chun à se relever.

« Vous comptez le retrouver ? demanda Maldieu. Je ne vous le conseille pas. Il n’est plus Pierrick Chaldo. Il est Gladius.

-Nous n’avons plus d’ordre à recevoir de vous, dit Jonas sans se retourner.

-Ce n’était pas un ordre, c’était un conseil.

-Je n’écoute pas les mages noirs. »

           La porte claqua. François Garde se tourna vers Charles Maldieu.

« Ils ont raison, dit-il. Nous avons agi comme des mangemorts.

-Le feu par le feu, fit Maldieu. Ne me dis pas que tu n’as pas pensé comme ça à l’époque.

-Je l’admets. Et je suis comme toi, si c’était à refaire, je le referai. Avec les mêmes doutes et hésitations, mais je le referais. Car je t’ai toujours suivi. Tu as toujours eu raison. Sauf cette fois-ci. Mais comment savoir que c’est une erreur si on ne la commet pas.

-Ferais-tu une autre erreur avec moi aujourd’hui ?

-Pourquoi pas ? Qu’as-tu en tête ?

-Quelque chose ne colle pas dans toute cette histoire. Malgéus n’aurait jamais dû pouvoir nous infiltrer comme il l’a fait. Quelqu’un l’a forcément aidé de l’intérieur. Peut-être même à son insu. Et puis, mes hommes ont travaillé des heures à l’identification des corps. Ça n’a pas été facile avec ceux qui ont été brûlés par le Feudémon. Mais il semble que plusieurs se soient enfuis. Nous nous en occuperons plus tard. Il y a juste l’absence d’un qui me gêne, car je ne pense pas qu’il fasse parti des non-identifiés.

-Qui ?

-Kylian Névris.

-Névris, cracha François. Tu veux dire qu’il jouait double-jeu avec Malgéus. Mais pour qui ?

-Pour quelqu’un que nous n’avons jamais pu clairement identifier malgré de gros doutes.

-Janus.

-Je pense qu’il a tout orchestré. Discrètement comme à son habitude. Comment Malgéus a-t-il pu identifier les descendants des druides germains ? Janus a dû lui faire parvenir des infos par l’intermédiaire d’un de ses hommes discrètement infiltré parmi les mangemorts. Un homme dont Malgéus avait entière confiance.

-Névris. Comment as-tu pensé à ça ?

-J’observe ce qui se passe depuis l’affaire du Grimoire de Malchauzen. L’absence de ce livre m’avait déjà surpris. J’ai encore quelques contact au Département Secret, il y était encore la veille de l’attaque. Malgéus n’est pas du genre à faire ce genre d’erreur. Je pense que Janus a récupéré ce livre.

-Ce qui veut dire qu’il a un homme au Département Secret.

-Ou alors, qu’il a lui-même accès au Département Secret.

-Janus serait parmi nous. La plupart des gens pensent qu’il n’est qu’une légende urbaine. Il n’y a que quelques chasseurs de la vieille époque qui croient en son existence. Et même nous, nous pensions qu’il avait disparu. Et maintenant, tout mène à lui. Depuis quand n’avions-nous pas autant de doute sur son existence ?

-Trente-sept ans. Depuis trente-sept ans il se tient tranquille. Et malgré tout, nous savions qu’il était là, jamais loin. Et je dirai même que sa présence, aussi diffuse soit-elle, s’est effacée totalement il y a environ quinze ans.

-Je sais à quoi tu penses. Ou plutôt à qui.

-N’est-ce pas probable ? Il ferait un Janus idéal.

-Et maintenant ?

-Tu es le seul en qui j’ai entièrement confiance. Veux-tu bien m’aider ?

-Ce sera dangereux ?

-Bien sûr.

-Je suis avec toi. Je suis déjà mort une fois, la prochaine fois sera la dernière. Autant mourir en combattant une dernière fois. »

 

           Jonas et Franck ramenèrent Chun chez Emilie. Elle n’avait plus vraiment conscience d’elle-même. Dans sa tête, les paroles de Maldieu et de Garde tournoyaient tel un ouragan. On aurait dit un mauvais roman fantastique, sorte de Frankenstein transposé chez les Sorciers. Cela paraissait irréel. Et pourtant, tout était vrai. Elle le savait. Elle le sentait. Pierrick n’était pas né naturellement. Plus précisément, il n’avait pas été procréé. Il n’avait ni père ni mère à proprement parlé. Chun avait gardé la photo représentant les Gardiens de l’Epée et leur création. Son regard s’attarda sur Pierrick Corvus. Qui était-il ? Comment était-il ? Est-ce que Pierrick lui ressemblait par le caractère autant que par le physique ? En se posant cette question, elle pensait à son Pierrick. Pas à celui qu’elle avait vu au Ministère la dernière fois. A ce moment là, c’était déjà Gladius. Pierrick, s’il avait encore conscience de cette identité, devait se demander s’il était encore humain, s’il avait encore le droit de vivre comme un humain.

           Chun ne fit pas attention à la brûlure du café sur sa langue. Elle n’écoutait pas la discussion qui se déroulait autour d’elle. Elle ne sentit qu’à peine le bras de Jacques l’étreindre paternellement. Elle n’écoutait pas mais se doutait que Jonas et Franck ne parleraient pas ouvertement des origines de Pierrick.

           Elle sortit de sa torpeur en entendant Jacques s’écrier :

« Vous ne voulez rien nous dire !

-Nous ne pouvons pas, répondit Jonas. Ce n’est pas à nous de choisir.

-Mais…

-Jacques, souffla Chun pour l’arrêter. Ils ont raison. Qu’allez-vous faire ?

-Nous t’avons promis de retrouver Pierrick, c’est ce que nous ferons. Nous allons le chercher et te le ramener.

-Comment allez-vous faire ? Vous n’êtes plus des chasseurs.

-Il y a un certains nombre de gens à qui je n’ai plus besoin de présenter ma carte pour qu’ils répondent à mes questions. Et puis, ce n’est pas ça qui va nous arrêter.

-N’oublie pas qu’Eliane est enceinte.

-Tout comme toi. Tu veux que cet enfant connaisse son père, n’est-ce pas ? Moi aussi.

-Si on y allait, fit Franck en se levant. Plus le temps passe, plus il s’éloigne. Nous le retrouverons et te le ramènerons, nous te le promettons. »

           Sur ce, les deux anciens chasseurs disparurent en un claquement de fouet synchrone. Jacques eut un léger sourire.

« Ce sont des gars biens, dit-il.

-Je sais, fit Chun. Et maintenant, qu’est-ce que je vais faire moi ?

-Toi tu attends et tu te reposes, lança Emilie. Tu as passé une mauvaise nuit et j’ai l’impression que les révélations de la matinée n’ont pas été joyeuses non-plus. En attendant qu’ils te ramènent mon neveu, tu vas dormir.

-A vos ordres madame, parvint à sourire la jeune femme.

-Enfin un sourire ! Un peu crispé mais ça ira. Et puis, c’est mademoiselle. Je ne suis pas si vieille tout de même. »

           Chun monta se coucher. Malgré sa volonté de ne penser à rien durant quelques heures, ses pensés repartirent irrémédiablement vers Pierrick. Sa main vint se poser sur la peau tendre de son ventre. Une vie y grandissait. Au vu des révélations des Gardiens de l’Epée, elle aurait dû en avoir peur. Quelle créature pouvait germer dans ses entrailles ? Mais au contraire, elle se sentait rassuré. C’était la preuve que Pierrick était humain.

 

           Thomas avait envoyé son message depuis plusieurs heures maintenant. Il attendait la réponse en haut d’une des tours du palais de Beauxbâtons. Il avait choisi la plus haute. Il savait qu’aucun élève ne venait ici. Cette tour ne disposait que de vieilles salles de cour inutilisées depuis des décennies. Le soleil restait chaud en ce milieu de septembre, mais plus autant qu’en août ou juillet.

           « Belle journée, n’est-ce pas ? »

Thomas se retourna vivement. L’homme qu’il avait devant lui avait un physique passe-partout, cheveux châtain et yeux marron. Il était habillé d’un grand manteau sombre. Comme à son habitude, Yann Firvel souriait. Mais son sourire était différent aujourd’hui.

« Tu en as mis un temps, dit Thomas.

-Désolé, j’avais du courrier à envoyer.

-Les dossiers des non-détectés ?

-Ils sont déjà dans le bureau du professeur Tréveune. Sauf le mien que je garde, et celui-ci. »

De sous son manteau, Firvel sortit une chemise cartonnée de couleur bleue. Il la tendit à Thomas. Une étiquette indiquait le nom de l’individu traité dans ce feuillet : Marion Locca, nom de code White Ghost.

« Je me suis dit que tu voudrais le voir, dit Firvel.

-Je verrai ça plus tard, fit Thomas.

-Comment va-t-elle ?

-Tu t’inquiètes pour elle maintenant ?

-Je ne voudrais pas qu’elle reprenne ses activités passées.

-Elle va bien, Laura s’occupe d’elle. Dés que cette affaire est terminée, je la reprendrais avec moi car Laura va avoir beaucoup à faire prochainement.

-J’ai entendu parler de l’action de l’autre soir. Malgéus et son mouvement éliminé, les otages sauvés sauf une. Un bon bilan au regard de la complexité de l’affaire. Tu y as participé ?

-Je suis juste allé aider les otages.

-C’est déjà beaucoup pour quelqu’un dont ce n’est pas le métier. Hans Friedrich va bien ?

-Physiquement, plus ou moins. Moralement, la présence de Laura va être déterminante. Mais il va avoir de quoi s’occuper aussi. Il va adopter la petite Frida Tiller.

-Je vois. J’avais senti que c’était un gars bien. Et Pierrick ?

-C’est justement de lui que je voulais te parler surtout. Il a disparu. Il a éliminé à lui seul les mangemorts et Malgéus. Je n’y suis pas retourné après, mais je sais que les Chasseurs le cherchent.

-Je vois. As-tu demandé des explications à Charles Maldieu ou François Garde ?

-Pourquoi ?

-J’ai volé un dossier au 13ème Bureau en même temps que les autres. Le dossier que j’avais récupéré lors de l’affaire Hargus. Il n’est qu’en parti révélé mais ce qui en est lisible est réellement effrayant.

-Que veux-tu dire ? De quoi ça parle ?

-De Pierrick. De ses origines. De ce qu’ils lui ont fait dans sa jeunesse, avant qu’il ne vienne en Chine et que tu ne le rencontres.

-Quoi ?

-Il n’a pas été procréé de manière naturelle. Ils l’ont créé. Pierrick est un double d’un chasseur s’appelant Pierrick Corvus. Si je me souviens bien, il a été le plus jeune chef de la section S. Un chasseur vraiment extraordinaire. Mais il est mort il y a quinze ans. Ce fait rejoint d’autres morts mystérieuses. Celle de Julien Faros et de sa collègue Mélina Sarla du Département Secret. Quoique, je ne suis pas sûre que la mort de Mélina Sarla ait quelque chose à voir avec ça. Elle a été assassinée plusieurs jours après dans une ruelle près du boulevard Merlin. Mais elle travaillait avec Julien Faros.

-Faros ?

-Le fils du professeur Antoine Faros, professeur d’Arithmancie et ancien directeur de Beauxbâtons. Il fut l’instigateur du projet Gladius. Gladius, c’est ainsi qu’ils ont appelé leur création. Une copie améliorée de Pierrick Corvus. La porteuse est morte en mettant cet être au monde. Durant sa grossesse, elle a subi des sortilèges, des rituels et avalé de multiples potions. Tout ça pour améliorer la puissance de cette chose.

-Tais-toi ! cria Thomas. C’est de Pierrick que tu parles ! Ce n’est pas une chose, une créature ou je ne sais quoi ! C’est un être humain ! Peu importe comment il est venu au monde ! Peu importe dans quel but ! Il est là et est humain !

-Je sais. Je voulais juste dire que ce qu’ils ont créé n’était pas Pierrick. Toi et moi nous connaissons Pierrick. Il n’est plus ce Gladius qu’ils avaient créé. Il est Pierrick Chaldo. Tout simplement.

-Et les Chaldo ? Etaient-ils au courant pour cet enfant qu’ils ont adopté donc ?

-Ils l’étaient. Ils ont tout les deux participé au projet. J’ignore avec quel rôle. Ils étaient tout les deux de la section IRIA à l’époque. »

           Thomas resta silencieux un moment. Maintenant il savait pour son ami. Il savait qui il avait été par le passé. Mais maintenant, tout à changé. Pierrick a des amis, une femme qu’il aime et qui l’aime. Il devait revenir.

« Nous devons le retrouver, répéta Thomas. Je vais avoir besoin de ton aide.

-Tu l’as. Il semble que le 13ème Bureau ne se doute pas que je suis l’auteur du vol. Ils sont tous en alerte mais ils m’ont ordonné de rester sur ma mission principale.

-Et Marion ?

-Ils ne m’en ont pas parlé. Mais je te l’ai dit, elle a l’habitude de ne pas donner de nouvelles durant un moment. Quand ils remarqueront qu’elle ne travaille plus pour eux, ce sera pour moi le moment de disparaître. Car ils feront le rapprochement. Je voulais chercher un moyen de détruire le 13ème Bureau définitivement avant d’être découvert mais tant pis, Pierrick passe d’abord.

-Le problème, c’est que je ne sais pas par où commencer.

-Et si on rejoignait Jonas et Franck ? Je pense qu’ils sont dans le même cas que nous, ils doivent chercher Pierrick.

-C’est sûr. »

 

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